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Que faire de la cagnotte covid ?

Epargne 8 octobre 2021

3 questions à Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Épargne

Selon la Banque de France, les Français ont, depuis le début de la crise sanitaire, épargné 157 milliards d’euros de plus que d’habitude. Qui a épargné et comment ?

Du mois de mars 2020 au mois de juin 2021, les Français ont mis de côté 157 milliards d’euros de plus par rapport aux périodes passées équivalentes. Ce surplus se décompose en épargne subie en lien avec les restrictions sanitaires et en épargne de précaution avec la montée des inquiétudes. Ce phénomène est constaté dans tous les pays occidentaux. Avec le retour à la vie « normale », les ménages ont repris le chemin de la consommation mais sans excès. Si le taux d’effort d’épargne est en repli depuis la fin de l’année dernière, il demeure supérieur à sa moyenne de longue période. Le taux d’épargne, à la fin du deuxième trimestre 2021, s’élevait à 21,4 % du revenu disponible brut, contre 22 % à la fin du mois de décembre 2020. Il est censé revenir, d’ici 2023, à son niveau d’avant crise soit autour de 15 %. Selon l’Observatoire de l’épargne réglementée, 80 % de l’épargne collectée en 2020 ont été placés en produits de taux ou laissés sur les dépôts à vue. Le placement n° 1 est un non-placement, les comptes courants, dont l’encours a atteint 509 milliards d’euros à fin juillet soit plus de 17 000 euros par ménage. Avant la pandémie, ce montant était de 14 000 euros et avant la crise sanitaire de 2008, de moins de 7 000 euros. Les ménages conservent un volume croissant de liquidités par crainte et par absence de placements jugés rémunérateurs. Le faible rendement des livrets d’épargne réglementée et des livrets bancaires fiscalisés les incite à l’inaction. Il n’en demeure pas moins que le Livret A et le LDDS ont également bénéficié d’un fort mouvement de collecte depuis le début de la crise sanitaire. Les produits en fonds propres (les actions) ont capté, de leur côté, 20 % de l’épargne mais ce résultat est, compte tenu des circonstances, positif. À la différence des précédentes crises, les épargnants n’ont pas fui les placements « actions ». Le nombre de Plans d’Épargne en Actions a même progressé en 2020 et compte plus de 200 000 de titulaires supplémentaires pour atteindre plus de 5 millions. Selon l’Autorité des Marchés Financiers, en 2020, plus de 150 000 nouveaux actionnaires ont été enregistrés. À la différence des crises précédentes, la collecte en unités de compte des contrats d’assurance vie est restée vive. Si en 2001 comme en 2008 ou 2012, sa part dans la collecte tombait à moins de 15 %, en 2020, elle est restée supérieure à 30 % et tangente même les 50 % en 2021. Pour le Plan d’Épargne Retraite qui est commercialisé depuis le 1er octobre 2019, cette proportion est de 50 %.

Les Français ont tout intérêt, d’ici la fin de l’année, à se préoccuper de cette cagnotte. Quelles sont leurs intentions. Ont-ils décidé d’augmenter leurs dépenses de consommation, d’investir davantage ou de réallouer l’épargne sur le long terme ?

Durant l’été, les Français n’ont pas réellement touché à leur cagnotte. Ils ont simplement réduit leur effort d’épargne. La collecte du Livret A est passée de 3 milliards d’euros mensuels en début d’année à un milliard au cœur de la période estivale. Pour le moment, les Français demeurent attentistes voire prudents. Ils ont repris le chemin de la consommation mais sans excès. Il n’y a pas eu de frénésie d’achats. Une modification du panier du consommateur est néanmoins constatée. Les ménages dépensent moins pour leur voiture et plus pour leur logement. Les loisirs n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant crise quand, en revanche, les achats de produits alimentaires restent importants.

Concernant l’épargne stockée, la Banque de France estime qu’une partie sera, d’ici 2023, réaffectée à la consommation. Cela concernerait environ un cinquième de l’épargne constituée quand plus des trois quarts seront conservés soit sous forme de liquidités ou réalloués dans d’autres placements. La ventilation de l’épargne covid dépend évidemment de la suite de la pandémie et du contexte économique. Les incertitudes demeurent élevées, en ce début d’automne, d’autant que la France s’engage dans une importante et longue période électorale. Lors des précédentes échéances présidentielles, les ménages ont eu tendance à augmenter leur effort d’épargne. Compte tenu du niveau des déficits, la crainte d’un relèvement des impôts est amplement partagée au sein de la population, ce qui pourrait la conduire à épargner davantage.

Avec la fin de l’année, c’est le temps de penser à la diminution de sa facture fiscale ? Quelles sont les solutions à la disposition des épargnants ?

Pour alléger le montant de l’impôt sur le revenu, les ménages ont jusqu’au 31 décembre et dans les faits jusqu’à la mi-décembre, pour réaliser des opérations de défiscalisation. De nombreux dispositifs de nature immobilière ou financière existent.

