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COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Livret A, une hausse à forte portée symbolique
Analyse de Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne
Le Ministre de l’Économie, Bruno Le Maire a annoncé, vendredi 14 janvier qu’à compter du 1er février 2022, le taux du Livret A passera de 0,5 % à 1,0 % en application de la formule adoptée en 2017.
La hausse de 2022 est la première depuis près de 11 ans. Le taux du Livret A avait été, en effet, remonté de 2 à 2,25 % le 1er août 2011. Il avait depuis constamment baissé au point d’atteindre 0,5 % ce qui constituait le niveau le plus bas de son histoire. La remontée de l’inflation depuis le milieu de l’année 2021 a conduit le Gouvernement à opérer le relèvement, qui en outre, intervient à quelques semaines de l’élection présidentielle.
La hausse du taux, décidée par le gouvernement, concerne le Livret A, le Livret de Développement Durable et Solidaire ainsi que le Livret Jeune.
Taux du Livret A | |
22 mai 1818 | 5,00% |
1er janvier 1851 | 4,75% |
1er janvier 1881 | 3,50% |
1er janvier 1905 | 3,00% |
1er janvier 1916 | 3,50% |
1er janvier 1929 | 3,50% |
1er janvier 1946 | 1,50% |
1er janvier 1960 | 3,25% |
1er janvier 1966 | 3,00% |
1er janvier 1968 | 3,50% |
1er juin 1969 | 4,00% |
1er janvier 1970 | 4,25% |
1er janvier 1974 | 6,00% |
1er janvier 1975 | 7,50% |
1er janvier 1976 | 6,50% |
16 octobre 1981 | 8,50% |
1er août 1983 | 7,50% |
16 août 1984 | 6,50% |
1er juillet 1985 | 6,00% |
16 mai 1986 | 4,50% |
1er mars 1996 | 3,50% |
16 juin 1998 | 3,00% |
1er août 1999 | 2,25% |
1er juillet 2000 | 3,00% |
1er août 2003 | 2,25% |
1er août 2005 | 2,00% |
1er février 2006 | 2,25% |
1er août 2006 | 2,75% |
1er août 2007 | 3,00% |
1er février 2008 | 3,50% |
1er août 2008 | 4,00% |
1er février 2009 | 2,50% |
1er mai 2009 | 1,75% |
1er août 2009 | 1,25% |
1er août 2010 | 1,75% |
1er février 2011 | 2,00% |
1er août 2011 | 2,25% |
1er février 2013 | 1,75% |
1er août 2013 | 1,25% |
1er août 2014 | 1,00% |
1er août 2015 | 0,75% |
1er février 2020 | 0,50% |
1er février 2022 | 1,00 % |
La forte portée symbolique du relèvement du taux est liée à la place qu’occupe dans la population le Livret A qui demeure le produit d’épargne le plus diffusé en France.
Au 31 décembre 2020, le nombre de livrets A s’élevait, selon l’Observatoire de l’épargne réglementée, à 55,7 millions, dont 54,9 millions détenus par des personnes physiques et 0,82 million détenus par des personnes morales. Plus de quatre Français sur cinq détiennent un Livret A.
Au 31 décembre 2020, le nombre de LDDS s’élevait, de son côté, à 24,3 millions. Le taux de détention de ce produit est de 46 %.
L’encours du Livret A était au 30 novembre 2021 de 343 milliards d’euros et celui du LDDS de 125,2 milliards d’euros. Ces deux produits ont connu, malgré un faible taux de rémunération, une vigoureuse collecte depuis le début de la crise sanitaire. La collecte du mois de mars 2020 à novembre 2021 atteint, pour le Livret A 38 milliards d’euros et 11,5 milliards d’euros pour le LDDS.
Si le Livret A est le produit d’épargne le plus largement diffusé en France, son encours est nettement inférieur à celui de l’assurance vie (plus de 1800 milliards d’euros), ce dernier produit n’étant pas plafonné.
La fixation du Livret A reste une décision discrétionnaire du Gouvernement. En 2003, dans un contexte de très légère augmentation des prix, le Premier Ministre, Jean-Pierre Raffarin, a décidé la mise en place d’une formule de calcul du taux du Livret A. Cette formule a été modifiée à plusieurs reprises pour tenir compte de la situation économique et financière. En 2017, le gouvernement d’Édouard Philippe a décidé de retenir une nouvelle afin de mieux prendre en compte la baisse des taux d’intérêts.
