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En 2021, moins de 36 % des personnes âgées de 60 à 64 ans sont, en France, sur le marché du travail. Ce taux, certes en progrès depuis une dizaine d’années, reste nettement inférieur à la moyenne constatée chez nos partenaires européens. L’emploi des seniors est un sujet sensible, car il est intrinsèquement lié à la question de l’âge de départ à la retraite. Les Français souhaitent partir tôt à la retraite rejoignant bien souvent les aspirations des entrepreneurs qui cherchent à rajeunir leur personnel. Le vieillissement de la population se traduisant par une augmentation rapide du nombre de retraités et la stagnation voire le déclin du nombre d’actifs, les pouvoirs publics entendent relever sensiblement le taux d’emploi des seniors afin d’équilibrer les comptes de la protection sociale et éviter la multiplication des pénuries de main-d’œuvre.
Une réelle augmentation du taux d’emploi des seniors depuis vingt ans
Le taux d’emploi de 55/64 ans est, en France, en hausse depuis le début du siècle en étant passé de 30 à 56,5 % de 2001 à 2021. Cette augmentation s’est accélérée après 2010 avec le report de l’âge légal de 60 à 62 ans. Néanmoins, la France reste toujours en dessous de la moyenne européenne (écart de 3 points). Si pour les 55/59 ans, la France se situe au-dessus de la moyenne européenne, en revanche, l’écart reste important pour les 60 ans et plus. Le taux d’emploi des 60/64 ans est de 35 % en France, contre 45 % pour l’ensemble de l’Union européenne et 62 % pour l’Allemagne.
Un faible taux d’emploi des 55/64 ans est une spécificité des États d’Europe du Sud qui sont également les pays qui consacrent la part la plus élevée de leur PIB à la retraite. La Belgique fait figure d’exception. Ces pays se caractérisent également par un fort taux de chômage structurel et une croissance potentielle faible.
Jusqu’au début du XXIe siècle, le sous-emploi était avant tout féminin. Cette situation prévalait tant pour l’ensemble des actifs que pour les seniors. Depuis quinze ans, une convergence entre les taux d’emploi masculin et féminin s’est réalisée.
La convergence des taux d’emploi des hommes et des femmes de la tranche 60/64 ans est marquée notamment du fait du départ plus tardif à la retraite de ces dernières du fait d’un déficit de trimestres à 62 ans. Ce phénomène devrait progressivement se résorber avec la meilleure prise en compte des périodes de maternité et des congés parentaux.
De l’âge légal à l’âge effectif de départ à la retraite
L’âge d’ouverture des droits à la retraite n’explique pas totalement le déficit d’emplois chez les seniors en France. Des États comme les États-Unis ou le Canada ont des âges d’ouverture plus précoces que la France tout en ayant des taux d’emplois des plus de 59 ans supérieurs. A contrario, des pays comme l’Espagne ou l’Italie ont des âges d’ouverture des droits élevés sans que cela se ressente sur leur taux d’emploi. Le montant des pensions obligatoires et les éventuelles décotes/surcotes jouent un rôle important. Malgré tout, l’âge légal a un effet horizon indéniable comme en témoigne la progression du taux d’emploi des plus de 55 ans, en France, après l’adoption de la loi de 2010.
Âge d’ouverture des droits à la retraite
Pays | En 2022 | À terme | Génération | Année |
Canada (RPC) | 60 ans | |||
États-Unis | 62 ans | |||
France | 62 ans | |||
Japon (comp, F) | 62 ans | 65 ans | 2030 | |
Suède | 62 ans | 64 ans | 1963 | 2026 |
Japon (comp, H) | 64 ans | 65 ans | 2025 | |
Belgique | 65 ans | 67 ans | 2030 | |
Canada (SV) | 65 ans | 67 ans | 1958 | 2029 |
Japon (base) | 65 ans | |||
Allemagne | 65,83 ans | 67 ans | 1964 | 2031 |
Royaume-Uni | 66 ans | 68 ans | 1978 | 2037-2039 |
Espagne | 66,17 ans | 67 ans | 2027 | |
Pays-Bas | 66,33 ans | 67 ans | 2024 | |
Italie | 67 ans | 69,75 ans | 2050 |
En France, l’âge moyen conjoncturel de départ à la retraite est de 62,3 ans en 2020. Les femmes partent en moyenne à 62,6 ans et les hommes à 62 ans. Cet âge est en hausse depuis 2010 où il était de 60,5 ans en moyenne pour l’ensemble des actifs.
