menu

Accueil > Actualités > Retraite > 2022 > La protection sociale à l’heure des choix!

La protection sociale à l’heure des choix!

Prévoyance 10 juin 2022

3 questions à Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Epargne

En passant directement de la crise sanitaire à la crise ukrainienne, n’avons-nous pas oublié l’ardente nécessité de la modernisation du système de protection sociale ?

Avant tout, malgré ses faiblesses, sa complexité, notre système de protection sociale a réussi à endiguer les différentes vagues. Les hôpitaux ont pu gérer des dizaines de milliers de patients sans avoir besoin de recourir à l’horrible sélection des patients. Durant l’épidémie, le taux de pauvreté est resté stable, le pouvoir d’achat des ménages a même réussi à augmenter malgré le recul du PIB de plus de 8 points. En quelques mois, la quasi-totalité des Français ont été vaccinés, ce qui a nécessité des efforts logistiques de premier ordre.

La crise a révélé évidemment certains dysfonctionnements dont certains étaient connus depuis de nombreuses années. La faible agilité du système a été patente au début de l’épidémie avec la difficile coordination des différents acteurs de la santé. La question n’était pas tant celle de l’insuffisance de lits que de la possibilité de faire travailler ensemble le secteur privé et le secteur public. Au fil des vagues, des progrès ont été réalisés. Face à la soudaineté de la crise, des pénuries sur certains équipements ou produits se sont fait jour. Il est difficile de prévoir l’imprévisible. La France, avec ses partenaires européens, a réussi, après les errements des premières semaines, à faire face et à réduire progressivement la létalité de l’épidémie. Le problème des urgences, criant avant la crise, l’est encore plus aujourd’hui avec des équipes qui sont exténuées. Faute de personnel, des services doivent être fermés. Les « urgences » sont devenues, avec l’arrêt des gardes des médecins généralistes, la voie de passage obligée pour de nombreuses familles dès la moindre alerte de santé. Ils ne sont plus un service d’urgences dans le sens ancien du terme. Ce service est désormais amené à gérer en urgence toutes les pathologies. Il en résulte, sans surprise, un engorgement.

Si de nombreuses critiques ont été exprimées depuis le début de l’épidémie, force est de constater que la seule proposition qui semble se dégager repose sur l’augmentation des dépenses publiques et la création de nouveaux postes de médecins, d’infirmiers ou d’aides-soignants. La réponse budgétaire est la plus simple à exprimer car elle ne suppose pas, en soi, de réformes. La France est un des pays européens qui consacre le plus pour la santé, environ 12 % du PIB. Le nombre de médecins y est un des plus élevés d’Europe en prenant naturellement en compte la taille de la population. Il en est de même pour les personnes travaillant dans les hôpitaux. Une rationalisation s’impose avec la mise en place d’un service de gestion des problèmes de santé du quotidien afin de mettre un terme à la saturation des urgences. La création de maisons de santé, la création d’une équipe autour du généraliste avec l’appui d’aides-soignants et d’infirmiers constituent des solutions à développer. Il faut libéraliser un système qui reste empreint de verticalité quasi militaire. Il est logique que les pharmaciens puissent désormais vacciner. Il faut élargir les compétences des infirmiers et des aides-soignants. Les médecins doivent être des chefs d’équipe et jouer pleinement leur rôle dans le diagnostic et la recherche de solutions. Les médecins généralistes devraient avoir accès à des moyens techniques facilitant leurs missions.

Cette rationalisation est indispensable car le vieillissement de la population s’accélèrera dans les prochaines années et les besoins de soins ne feront qu’augmenter. La question des déserts médicaux devra être traitée. Aujourd’hui, les pharmaciens n’ont pas une totale liberté d’installation. Il faudrait peut-être lancer une réflexion pour les médecins. Avec l’augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes, il faudra tout à la fois plus de professionnels de santé et des innovations pour faciliter le maintien de ces personnes à domicile. Le développement du contrôle à distance de la santé des patients constitue une des voies à promouvoir tout comme la téléconsultation. Il faudrait également travailler sur les modes de rémunération des professionnels de la santé qui aujourd’hui sont dans une logique d’actes plus que de prévention et de suivi.

