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Trois questions à Philippe Crevel : en attendant la rentrée…

Epargne 8 août 2022

3 questions à Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne

La rentrée est attendue compliquée sur le plan économique avec la poursuite de la hausse des prix et des taux d’intérêt. Quelle est votre analyse et pensez-vous que la récession soit incontournable ?

Toutes les grandes banques centrales ont décidé de relever leurs taux directeurs pour endiguer la vague inflationniste. En zone euro, l’inflation dépasse désormais 8 % et atteint même dans certains États 20 %. De tels taux sont évidemment des sources de déstabilisation des économies. L’inflation en Europe est essentiellement provoquée par l’augmentation des prix des produits énergétiques et des matières premières. La BCE a longtemps espéré qu’une décrue pourrait intervenir. Elle était convaincue que la hausse des taux aurait peu d’effets sur le prix des produits importés. La crainte d’une spirale inflationniste avec transmission de la hausse des prix de l’énergie sur les autres et services ainsi que sur les salaires a rendu nécessaire le relèvement des taux directeurs. Il s’agit de freiner l’économie en jouant sur le prix de l’argent. L’économie européenne qui subit déjà un transfert au profit des pays producteurs sera donc pénalisée par la hausse des taux. C’est le prix à payer pour sortir de l’inflation. Une récession n’est pas impossible. Le relèvement des prix des matières premières, de l’énergie, des produits agricoles aboutit à une contraction d’un à deux points de PIB selon les États. La hausse des taux d’intérêt devrait conduire également à une moindre croissance. Les États membres de la zone euro sont donc soumis à un régime de montagnes russes avec des phases de croissance et de repli. Pour le moment, la situation de l’emploi semble être déconnectée de l’activité. Les besoins en main-d’œuvre sont importants en lien avec les nombreux départs à la retraite et des besoins dans certains secteurs (tourisme, bâtiment notamment). La France, avec retard, ne fait que suivre un processus que les autres pays européens connaissent depuis quelques années et qui avait été simplement interrompu avec la crise sanitaire. L’amélioration de l’emploi pourrait réduire les facteurs récessifs. De même, les ménages disposent d’un important matelas d’épargne constitué durant les confinements. Ils n’ont pas pour le moment puisé dans cette cassette malgré le retour de l’inflation. Le niveau des liquidités est au plus haut, plus de 520 milliards d’euros en France, tout comme l’encours des produits de taux. Au cours du second semestre 2022, les ménages pourraient utiliser cette cagnotte pour maintenir leur consommation.

Le Président de la République évoque régulièrement la réforme des retraites. Est-elle imaginable dans le contexte économique et politique ?

L’INSEE a, au mois de juin, souligné que le vieillissement de la population française était plus rapide qu’attendu, rendant plus complexe le retour à l’équilibre des comptes des régimes de retraite. Les Français attendent également une amélioration des petites pensions et en particulier du minimum contributif. Est-il possible d’échapper à une réforme des retraites sachant que la France est, avec l’Italie, le pays qui y consacre la part la plus importante de sa richesse nationale (14 % du PIB) ? La faible croissance limite les gains de recettes et réduit les marges de manœuvre financières des pouvoirs publics. Au-delà de ces considérations financières, le gouvernement doit faire face à une opinion peu encline à accepter un relèvement de l’âge de départ à la retraite. S’il souhaite s’engager dans la voie d’une réforme ambitieuse, il devra se constituer, en amont, une majorité à l’Assemblée nationale. Pour le moment, la mise en place d’un régime par points universel semble être abandonnée. La grande convergence laisserait la place à une harmonisation progressive des régimes. Compte tenu du calendrier électoral, la fenêtre de tir pour l’éventuelle réforme se situe entre la fin 2022 et fin 2023. L’idée d’un référendum sur ce sujet est hasardeuse. Les Français ont tendance à ne pas voter pour ou contre le texte proposé mais pour ou contre le gouvernement en place. Avec un pays fragmenté et dans la perspective de la prochaine élection présidentielle où le président sortant ne peut pas se présenter, la probabilité d’un rejet de la réforme des retraites, si elle était soumise à référendum, est élevée. Le chantier est donc difficile.

Sur les autres sujets sociaux, quels sont les projets du gouvernement ?

La priorité étant actuellement le pouvoir d’achat et en l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale, le gouvernement se montre prudent sur ses ambitions. L’élaboration d’un grand projet de loi sur la dépendance attendue depuis 15 ans demeure incertaine. En revanche, la crise des urgences et les besoins de modernisation des hôpitaux supposent des réponses de la part des pouvoirs publics. Les discussions risquent d’être centrées avant tout sur les aspects financiers et moins sur l’organisation afin d’éviter une cristallisation des oppositions. En matière de protection sociale, de refonte de la prévoyance, refonte jugée nécessaire après la crise sanitaire, le gouvernement devrait laisser les partenaires sociaux négocier ce qui serait, par ailleurs, de bon aloi. Comme pour les retraites, le compte à rebours est lancé. Les années utiles dans un quinquennat sont limitées même si celui-ci aura la particularité d’avoir un nombre réduit de campagnes électorales. Seules les élections européennes et municipales auront lieu avant son terme en 2027.

A lire dans le Mensuel d’août du Cercle de l’Épargne

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