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Comment rendre utile l’épargne « covid » ?

Epargne 8 mars 2021

Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, le taux d’épargne bat des records. En Europe, le chômage partiel et les aides octroyées à certains secteurs ont permis de garantir les revenus, les baisses étant relativement faibles, entre 0 et 5 % selon les États membres de la zone euro. Aux États-Unis, l’emploi n’a pas été protégé entraînant de fortes fluctuations du taux de chômage. L’État fédéral a néanmoins décidé des mesures de soutien aux ménages qui ont également abouti à stabiliser les revenus. Le maintien de mesures sanitaires coercitives réduit les dépenses de consommation, de 4 à 12 % selon les États, et augmente donc par ricochet l’épargne.

En Espagne et en Italie, les ménages, dans leur ensemble, ont vu leur revenu disponible (après transferts et impôts directs) se contracter de l’ordre de 5 points, les pouvoirs publics ayant compensé la moitié de la perte des revenus primaires. En France, au Royaume-Uni et en Allemagne, pour le moment, la crise n’a pas eu d’effet négatif sur le niveau des revenus après redistribution. Les Américains enregistrent même une augmentation de leurs revenus nets.

Selon une étude de l’OFCE, sur les trois premiers trimestres de 2020, au sein des quatre plus grandes économies de la zone euro, l’épargne supplémentaire accumulée a atteint près de 240 milliards d’euros. En Allemagne, l’épargne excédentaire cumulée pendant la période serait de 89 milliards d’euros, soit 6 points de revenu disponible brut (RDB). Elle serait de 66 milliards d’euros en France, également 6 points de RDB, de 35 milliards d’euros en Espagne et 48 milliards d’euros en Italie (respectivement 6 et 8 points de RDB). En dehors de la zone euro, au Royaume-Uni, l’épargne accumulée s’élève à 122 milliards de livres (11 points de RDB) et aux États-Unis la hausse s’établit à 1 377 milliards de dollars (12 points de RDB).

Pour les Keynésiens, cette épargne Covid aggraverait un des déséquilibres majeurs que l’économie mondiale connaissait avant le déclenchement de la pandémie. Ils estiment que l’épargne des agents privés est trop abondante au regard du niveau de l’investissement productif. Les ménages cherchent essentiellement des placements à faible risque, ce qui alimente la baisse des taux. Le rééquilibrage peut passer par une augmentation de la consommation ou par celle de l’investissement. Pour une relance de la consommation, certains évoquent une taxation de l’épargne détenue par les contribuables les plus aisés. Cette taxation ne serait pas facile à appliquer. Il faudrait déterminer un niveau de revenus qui serait par nature arbitraire. Des contribuables pourraient affirmer être des victimes de la crise sanitaire, tels que les indépendants travaillant dans les secteurs sinistrés par exemple. Cette taxe concernerait-elle toute l’épargne, le Livret A, les actions, les comptes courants… ? Si tous les produits sont touchés, les ménages ne seraient pas incités à réorienter leur épargne vers des placements à risques. Pour un gouvernement, il ne sera pas facile d’assujettir le Livret A ou les comptes courants à une taxe, surtout à un an de l’élection présidentielle. L’instauration de seuils fiscaux pour déterminer les contribuables concernés et ceux qui ne le seraient pas, générera une complexité kafkaïenne. Les ménages taxés pourraient être incités à retirer en numéraire leur épargne actuellement en banque sans pour autant consommer davantage. Ils pourraient même accroître leur effort d’épargne pour compenser le manque à gagner provoqué par l’augmentation des prélèvements.

Pour éviter une baisse durable de la consommation qui entraînerait un sous-emploi chronique, un ciblage sur les revenus les plus modestes est préconisé par un certain nombre d’économistes. En raison de leur forte propension à consommer, ces ménages jouent un rôle clef dans le redémarrage de l’économie. Dans le cadre de ce scénario, le maintien des aides voire la mise en place d’un revenu universel sont souhaités.

L’autre piste est de jouer sur l’offre en incitant à sa modernisation et à la réalisation d’infrastructures porteuses de croissance pour les prochaines années. L’accent devrait être mis sur l’investissement, la recherche et la formation. À cette fin, une transformation de l’épargne courte, liquide et placée sans risque en une épargne de long terme pourrait être conduite par les États et les établissements financiers. Ces dernières années, les investissements publics mais aussi privés étaient en retrait par rapport aux décennies 1980/2000. Les équipements publics que ce soit en Europe ou aux États-Unis présentaient des degrés d’obsolescence élevés comme l’a prouvé l’effondrement du pont de Gênes. En France, le réseau ferroviaire hors TGV est également hors d’âge. Un récent rapport de l’Autorité de Sureté Nucléaire a, en France, souligné que la remise à niveau des centrales nucléaires nécessitait des investissements importants. La transition énergétique exige également la réalisation de nombreux équipements. Le déséquilibre entre épargne et investissement n’est qu’apparent. Au contraire, les besoins en épargne n’ont jamais été aussi importants.

La forte épargne des ménages est un gage de sécurité au moment où l’endettement explose. La notation d’un pays dépend de l’importance de son épargne. En période de crise, une moindre exposition aux dettes est un atout indéniable, en particulier pour le système financier. Avec la hausse de l’épargne, le taux d’endettement net des ménages a plutôt reculé au sein de l’OCDE et en particulier en France malgré le dynamisme des crédits à l’habitat. L’amélioration de la solvabilité des ménages est un point positif pour les banques dans une période où elles pourraient avoir à faire face à une augmentation des créances douteuses en cas de multiplication de faillites d’entreprises.

A lire dans le Mensuel du Cercle de l’Épargne n°83 de mars 2021

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