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Croissance, le retour ?

Economie 9 juillet 2021

3 questions à Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Épargne

Avec la fin du troisième confinement, l’économie française semble être repartie rapidement. Comment évaluez-vous cette reprise ?

La France a connu une deuxième récession en moins d’un an avec deux trimestres consécutifs de baisse de son PIB (4e trimestre 2020 et 1er trimestre 2021) en lien avec le deuxième et le troisième confinement. Le recul du PIB a été plus faible que celui enregistré lors du premier confinement (-13,6 % au 2e trimestre 2020, contre -1,5 % au 4e trimestre 2020 et -0,5 % au 1er trimestre 2021). Le 2e trimestre 2021 a été encore marqué par les restrictions sanitaires. Le troisième confinement, même s’il a été moins strict que les précédents, s’est achevé réellement avec la réouverture des commerces le 19 mai sachant que pour les bars et restaurants (hors terrasses), il a fallu patienter jusqu’au 9 juin. Si dès la mi-mai, l’activité semble avoir redémarré rapidement, les résultats se feront ressentir comme l’année dernière durant la période estivale. En 2020, le PIB s’est accru de plus de 18 % au 3e trimestre, ce qui a constitué un record au sein de l’Union européenne. En 2021, la progression sera moindre, mais elle devrait être néanmoins élevée. De très nombreux secteurs semblent être gagnés par une euphorie post-confinement. Les dépenses liées à l’amélioration de l’habitat sont en forte hausse tout comme l’habillement. Les ménages ont décidé de profiter de l’épargne engrangée pendant des mois pour s’offrir des vacances anticipées. Les entreprises les ont incités à purger leurs congés payés. Par ailleurs, la pratique généralisée du télétravail conduit en particulier les jeunes couples à se délocaliser. Si les grandes métropoles souffrent de l’absence de touristes internationaux et de la rareté des déplacements professionnels, les stations balnéaires ont réalisé un bon mois de juin.

La croissance est légèrement entravée par la multiplication des goulets d’étranglement. L’économie mondiale qui a été comprimée avec l’épidémie de covid-19, se décomprime d’un coup du fait de la baisse générale du nombre de cas et de la mise en œuvre des plans de relance dont celui des États-Unis de 1 900 milliards de dollars. Après de longs mois de stop and go, les chaînes d’approvisionnement sont désorganisées. Le retour à la normale nécessitera plusieurs mois. L’inadéquation entre l’offre et la demande génère un surcroît d’inflation qui en l’état actuel n’est pas une réelle source d’inquiétude. Cette hausse des prix ne pourrait être que temporaire et permet de compenser les baisses de l’année 2020.

Cette croissance est-elle durable et à quelles conditions ou pourrait-elle n’être qu’un feu follet ?

De nombreuses incertitudes demeurent. La première, la plus importante, est liée à l’épidémie. Si le virus revient à l’automne et s’il se joue des vaccins, le risque de rechute serait évidemment important. Sa capacité à muter est un réel sujet d’inquiétude d’autant plus qu’à l’échelle internationale, le nombre de foyers d’infection reste élevé. La seule solution passe par une large diffusion du vaccin. La mise en place de campagnes de vaccination annuelles des populations est à l’étude. Les moyens logistiques à mettre en œuvre seront importants. La deuxième incertitude est liée au comportement des ménages. Pour maintenir un niveau correct de croissance sur les prochains mois, une baisse du taux d’épargne est jugée indispensable. La cagnotte d’épargne covid-19 ne sera pas vidée totalement, loin de là. Les ménages en conserveront une partie en précaution, en épargne liquide. Une deuxième partie de l’épargne covid sera affectée à des placements longs, immobilier, assurance vie et plan d’épargne retraite. La troisième partie sera consommée. La répartition entre ces trois parties dépend de la situation sanitaire et du marché de l’emploi. La partie consommée pourrait se situer entre 30 et 40 % de l’épargne constituée d’ici au milieu de l’année 2022 et la partie précaution devrait se situer autour de 40 %. Sans changement de trajectoire par rapport à ce que nous connaissions avant la crise sanitaire, la croissance devrait revenir progressivement à son niveau potentiel, autour de 1 %, un niveau insuffisant pour rembourser les dettes et financer la hausse des dépenses sociales. Une rupture de tendances est indispensable. Il y a des précédents, en 1834 après l’épidémie de Choléra, après 1920 avec les années folles ou après 1945. Ce changement de rythme suppose une progression de l’investissement générant des gains de productivité. Une accélération de la robotisation et de la digitalisation des processus de production serait à même de déclencher un nouveau cycle de croissance.

Quels seront selon vous les secteurs gagnants et les secteurs perdants des prochaines années ?

La facilité serait d’affirmer que le secteur des techniques de l’information et de la communication devrait poursuivre son expansion. Évidemment que l’économie continuera à se digitaliser et que de nouveaux secteurs seront touchés par la fièvre digitale. Celui de la banque et de l’assurance est en première ligne. Il n’en demeure pas moins que désormais, le secteur du numérique par son poids, par son importance, est sous les feux des projecteurs et est de plus en plus surveillé par les pouvoirs publics qui entendent le réguler. Des législations et des conventions internationales sont adoptées afin de limiter le comportement anticoncurrentiel des GAFAM et consœurs. Dans les prochaines années, les secteurs associés à la transition énergétique devraient évidemment connaître un fort essor. La production d’énergies renouvelables, solaire, éolien ou hydrogène se substituera à la production carbonée. Les entreprises minières spécialisées dans les métaux rares enregistrent et enregistreront de fortes augmentations de leurs activités. La crise sanitaire a également prouvé l’appétence des consommateurs pour des produits alimentaires de qualité. Avec une population mondiale qui devrait passer de 7,5 à 11 milliards d’ici la fin du siècle, les besoins en produits agricoles ne peuvent que s’accroître. L’accès à l’eau sera également un enjeu majeur. La demande d’infrastructures en lien avec la transition énergétique, les réseaux informatiques et les réseaux de transport devrait également augmenter.

Pour le moment, le tourisme d’affaires, au long cours, ou le tourisme de masse figurent parmi les perdants de la crise sanitaire. Les compagnies aériennes traditionnelles, dont la rentabilité dépendait des cabines business des vols longs courriers, sont exsangues. Les avions de forte capacité comme le A380 ou le Boeing 747 ne sont plus produits faute de demande. Le retour à la normale sera long. Si dans les pays émergents, l’appétence pour les voyages demeure élevée, il est possible qu’elle s’émousse au sein des pays occidentaux. Les voyages d’affaires qui étaient déjà remis en cause avant la crise sanitaire seront, avec les visioconférences, plus limités. Ils sont également pénalisés par la volonté des entreprises de réduire leur empreinte carbone. Parmi les autres perdants figure le commerce de détail qui doit se réinventer face à la concurrence du e-commerce tout comme les grands centres commerciaux. Si la grande distribution s’adapte en développant la livraison à domicile ou le « drive », pour le commerce de détail en ville, le défi à relever est important.

A lire dans la Lettre N°87 du Cercle de l’Epargne de juillet 2021

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