Au niveau de l’immobilier, pour réduire leurs impôts, les ménages peuvent investir dans les Groupements Fonciers Forestiers qui offrent une réduction d’impôt équivalente à 18 % du montant de l’investissement. Il convient de souligner que les GFF ouvrent à une exonération partielle ou totale de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (les détenteurs de moins de 10 % d’un GFF sont totalement exonérés quand pour les autres, l’abattement est de 75 %) Par ailleurs, les revenus générés par les GFF ne sont pas imposables. Les ménages peuvent opter pour l’investissement dans l’immobilier ancien dans le cadre du dispositif Malraux qui ouvre droit à un avantage fiscal non négligeable. La réduction d’impôt concerne des logements situés dans des secteurs éligibles (secteurs sauvegardés Malraux). Elle est de 30 % du montant des travaux de rénovation effectués en vue de la location du logement. Pour les zones de Protection du Patrimoine Architectural Urbain ou Paysager (ZPPAUP), le taux de réduction d’impôts est de 22 %. Un dispositif « monuments historiques » est également accessible aux contribuables. La loi Monuments historiques est une loi de 1913 qui vise à encourager à la restauration et la préservation du patrimoine historique et immobilier. En vertu de cette loi, les contribuables peuvent déduire de leur revenu imposable le montant du déficit foncier généré par les travaux de rénovation.

Les contribuables peuvent également recourir au dispositif Pinel (logements neufs) ou au dispositif Denormandie (logements anciens) pour diminuer leur impôt. Le taux de la réduction d’impôt est fonction de la durée de l’engagement de location, 6, 9 ou 12 ans. Il varie de 12 à 21 % dans la limite d’un investissement de 300 000 euros. L’obtention de cette réduction d’impôt est conditionnée au respect de plafonds de ressources pour les locataires (à l’exception des enfants de l’investisseur) et de plafonds de loyers. Le dispositif Pinel a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2022. Des dispositifs de défiscalisation existent par ailleurs pour les investissements dans les départements et régions d’Outre-Mer (Pinel Outre-Mer et Girardin) ou pour des investissements solidaires (loi Cosse).

En dehors des niches fiscales mais toujours dans l’immobilier, il convient de signaler le régime de Loueur en Meublé Non Professionnel (LMNP) permet d’amortir la valeur de son investissement immobilier locatif, les revenus de la location étant soumis à l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

Au niveau financier, mais toujours dans le domaine de l’immobilier, les ménages peuvent prendre des parts de Société Civile de Placement Immobilier (SCPI) qui permettent de bénéficier des avantages fiscaux liés aux différents dispositifs (Pinel, Denormandie, Malraux ou déficit foncier). Ils peuvent opter pour des parts de PME ou de Fonds Commun de Placement dans l’Innovation (FCPI), de Fonds d’Investissement de Proximité (FIP). Depuis le décret du 7 août 2020, la réduction d’impôts concernant les FCPI et les FIP est passée à 25 %. Jusqu’alors, le taux de réduction pour ces deux dispositifs était de 18 % en France métropolitaine hors Corse (pour la Corse, le taux de la réduction d’impôt FIP est de 30 %). Le montant de l’investissement pris en compte est plafonné à 12 000 euros pour une personne seule et à 24 000 pour un couple. Ces dispositifs sont soumis au plafonnement des réductions d’impôt fixé à 10 000 euros pour une personne seule ou 20 000 euros pour un couple. Pour bénéficier des réductions d’impôt, le souscripteur s’engage à conserver les parts durant au moins cinq ans. Pour encourager l’investissement dans le secteur de la culture, il est également possible de souscrire à des parts de Société pour le Financement du Cinéma et de l’Audiovisuel (SOFICA). Le taux de la réduction d’impôts des SOFICA varie de 30 % à 48 % dans la limite de 18 000 euros d’investissement et sous réserve que ce dernier ne dépasse pas 25 % du revenu net global.

Les ménages peuvent bénéficier non pas d’une réduction d’impôt mais d’une déduction sur leur revenu imposable en épargnant sur un Plan d’Épargne Retraite (PER) ou un Plan d’Épargne Retraite Populaire (PERP). Les versements individuels sont déductibles dans la limite de 10 % des revenus professionnels de 2020, nets de cotisations sociales et de frais professionnels, avec une déduction maximale de 32 909 euros ou 4 114 euros si ce montant est plus élevé.

Les mécanismes d’allégement de la facture fiscale sont nombreux. Le contribuable épargnant ne doit pas perdre de vue le rendement réel de son investissement et surveiller les frais inhérents à ces différents placements. Par ailleurs, les avantages fiscaux sont accordés en contrepartie d’une prise de risque et d’un engagement dans le temps.

A lire dans le Mensuel N°90 du Cercle de l’Épargne

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