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Dans sa note de conjoncture du mois de juin, l’INSEE évoque le ciel voilé en Europe pour qualifier en ce premier semestre de l’année 2018 la conjoncture économique. L’institut statistique intègre qu’au cours du premier trimestre plusieurs inflexions se sont produites jouant en défaveur de la croissance. Ainsi, le commerce mondial après une très bonne année 2017 croit moins vite du fait d’un ralentissement assez marqué au sein des pays avancés. La croissance est ainsi passé Aux États-Unis de + 0,7 % à + 0,5 % du dernier trimestre 2017 au premier trimestre 2018, de 0,7 à 0,4 % pour la zone euro et cela après cinq trimestres de croissance. Au Japon, le PIB s’est contracté de 0,2 % après + 0,3 %. Le pays avait enregistré, par ailleurs, une croissance inédite depuis 2013 avec un gain de 1,7 %.
Les principales économies européennes connaissent une baisse de régime en début d’année, qu’il s’agisse de l’Allemagne (+ 0,3 % après + 0,6 %), de la France (+ 0,2 % après + 0,7 %) et du Royaume-Uni (+ 0,1 % après + 0,4 %). L’Espagne et l’Italie ont quant à elles conservé leur rythme de croissance, soutenu pour la première (+ 0,7 % à + 0,9 % par trimestre depuis trois ans), plus modeste pour la seconde (+ 0,3 % à + 0,4 % par trimestre depuis le printemps 2017).
En 2017, la croissance du produit intérieur brut français (+ 2,3 %) a été la plus forte depuis 2007. Elle a principalement été soutenue par le dynamisme de l’investissement des entreprises (+ 4,4 %) et des ménages (+ 5,6 %). Mais, au premier trimestre, l’investissement des entreprises a stagné (+ 0,1 % contre + 1,2 % au cours du dernier trimestre 2017). Ce ralentissement provient essentiellement du repli de l’investissement en biens manufacturés. En revanche, l’investissement en services continue de progresser. La consommation des ménages a crû modérément en 2017 (+ 1,1 %), et a conservé au premier trimestre 2018 le rythme atone de fin d’année 2017 (+ 0,1 %). Les échanges extérieurs se sont légèrement repliés en début d’année après des exportations vigoureuses fin 2017 (+ 2,3 %). Celles-ci avaient notamment conduit à une forte contribution du commerce extérieur à la croissance au quatrième trimestre 2017 (+ 0,7 point) ; cette contribution est devenue nulle au premier trimestre 2018.
La confiance en la croissance s’érode
Selon les enquêtes de conjoncture européennes, une dégradation du climat des affaires est constatée dans les quatre principaux pays de la zone euro et dans l’ensemble des secteurs (industrie, services, commerce) à l’exception de la construction. Cette similitude de réaction semble prouver que les facteurs du ralentissement sont en partie commun aux pays avancés. L’augmentation du prix du pétrole de 50 % de la mi 2017 à juin 2018 constitue sans nul doute la raison la plus tangible de l’affaiblissement de la croissance. Celle-ci est également contrainte par la faiblesse de l’investissement de ces dernières années et par l’apparition de goulots d’étranglement (production et main d’œuvre). Dans le prolongement du premier trimestre 2018, la croissance du PIB de la zone euro serait donc modérée au deuxième (+ 0,4 %). Après avoir atteint en 2017 un rythme de croissance inédit depuis 2010 (+ 0,7 % par trimestre), la zone euro retrouverait une cadence plus modérée en 2018. La croissance trimestrielle du PIB à partir du deuxième trimestre serait ainsi de + 0,5 % en Allemagne (+ 0,4 % en fin d’année, en léger ralentissement sous l’effet des contraintes d’offre), + 0,3 % en Italie et + 0,6 % en Espagne. Au final, après une croissance de 2,6 % en 2017, le PIB de la zone euro progresserait de 2,1 % en 2018. Malgré tout, l’emploi en zone euro progresserait de 1,5 % en 2018 (après + 1,3 %) et les salaires réels accéléreraient (+ 0,9 % après + 0,2 %), si bien que les gains de pouvoir d’achat excéderaient ceux de 2017 (+ 2,1 % après + 1,4 %). Après avoir progressé de 0,5 % au premier trimestre, la consommation des ménages ralentirait au deuxième trimestre (+ 0,4 %) et accélérerait à + 0,5 % par trimestre au second semestre. L’investissement devrait renouer avec une forte progression au cours du second semestre. Pour l’ensemble de l’année 2018, il pourrait augmenter de + 4,5 % en peu en deçà de celle de 2017 (+ 5,4 %).
