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Le changement dans la continuité ou la continuité dans le changement – L’édito de Jean-Pierre Thomas

Les éditos du Président 10 juin 2022

Nous, Français, sommes prompts à la critique et à la division. Nous aimons l’autoflagellation au point d’en perdre la raison. Dans un système vertical, tout remonte, sans nuance et sans filtre, au sommet. Le Président de la République, le gouvernement sont sommés de résoudre tous les problèmes, des plus futiles aux plus importants. Dans les faits, nous demandons surtout l’immobilisme. Toute réforme étant synonyme de régression, il est sage de ne rien modifier. Le changement serait une vue de l’esprit. À l’occasion des campagnes électorales de 2022, des candidats ont ainsi affirmé qu’il n’y avait pas de motifs pour engager une éventuelle réforme du système de retraite. L’augmentation du nombre de retraités qui passera de 17 à 23 millions d’ici 2050 n’aurait donc pas d’incidence sur les équilibres financiers des régimes de retraite. Le report de l’âge de départ à la retraite n’est pas la seule solution. Il y en a d’autres, telles que l’augmentation des cotisations, la baisse des pensions, l’allongement de la durée de cotisation, le développement de l’épargne retraite, etc. Il peut et même il doit y avoir un débat évidemment sur le poids des retraites en France. Il convient également de s’interroger sur la bonne répartition des charges au sein de la nation, entre les actifs et les inactifs. En revanche, mettre un voile pudique sur cette affaire est digne de la politique de l’autruche. Il en est de même au niveau de la santé. Depuis plusieurs décennies, le principe est de gagner du temps. Le système vit sur une mythologie d’un autre siècle. Le principe de l’exercice libéral de la médecine est une illusion. Les médecins sont rémunérés par la Sécurité sociale. Si auparavant, ils acceptaient les contraintes de l’exercice libéral en ne comptant plus leurs heures, désormais, les jeunes souhaitent être salariés. À l’hôpital, l’organisation demeure militaire, hiérarchique. Aides-soignants et infirmiers sont mal rémunérés et ne sentent pas reconnus. Les médecins et les administratifs sont en guerre permanente. Les démissions dans le secteur public cachent un mal-être permanent. Les arrangements pour améliorer, financièrement, la situation du personnel hospitalier sont multiples mais il n’est pas certain que le patient et le contribuable en sortent gagnants. Le sous-investissement chronique a pour corollaire que les hôpitaux ressemblent à des prisons et que les chambres avec plusieurs lits sont encore trop souvent la règle. Une plus grande autonomie, une responsabilité de tous les acteurs, un plus grand nombre de passerelles entre les différents corps, une modernisation des équipements devraient être étudiés par la nouvelle Assemblée nationale. L’autre sujet que les gouvernements se transmettent sans réellement le traiter, est celui de la dépendance. Le Président Emmanuel Macron, lors de son premier mandat, a créé la 5e branche en charge de l’autonomie. Il faut désormais la doter d’un réel contenu. Pour le moment, il y a eu de la tuyauterie mais rien n’a changé pour les familles concernées par la dépendance d’un ou d’une proche. La France manque de structures permettant d’accueillir des personnes dépendantes souffrant de pathologies multiples et graves. Elle manque de professionnels spécialisés dans ce difficile domaine. Des progrès doivent être réalisés pour traiter la douleur et accompagner au mieux les personnes en fin de vie. Les députés de la XVIe législature se grandiraient en acceptant de débattre de la délicate question de l’euthanasie.

Depuis 1945, la France a connu plusieurs mutations. Elle s’est industrialisée puis désindustrialisée, elle s’est tertiarisée, urbanisée, digitalisée, un papy-boom a succédé à un baby-boom. La société s’est laïcisée, l’individualisme a progressé. Ces multiples bouleversements ne peuvent pas rester sans incidences sur notre protection sociale qui n’est que le miroir de notre société. L’immobilisme serait mortifère. Au nom du darwinisme, tout être vivant doit s’adapter à son environnement faute de quoi il disparaît.

Jean-Pierre Thomas

A lire dans le Mensuel du Cercle de l’Epargne n°98 de juin 2022

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