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Après un arrêt sur image de l’économie française, le temps est à la reprise avec l’espoir d’un rebond permettant de compenser le manque à gagner des deux mois de confinement. Face à cette crise sanitaire mondiale, les gouvernements ont choisi de dépenser sans compter, avec par voie de conséquence, une augmentation de l’endettement. Celui-ci n’est pas sans poser quelques questions à défaut d’être des problèmes….
La crise plurielle (sanitaire, offre, demande) a des effets déflationnistes. La demande s’est raréfiée avec le confinement au point de provoquer une chute spectaculaire du prix du pétrole. Le retour progressif à la normale devrait freiner l’augmentation de la demande d’autant plus que les ménages, face à la menace du chômage, devraient maintenir un important effort d’épargne de précaution. Au 24 avril, la France comptait plus de 10 millions de personnes au chômage partiel auxquels s’ajoutent les 3 millions de demandeurs d’emploi « classiques ». Des augmentations de prix sont à attendre dans les secteurs de l’industrie et du commerce qui devront s’adapter aux nouvelles normes sanitaires. Par ailleurs, certains voudront compenser les pertes de recettes des mois de confinement. Ces phénomènes devraient rester marginaux. Avec le faible cours des prix de l’énergie et des matières premières, l’inflation ne devrait pas augmenter fortement dans les prochains mois. Concernant l’injection massive de liquidités de la part des banques centrales en contrepartie de l’envolée des déficits, son effet sur les prix est difficile à apprécier. Depuis la crise financière, les banques centrales ont accru de manière très importante la taille de leur bilan sans que cela, à leur grand désespoir, n’ait eu un impact sur les taux d’inflation. L’augmentation des fonds propres de la part des banques et des sociétés d’assurances, la progression du taux d’épargne des ménages et des entreprises expliquent en partie ce phénomène. La forte concurrence sur le marché des biens avec la mondialisation et le développement du canal de distribution en ligne a pesé indéniablement sur les prix. Une remise en cause du libre-échange avec une montée du protectionnisme et la relocalisation de certaines activités industrielles pourrait inverser cette tendance à moyen terme. Les États, pour alléger le poids de leur dette, espéreront avoir une inflation supérieure à celle des dernières années. Celle-ci pourrait être au rendez-vous en cas d’augmentation des coûts salariaux. Les tensions sociales qui étaient déjà manifestes avant crise pourraient s’accroître après.
Avec la crise du COVID-19, l’endettement public des grands États occidentaux devrait augmenter de 10 à 20 % du PIB. Le taux moyen de l’endettement devrait se situer au-delà de 110 % du PIB. Le taux de la France sera supérieur à 115 % et celui de l’Italie pourrait dépasser 150 % du PIB. Les pays dits avancés retrouveraient des taux d’endettement dignes de ceux de la fin de la Seconde Guerre mondiale. La dette de l’État était, en France, de 110 % du PIB en 1945. La résorption de l’endettement a été alors facilitée par l’inflation et la croissance. L’inflation a été ainsi de 10 à 50 % par an entre 1945 et 1952. Le taux de croissance dépassait aisément les 3 % en rythme annuel durant les 30 Glorieuses. Par ailleurs, la France a bénéficié de l’appui financier des États-Unis dans le cadre du plan Marshall et dans le cadre d’appuis directs. À défaut de croissance et d’inflation, les gouvernements peuvent compter sur les banques centrales à travers les rachats d’obligations. Depuis la crise financière de 2008, la BCE ou la FED effectuent des programmes d’achats auprès des agents financiers, banques et assureurs, d’obligations d’État. Avec la crise du COVID, la BCE a indiqué qu’elle pourrait être amenée à racheter 1 000 milliards d’euros d’obligations. Ces obligations donnent donc lieu au versement de liquidités aux banques et assureurs qui doivent les replacer ou les prêter. Les obligations acquises par la BCE sont, en grande partie, relogées au sein des banques centrales des États membres, la Banque de France pour notre pays. Ces dernières, comme la BCE, perçoivent les intérêts (quand il y en a) et les remboursements (les tombées de capital) de la part des États. Les bénéfices ainsi réalisés sont reversés aux États. Il y a ainsi un véritable circuit fermé de la dette publique. Cette monétisation indirecte de la dette peut se poursuivre aussi longtemps que les banques centrales le désirent. Le risque serait une perte de légitimité de la monnaie. Ce risque est pour le moment limité par le fait que toutes les banques centrales pratiquent la même politique. Si la BCE continue à le faire quand les autres reviendront à une politique monétaire plus traditionnelle, il pourra y avoir théoriquement un risque de dépréciation de l’euro. Les États membres de la zone euro pourraient aussi décider d’annuler tout ou partie de la dette détenue par la BCE et ainsi assumer le processus de création monétaire. Cela nécessiterait un accord de tous les États membres. S’il n’y a pas d’incidence pour les épargnants, cela pourrait porter préjudice à l’image de l’euro. Pour éviter ce problème, l’action d’annulation pourrait être menée au niveau mondial. À défaut de pratiquer de la sorte, deux autres voies sont imaginables. La première consiste à annuler les dettes détenues par les agents non financiers comme cela s’est pratiqué en Grèce. Les conséquences sur la confiance dans l’économie de la zone euro seraient importantes. Une banqueroute serait un aveu d’échec et dissuaderait pour quelques années les investisseurs à prêter de l’argent aux États membres. Les taux d’intérêt augmenteraient et entraîneraient un ralentissement de l’activité. La seconde voie passe par le retour des excédents budgétaires qui résulterait de la réalisation d’économies, de l’augmentation des prélèvements, ou de la conjonction de des deux. Cette méthode récessive nécessite des arbitrages peu populaires. Compte tenu du niveau des tensions sociales et politiques, les gouvernements ne s’engageront dans cette voie qu’à reculons.
La baisse des marchés « actions » au regard de l’ampleur de la crise que nous connaissons est assez faible. Les indices ont perdu depuis le début de l’année entre 18 et 25 % de leur valeur quand l’activité économique a enregistré une contraction de 3 à 40 %. Ce recul est intervenu après une année 2019 qui avait été marquée par une forte hausse des indices, plus de 26 % pour le CAC 40. La bonne tenue des valeurs actions repose sur plusieurs facteurs. Avant la survenue de la crise, la santé financière des entreprises était bonne. Les bénéfices étaient à un niveau correct. Le maintien de taux d’intérêt bas par les banques centrales incite les détenteurs de capitaux à privilégier les actions. Les taux devraient rester bas sur une longue période, ce qui peut être dissuasif. L’action concertée des banques centrales et des États permet d’espérer un rebond économique pour la fin de l’année et pour 2021. Les investisseurs anticipent cette reprise et prennent position en faveur des secteurs qui pourraient en profiter. Au gré des résultats sanitaires et économiques, les cours peuvent connaître d’amples fluctuations dans les prochains mois, fluctuations qui devraient être néanmoins inférieures à celles du mois de mars. Leur progression devrait être en revanche plus timide durant les semaines à venir du fait que les cours actuels comportent une dose importante d’anticipations à vérifier concernant le retour de la croissance.
A lire dans le Mensuel du Cercle de l’Épargne N°73 de mai 2020
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