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« L’épargne ne rapporte plus rien,
mais les Français épargnent de plus en plus »
Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne
Selon les derniers résultats de l’INSEE, le taux d’épargne a atteint 14,7 % du revenu disponible brut en France contre 14,2 % en 2018. Cette hausse est intervenue au moment où les taux d’intérêt ont atteint des points bas historiques. L’État français a emprunté à taux négatif l’année dernière.
Dans les faits, les ménages ont affecté à l’épargne une partie de leurs gains de pouvoir d’achat. En 2019, ces gains ont été de 1,4 % quand la consommation a augmenté moins vite, de 1,2 % permettant ainsi une hausse du taux d’épargne. Les flux financiers en faveur de l’épargne ont dépassé 100 milliards d’euros en 2019.
Les « gilets jaunes » ont mis en avant leur incapacité de boucler les fins de mois. Dans les faits, ils ont surtout exprimé une angoisse, une peur du lendemain, plus propice à l’épargne qu’à la consommation.
Il n’y a pas un facteur mais de multiples facteurs qui expliquent la progression de l’épargne. Il faut prendre conscience que le taux d’épargne augmente dans tous les pays occidentaux, en France mais aussi en Allemagne et même aux États-Unis. Le vieillissement de la population joue un rôle non négligeable dans cette évolution. Avec la crise des régimes par répartition, les ménages sont conduits à préparer financièrement leur retraite.
La hausse des prix de l’immobilier constitue également un vecteur important de progression de l’épargne. Les ménages sont contraints d’augmenter le montant de leurs apports personnels. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le remboursement du capital des emprunts immobiliers constitue la première composante du taux d’épargne, devant l’épargne financière. Elle représente plus des deux tiers de l’effort d’épargne. Les Français s’étant fortement endettés ces dernières années, il est assez logique que cette composante de l’épargne augmente.
Troisième facteur important, la peur de l’avenir. Elle amène les ménages à renforcer leur poche d’épargne de précaution. Même si la situation de l’emploi s’améliore depuis plusieurs mois, les Français jugent cette embellie précaire. Le développement des emplois atypiques (CDD, temps partiel, intérim, auto-entrepreneurs) et le climat de défiance (grèves, réformes des retraites et maintenant l’épidémie de coronavirus) sont autant de facteurs qui incitent les ménages à épargner.
L’aversion aux risques a augmenté fortement depuis 2008. Les épargnants privilégient les produits de taux avec garantie du capital, l’épargne réglementée, les livrets bancaires, et les fonds euros. Avec un taux de rémunération de 0,16 % en décembre dernier, les livrets bancaires ont connu, sur l’ensemble de l’année 2019, une collecte positive de près de 15 milliards d’euros. Les taux bas sont anxiogènes. Considérés comme anormaux, ils incitent les ménages à épargner plus.
Les Banques centrales ont mis en œuvre des politiques monétaires accommodantes reposant notamment sur des taux d’intérêt bas, voire négatifs afin de relancer l’inflation. Ces politiques sont censées favoriser l’investissement et la consommation en pénalisant les épargnants.
Ces derniers ne se réjouissent pas de la baisse du rendement de leur épargne. Un quart des Français (sondage 2019 Cercle de l’Épargne – Amphitéa) jugent qu’aujourd’hui, plus aucun placement n’est intéressant. Ils laissent des sommes croissantes sur leurs dépôts à vue, plus de 400 milliards d’euros fin 2019, soit deux fois plus qu’avant la crise de 2008. Ils conservent des volumes de numéraire (billets et pièces) plus importants qu’auparavant.
Mais dans le même temps, ils placent beaucoup d’argent dans des produits de taux peu rémunérateurs.
Les taux d’intérêt bas amènent les épargnants à accroître leur effort d’épargne pour atteindre l’objectif de patrimoine qu’ils se sont assignés plus ou moins explicitement. Ce raisonnement s’applique également pour ceux qui se fixent un objectif de revenus financiers.
À la fin de l’année 2019, une petite inflexion en faveur des produits « actions » était constatée tant au niveau des unités de compte que du PEA. La crise de coronavirus devrait évidemment remettre en cause la hausse des achats d’actions. Même si cela n’est pas ancré dans les comportements des Français, c’est peut-être le bon moment pour investir en Bourse.
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