En vertu de la formule de 2017, le taux du livret A correspond à la moyenne du taux d’inflation des six derniers mois et des taux interbancaires à court terme à 6 mois, avec un arrondi calculé au dixième de point le plus proche, sans pouvoir être inférieur à 0,5 %.
L’inflation hors tabac a atteint en moyenne 2,2 % entre juillet et décembre dernier et le taux €STR des marchés interbancaires était de -0,571 % sur la même période. L’application de la formule aboutit donc à un taux de 0,8145 % (2,2 – 0,571)/2). Le gouvernement a décidé de porter le taux à 1 % ce qui constitue un petit coup de pouce par rapport au taux issu de la formule. Ce geste prend en compte l’accélération de l’inflation de ces derniers mois. Par ailleurs, il s’agit aussi un petit geste électoral. Pour le Livret d’Epargne Populaire, le Gouvernement a relevé le taux au niveau de l’inflation des six derniers mois conformément à la réglementation, 2,2 %.
Du fait du passage du taux à 1,00 % pour un titulaire d’un Livret A dont l’encours est de 15 000 euros, sa rémunération annuelle totale passera ainsi de 76,5 à 153 euros. Pour un détenteur d’un Livret A doté de 22 950 euros, sa rémunération annuelle totale passera de 114,75 à 220,5 euros.
Malgré la hausse de son taux, le rendement réel, après prise en compte de l’inflation, reste négatif de plus d’un point. Cette situation est sans précédent depuis le début des années 2000. Il faut remonter aux années 1980 pour avoir des rendements réels plus importants.
Sur un plan financier, il n’est pas logique de comparer le rendement d’un placement financier avec les prix à la consommation, sachant que l’épargne est la renonciation justement à la consommation.
Logiquement, un regain d’inflation devrait inciter les ménages à moins épargner sur des produits de taux qui répercutent mal cette dernière. Dans les faits, le phénomène inverse est souvent constaté. Par effet d’encaisse, les épargnants, au contraire, mettent plus d’argent de côté afin de compenser la perte de rendement provoqué par la hausse des prix. Les faibles taux du Livret A n’ont pas dissuadé les épargnants français. Leur objectif n’était pas la recherche d’un rendement mais la sécurité et la liquidité.
La collecte du Livret A est centralisée à hauteur de 60 % à la Caisse des Dépôts, le solde étant conservé par les établissement financiers.
Le coût pour la Caisse des Dépôts et les banques de la majoration de 0,5 point est évalué pour le seul Livret A à 1,7 milliard d’euros. En prenant en compte le LDDS, le coût serait de 2,34 milliard d’euros. Le coût fiscal et social de cette mesure en prenant en compte le manque à gagner pour l’État et les régimes sociaux est de 700 millions (en retenant le principe d’une taxation au prélèvement forfaitaire unique).
Les prêts consentis par la Caisse des dépôts et les organismes collecteurs au profit des bailleurs sociaux, des collectivités locales et des entreprises entrant dans le champ du LDDS seront légèrement plus chers du fait du relèvement de taux. Le coût restera limité car les prêts en question sont, en règle générale, des prêts à long terme.
Le relèvement du taux du Livret A pourrait poser un problème de hiérarchie des taux, les rendements de certains produits longs passant en-dessous de celui du Livret A. Après fiscalité, le rendement des fonds euros en 2021 seraient proches de celui du Livret A, or ces derniers sont censés être des produits de moyen et long terme. Le relèvement du taux du Livret A peut inciter les compagnies d’assurances à puiser dans leurs réserves pour atténuer la baisse en cours depuis plusieurs années.
Le taux du Livret A n’obéit pas qu’à des considérations d’ordre économique et financière, il est de nature politique et sociale.
La hausse du taux du Livret A conduit, en règle générale, à une hausse durant deux à trois mois, de la collecte. En 2011, celle-ci a dépassé un milliard d’euros en juillet, août et septembre avant de retrouver son rythme d’avant l’annonce de la hausse (collecte de 2,07 milliards d’euros en juillet 2011, de 2,91 en août, de 1,13 en septembre et de 0,41 en octobre).
Le Gouvernement a décidé de porter le taux du Livret d’Epargne Populaire de 1 à 2,2 % permettant à ses bénéficiaires d’avoir un rendement réel nul. Ce produit qui est réservé aux ménages modestes (revenu fiscal de référence pour un célibataire inférieur à 20 000 euros) est plafonné à 7 700 euros. Sur les 15 millions de personnes susceptibles d’avoir un LEP, seuls millions en disposent d’un. À l’exception de 2020, le LEP enregistre une décollecte depuis une dizaine d’années.
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