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« Les minima de pensions de retraite », complexité à tous les étages

Retraite 10 novembre 2020

Dans le cadre de la réforme visant à instituer un système universel par points, le gouvernement d’Édouard Philippe souhaitait réformer le dispositif du minimum contributif. Tous les futurs retraités auraient été à terme soumis aux mêmes règles avec un minimum fixé à 1 000 euros ou 85 % du SMIC, ce qui l’amenait automatiquement au-dessus du minimum vieillesse (900 euros). La refonte du minimum contributif pourrait être un des morceaux de la réforme des retraites que l’actuel gouvernement souhaitera peut-être appliquer avant l’échéance présidentielle de 2022. Il est encouragé en cela par le dernier rapport annuel de la Cour des comptes consacré à l’application des lois de financement de la sécurité sociale publié début octobre 2020, qui souligne les lacunes du système français des minima de pension de retraite. Dans un chapitre intitulé « Les minima de pension de retraite : un système complexe à la logique devenue incertaine », la Cour des comptes met en évidence la complexité des dispositifs de minima de pension et avance des pistes de réformes.

Plusieurs pays ont un système de minima de revenus à la retraite proche de celui de la France

Comme dans de nombreux pays étrangers, la France a fait le choix dans les années 1980, pour améliorer le niveau de vie des personnes ayant atteint l’âge de la retraite, d’un système à deux volets de minima de revenus à la retraite comprenant comme le rappelle la Cour des comptes « des minima de pension par régime et un minimum vieillesse universel, qui peut compléter les minima de pension de manière différentielle ».

Le système français en la matière est très proche de ceux en vigueur en Belgique, en Espagne et en Italie. Il présente aussi des similitudes avec les systèmes suédois, hollandais et canadiens. En revanche, les États-Unis et l’Allemagne n’ont pas établi de mécanismes visant à garantir un montant minimal de pension.

La Cour des comptes souligne, en se basant sur la publication 2019 « Pensions at a Glance » de l’OCDE, que « la pension, forfaitaire ou minimum selon les pays étudiés, servie entière et rapportée au salaire moyen, varie entre 13 % au Canada et 34 % en Espagne, la France avec le Mico se situant dans une position médiane (22 %). À l’exception du Japon, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, où la pension minimale est universelle et versée à la totalité ou quasi-totalité de la population des plus de 65 ans, les minima concernent entre 30 % et 40 % de cette population dans les autres pays ».

Présentation des grandes caractéristiques du système de minima de revenus à la retraite

Le premier étage du système de minima de revenus à la retraite en France est le minimum vieillesse. Il correspond depuis 2007 à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), allocation universelle bénéficiant aux ménages les moins aisés, servie sans aucun lien avec les activités professionnelles des bénéficiaires. Cette allocation, qui intervient de façon subsidiaire, a été versée en 2018 à 570 000 bénéficiaires pour un montant total de 3,2 Md€.

Le second pilier du système consiste en des minima de pension, qui sont versés par la plupart des régimes de retraite, à titre individuel et sous condition, à certains de leurs assurés. L’objectif des minima de pension est d’augmenter les pensions servies en garantissant un niveau de vie à la retraite à des personnes ayant eu une carrière complète mais de faibles rémunérations. La place de ces minima a eu tendance à progressivement se réduire.

Les principaux minima de pension sont le minimum garanti (Miga), le minimum contributif (Mico) et la pension majorée de référence (PMR). Le Miga est versé aux fonctionnaires par le Service des retraites de l’État et la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Le Mico est quant à lui versé par les régimes alignés ainsi que le régime des cultes. La PMR est versée aux non-salariés agricoles par la Mutualité sociale agricole des salariés (MSA).

Environ un nouveau retraité sur cinq bénéficie aujourd’hui des minima de pension. Le montant de pension supplémentaire versé via les minima de pension était estimé à 8,7 milliards d’euros en 2018, ce qui équivaut à un cinquième des dépenses de solidarité au titre de la retraite. Le minimum de pension doit permettre pour un salarié du privé d’atteindre un minimum de pension de 1 191 euros. Pour une personne seule, le montant du Mico ne peut pas dépasser 642,93 euros par mois. Ce minima de pension est un revenu différentiel. Il dépend donc du revenu perçu. Il est en moyenne de 130 euros par mois.

