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L’action Française des Jeux fera-t-elle des heureuses et des heureux ?

Epargne 6 novembre 2019

Le Gouvernement a décidé de privatiser la Française des Jeux qui est le deuxième opérateur de jeux en Europe et le quatrième au niveau mondial. La Française des Jeux peut compter sur 25 millions de joueurs. Les mises de jeu ont atteint 15,8 milliards d’euros en 2018. 10,7 milliards d’euros ont été redistribués aux joueurs. L’entreprise a contribué sous formes de taxes à hauteur de 3,3 milliards d’euros au budget de l’État. Ses bénéfices ont atteint en 2018 170 millions d’euros. 138 millions ont été versés sous forme de dividendes dont 100 millions à l’État. La Française bénéficie d’un champ d’activité à priori protégé et réglementé. Elle a reçu une licence pour exercer sa mission.

La privatisation de la Française des Jeux est un symbole. Société de services aux bénéfices récurrents, cette dernière a la possibilité d’attirer un grand nombre d’actionnaires. Elle intervient au moment où les taux bas obèrent le rendement des fonds euros et des livrets d’épargne.

Une entreprise atypique

La Française des Jeux est dans la série de privatisation qu’a connue la France depuis 1986 très atypique. Son activité est très réglementée et bénéficie d’un monopole.

La Française des Jeux partage avec le PMU le monopole des jeux d’argent en France. Sa première activité est constituée par les jeux de loterie, la seconde étant les paris sportifs dont les mises ont atteint en 2018 3,04 milliards d’euros, en hausse de 21 % par rapport à 2017 grâce à la Coupe du Monde. Les jeux de loterie ont engendré 12,8 milliards d’euros de mise. Les jeux n’échappent pas au processus de digitalisation. Les mises collectées en ligne ont représenté, en 2018, 2,4 milliards d’euros, soit 15 % des mises. Les paris sportifs  connaissent la plus forte progression en particulier pour les mises en ligne avec une augmentation de 60 % en 2018. L’effet « coupe du monde » explique ce bond. La Française des jeux peut s’appuyer sur un réseau de 30 000 détaillants qui sont présents sur l’ensemble du territoire.

Une longue histoire

La Française des Jeux a succédé, en 1976, à la  Loterie nationale française, créée par décret de l’article 136 de la loi de finances du 22 juillet 1933 afin de venir en aide aux invalides de guerre, aux anciens combattants et aux victimes de calamités agricoles. Cette dernière est l’héritière de la Loterie royale de France gérée par l’Administration générale des loteries.

Lors d’une campagne en Italie, François 1er découvre la loterie comme moyen de financement de l’État. Il décide d’instituer cette pratique en France. La première loterie autorisée par le Roi date de 1539. La loterie se nomme alors « blanque », de l’italien « blanca  » (blanche) d’après la couleur des billets où seuls ceux en noir, parmi les billets blancs distribués, sont gagnants. La blanque connaît peu de succès. Elle est interdite durant deux siècles ou simplement tolérées dans le meilleur des cas. Son retour intervient à la fin du XVIIe siècle avec la Loterie de l’Hôtel de Ville à Paris, qui permettait de payer les rentes des emprunts contractés par la ville, lorsqu’elle était à court d’argent. Le régime royal autorise dans certaines limites les loteries religieuses pour permettre à certaines congrégations en difficulté de trouver des revenus complémentaires. À Paris, l’église Saint-Sulpice, l’église Sainte-Geneviève, et le futur Panthéon de Paris ont été financés en ayant recours aux loteries. Les loteries de l’Hôtel de ville à Paris servent également à financer la restauration des monuments. La Loterie du Patrimoine de Stéphane Bern s’inscrit dans ce lointain lignage.

Face au développement des loteries et des sommes de plus en plus importantes qu’elles mobilisent, au cours du XVIIe siècle le pouvoir royal décide d’en prendre le contrôle. Il renforce également son arsenal juridique contre les tricheurs et les faussaires. La gradation des peines est révélatrice des relations difficiles que l’État a avec l’ordre religieux et avec les collectivités locales. Ainsi, les sanctions sont modérées dans le cas d’une tricherie à une loterie religieuse, sévère dans le cas d’une loterie semi-publique comme celle de l’Hôtel de ville, allant jusqu’aux galères dans le cas des loteries d’État.

La prédominance de l’État central intervient au milieu du XVIIIe siècle, avec la création en 1757 de la loterie de l’École Militaire. Cette loterie a vocation à faciliter la construction de l’École militaire, à la gloire de Louis XV sans peser sur les caisses de l’État. En 1776, cette loterie est transformée en Loterie Royale de France qui peut s’appuyer sur Administration générale des loteries. L’État s’attribue de la sorte un monopole qui, à la veille de la Révolution française, lui procure  entre 5 et 7 % de ses revenus.

Les philosophes des lumières sont plutôt opposés aux jeux de hasard et à la loterie. Ces derniers sont accusés de favoriser le vice, la cupidité, le crime et la pauvreté. Talleyrand est à l’origine d’un pamphlet (Des loteries, 1789) d’une virulence extrême contre les loteries. La loterie est supprimée en 1792 par les députés révolutionnaires, mais réapparaît dès 1799, à l’initiative de Bonaparte pour financer ses campagnes militaires.

Les loteries connaissent un nouvel essor après la crise de 1929. Les problèmes de financement des États incitent à y recourir. C’est ainsi qu’intervient le premier tirage de la Loterie Nationale au Trocadéro à Paris le 7 novembre 1933. Le premier gagnant, Paul Bonhoure, reçoit la somme de 5 000 000 de francs (correspondant à 3,5 millions d’euros d’aujourd’hui). Les associations d’anciens combattants et les Gueules cassées sont associés dès 1935 en tant qu’émetteurs des jeux. Lors de la création de la Française des Jeux, ils en deviendront actionnaires.

