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Quelle sortie de crise sanitaire pour l’épargne en France ?

Epargne 9 février 2022

3 questions à Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Epargne

Les Français semblent avoir une fois de plus privilégié, en 2021, les placements sans risque comme le Livret A. Quel est le bilan de l’année écoulée en matière d’épargne ?

2021 est une réplique adoucie du choc de 2020. La crise sanitaire a continué à se faire ressentir mais de manière moins forte. Les ménages ont maintenu un effort important d’épargne, autour de 17 % du revenu disponible brut, contre 15 % avant la crise. En 2020, ce taux était monté, durant le deuxième trimestre, au-delà de 27 %. Le confinement du premier trimestre 2021 a freiné les dépenses de ménages, en particulier dans le domaine du tourisme, les amenant à épargner plus que d’habitude. Avec la réouverture des lieux de loisirs à compter du mois de mai, les dépenses de consommation ont augmenté. Cette hausse s’est poursuivie durant tout le second semestre. En 2021, l’épargne a retrouvé sa traditionnelle saisonnalité, avec un premier semestre de forte collecte, suivi d’un second plus propice aux dépenses. Les ménages ont tenu à se faire plaisir durant les fêtes de fin d’année tout en puisant avec modération dans leur cagnotte covid qui reste bien fournie. De mars 2019 à mai 2020, plus de 150 milliards d’euros ont été ainsi mis de côté. Si le Livret A a connu un dernier trimestre complet de décollecte, les comptes courants sont restés à un niveau historique, plus de 500 milliards d’euros. L’assurance vie a, de son côté, connu un réel regain l’année dernière, après une année 2020 difficile en raison de la fermeture de nombreux points de distribution lors du premier confinement. Sur 2021, la collecte nette est de plus de vingt milliards d’euros. Les titulaires de contrats d’assurance vie ont, en outre, affecté une part non négligeable de leurs primes en unités de compte, aidés en cela par la bonne tenue des marchés « actions ». L’année 2021 restera, en effet, comme une année exceptionnelle pour les actions. L’indice parisien a enregistré une augmentation de plus de 28 % et a battu son record vieux de vingt et un ans. De plus en plus de Français décident d’investir une partie de leur épargne en actions. Selon l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), 1,6 million de particuliers ont, en 2021, passé au moins un ordre d’achat ou de vente sur des actions. Ce chiffre est en hausse de 19 % par rapport à 2020. Au cours du seul quatrième trimestre 2021, ils ont été 743 000 à avoir réalisé au moins une opération sur le marché des actions. Parmi ces investisseurs actifs, 217 000 n’avaient jamais passé d’ordre de Bourse jusqu’ici ou étaient inactifs depuis janvier 2018. En trois ans, l’AMF a recensé un peu plus de 1,1 million de nouveaux investisseurs sur les marchés d’actions. Sur l’ensemble de l’année 2021, les particuliers ont réalisé 55 millions d’opérations sur les actions. Ce volume annuel est plus de deux fois supérieur à ceux observés en 2018 et en 2019. En 2021, le nombre de PEA a dépassé 5 millions. Le Plan d’Épargne Retraite (PER) a confirmé, l’année dernière, son beau démarrage de 2020 bien qu’il soit intervenu dans un contexte difficile. Plus de 2,4 millions de résidents ont ouvert un PER individuel. L’encours dépassait 24 milliards d’euros en fin d’année. Avec le versant collectif souscrit en entreprise, plus de quatre millions de Français ont un PER et l’encours global est supérieur à 40 milliards d’euros.

Quelles sont les inflexions que vous imaginez pour 2022 ? L’immobilier peut-il toujours faire la course en tête ? L’inflation change-t-elle la donne en matière d’épargne ?

