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Questions à Jean-Pierre Gaillard, journaliste et chroniqueur boursier

Economie 3 décembre 2016

 Contrairement aux craintes émises par de nombreux analystes, le référendum britannique sur la sortie de l’Union européenne et l’élection de Donald Trump à la Présidence des États-Unis ont eu peu d’effets négatifs, voire ont eu des effets positifs sur les marchés financiers. Pourquoi ? Cela peut-il durer ?

 

 Avant ces deux évènements, à savoir le Brexit et l’élection de Donald Trump, les marchés avaient corrigé, voire, d’une certaine façon, anticipé leur possible survenue. Bien que d’une ampleur différente, la réaction a été semblable dans les deux cas. Si les marchés ont plus violemment réagi au Brexit, on a assisté, dans les deux cas, à un rapide retour à des niveaux supérieurs, tout particulièrement en ce qui concerne l’élection présidentielle américaine. En revanche, pour ce qui est du référendum britannique, les conséquences devraient être négatives. La suite nous le dira car si le vote a eu lieu, le Brexit reste entièrement à réaliser.

Au même titre que pour le Brexit, il convient d’attendre un peu avant de se prononcer sur l’impact de l’élection américaine, car l’entrée en fonction de Donald Trump est prévue le 20 janvier prochain. Nous avons à faire face à deux Donald Trump, le premier, celui de la campagne électorale, exubérant, cassant, tout à fait imprévisible et le second, élu, bien plus posé et plus conciliant bien que toujours aussi imprévisible. On dispose à ce jour de peu d’éléments sur son programme et surtout sur son éventuelle mise en œuvre. On assiste, d’une part, depuis le vote, à une succession de renoncements sur des sujets aussi divers que le projet de mur entre les États-Unis et le Mexique pour limiter l’immigration clandestine ou encore le mariage homosexuel et l’Obamacare. Il semble en revanche conserver des positions fermes, en particulier en ce qui concerne les nominations des membres de son équipe, avec une équipe très dure.

Depuis le début de l’année, le CAC40 n’arrive pas à passer durablement au-dessus des 4 500 points. Quelles sont les raisons de cette léthargie française et de ce décalage avec les autres grandes places européennes ?

 

Avant de comparer la performance du CAC40 avec celle des autres places européennes, il faudrait dans un premier temps uniformiser le mode de calcul des différents indices. Le Dax allemand qui est par exemple calculé « dividendes bruts réinvestis », est encore en ce moment autour de 10 600 points quand le CAC40, calculé hors dividendes, lui n’est qu’à 4 600. Pourtant, Euronext fait bien le calcul, en temps réel, tous les jours, du CAC dividendes réinvestis. Ce dernier s’élève à environ 8 900 points. Voilà qui change tout et laisse entrevoir, sur le long terme notamment, le visage des actions sous un tout autre angle, bien plus favorable.

Le plus important, pour l’instant c’est la santé et la vie des entreprises, or en 2016, leurs résultats progressent. Par conséquent, les marchés financiers devraient bien sûr suivre ; d’autant que 2017 s’annonce favorable pour les bénéfices également. Enfin, n’oublions pas que les entreprises françaises sont pénalisées tant sur le plan de la fiscalité et des prélèvements sociaux que par un code du travail devenu irréaliste et par une paperasserie envahissante. C’est une situation qui pourrait changer l’an prochain.

 

Malgré des taux d’intérêt au plus bas et un environnement réglementaire un peu chahuté, les ménages français continuent à épargner mais optent pour une certaine forme d’attentisme en privilégiant les dépôts à vue et les placements courts peu rentables. Que préconiseriez-vous aux épargnants qui semblent un peu perdus?

 

Les Français souffrent d’un manque cruel de culture actionnariale, ils ont peur des actions qui, il est vrai, sont affectées d’une volatilité souvent bien plus importante que les autres classes d’actifs. Aussi, les gouvernements successifs, les professionnels de la finance et les autorités de tutelles devront faire preuve de beaucoup de pédagogie pour faire comprendre que le rendement est forcément en rapport avec le risque que l’on prend.

Si on parvenait à instaurer un cadre fiscal, juridique et administratif stable, cela constituerait une avancée qui permettrait d’apaiser les marchés. On peut toujours espérer qu’un homme politique providentiel qui parviendrait à restaurer la confiance en l’avenir, le retour du plein-emploi et garantirait aux retraités qu’ils pourraient bénéficier d’une pension décente relancerait de facto la consommation et bien sûr la croissance. Ce mouvement serait souhaitable d’autant que la reprise de l’inflation commence à se dessiner. Mais ceci n’est qu’un rêve…

Bientôt, avec la reprise, modeste mais réelle, qui se dessine en ce moment, les placements d’attente ne seront plus de mise. Aussi, toujours quand la croissance repart, la meilleure protection contre l’inflation, reste les actions.

 

Avec de nombreuses élections prévues en 2017 en Europe, en France, aux Pays-Bas, en Allemagne et peut-être aussi en Italie, comment voyez-vous l’année boursière ?

 

Avec la mondialisation, les élections dans les « petits-moyens pays » sont sans grande incidence sur les marchés. En revanche, quand il s’agit de l’Amérique c’est un phénomène mondial. Ce sera sans doute le cas prochainement pour la Chine et l’Inde également.

Pour illustrer le faible impact actuel des élections nationales, je souhaite revenir sur l’élection de François Mitterrand qui avait, en 1981, fait tomber la Bourse de Paris dans la déprime et le pessimisme. L’indice avait alors perdu près de 30 % entre le 12 et le 30 mai 1981 et 90 % des actions étaient incotables tant le marché était déséquilibré. Mai 2012, 31 ans après, l’élection de François Hollande a donné lieu, le lundi qui a suivi, à une hausse des marchés.

Aujourd’hui, le Brexit et l’élection de Donald Trump reflètent bien la défiance des électeurs à l’égard du système actuel. Une impression de « ras-le-bol » généralisé semble se propager avec une volonté de changer les équipes en place et une montée des thèses populistes. De fait, il existe de fortes incertitudes quant à l’issue des élections européennes à venir, y compris en France. Or, on le sait l’incertitude est loin d’être appréciée par les marchés. Il reste certes encore beaucoup d’obstacles à franchir, mais s’il n’y en avait pas les marchés seraient bien plus chers qu’aujourd’hui et dès lors il n’y aurait peut-être plus d’espoir de progression possible. Voilà pourquoi, je considère que la hausse est encore devant nous.

Lettre de décembre 2016

 

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