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3 questions à Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne

Epargne 11 septembre 2020

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Le taux d’épargne a atteint, en France, des niveaux historiques au cours du deuxième trimestre 2020. Comment les Français ont-ils pu épargner 100 milliards d’euros et qui sont-ils ?

Sans surprise en raison de la période de confinement, le taux d’épargne des ménages a atteint, selon l’INSEE, plus de 27 % au deuxième trimestre (27,4 %). Ce taux d’épargne était de 15,1 % au dernier trimestre 2019 et s’était élevé à 19,7 % au cours du premier du trimestre. Cette augmentation est imputable non seulement à une forte baisse de la consommation, au report des dépenses d’investissement mais aussi à la volonté des ménages de renforcer leur épargne de précaution dans un contexte fortement anxiogène.

Environ 100 milliards d’euros ont été mis de côté depuis le mois de mars. Le mot de « cagnotte » a été prononcé pour désigner cette épargne. Celle-ci a été dans un premier temps subie avant de se transformer en épargne de précaution.

Au sein de l’OCDE, il faut souligner que les Français figurent parmi ceux dont les revenus ont le moins baissé grâce au soutien massif des pouvoirs publics. Certes, le revenu disponible brut des ménages a diminué de 2,3 % au cours du deuxième trimestre, après – 0,3 % au premier. Il s’agit de sa plus forte baisse trimestrielle depuis 1949. La masse salariale reçue par les ménages s’est contractée de 10,0 % après – 2,4 % au premier trimestre. Par ailleurs, les revenus du patrimoine ont été également affectés, avec une baisse de 2,9 % après – 3,7 % au premier trimestre. En contrepartie, les prestations sociales ont augmenté de +7,9 % après +2,3 % au premier trimestre. Cette dernière est notamment due au versement des indemnités d’activité partielle et de l’aide exceptionnelle de solidarité liée à l’urgence sanitaire pour les ménages les plus précaires, mais également aux prestations liées au chômage et aux absences pour garde d’enfants. Les impôts sur le revenu et le patrimoine baissent également (– 8,9 % après – 2,3 %), en particulier la CSG et l’impôt sur le revenu, tout comme les cotisations sociales à la charge des ménages (– 7,3 % après – 1,7 %), du fait de la baisse des revenus du travail.

En prenant en compte l’évolution des prix (- 0,2 % au deuxième trimestre), le pouvoir d’achat a diminué de – 2,1 % après – 0,5 %. Mesuré par unité de consommation pour être ramené à un niveau individuel, le pouvoir d’achat enregistre également une diminution de 2,3 % (après – 0,6 %). La consommation a chuté bien plus fortement que la baisse du pouvoir d’achat permettant de dégager une épargne élevée. La consommation au cours du deuxième trimestre diminué de–11,5%après–5,8%aupremier trimestre.

Fort logiquement, ce sont les cadres vivant dans les grandes villes qui ont mis le plus d’argent de côté. Pouvant pratiquer le télétravail, ils ont été moins sujets à des pertes de revenus que les travailleurs indépendants ou les ouvriers. Par ailleurs, les urbains consomment plus en loisirs, en restauration et en transports que les ruraux. Avant, pendant et après le confinement, l’effort d’épargne est concentré chez les ménages les plus aisés.

Que faire de cette épargne issue de la crise sanitaire ?

Cette question est double. Elle se pose à titre collectif et individuel. Sur le premier point, l’idée que les 100 milliards d’euros soient une cagnotte disponible pour favoriser la reprise a traversé l’esprit de certains. Face à l’urgence de la situation économique, les pouvoirs aimeraient, en effet, mobiliser au plus vite les sommes conservées par les ménages. À cette fin, des propositions de création de nouveaux produits d’épargne ont été lancées, un livret Covid, un grand emprunt nation entre autres ! Or, les ménages ont déjà accès à un très grand nombre de produits allant du court au long terme. Ce n’est pas en créant un énième produit que les ménages décideront de changer d’un coup de baguette magique leur comportement. S’ils privilégient les placements liquides et de court terme, les dépôts à vue et les livrets, c’est par crainte de l’avenir. Quand les revenus fondent, quand l’emploi apparaît incertain, il est difficile de se projeter et de placer son argent à long terme. La réorientation de l’épargne du covid interviendra avec la clarification de la situation économique et sanitaire. Le plan de relance du gouvernement peut y aider tout comme celui de l’Union européenne. Compte tenu de la situation, les ménages devraient conserver une part importante d’épargne de précaution au minimum jusqu’à la fin de l’année. Lors de chaque crise, l’épargne liquide a progressé sans retrouver avec le retour de la croissance son niveau initial. Il y a un effet cliquet en la matière. La succession rapide des crises depuis vingt ans, la montée de la précarité et le vieillissement sont autant de facteurs qui peuvent expliquer cette montée de l’épargne liquide.

Sur un plan plus individuel, il convient de déterminer ses besoins dans les prochains mois. Un ménage, n’ayant pas à faire face à une baisse de revenus ou à un risque de perte d’emploi, pourra sans nul doute alléger sa poche d’épargne de précaution. Deux à trois mois de revenus en épargne de précaution, c’est suffisant. Ils pourront opter pour des placements « actions » que ce soit dans un contrat d’assurance vie, un pan d’Épargne Retraite ou dans un PEA. Avec les plans de relance qui seront mis en œuvre à partir de l’automne, les valeurs « actions » pourraient progresser d’autant plus que les taux d’intérêt resteront bas sur longue période. Pour avoir du rendement, il faut jouer sur les unités de compte ou les actions. Évidemment, en période de forte volatilité, la diversification sectorielle et géographique s’impose encore plus qu’en temps normal.

Le nouveau Plan d’Épargne Retraite a été lancé le 1er octobre 2019. Comment traverse-t-il la crise ?

Lancée officiellement le 1er octobre 2019, la commercialisation du nouveau Plan d’Épargne Retraite aurait pu, en effet, pâtir de la crise sanitaire. Si les souscriptions ont été plus rares durant le confinement, elles sont en hausse depuis. Selon la Fédération Française de l’Assurance, citée par le Figaro, près de 210 000 contrats individuels (PERin) ont été souscrits entre le mois d’octobre et la fin juin. L’encours du PER a atteint plus de 1,5 milliard d’euros. 84 000 PERin avaient été ouverts entre le 1er octobre et le 31 décembre. Ces bons résultats démontrent l’appétence des ménages pour un produit retraite qui permet par ailleurs de réorienter l’épargne vers des placements « actions ». La question du pouvoir d’achat à la retraite est très sensible au sein de l’opinion publique. La crainte d’une forte chute des revenus au moment de la liquidation des droits à la retraite explique qu’une part croissante de l’opinion publique s’intéresse au PER. Par ailleurs, l’adjonction de sorties en capital ainsi que la possibilité de bénéficier d’un déblocage anticipé pour acquérir sa résidence principale ont reçu l’assentiment des Français.

A lire dans le Mensuel n°77 de septembre 2020

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