L’âge conjoncturel moyen varie en fonction des régimes de retraite. Il est le plus faible pour celui de la RATP (56 ans) et le plus haut pour les salariés et les indépendants (63,1 ans).
En 1979, l’âge moyen d’attribution des droits était de 64 ans (régime CNAV). Cet âge s’est abaissé à 61 ans en 2006 avant de remonter à 62,9 ans en 2021. La remontée est la conséquence de l’allongement de la durée de cotisation et du report de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans ainsi que de l’introduction des différents mécanismes de décote dont le dernier en date concerne l’AGIRC/ARRCO.
La proportion de personnes de 50 ans en activité professionnelle est de 70 % en France. Ce taux diminue sensiblement à partir de 55 ans en lien avec une progression de l’inactivité ou le retrait du marché du travail (invalidité). À partir de 58 ans, la retraite et la préretraite sont des facteurs qui prennent de l’importance. À 60 ans, la moitié des personnes sont hors activité. À 65 ans, 77 % de la génération est en retraite.
23 % des assurés relevant de la CNAV à titre principal partent avant 62 ans quand ce taux est 30 % pour les agents de la fonction publique civile de l’État. Il est a contrario de 5 % pour les assurés dépendant du régime des professions libérales. 40 % des assurés de la CNAV travaillent au-delà de 62 ans contre 35 % pour ceux relevant de la fonction publique civile de l’État et 68 % pour ceux relevant de la CNAVPL.
Avec un départ précoce à la retraite et une espérance de vie à 60 ans figurant parmi les plus élevées au sein de l’OCDE, fort logiquement, la France arrive en tête pour la durée de la retraite. Elle est de près de 27 ans pour les femmes et 22 ans pour les hommes soit respectivement 5 ans et 4 ans de plus que les Néerlandaises et les Néerlandais.
Le report de l’âge légal de 60 à 62 ans et de l’âge de la retraite à taux plein de 65 à 67 ans a eu un réel effet horizon. Il a eu également comme conséquence une augmentation sensible des dépenses d’invalidité pour la Sécurité sociale et plus encore pour les régimes complémentaires de prévoyance. Le surcoût atteindrait environ deux milliards d’euros. À partir de 58 ans, les arrêts maladie ont tendance à s’accroître et à durer plus longtemps. Ils peuvent également servir de dispositif d’ajustement par rapport à un départ à la retraite. Le salarié continue à accumuler des trimestres tout en n’étant plus rémunéré par l’entreprise. Le recours au chômage sur les trois dernières années peut, par ailleurs, constituer un moyen de gérer les effectifs pour certaines entreprises.
Les facteurs d’explication des départs autour de 60 ans en France
L’adhésion à une retraite précoce en France s’explique, en partie, par le haut niveau des pensions qui permet aujourd’hui aux retraités d’avoir un niveau de vie légèrement supérieur à celui de l’ensemble des Français. Le fort taux d’emploi des seniors en Allemagne, en Suisse ou en Finlande est en lien avec une moindre générosité des régimes de retraite. L’importance de l’emploi à temps partiel pour les plus de 55 ans contribue également au maintien en activité chez nos voisins. En France, le recours au temps partiel concerne avant tout les jeunes actifs car ils occupent souvent des emplois à forte pénibilité. Les plus de 55 ans ont peu accès aux emplois à temps partiel, ce qui les amène à arbitrer en faveur de la retraite. La possibilité d’utiliser les trois ans d’indemnités chômage accessibles aux plus de 55 ans constitue de plus en plus un sas pour la retraite même si le taux de chômage des seniors est plus faible que celui du reste de la population. En revanche, le taux de chômage de longue durée est plus élevé chez les plus de 55 ans, ce qui rend délicate la suppression de l’indemnisation durant trois ans. Les seniors sont souvent des variables d’ajustement des effectifs, car jugés moins productifs que les jeunes et moins adaptés aux nouvelles technologies. En outre, leur rémunération par le jeu de l’ancienneté est plus importante que celle des jeunes actifs. En 2021 et 2022, Michelin a supprimé un peu moins de 1 100 postes en France en s’appuyant à environ 60 % sur des « préretraites ». Chez Airbus, la branche avions commerciaux a réduit ses effectifs dans l’Hexagone de 2 157 postes en 2021, grâce à 1 500 départs en mesure d’âge. Il en a été de même chez General Electrics et chez Renault Trucks. Renault Trucks garantit 75 % du salaire jusqu’à 36 mois de la retraite avec prise en charge de la mutuelle et des cotisations retraite. Ces dispositifs de préretraite sont de nature privée et sont financés de manière assurantielle par les grands groupes.
