menu

Accueil > Actualités > Epargne > 2018 > Le patrimoine à la recherche du bon régime

Le patrimoine à la recherche du bon régime

Epargne 12 février 2018

Les Français entretiennent une relation complexe avec le patrimoine. Ils sont prompts à critiquer sa valorisation, sa concentration mais les Français sont des éternels épargnants et l’acquisition d’un logement constitue une voie de passage obligée.

Depuis plusieurs décennies, les pouvoirs essaient de peser sur la composition du patrimoine des ménages afin de favoriser les placements « actions ». Des SICAV Monory créés en 1978 à la suppression de l’ISF sur les valeurs mobilières en passant par l’instauration du Plan d’Épargne en Actions ou celle des fonds « eurocroissance », les dispositifs censés modifier la composition du patrimoine des ménages ne manquent pas. La question de la fiscalité du capital est un sujet éminemment sensible. Ainsi, en cinq ans, la France est passée du principe de l’alignement de l’imposition des revenus du capital sur celle du travail au Prélèvement Forfaitaire Unique.

Face à ces rapides et profonds changements, le Conseil des Prélèvements Obligatoires qui est rattaché à la Cour des Comptes et France Stratégie, l’ancien Commissariat Général au Plan, viennent de publier des rapports qui concernent le patrimoine des ménages.

France Stratégie a étudié la transmission du patrimoine. Avec l’accumulation et l’appréciation des actifs immobiliers et mobiliers, le montant des héritages augmente. Par ailleurs, le nombre d’héritiers est en progression. En revanche, l’âge moyen des héritiers dépasse désormais 52 ans quand il était de 45 ans dans les années 50. Ce report de l’âge de l’héritage est une des preuves de l’augmentation de l’espérance de vie. Par ailleurs, dans les prochaines années, le nombre de transmission augmentera en raison du vieillissement de la population. Le montant des transmissions sera également en hausse en raison de la forte valorisation des patrimoines que nous connaissons depuis une trentaine d’années. Les questions relatives à la transmission, leurs modalités, la fiscalité des successions et des donations, seront un enjeu majeur pour la société française.

Selon une enquête réalisée par le CRÉDOC pour France Stratégie, 33 % des Français ont bénéficié au moins une fois dans leur vie d’une transmission de patrimoine supérieur à 5 000 euros. Un sur deux pense qu’il pourra en bénéficier à l’avenir. Les personnes les plus âgées sont en plus grand nombre à considérer qu’ils pourront profiter d’un héritage. Néanmoins, les personnes nées dans les années 1930 ou avant, c’est-à-dire aujourd’hui proches de 80 ans ou ayant dépassé cet âge, sont moins nombreuses en proportion à déclarer avoir bénéficié d’une transmission que les personnes nées dans les années 1940 et 1950 (40 % contre plus de 50 %). Ce résultat est lié à la modicité des patrimoines accumulés par les parents de cette catégorie de population.

70 % des personnes interrogées pensent transmettre dans le futur un patrimoine supérieur ou égal à 5 000 euros. Ce ratio augmente sans surprise avec le niveau de revenu. Parmi les 20 % de ménages aux plus hauts revenus, neuf personnes sur dix pensent transmettre du patrimoine, quand cette proportion reste minoritaire — un peu moins d’une sur deux — parmi les personnes appartenant aux ménages aux plus bas revenus.

Les Français restent assez hostiles au niveau actuel de taxation du patrimoine. Cette opposition est en augmentation depuis 2011. L’aversion pour la taxation est particulièrement marquée s’agissant des donations et des héritages. Elle est moins forte pour les revenus et les plus-values du patrimoine au sens large. Ce rejet est général. Il concerne même, selon le CRÉDOC, des personnes ayant de faibles montants de patrimoine et qui sont, de ce fait pas ou peu imposées. L’idée que le capital transmis ou à transmettre puisse être imposé est assez mal vécue.

Dans les faits, les Français connaissent peu les règles en matière de fiscalité applicable aux transmissions. Une majorité des ménages surestiment le poids réel de la taxation et ne connaissent pas l’existence des abattements. En revanche, l’idée que le barème soit progressif et qu’il tienne compte des liens de parenté est admise. Assez étrangement, une majorité des sondés est hostile à l’exonération dont bénéficient les transmissions au profit des associations d’utilité publique.

Comme l’avait indiqué l’enquête Cercle de l’Épargne/Amphitéa de 2017 « Les Français, l’épargne et la retraite », les Français sont favorables à une amélioration de la donation avec une diminution des droits qui pourrait intégrer l’âge du donateur ; plus la transmission serait réalisée jeune, moins elle serait taxée

Les diplômés de l’enseignement supérieur, les agriculteurs, les chefs d’entreprise et les commerçants ainsi que les cadres et les catégories intellectuelles supérieures sont les plus favorables à une fiscalité plus faible pour les donations. Les personnes âgées comptent parmi les plus favorables à la prise en compte de l’âge de l’héritier.

Le Conseil des Prélèvements Obligatoires a justement étudié les règles fiscales applicables au patrimoine. Selon cet organisme, fin 2015, le capital net des ménages représentait près de 11 000 milliards d’euros contre 5 000 milliards d’euros en 2000, soit une augmentation de près de 71 % hors inflation. En 15 ans, le patrimoine a progressé plus vite que les revenus des ménages, qui n’ont augmenté que de 17 %. La part du dernier décile des ménages dans le patrimoine total est de 55,3 % en 2014, contre 50,0 % en 1984, soit une hausse de 5,3 points en 30 ans, moindre cependant que dans d’autres pays de développement comparable.