Avec un déficit de 2,6 milliards d’euros pour le régime général, y a-t-il urgence à réformer le système d’assurance retraite en France ?

2,6 milliards d’euros, aujourd’hui et une dizaine d’ici 2030. Au-delà des déficits, la question du niveau des pensions et celle de la répartition des charges entre les générations ne peuvent pas être éludées. La nécessité de revaloriser les petites pensions, celles inférieures à 1 200 euros apparaît légitime. Il est également admis que le pouvoir d’achat des pensions doit être maintenu. Or, toute revalorisation d’un point des pensions coûte 3,4 milliards d’euros sur un an. La France est le pays qui, avec l’Italie, consacre le plus de sa richesse nationale à la retraite, environ 14 % du PIB. Cet effort est essentiellement supporté par les actifs. Une augmentation des dépenses de retraite renchérirait le coût du travail et pèserait tout à la fois sur la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat des salariés.

Les Français sont attachés à un départ à la retraite autour de 62 ans. Ils sont majoritairement hostiles au report à 64 ou à 65 ans. À l’occasion des différentes enquêtes menées par le Cercle de l’Épargne, ils indiquent, par ailleurs, qu’ils sont inquiets pour l’évolution du montant de leurs pensions. Ils soulignent également qu’ils ne sont pas opposés au principe d’une réforme. Faut-il alors jouer sur l’allongement de la durée de cotisation qui est une mesure qui touche moins ceux qui ont travaillé tôt ? Faut-il aller vers un système en compte notionnel qui permet de prendre en compte l’espérance de vie pour le calcul des pensions ? Il serait imaginable de s’affranchir de l’âge légal de départ à la retraite sous réserve que les assurés acceptent, le cas échéant, des pensions réduites.

Reportée de quinquennat en quinquennat, la réforme de la dépendance sera-t-elle enfin adoptée ?

Il y a dix ou quinze ans, la dépendance était un problème de moyen et long terme. Entre-temps, c’est devenu une question de court terme. Les premières générations de baby-boomers atteignent les 80 ans, âge à partir duquel les soucis de santé peuvent se multiplier. Tous les seniors n’ont pas vocation, fort heureusement, à devenir dépendants mais ce risque augmente avec l’âge. La France compte actuellement deux millions de personnes dépendantes. D’ici le milieu du siècle, leur nombre sera multiplié par deux. Une telle augmentation suppose une progression du personnel en charge des personnes âgées. Elle suppose la création de maisons d’accueil de jour et d’EHPAD. La dépendance est tout à la fois une question d’hébergement et de santé. Souvent atteintes de multipathologies, les personnes dépendantes doivent accéder à de multiples soins de qualité. La préférence légitime donnée au maintien à domicile exige la mise en place d’une logistique importante. La possibilité de bénéficier d’infirmiers et d’aides-soignants qualifiés sept jours sur sept constitue un véritable défi à organiser. La dépendance suppose des moyens budgétaires conséquents. Faut-il augmenter les cotisations sociales pesant sur les actifs ou demander aux retraités d’assumer, en partie, ce risque ? Les enquêtes du Cercle de l’Épargne indiquent que les Français penchent pour un financement public sachant que celui-ci pourrait être limité. Lors du premier mandat d’Emmanuel Macron, le Parlement a décidé la création d’une 5e branche de la Sécurité sociale dédiée à la dépendance. Cette branche a reçu certaines compétences et moyens de financement issus des autres branches. Il faut désormais clarifier les responsabilités entre les différents acteurs concernés…

A lire dans le Mensuel du Cercle de l’Epargne n°98 de juin 2022

Partagez cet article

Suivez le cercle

recevez notre newsletter

le cercle en réseau

contact@cercledelepargne.com