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« Touchez pas au grisbi »

Les éditos du Président 10 septembre 2020

L’édito de septembre de Jean-Pierre Thomas, Président du Cercle de l’Épargne

En France, toute somme d’argent non dépensée est une cagnotte pouvant faire l’objet d’un droit de préemption de la part des pouvoirs publics. De nombreux établissements publics ayant eu le tort de se constituer une réserve au sein de leur budget, ont, dans leur passé, été victimes de ce droit. La France a même inventé la cagnotte virtuelle. Entre 2000 et 2002, malgré un imposant déficit public, l’utilisation des plus-values fiscales générées par une croissance supérieure aux prévisions s’invita dans le débat de la présidentielle de 2002.

Avec le confinement, les Français ont épargné de manière subie. Ne pouvant pas consommer autant qu’ils le faisaient auparavant, ils ont mis de l’argent de côté. Par ailleurs, l’ampleur de la crise sanitaire et la force de la récession ont incité les Français à renforcer leur épargne de précaution. Les collectes positives du Livret d’Épargne Populaire, du Livret Jeune, du Livret A et du LDDS témoignent que cet effort a concerné toutes les catégories sociales et toutes les générations. Entre 70 et 100 milliards d’euros auraient été mis de côté depuis le mois de mars. Depuis le déconfinement, cette cassette fait l’objet de tous les phantasmes et de toutes les tentations. Certains rêvent de réinjecter cette manne dans la consommation, d’autres de réorienter cette épargne liquide vers des placements longs. Dans ce contexte, rien d’étonnant que le concours Lépine pour la création d’un nouveau produit d’épargne se soit ouvert. De la création d’un Livret Covid au lancement d’un emprunt national, les propositions ne manquent pas. Ces dernières années, de nombreux produits lancés de manière opportuniste n’ont pas répondu aux attentes de leurs auteurs. Les contrats NSK ou DSK, les contrats Vie Génération et l’Eurocroissance en sont les tristes exemples. « Ne touchez pas au grisbi ».

L’épargnant n’est pas un être irresponsable. S’il privilégie les liquidités et la sécurité, c’est par crainte de l’avenir, c’est par peur de la perte de son travail ou de la diminution de ses revenus. C’est humain. L’épargnant français ne diffère pas de son homologue allemand ou italien. Ces derniers ont aussi mis de l’argent de côté sur leurs comptes courants ou sur leurs livrets bancaires. En France, avons-nous, par ailleurs, intérêt à créer de nouveaux produits quand une kyrielle est déjà en rayon ? Livrets réglementés, livrets fiscalisés, assurance-vie, comptes titres, FCPI, FIP, PER, l’épargne est déjà un beau maquis. Faut-il le compliquer davantage ? Je n’en suis pas certain. Les épargnants consommeront, les épargnants réorienteront leur argent vers des placements de long terme quand ils retrouveront confiance dans la situation sanitaire et économique. La confiance est un mot magique mais qui est par nature difficile à appréhender. C’est un gaz invisible, inodore, difficile à stabiliser. Afin de l’obtenir, les pouvoirs publics se doivent de faire preuve de pédagogie, de tracer des objectifs clairs et d’éviter de modifier en permanence la réglementation. Un peu de stabilité ne nuit pas. L’épargne peut beaucoup ; elle peut participer à la modernisation du pays, à la bonne santé des entreprises, au financement des retraites. Mais moins elle est au cœur des débats, mieux elle se porte. Vivons cachés pour vivre heureux !

Jean-Pierre Thomas

A lire dans le Mensuel n°77 de septembre 2020

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