Les mesures d’âge peuvent être couplées à des embauches, avec la volonté de rajeunir les effectifs. En 2021, 1 231 salariés de TotalEnergies France sont partis dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective, dont un millier de seniors de 59 ans et plus. Le groupe a embauché en contrepartie 700 personnes de moins de 35 ans.
Des groupes comme BNP Paribas, Safran ou Orange ont développé des temps partiels seniors pour favoriser les transitions douces et piloter leur masse salariale. Le dispositif de retraite progressive qui n’a pas, pour le moment, rencontré un réel succès pourrait être plus fréquemment utilisé d’autant plus qu’il a été ouvert aux salariés travaillant au forfait, c’est-à-dire essentiellement les cadres. Pour le moment, les entreprises mettent en place des systèmes maison pour rajeunir leurs effectifs. Pour les salariés se situant entre 12 et 24 mois de la retraite, BNP Paribas propose un temps partiel hebdomadaire à 80 %, rémunéré 90 %. Il existe aussi une formule annualisée à 60 %, rémunérée 66 %. Chez Safran, le temps partiel pour les seniors était accessible à 18 mois de la retraite voilà dix ans. Il a été récemment étendu à ceux qui sont à 30 mois, voire à 36 mois de la retraite. Chez Orange, le système des temps partiels seniors (TPS) est appliqué depuis 2009, afin de rajeunir les effectifs et de baisser la masse salariale. Disponible jusqu’en janvier 2023, le dernier TPS en date peut être utilisé sur une période allant d’un an et demi à cinq ans. Près des trois quarts des salariés d’Orange partiraient en retraite dans le cadre d’un TPS, ce qui leur permettrait de partir 3 à 4 ans avant la date normale. Néanmoins avec la résurgence de l’inflation, certains pourraient subir une baisse de leurs revenus de près de 30 %.
Avec la baisse de la population active attendue dans les prochaines années, les entreprises risquent d’être confrontées à des problèmes majeurs de pénurie de main-d’œuvre. Le maintien en activité des seniors qui est déjà une priorité pour les gouvernements pourrait l’être également pour les entreprises.
Innover pour améliorer l’emploi des seniors
L’Institut Montaigne propose pour rendre plus attractif l’emploi des seniors de diminuer de 2,5 points les taux de cotisation vieillesse et chômage pour les moins de 30 ans et les plus de 55 ans, et de les relever de 1 point entre les deux. Cette mesure serait neutre et s’accompagnerait d’un lissage des variations dans les deux ans précédant les franchissements de seuil.
Parmi les autres pistes avancées figurent le retour du contrat « génération » mis en place par François Hollande, l’amélioration du dispositif de retraite progressive, le développement du mécénat de compétences, la création d’un contrat senior ou l’aménagement du temps de travail.
Une piste assurantielle pourrait être imaginée pour réduire le coût des seniors en matière de rémunération. Les primes d’ancienneté pourraient être ainsi plus facilement provisionnées.
La question de la formation est également importante. Actuellement, les entreprises réduisent leur effort de formation pour les plus de 50 ans. Des accords de branche pourraient prévoir des obligations de formation. L’accès à la formation est également compliqué pour les PME. Toujours dans le cadre d’accords de branche, tous les salariés, quelle que soit la taille de l’entreprise, devraient pouvoir accéder à un minimum de formation afin de faciliter les reconversions.
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