La Loterie est une activité qui demeure à autorisation annuelle. Elle est ainsi reconduite chaque année par les lois de finances. En 1938, une tentative de suppression est sur le point d’aboutir mais les associations d’anciens combattants parviennent à sauver la loterie nationale. Malgré les pénuries de papier, l’irrégularité des trains, les défaillances postales ou les tracasseries des autorités allemandes pendant la seconde Guerre mondiale, les tirages de la loterie nationale se poursuivent salle Pleyel à Paris.

Avec le lancement du tiercé, en 1954, par le PMU, les jeux de loterie périclitent obligeant les émetteurs à se regrouper en 1974 au sein d’un Groupement d’intérêt économique pour lancer deux ans plus tard un nouveau jeu, le Loto. La Loterie Nationale prend alors la forme d’une société d’économie mixte, la Française des Jeux. Sous le contrôle du Ministre chargé du budget, elle dispose du monopole des jeux de loterie et de paris sportifs sur les territoires de la France métropolitaine, de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de la Polynésie française et de la Principauté de Monaco.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2010-476 du 12 mai 2010, relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, ses activités de pari en ligne sont ouvertes à la concurrence.

Un groupe présent dans plusieurs secteurs et à l’international

La Française des Jeux est en fait un groupe qui comprend une dizaine de filiales spécialisées dans la gestion des jeux.

Le groupe est à l’origine de plusieurs entreprises à vocation technologique. En novembre 2016, avait été créée la marque commerciale B2B FDJ Gaming Solutions, qui rassemble les offres de services et de technologie en matière de Loterie, de Paris Sportifs et de contenus digitaux de ses deux filiales LotSys et LVS.

LotSys a pour objet le développement, la fabrication, la commercialisation et la fourniture de matériels, de logiciels et de services, en relation avec les jeux de hasard et notamment les terminaux de prises de jeux. À ce titre, elle commercialise des terminaux de jeux et des services liés aux jeux de loterie en partenariat avec Idemia (anciennement dénommée Safran Identity & Security et Morpho).

Basée à Londres, LVS (Laverock Von Schoultz) est une filiale spécialisée dans la création et la distribution de logiciels pour les jeux et paris sportifs en ligne, acquise en 2010 par FDJ. La société fournit notamment les loteries française, israélienne et portugaise.

FDJ est actionnaire en Chine, au travers de la filiales Internationale des Jeux, la Beijing Zhongcaï Printing Co (BZP) spécialisée dans l’impression de tickets de loterie.

Afin de développer le réseau de distribution en métropole et dans les DOM TOM, des filiales spécifiques ont été créées FDP, FDJD et « La Pacifique des Jeux ».

FDP est la filiale de distribution de jeux de loterie et de paris en métropole. Créée en 2013 de la fusion de 14 sociétés de distribution, elle a repris plus de 60 secteurs anciennement exploités par les courtiers-mandataires

FDJ Développement et La Pacifique des Jeux sont en charge de la commercialisation Outre-Mer. FDJ Développement assure l’animation et le pilotage commercial du réseau dans les départements des Antilles/Guyane (Martinique, Guadeloupe et Guyane). La Pacifique des Jeux assure l’exploitation des jeux de hasard en Polynésie française,

Le Groupe comprend plusieurs filiales en charge de la communication. FDJ STUDIOS, est en charge de la gestion des émissions TV. Les décors, les supports utilisés par le réseau, les opérations marketing et le suivi des gagnants relèvent de FDJ ÉVÈNEMENTS.

La Française des Jeux est présente à l’international avec la création avec la loterie d’État portugaise, de la National Lotteries Common Services (NLCS) dont la mission est de rassembler les loteries qui mettent en commun leurs compétences et leurs moyens en matière de paris sportifs. La Française des Jeux a pris une participation dans la société Services aux Loteries en Europe qui prend en charge les opérations communes du jeu Euro millions

Le passage au privé de l’entreprise

Avant la procédure de privatisation, le capital de la Française des Jeux se répartit de la manière suivante :

  • 72 % à l’État ;
  • 9,2 % à l’Union des Blessés de la Face et de la Tête ;
  • 5 % au Fond Commun de placement des salariés de la Française des Jeux ;
  • 13,8 % autres dont actionnaires individuels.

Pour pouvoir justifier de son monopole dans les jeux de loterie, la Française des Jeux doit acquitter une licence de 380 millions d’euros. Le coût de cette licence ne devrait pas obérer le résultat de l’entreprise et le versement des dividendes.

La Française des Jeux constitue une bonne valeur de fond de performance. Elle devrait être déconnectée des mouvements erratiques en raison de la solidité de son chiffre d’affaires. Ses bénéfices ne sont pas prolifiques mais récurrents ce qui constitue un gage de sécurité pour les actionnaires. La remise en cause du monopole sur les jeux de loteries nationales (le loto) est un des rares risques auquel pourrait être confrontée la Française des Jeux. En l’état actuel, l’action de cette entreprise ne devrait pas connaître le même sort que celle d’EDF. C’est pour cette raison que le Gouvernement entend utiliser cette privatisation pour relancer l’idée de l’actionnariat populaire au sein du pays.

La valorisation de l’entreprise devrait se situer entre 2 et 3 milliards d’euros. Les actions seront émises entre 16,5 et 19,90. Une décote de 2 % est prévu pour les particuliers et une action gratuite pour 10 actions achetées sous réserve de les conserver 18 mois. L’opération de privatisation est censée durer jusu’au 20 novembre.

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