L’articulation entre l’Aspa et le minimum est peu lisible et à bien des égards inefficiente

L’Aspa et les minima de pension coexistent. Une proportion importante de bénéficiaires des minima de pension est allocataire du minimum vieillesse. Comme l’explique la Cour des comptes, « Lorsque la pension de base portée au Mico, augmentée de la retraite complémentaire, reste inférieure au minimum vieillesse et que les autres revenus du ménage sont faibles, l’Aspa peut en conséquence être versée en complément. Ainsi, en 2016, 9 % des retraites bénéficiaires d’un minimum de pension dans leur régime principal percevaient également l’Aspa (dont 5,7 % parmi les femmes et 19,8 % parmi les hommes) ».

La Cour des comptes déplore que l’articulation de l’Aspa et du minimum retraite ne soit pas très claire. Les magistrats financiers soulignent ainsi que le Mico ne permet pas à un retraité ayant eu une carrière complète au Smic de bénéficier d’une pension correspondant à 85 % de son salaire, ce qui était pourtant le but initial de ce dispositif. Ces minima de pension n’assurent par ailleurs pas toujours une pension supérieure au minimum vieillesse. Ce phénomène est la conséquence de modalités d’indexation différentes des deux dispositifs, l’ASPA ayant bénéficié de revalorisations exceptionnelles au cours de ces dernières années alors que l’évolution du seuil de pension d’éligibilité au MICO est liée à l’inflation.

La complexité du système français entraîne d’importantes différences de traitement entre les assurés et des retards dans le traitement des dossiers pour obtenir le minimum de pension

La complexité de ce système conduit à des différences de traitement entre les assurés des différents régimes de retraite. Ces divergences concernent tant les règles d’éligibilité que de calcul. Les bénéficiaires du minimum contributif sont aujourd’hui surtout des assurés ayant eu des carrières courtes alors que la cible initiale du minimum de pension du régime général était de bénéficier à des retraités ayant eu au cours de leur vie professionnelle de faibles salaires et des carrières longues.

Ces règles complexes entraînent aussi un retard dans le traitement des dossiers pour obtenir le minimum de pension. La Cour des comptes avait souligné dans le cadre de sa dernière certification des comptes de la branche vieillesse du régime général que près de 500 000 demandes de majorations de pension au titre du Mico étaient en attente de calcul fin 2019. La MSA se caractérise aussi par un fort nombre de majorations de pension en attente de calcul même s’il n’y a pas de données chiffrées en la matière. En l’absence de nouvelles informations, ni la Cnav, ni la MSA salariés ne reviennent sur ces dossiers. Ces demandes restent alors potentiellement de nombreuses années en attente, conduisant certains retraités aux ressources faibles à ne pas bénéficier des suppléments de pension auxquels ils ont droit.

Les recommandations de la Cour des comptes pour lutter avec efficacité contre ces défauts du système de minima de revenus à la retraite

Pour pallier ces difficultés, la Cour des comptes recommande une meilleure articulation du système de minima de pension avec le minimum vieillesse. Elle prône aussi une harmonisation entre assurés des différents régimes. Cette réflexion était un sujet de réflexion dans le cadre des travaux sur la réforme des retraites, qui a été repoussée en raison de l’actuelle crise du Covid-19. Le Premier ministre Jean Castex a confié en juillet 2020 aux députés Lionel Causse et Nicolas Turquois une mission sur « la prise en compte des petites pensions ».

Pour la Cour des comptes, il est également souhaitable de mettre en application les dispositions de la loi du 9 novembre 2010 qui soumettent « le Miga à des conditions de subsidiarité́ et d’écrêtement » ainsi que « d’harmoniser le traitement des minima de pension au regard de la surcote et de la réversion ». Enfin, il convient de « résorber le stock des dossiers en attente de calcul définitif du Mico » et « d’améliorer l’information sur les dispositifs de minima en renforçant la communication pour les assurés ne liquidant par leur pension à taux plein ».

A lire dans le Mensuel n°79 de novembre 2020

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