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L’épineuse question de l’indexation des pensions

Retraite 11 avril 2022

La campagne pour l’élection présidentielle de 2022 a donné lieu à plusieurs propositions sur la question sensible de l’indexation des pensions de retraite. Avec la hausse de l’inflation, ce sujet est d’une grande acuité. Selon le dernier sondage du Cercle de l’Épargne/Amphitéa (avril 2022), deux tiers des Français jugent que leur pension est ou sera insuffisante pour vivre correctement. Ce ratio est de 72 % chez les non-retraités et de 51 % chez les retraités. Cette perception « de pension insuffisante », après avoir atteint un maximum (72 %) en pleine période de discussion de la réforme des retraites en 2019/2020, est en baisse. Certains candidats ont proposé de revaloriser les pensions en prévoyant le retour de l’indexation en fonction de l’inflation. Si cette dernière demeure la règle, plusieurs mesures de gel – total ou partiel – ont été prises, ces dernières années, afin de réaliser des économies. L’indexation des pensions est, en France, un problème récurrent depuis 1945. Les dispositions la régissant ont été, à maintes reprises, modifiées. Les pouvoirs publics ont joué sur toutes les variables pour l’actualisation des pensions, du changement des indices de référence (salaire moyen ou prix), aux dates d’application en passant par les modalités d’effet (clause de rattrapage).

Les pensions et les prix, le pouvoir d’achat en jeu

Ces dernières années, les retraités n’ont pas, en raison de dispositions spécifiques (fiscalité, CSG et indexation), bénéficié de la préservation de leur niveau de vie. Ce dernier reste cependant supérieur à celui de la moyenne de l’ensemble de la population de plus de deux points.

 « Les pensions du régime, de la fonction publique et de l’Agirc-Arrco liquidées en 2010 garantissent en 2021 un pouvoir d’achat inférieur à celui qu’elles donnaient lors de leur liquidation en 2010. Entre 2010 et 2021, les pensions ont été revalorisées de 8,6 % pour les pensions du régime général et de la fonction publique inférieures à 2 000 euros mensuels. La revalorisation est de 7,9 % pour les pensions supérieures à ce montant du fait d’une revalorisation différenciée en 2020. Pour l’ARRCO la revalorisation a été de 7,2 % à l’ARRCO et de 5,1 % à l’AGIRC. L’évolution des prix s’est élevée à 9,9 % sur la même période. Du fait de l’accord AGIRC-ARRCO de 2011, les pensions AGIRC ont décroché par rapport à l’inflation. Entre 2013 et 2016, les courbes sont parallèles, reflétant une stabilisation du pouvoir d’achat. Les pensions évoluent à nouveau moins rapidement que l’inflation entre 2017 et 2020 sous l’effet de plusieurs mesures : le décalage, en 2018, de la revalorisation des pensions de retraite au 1er janvier (contre le premier octobre) et les mesures de revalorisation maîtrisée mises en œuvre dans le cadre des PLFSS pour 2019 et 2020. La revalorisation de l’ensemble des pensions de base en 2019 a été limitée à 0,3 %. En 2020, une revalorisation différenciée a eu lieu, les pensions inférieures à 2 000 euros étant revalorisées de 1 % et celles supérieures à 2 000 euros de 0,3 %.

L’article 27 de la loi du 21 août 2003 prévoyant une garantie de pouvoir d’achat n’a pas été respecté. La perte a été de 1,3 point pour les pensions du régime général et de la fonction publique inférieures à 2 000 euros, de 2,1 points pour les pensions supérieures à ce seuil de revenu, et de 2,8 points pour l’ARRCO. La perte est en revanche plus marquée pour l’AGIRC (-4,8 points). En 2021, les pensions du régime général et de la fonction publique ont été revalorisées de 0,4 %, tandis que l’inflation 2020 s’est établie à 0,6 %. Les pensions de l’AGIRC et de l’ARRCO n’ont, quant à elles, pas évolué. La pension AGIRC/ARRCO a été revalorisée de 1 % au 1er novembre 2021 et celle du régime général de 1,1 % au 1er janvier 2022.

Évolution des pensions par rapport à l’inflation

Source : DSS

L’indexation des pensions un sujet éminemment politique, social et économique

Pour éviter que le montant des pensions ne subisse l’érosion de l’inflation, le principe de la revalorisation a été introduit, lors de la création du système d’assurance vieillesse, après la Seconde Guerre mondiale, par la loi du 23 juillet 1948. L’application de ce principe s’effectue essentiellement par voie réglementaire. Le Parlement a pu être amené, à plusieurs reprises, à déterminer le taux de revalorisation, soit pour déroger au cadre préfixé, soit parce que le Gouvernement souhaitait réaliser un acte de communication sur le sujet.