Le patrimoine des ménages, net de leurs dettes, est ainsi passé de 5,6 années de revenu disponible en 2000 à 8,3 années en 2015. Les prélèvements sur le capital des ménages, qui s’élèvent en France à 10,8 % du PIB.

Jusqu’aux dernières modifications instituées par la loi de finances pour 2018, les ménages devaient acquitter six impôts principaux, prélevés tant sur la détention de patrimoine – taxe foncière et impôt de solidarité sur la fortune –, sur la perception des revenus soumis à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux – que sur sa transmission, à titre gratuit (droits de succession et de donation) ou onéreux (cessions).

Les prélèvements portant sur les revenus du capital représentent 40 % du total, contre 31 % pour la détention et 29 % pour la transmission. Entre 2006 et 2016, la part des prélèvements sur les revenus du capital et la transmission a diminué, au profit de celle des prélèvements sur la détention. Les deux tiers des prélèvements sur le capital des ménages portent sur l’assiette immobilière. Près d’un quart des prélèvements sur le capital des ménages finance la Sécurité Sociale. Les trois quarts restants servent à financer à parts à peu près égales les dépenses de l’État et celles des collectivités territoriales. La part affectée aux collectivités territoriales a augmenté depuis 10 ans, principalement sous l’effet de la hausse de la taxe foncière. Les dépenses fiscales (les fameuses niches) sont importantes en France. Elles représentent un manque à gagner de 21 milliards d’euros pour les finances publiques.

Selon le Conseil des Prélèvements Obligatoires, la France est l’un des États de l’Union dans lequel les prélèvements sur le capital sont les plus élevés, de 2,4 points de PIB au-dessus de la moyenne européenne (8,4 %). Pour les seuls ménages, les prélèvements sur le stock de capital s’élèvent à 4,3 % du PIB (moitié plus que la moyenne européenne à 2,8 %). Ceux sur les revenus du patrimoine atteignent 1,8 % du PIB (la moyenne de l’UE est à 1,1 %). Les prélèvements sur le capital, des ménages et des entreprises, représentent en France 23,5 % des prélèvements, contre 21,6 % pour la moyenne européenne.

Le Conseil des Prélèvements Obligatoires juge les prélèvements sur le patrimoine des ménages peu efficient et peu lisible. Il demande plus de prévisibilité et une meilleure prise en compte des intérêts économiques. Le système en vigueur est accusé de favoriser la concentration et la stérilisation du patrimoine. Les propositions qu’il formule dans son rapport visent à accroître la fluidité du patrimoine, à réduire les inégalités de traitement et à contribuer à réorienter l’épargne vers des placements longs. Il souhaite une refonte de la fiscalité des plus-values immobilières en supprimant le système d’abattement qui est fonction de la durée de détention. Le dispositif est jugé contre-productif car il favorise la rétention des biens. Le Conseil propose que les plus-values soient calculées en prenant en compte l’érosion liée à l’inflation.

Le Conseil des Prélèvements Obligatoires suggère d’unifier la taxation des revenus fonciers en supprimant le dispositif de loueur en meublé non professionnel. Sans surprise, il préconise la révision des valeurs locatives qui n’a pas été effectuée depuis les années 70. Pour les droits de mutation à titre onéreux, le Conseil suggère leur allégement pour diminuer le coût des transactions, de les rendre progressifs voire de les associer à la taxe foncière. Le Conseil réclame également une diminution des plafonds de l’épargne réglementée. L’objectif serait de faciliter la réorientation de l’épargne des ménages vers des placements jugés plus productifs et de réduire le coût de la dépense fiscale afférente à ces produits (1,4 Md€ en 2016, IR et PS).

Pour l’assurance-vie, le Conseil propose de supprimer les abattements de 4 600 euros pour un célibataire et 9 200 euros pour un couple), de supprimer le seuil de 150 000 euros d’encours à partir duquel le prélèvement forfaitaire unique de 30 % s’applique en lieu et place du taux de 24,7 %. Il demande également que les taux d’imposition prennent en compte non plus la date de souscription des contrats mais la celle des versements. Avec l’application du PFU, cette modification serait en l’état sans effet. Dans un souci d’harmonisation et afin d’encourager l’épargne longue, la durée du PEA serait portée de 5 à 8 ans.

Du fait que les ménages héritent de plus en plus tard, après 50 ans, soit huit ans de plus qu’en 1980, le Conseil des Prélèvements Obligatoires propose d’encourager les donations en rapprochant les abattements de ceux en vigueur pour les successions. En contrepartie, il suggère d’augmenter les droits de succession à titre gratuit et de limiter les avantages associés en matière de succession à l’assurance-vie.

Les propositions du Conseil des Prélèvements Obligatoires sont purement indicatives et n’ont pas vocation à être traduites, dans leur totalité, au sein de la législation. Mais, bien souvent, elles inspirent à moyen et long terme l’exécutif. Elles contribuent à infléchir. Dans les prochaines années, il est fort probable que les lignes des droits de succession soient modifiées.

 

A lire dans le Mensuel de février 

Partagez cet article

Suivez le cercle

recevez notre newsletter

le cercle en réseau

contact@cercledelepargne.com