La croissance française en repli
Le climat des affaires s’est dégradé, en France, depuis le début d’année mais les tensions sur l’offre continuent de progresser ou se maintiennent à des niveaux élevés. Ainsi, le taux d’utilisation des capacités de production dans l’industrie est toujours au-dessus de 85 %, son plus haut niveau depuis l’été 2008. Dans la construction, il dépasse même 89 % prouvant l’existence de goulots d’étranglement.
La production manufacturière, particulièrement allante en fin d’année 2017, s’est contractée au premier trimestre (– 1,0 % après + 1,3 %). Elle progresserait moins rapidement qu’en 2017 au cours des trois trimestres suivants. Sur l’ensemble de l’année, la production manufacturière augmenterait deux fois moins vite qu’en 2017 (+ 1,2 % en moyenne annuelle en 2018).
La production de services marchands hors commerce continuerait sa progression soutenue de + 0,4 % à + 0,5 % par trimestre jusqu’à la fin d’année 2018, suivant un rythme toutefois moins dynamique que l’an dernier. Dépendant de la conjoncture de l’industrie et des services, le commerce connaîtrait également une expansion moins rapide en 2018 qu’en 2017.
La construction progresserait un peu moins vite qu’en 2017 à partir du printemps (de + 0,3 % à + 0,4 % par trimestre), du fait notamment du ralentissement de l’investissement des ménages en bâtiment.
Les grèves dans les transports associées à un mois de mai comportant un nombre important de jours fériés en milieu de semaine devraient amputer de 0,2 à 0,3 point de PIB la croissance de l’année 2018.
Espéré à 1,9 %, le taux de croissance ne serait que de 1,7 % en 2018. Après 0,2 % au 1er trimestre, le PIB augmenterait de 0,3 % au deuxième et de 0,4 % au troisième comme au quatrième trimestre.
183 000 créations d’emploi sont attendues en 2018 après plus de 288 000 en 2017. Au premier semestre, l’emploi salarié marchand croîtrait à un rythme inférieur à celui de l’année précédente (+ 83 000), rythme qu’il garderait en seconde moitié d’année (+ 80 000). Les créations d’emploi dans le tertiaire marchand hors intérim ralentiraient (+ 134 000 sur l’année, après + 175 000 en 2017). L’industrie devrait perdre à nouveau des emplois et l’intérim enregistrer une forte décrue de sa croissance. L’emploi non marchand enregistrait une faible croissance cette année.
Dans ces conditions, le taux de chômage continuerait de baisser en 2018, pour s’établir à 8,8 % en fin d’année après 9,0 % fin 2017 et 10,0 % fin 2016.
Après avoir atteint, en moyenne, 1,0 % en 2017, l’inflation pourrait atteindre 2,0 % en mai en raison du renchérissement des prix de l’énergie et du relèvement des prix du tabac. Si l’inflation sous-jacente a également augmenté (passant de + 0,5 % en moyenne en 2017 à + 0,8 % en avril 2018), elle demeure faible. Elle pourrait remonter d’ici la fin de l’année jusqu’à + 1,1 %. L’inflation d’ensemble atteindrait 2,3 % durant l’été puis refluerait autour de + 1,7 % à la fin de l ’année.
Les salaires nominaux par tête dans le secteur marchand non agricole augmenteraient, en 2018 de 2,1 % après + 1,7 %, compte tenu des difficultés de recrutement déclarées par les employeurs. Du fait de la hausse de l’inflation, les salaires réels ne progresseraient que de 0,5 %. Dans la fonction publique, le gel du point d’indice pèsera sur l’évolution des traitements.