Jusqu’en 1986, la voie réglementaire s’est ainsi imposée, excepté dans certains cas où le législateur a estimé devoir décider lui-même le taux de revalorisation en lieu et place du Gouvernement comme en 1949 et 1951. De 1987 à 1992, l’indexation des pensions a été fixée par la loi du fait d’une décision du Conseil d’État qui avait indiqué que l’absence de décret définissant l’indice de revalorisation empêchait le Gouvernement de retenir l’indice des prix comme nouvelle référence. À partir de 1993, les revalorisations successives ont à nouveau été fixées par arrêté, excepté de 1999 à 2003, en 2019 et en 2020, années durant lesquelles le dispositif de revalorisation a été régi par les lois de financement de la Sécurité sociale.

La danse perpétuelle des dates d’actualisation

Concernant la date d’application des revalorisations, la loi de 1948 précitée prévoyait une application au 1er avril de chaque année. À compter de 1974, les pouvoirs publics ont décidé d’effectuer la revalorisation en deux fois, la première le 1er janvier et la seconde le 1er juillet. La loi du 22 juillet 1993 qui a lancé la vague des réformes des retraites est revenue à une revalorisation unique fixée au 1er janvier de chaque année. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 a porté cette date au 1er avril. En 2014, un nouveau report est décidé au 1er octobre. Le Gouvernement d’Édouard Philippe décide finalement de reprendre la date du 1er janvier. Ces reports successifs permettent de réaliser des gains sur le montant des pensions distribuées. En tout et pour tout, une année de revalorisation a été ainsi économisée depuis 1993.

Des salaires au prix

Le législateur entendait, dès 1948, donner « des garanties positives tout en ne compromettant en rien l’équilibre financier ». Il fut ainsi décidé de lier la revalorisation des pensions aux salaires qui servaient de base aux cotisations encaissées. L’indice de référence a ainsi été fixé sur l’évolution du salaire moyen des assurés. En 1965, par décret, fut défini de manière précise le mode de calcul de l’indice de référence. Le salaire annuel moyen des assurés correspondait au salaire qui entrait en compte pour le calcul des cotisations, à savoir le salaire-plafond soumis à cotisations. Le calcul s’effectuait en fonction du montant moyen des indemnités journalières de l’assurance-maladie servies au cours de la période courant du 1er janvier au 31 décembre de chacune des années de référence. Le décret du 29 décembre 1982 a supprimé la référence au salaire moyen plafonné des assurés sociaux, pour retenir le salaire brut moyen annuel par tête versé par les entreprises non financières non agricoles prévu pour l’année considérée par le rapport annexé à la loi de finances. Après annulation de ce décret par le Conseil d’État en 1986, le Gouvernement de Jacques Chirac a décidé d’indexer, à compter de 1987, les pensions en fonction de l’indice des prix. De 1983 à 1992, la revalorisation a été inférieure à l’inflation du fait que les pouvoirs publics n’avaient pas fixé d’indice de référence. À partir de 1994, les pensions ont été revalorisées en fonction de l’indice prévisionnel des prix à la consommation (hors tabac) déterminé par l’Insee. Depuis le 1er janvier 2004, la revalorisation des pensions est identique pour les régimes de base, les régimes alignés et la Fonction publique. Des ajustements sont opérés en fonction de l’évolution réelle des prix. En 2014 comme en 2016, les pensions n’ont pas été actualisées. En 2019, le gouvernement d’Édouard Philippe a opté pour une sous-indexation différenciée en fonction du niveau de la pension. L’indexation a été de 1 % si la pension était inférieure à 2 000 euros bruts et de 0,3 % si la pension était supérieure à 2 000 euros bruts. Compte tenu du montant des pensions, plus de 330 milliards d’euros, toute revalorisation se chiffre en milliards d’euros et constitue un enjeu majeur en matière d’équilibre des régimes de retraite.

Les propositions des candidats concernant le montant des pensions

Emmanuel Macron propose une pension minimale de 1 100 euros (comme président, il proposait 1 000 euros) pour les carrières complètes, Anne Hidalgo et Fabien Roussel, de 1 200 euros nets, Valérie Pécresse à la hauteur du Smic (1 270 euros nets début 2022). Jean-Luc Mélenchon promet une pension minimale égale au Smic, revalorisé à 1 400 euros nets. Nathalie Arthaud porterait cette pension minimale à 2 000 euros nets.

Jean-Luc Mélenchon prévoit également le retour de l’indexation sur les salaires de référence sur les salaires moyens comme cela se pratique depuis 1987. Plusieurs candidats proposent une indexation réelle au prix dont Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan. Eric Zemmour et Valérie Pécresse veulent augmenter les pensions de réversion versées aux conjoints survivants, pour qu’elles atteignent 75 % de la pension du conjoint décédé, contre 54 % aujourd’hui.

A lire dans le Mensuel N°96 du Cercle de l’Epargne

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