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Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a indiqué à l’occasion d’une interview au Parisien, publiée samedi 28 novembre, qu’il avait « la conviction forte » que la réforme des retraites devait être « la priorité absolue ». Cet avis ne fait pas l’unanimité au sein du gouvernement. La ministre du Travail, Élisabeth Borne, a, ainsi, déclaré, « La priorité absolue, c’est de sortir de la crise sanitaire, économique, sociale, de protéger les emplois, c’est l’avis unanime des partenaires sociaux ». Cette position est également partagée par le ministre des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, qui a indiqué « qu’il me semble qu’il faut mettre les choses dans l’ordre dans lequel elles ont été prévues ». Au mois de juillet dernier, le président de la République avait clairement pris le parti de la poursuite de la discussion du projet de loi tout en soulignant qu’il était nécessaire de prendre en compte le contexte. Le Premier ministre, tout juste désigné par le président de la République, avait tout à la fois confirmé le principe d’une réforme tout en reportant sa discussion en 2021 avec à la clef la réouverture d’une concertation avec les partenaires sociaux. La conférence sur l’équilibre et le financement des retraites était censée remettre ses conclusions en avril dernier ; conclusions visant à offrir des solutions alternatives au recours à l’âge pivot. Le confinement a eu raison de cette conférence dont les travaux sont toujours en suspens.
Deux objectifs aux avenirs incertains
La réforme des retraites version 2019 visait avant tout à unifier les 42 régimes de retraite en créant un système universel par points. Ce changement de mode de calcul reprenait la promesse du président de la République, un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous. Cette formule a rencontré, durant la campagne électorale, l’assentiment de l’opinion publique. La longue maturation de la réforme a entraîné la cristallisation des oppositions. Au fur et à mesure des annonces, celles-ci se sont multipliées au point que même les catégories censées être avantagées par la réforme, les femmes et les personnes à revenus modestes, se sont retournées. Le blocage est intervenu quand le gouvernement décida d’adjoindre à la réforme structurelle un objectif de court terme avec un retour à l’équilibre des comptes en 2025. La proposition de retenir un âge pivot à 64 ans mit le feu aux poudres avec notamment le passage de la CFDT ardente défenseuse du régime par points dans le camp des opposants.
Le 21 novembre 2019, le Conseil d’orientation des retraites (COR) avait estimé que le déficit des régimes de retraite pourrait se situer entre 7,9 et 17,2 milliards d’euros en 2025, justifiant l’adoption de mesures de rééquilibrage. Un an plus tard, le contexte est tout autre. Le quasi-équilibre attendu pour 2020 s’est transformé, avec la survenue de l’épidémie, en un solde négatif de 23,5 milliards d’euros. Cette dégradation est la conséquence de la baisse des ressources provoquée par la diminution du nombre d’emplois et par le chômage partiel.
Le déficit devrait se réduire fortement en 2021 avec le rebond économique autour de dix milliards d’euros avant de progresser à nouveau à partir de 2022 en raison de l’évolution des dépenses et d’une moindre progression des recettes.
Dépenses, ressources et solde du système de retraite à l’horizon 2024 en milliards d’euros
Selon le Conseil d’orientation des retraites, le solde serait négatif jusqu’en 2030 entre 0,3 et 0,4 % du PIB, le retour vers l’équilibre interviendrait progressivement pour être total quelles que soient les hypothèses de croissance en 2070. Sur le long terme, l’impact de la crise serait relativement minime, les moins-values de recettes étant en partie compensées par une diminution des pensions à délivrer. Le ralentissement économique réduira le montant des pensions qui sont calculées à partir des salaires ou des revenus professionnels.
Pour le Conseil d’orientation des retraites, le déficit des régimes vieillesse est avant tout de nature comptable. Une augmentation des effectifs des fonctions publiques pourrait aboutir à augmenter les recettes et à rétablir l’équilibre. Le bouclage passe alors par l’impôt.
Le gouvernement s’est, pour le moment, interdit d’augmenter les impôts afin d’éviter un effet récessif supplémentaire. Il a décidé de transférer la dette sociale générée notamment par la crise sanitaire à la CADES, dans une limite de 136 milliards d’euros. En 2020, plus de 52 milliards d’euros pourraient être affectés à la CADES. Il pourrait être néanmoins tenté de présenter des mesures de rééquilibrage afin de prouver son sérieux au niveau des finances publiques. De telles mesures risquent d’être fort impopulaires et délicates à mettre en œuvre compte tenu de la proximité croissante de l’élection présidentielle. Le gouvernement pourrait évidemment jouer sur la durée de cotisation et accélérer la réforme Touraine qui prévoyait de la porter à 43 ans pour la génération 1973. L’autre voie serait de faire fi de l’équilibre conjoncturel pour obtenir l’adoption de plusieurs mesures liées à la réforme structurelle. La création de la Caisse du régime universel ainsi que le relèvement du minimum contributif à 1 000 euros pourraient être institués tout comme la réforme de la réversion. Un nouveau calendrier pour l’instauration du système par points pourrait être ébauché. La fenêtre de passage de la réforme n’en demeure pas moins très étroite, entre l’épidémie qui risque encore d’occuper le cœur de l’actualité jusqu’à la fin de 2021 et les élections, régionales, départementales, présidentielles et législatives.
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