L’année 2022 est encore une année de transition. Le soutien à l’économie, monétaire et budgétaire, reste élevé et induit une croissance supérieure à celle à laquelle les États peuvent prétendre en temps normal. La crise sanitaire demeure encore vive avec la succession de nouvelles vagues qui pèsent sur les approvisionnements. En Chine, la politique du zéro cas provoque des à-coups dans la production. La demande des ménages reste encore déséquilibrée avec une préférence marquée pour les biens industriels (équipements de la maison, matériels informatiques). Par ailleurs, les gouvernements essaient d’accélérer la transition énergétique en mobilisant les capitaux disponibles. 2022 sera une année de transition car les banques centrales commencent à vouloir éviter l’engagement d’une spirale inflationniste qui leur échapperait. La Réserve fédérale a prévu un calendrier de hausses des taux qui devrait s’étaler sur plusieurs années. La BCE devrait, de son côté, clarifier sa position dans les prochains mois. Il n’en demeure pas moins que les taux resteront bas surtout en termes réels du fait de l’augmentation des prix. Les produits de taux non indexés seront les perdants. Les indices boursiers ne devraient pas connaître la même croissance qu’en 2021 du fait de la politique des taux et du ralentissement de la croissance. Les menaces géopolitiques avec la crise ukrainienne pourraient également leur être préjudiciables. Leur forte valorisation, ces dernières années, pousse, en outre, les investisseurs à la prudence. La diversification géographique et le choix de valeurs résilientes à l’inflation sont à privilégier. L’immobilier, en 2021, a encore connu une hausse en France, même si Paris et les grandes métropoles sont moins en vogue. La capitale pâtit de la diminution de sa population et de l’absence de touristes internationaux. Les ménages recherchent des logements plus grands voire des maisons. Dans les stations balnéaires et dans les agglomérations de taille moyenne, la pénurie de biens à acheter est manifeste. Que ce soit à Ajaccio, à La Rochelle, à Tours ou à Angers, la rareté des biens provoque l’explosion des prix. Le durcissement des conditions de crédit n’a pas, pour le moment, provoqué une réelle inversion de la tendance. Il faudrait une importante hausse des taux pour créer un choc et entraîner un retournement du marché. Au niveau de l’immobilier d’entreprise, il n’y a pas, pour le moment, de bouleversement même si le développement du télétravail pourrait changer la donne. Avec l’essor de l’e-commerce, les centres commerciaux, mal placés et peu attractifs, devraient souffrir. Les entrepôts et centres de logistique ont toujours le vent en poupe mais doivent faire face à des contestations locales croissantes.

Un engouement pour les NFT et tous les cryptoactifs est-il possible en France ?

L’année 2021 restera également celle de la percée des NFT. 10 % des Américains y auraient investi une partie de leurs économies. Le NFT est un lien vers une image, acheté grâce à une cryptomonnaie comme le bitcoin. De plus en plus d’entreprises, de stars, de joueurs de football ont émis des NFT en 2021. Leur valorisation pour la grande majorité d’entre eux est purement spéculative. Certains NFT sont néanmoins associés à des biens immobiliers qui génèrent des revenus. Des cartes NFT ont été également émises en lien avec des joueurs de football. En fonction des résultats du joueur et de son équipe, les cartes peuvent prendre ou perdre de la valeur. Le métavers a donné lieu à un engouement se traduisant par une montée des prix de certains NFT qui constituaient des droits de propriété virtuels. Si des affaires sont possibles dans ce nouvel univers, il reste un lieu non réglementé qui pourrait être assimilé à une véritable jungle. Il y a, sans nul doute, des gagnants mais aussi, voire surtout, beaucoup de perdants. Les malversations n’y sont pas rares. Ainsi, des grandes marques ont dû faire face à des tentatives d’escroquerie. Je suis toujours étonné par les épargnants qui refusent d’investir dans des actions, jugeant ce placement risqué tout en optant pour des produits ne bénéficiant ni garantie ni réglementation dans l’espoir de gains déconnectés de toute considération et logique économique.

A lire dans le Mensuel de février du Cercle de l’Épargne


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