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Le difficile avènement de la 5e branche

Prévoyance 5 avril 2021

Le projet de loi sur l’autonomie qui devait s’inscrire dans le prolongement de la création de la 5e branche dédiée à ce risque pourrait être une victime collatérale de la crise sanitaire et de la volonté du Gouvernement de se focaliser sur la jeunesse. Ce projet de loi est censé fixer les modalités de fonctionnement et de financement de cette nouvelle branche. Ce contretemps ne fait que reporter la concrétisation d’un dossier en instance depuis plus de dix ans. Il n’est pas certain, loin de là, que les jeunes générations sortent gagnantes de ce choix ou plutôt de ce non-choix, car elles risquent d’être mises à contribution pour le financement de la dépendance, sachant que le retard pris est une source de surcoûts, en particulier en ce qui concerne la construction d’EHPAD.

Avec le vieillissement de la population française et en premier lieu des générations du baby-boom, le nombre de personnes dépendantes augmentera dans les prochaines années, de +20 000 à +30 000 par an. Selon le service statistique du ministère des Solidarités et de la Santé, le nombre de personnes âgées bénéficiaires de l’APA devrait passer de 1,287 million en 2015 à 1,594 million en 2030 et à 2,043 millions en 2050.

La gestion de la dépendance suppose des moyens financiers mais aussi et avant tout des moyens humains. Pour quelques mois ou années, les personnes en perte d’autonomie ont besoin d’une logistique visant à leur permettre de vivre le plus dignement possible. Selon la DREES, 3,9 millions de personnes apporteraient une aide gratuite à un senior vivant à domicile. Les seniors aidés résidant à domicile ont ainsi déclaré en moyenne 1,6 aidant issu de l’entourage. Les seniors en institution seraient épaulés par 1,8 aidant de l’entourage. Un aidant sur deux est retraité. La moyenne d’âge des aidants est de 66 ans, pour les seuls conjoints, elle est de 73 ans. Les enfants non-cohabitants ont, en moyenne, 54 ans et les cohabitants, 51 ans. Dans les prochaines années, le nombre d’aidants familiaux pourrait diminuer en raison de leur vieillissement et de l’éclatement des structures familiales. Les enfants habitent de moins en moins à proximité de leurs parents. Cette diminution aura des conséquences sur la gestion de la dépendance qui devra être sans nul doute prise plus amplement en charge par les structures collectives.

Une prise en charge complexe de la dépendance jusqu’à la création de la 5e branche

Le soutien public à l’autonomie relevait, jusqu’à la création de la 5e branche, d’un grand nombre d’acteurs : la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA), l’assurance maladie, les caisses d’allocations familiales, les départements, les assureurs avec les contrats d’assurance dépendance, les ménages avec les aidants familiaux et l’État. La nouvelle branche est responsable de l’ensemble de la problématique de l’autonomie. Son champ intègre, en plus de la perte d’autonomie des seniors, le handicap des jeunes et des adultes.

En attendant un éventuel projet de loi, le Conseil de la CNSA a présenté, au mois de mars dernier, un rapport dénommé « Financer la politique de soutien à l’autonomie, une utopie finançable ». Par ce rapport, la CNSA entend être la structure d’accueil de la nouvelle branche en disposant de moyens suffisants pour pouvoir remplir les missions de prise en charge de l’autonomie en France. La CNSA réagit par son rapport aux propositions contenues dans le rapport Vachey relatif à la dette sociale et à l’autonomie.

La CNSA défend le principe d’une prise en charge de la perte d’autonomie par la solidarité nationale. Elle entend que la politique pour l’autonomie donne des droits pour exercer pleinement sa citoyenneté. Elle souligne la nécessité de promouvoir une équité territoriale dans l’accès des droits aux personnes concernées et de mieux coordonner toutes les politiques qui concernent le handicap et l’autonomie. Elle préconise que la nouvelle branche relève du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Ce rattachement permettrait, à ses yeux, un examen annuel par le parlement de la politique en faveur de l’autonomie.

À la recherche du bon financement

La Caisse Nationale prend en compte la dégradation du contexte économique et financier en lien avec l’épidémie de covid-19 tout en considérant que cela ne doit pas remettre en cause la progression des ressources de la nouvelle branche. En vertu de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021, la branche autonomie est affectataire de la Contribution additionnelle (CASA) pour 2,8 milliards d’euros et de la CSG à hauteur de 1,93 point, soit 28,1 milliards d’euros. À compter de 2024, ce taux de CSG sera augmenté de 0,15 point. À cette date, les ressources de la branche s’élèveront à 31,2 milliards d’euros pour un montant de dépenses évalué à 31,6 milliards d’euros. Au niveau des dépenses, la branche autonomie se voit affecter depuis 2021, celles de l’assurance maladie (25,9 milliards d’euros) et celles de la branche famille (1,2 milliard d’euros) destinées au financement de l’allocation d’éducation d’un enfant handicapé.

La possibilité de transférer les ressources dévolues actuellement à la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES) à la branche dépendance à compter de 2024 est devenue hypothétique compte tenu de la dégradation sans précédent des comptes sociaux provoquée par la crise sanitaire. La nécessité d’imaginer d’autres formes de financement s’impose. L’augmentation des prélèvements pesant sur les actifs apparaît difficile sachant que le coût du travail en France figure parmi les plus élevés au monde et que le salaire net versé est relativement faible avec une tendance à la stagnation. La mobilisation du patrimoine des retraités ou de leurs revenus à travers des mécanismes assurantiels constitue une solution que les pouvoirs publics semblent récuser. Ce déni est lié au fait que pour le commun des mortels accroître les prélèvements sur les entreprises n’a pas de conséquence sur la rémunération des salariés. Or, il convient de ne pas oublier que ce sont les salariés, les actionnaires et les consommateurs qui paient toute hausse de prélèvement quelle que soit la forme qu’elle prend. Comme le soulignait Alain Madelin, dans les années 1990 « ce n’est pas en taxant la vache que celle-ci paie la taxe ». Le principe d’un large dispositif assurantiel visant tous les retraités, c’est-à-dire 17 millions de personnes en 2021, grâce à la mutualisation offrirait un moyen de couvrir à moindres frais le risque de dépendance, sachant que ce système devrait être complété par des mécanismes d’assistance pour les personnes à revenus modestes.

Le défi des services

La CNSA souhaite un maillage territorial pour la nouvelle branche qui devrait avoir une pleine compétence sur l’ensemble des dépenses liées à l’autonomie dont celles liées à l’hébergement. Elle entend recréer un système administratif en charge de la dépendance sur le modèle de ce qui existe pour l’assurance maladie. Or, la gestion de la dépendance est par nature complexe du fait qu’elle fait intervenir un grand nombre d’acteurs (médecins, aides-soignants, infirmiers, aides à domicile, etc.). Les familles peuvent être amenées à réaliser des travaux au sein du domicile de la personne dépendante. Par ailleurs, les personnes les plus gravement dépendantes sont essentiellement hébergées au sein d’établissements spécialisés. Une coordination des différents acteurs est aujourd’hui réalisée par les services d’aide sociale des départements en relation avec ceux des communes. Est-il nécessaire de créer une nouvelle administration au risque de générer de nouveaux surcoûts administratifs ?

A lire dans le Mensuel N 84 d’ avril 2021 du Cercle de l’Épargne

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