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 ISF, Repose en paix !

Les éditos du Président 11 février 2019

L’édito mensuel de Jean-Pierre Thomas, Président du Cercle de l’Épargne

 

Les « gilets jaunes » ont placé au cœur du débat public l’Impôt de Solidarité sur la Fortune quand bien même leurs revendications initiales concernaient le niveau de vie et les taxes sur l’énergie. L’ISF est un symbole et dans un pays où l’égalitarisme est une véritable religion, il était évidemment risqué de s’attaquer à cet impôt qui, par ailleurs, n’a pas disparu en raison du maintien de l’imposition des biens immobiliers. Si la lutte des classes fait aujourd’hui un peu « old school », son esprit demeure vivace dans notre pays. Le riche demeure un suspect. Sa fortune est bien souvent perçue comme une injustice. Elle est la conséquence d’un enrichissement au détriment d’autrui, d’une malhonnêteté. Elle est rarement imputée à un savoir-faire, à une compétence particulière, à une intelligence. Le riche est d’autre part accusé de vouloir s’affranchir des règles fiscales. Pour autant, 10 % des contribuables acquittent 70 % de l’impôt sur le revenu et 1 % le quart. Mais rien n’y fait, les riches car ils le sont doivent payer. Il y a eu en 1936 les 200 familles, aujourd’hui, il y a les contribuables redevables de l’ISF, moins de 350 000. Les arguments rationnels en faveur de la suppression de l’impôt sur le capital n’ont pas de prise auprès de personnes qui ne l’acquittent pas. À ce titre, 70 % des ménages sont favorables à son rétablissement. Il faut convenir que 29 % qui par nature ne le paient pas sont contre… Les partisans de l’ISF imaginent viser les milliardaires, les grands capitaines d’industrie ou de l’Internet. Or, il y a bien longtemps que ces derniers ont opté pour d’autres cieux. Ce qui compte, c’est le symbole. Peu importe que la France soit le pays qui taxe le plus le capital ! C’est bien connu, nous sommes plus intelligents que le reste du monde. De même, il est spécieux d’affirmer qu’en période de taux d’intérêt bas et de marchés financiers chaotiques, l’ISF pourrait aboutir à une destruction de son assiette. Les riches peuvent payer et ils seront toujours plus riches que les pauvres ! Ils ne font pas pleurer les Français modestes avec leur histoire d’argent. Et puis, depuis que l’ISF a été supprimé, les riches ne réalisent plus de dons aux fondations et aux bonnes œuvres. Ils sont égoïstes. Dans les faits, les réductions d’impôt dont bénéficiaient les riches afin de diminuer le poids de l’ISF étaient payées par l’ensemble des contribuables. C’est finalement l’État qui subventionnait les associations et fondations en tout genre.

Faut-il donc exhumer l’ISF ? Le Gouvernement a demandé une évaluation sur les effets de sa suppression qui date, il faut le rappeler du 1er janvier 2018. Que pouvons-nous attendre d’un rapport réalisé à la va-vite ? Qui peut imaginer que les Français qui se sont délocalisés sont revenus dès l’annonce de la suppression de l’ISF sur les biens mobiliers ? Au regard de notre instabilité fiscale, ils ont certainement raison d’attendre un peu. Les faits en cours semblent leur donner raison. En matière d’épargne, la confiance se construit sur la durée mais se détruit en un jour. Le Gouvernement a affirmé que la modification de cet impôt était censée favoriser le financement des entreprises et la création d’emplois. Ce raisonnement est assez scabreux. En effet, les contribuables sont libres de l’usage de l’argent qui n’a pas été prélevé. Cela vaut pour les Français moyens comme pour les riches. Ils peuvent investir, épargner ou consommer. Dans tous les cas, cela peut être productif pour l’économie. Mais tracer l’argent issu du non-paiement de l’ISF est assez irréaliste et n’a que peu d’intérêt. Ce sont les opportunités de placement, le climat de confiance, la stabilité de législation qui permettront un accroissement des placements en faveur des entreprises.

La distinction « biens immobiliers / biens mobiliers » apparaît bien virtuelle. En effet, opposer le bâti et l’économie dite réelle est assez artificiel. Acheter une action sur le marché secondaire n’est guère plus productif qu’acheter un logement ancien. Investir dans du locatif neuf contribue à la croissance en permettant de financer toute une gamme de métiers. Pour surmonter la question de la taxation du capital, nous pourrions avoir une idée saugrenue, instituer un impôt général sur le patrimoine. Tous les ménages seraient amenés à effectuer, chaque année, une déclaration de patrimoine comme le font, par ailleurs, les élus dans laquelle ils mentionneraient l’ensemble de leurs biens, fourchettes et couteaux compris. Sur la base de ces déclarations, un prélèvement faible serait institué, autour de 0,1 %. Or, l’État pourrait récupérer ainsi plus de 11 milliards d’euros, soit deux fois plus que l’ex ISF. Les Français seraient, après quelques années d’expérimentation, peut-être disposés à demander la suppression de cet impôt comme ils le firent en 2000 pour la vignette automobile.

 

A lire dans le Mensuel de février 2019

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