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L’édito d’octobre de Jean-Pierre Thomas, Président du Cercle de l’Épargne
Au XIXe siècle, la fortune se mesurait aux rentes perçues comme le décrit avec moquerie Balzac dans ses romans. Le rentier souvent dépeint comme un inactif, oisif profitant du travail des autres, disparaît dans les décombres des deux guerres mondiales, dans l’inflation et aussi avec la crise de 1929. Il en est resté une expression, la faillite des rentiers.
En France, le terme de rentier renvoie à une image sociale, les possédants, les détenteurs de capitaux qui exploitent les masses laborieuses. Si de 1673, année de création du premier régime de retraite jusqu’aux années 1930, la capitalisation apparaissait comme le seul système légitime et rationnel, il en a été tout autrement après la Seconde Guerre mondiale, la répartition étant considérée comme seule à même à financer les pensions de retraite. La rupture idéologique fut totale. Auparavant, les syndicats révolutionnaires estimaient que le salaire ne pouvait pas servir de fondement aux régimes de retraite au nom de la défense du pouvoir d’achat des salariés. Leur opposition se fondait sur leur refus d’instituer des systèmes de protection sociale qualifiés alors de « béquilles du capitalisme ».
Pour autant, une pension de retraite par répartition est dans les faits une rente financée par les actifs à travers leurs cotisations au profit de personnes inactives. Les mots ont changé, mais ni les faits ni les mécanismes. Pour autant, aujourd’hui encore, la rente a mauvaise presse, conduisant à une préférence marquée des épargnants pour la sortie en capital. Dans le même temps, la rente est omniprésente et, parfois, sous des formes peu orthodoxes, peu compatibles avec un développement harmonieux de l’économie.
De nombreux secteurs économiques sont dominés par des oligopoles voire des monopoles qui bénéficient de rentes de situation se traduisant par l’accumulation d’excédents importants. Les techniques de l’information et de la communication en sont un exemple criant. Ces rentes liées à des positions dominantes ralentissent la diffusion du progrès technique et aboutissent à une mauvaise allocation des ressources. Elles sont l’expression d’une défaillance des règles de la concurrence.
Au niveau des particuliers, la situation est tout autre. Le rentier doit faire face à la baisse des taux d’intérêt induisant une véritable « répression financière ». S’il échappe pour le moment à la menace inflationniste, il doit supporter des taux d’intérêt négatifs, ce qui constitue une première. Pour gagner de l’argent, il doit, à la différence des héros de Balzac, cesser de compter sur le versement automatique et régulier et opter pour le risque. Certes, il peut miser sur l’immobilier tout en prenant en compte le fait que le rendement net d’impôt, net de charges est bien souvent très réduit. La plus-value est alors son seul espoir en matière de gains, espoir aléatoire et non automatique.
Dans une période de forte instabilité où la prévision à deux ou trois ans appartient de plus en plus à l’art divinatoire, la rente peut redevenir un véritable luxe. Bénéficier d’un revenu régulier sur longue période n’est pas à la portée de tout le monde surtout quand on ne s’appelle pas Apple, Google, Facebook ou Amazon.
Jean-Pierre Thomas
contact@cercledelepargne.com