Grâce aux créations d’emploi, les revenus d’activité, progresseront de près de 3 % en 2018. Le revenu disponible brut des ménages devrait donc progresser de + 2,6 % en 2018 après + 2,7 % en 2017. Mais en prenant en compte l’inflation, la hausse du pouvoir d’achat serait limitée à 1 % contre + 1,4 % en 2017. Le pouvoir d’achat des ménages devrait baisser sur le premier semestre du fait du relèvement de la CSG mais s’améliorer au cours du second semestre avec la suppression du reliquat de cotisations d’assurance chômage pour les salariés et de la réduction de la taxe d’habitation pour les ménages concernés.
Malgré des gains de pouvoir d’achat relativement soutenus en 2017, la consommation des ménages a crû modérément (+ 1,1 %) au regard de la situation économique favorable. Les ménages ont maintenu un fort effort d’épargne. Cette modération se poursuivrait en 2018, la consommation ne progressant que de 1,0 % en moyenne sur l’année. Leur taux d’épargne s’établirait ainsi à 15,1 % en fin d’année, après un creux à 13,6 % au premier trimestre 2018.
Après une progression de 5,6 %, un record depuis 1999, l’investissement des ménages connaîtrait une augmentation bien plus mesurée en 2018 (+ 1,6 %). Les ventes de logements anciens ainsi que les permis de construire seraient en léger recul.
Après avoir fortement progressé en 2017, l’investissement des entreprises non financières (ENF) resterait dynamique en 2018 (+ 3,1 % après + 4,4 %), malgré la baisse de régime temporaire au premier trimestre (+ 0,1 %). Au deuxième trimestre, il progresserait de 0,9 % puis de + 0,6 % par trimestre au second semestre. Cela porterait fin 2018 le taux d’investissement des entreprises non financière à 22,4 %, un point au-dessus de son précédent sommet de 2008.
Après cinq années de repli, l’investissement public a rebondi en 2017. Il accélérerait en 2018 (+ 2,4 % après + 1,6 %) profitant notamment des dépenses associées aux chantiers du Grand Paris Express.
Au premier trimestre 2018, les exportations françaises ont baissé, après un bon dernier trimestre 2017 (– 0,3 % après + 2,3 %), en particulier pour les matériels de transport. La demande mondiale adressée à la France, qui croîtrait de 4,3 % en moyenne en 2018, soutiendrait les exportations, qui progresseraient de 4,4 % en moyenne sur l’année (après 4,7 % en 2017).
Les importations ont également baissé en début d’année 2018 mais retrouveraient une progression supérieure à 1,0 % par trimestre à partir du deuxième trimestre. Au total, le commerce extérieur contribuerait positivement à la croissance en fin d’année 2018. En moyenne annuelle, il contribuerait à hauteur de + 0,5 point à la croissance du PIB.
Des nuages sur la croissance
L’INSEE souligne de nombreux risques économiques et financiers pouvant provoquer l’enrayement de la croissance de l’économie mondiale.
Le durcissement progressif des politiques monétaires compte des niveaux d’endettement et des marchés boursiers pourrait provoquer quelques tensions notamment au sein des pays émergents. La politique budgétaire expansive menée aux États-Unis est, en outre, de nature à augmenter ce risque.
Les incertitudes politiques persistent en Europe (en Italie et en Espagne, au Royaume-Uni), les tentations protectionnistes pèsent également tout à la fois sur la croissance en minant la confiance et sur la vigueur des échanges internationaux (en particulier entre les États-Unis, la Chine et l’Europe). Par ailleurs, les marchés pétroliers pourraient pâtir du regain de tensions au Moyen-Orient.
Certains pays, notamment l’Allemagne, ont atteint des niveaux inédits de contraintes sur leur appareil productif. Pour l’instant, l’absence de net regain d’inflation (qu’il s’agisse des prix ou des salaires) suggère que leur activité économique peut se poursuivre à un rythme encore solide. Mais ces contraintes pourraient à terme venir grever leur croissance.
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