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L’hôpital sous tension budgétaire et restructuration

En 2023, les comptes des hôpitaux publics, déjà fragilisés par les années de crise sanitaire, se dégradent à nouveau. Le déficit atteint 2,4 milliards d’euros, un record depuis le début des séries statistiques en 2005. Si l’Assurance maladie continue d’absorber l’essentiel des dépenses hospitalières — à hauteur de 92,6 % —, elle ne peut à elle seule contenir le choc combiné de l’inflation et du désengagement progressif des aides exceptionnelles. Le secteur hospitalier représente à lui seul près de la moitié de la consommation de soins et de biens médicaux (49,1 %).

La dynamique des dépenses hospitalières reste vive : +6,6 % en 2023, après +5,1 % en 2022. Les charges de personnel, les dépenses médicales et, de manière plus spectaculaire, les dépenses hôtelières et logistiques, en hausse de plus de 3,4 %. Les recettes progressent aussi, mais insuffisamment pour enrayer la dérive financière. Le résultat net rapporté aux recettes chute à -2,3 %.

L’investissement hospitalier poursuit sa remontée à 5,6 milliards d’euros (soit 5,4 % des recettes), dans le sillage des engagements du Ségur de la santé. Toutefois, il reste inférieur aux dotations aux amortissements (6,1 % des recettes), ce qui signifie que les investissements ne permettent pas encore de renouveler entièrement les équipements et infrastructures.

L’endettement des hôpitaux publics recule pour la deuxième année consécutive, à 29 % des recettes, retrouvant son niveau d’avant-crise. La part de la dette dans les capitaux permanents continue également de baisser (45 % en 2023). Mais la capacité d’autofinancement (CAF) chute à 1,7 % des recettes, contre 2,9 % en 2022. Conséquence : la durée nécessaire pour rembourser la dette atteint 16,8 ans, un niveau historiquement élevé. Un tiers des établissements publics est aujourd’hui en situation de surendettement. Certes, nous sommes loin des niveaux de 2019, mais la tendance est inquiétante. À l’évidence, les plans de relance post-Covid ont produit des effets, notamment sur l’investissement et l’endettement, mais ils ne suffisent pas à restaurer la viabilité économique d’un système toujours sous tension.

Des cliniques bénéficiaires en 2023

Les cliniques enregistrent en 2023 un résultat net de 362 millions d’euros, soit 1,8 % des recettes. Ce niveau est en baisse par rapport à 2022 (3,4 %). Par ailleurs, la proportion de cliniques déficitaires est en hausse (32 % en 2023, contre 25 % un an plus tôt).

L’investissement privé, légèrement en repli (4,9 % des recettes), reste supérieur à une capacité d’autofinancement elle-même en forte baisse (2,9 % des recettes). L’endettement recule (2,1 milliards d’euros) et ne représente plus que 33,5 % des capitaux permanents. En revanche, la durée apparente de remboursement de la dette remonte à 3,7 ans, son plus haut niveau depuis 2011. La part de cliniques considérées comme surendettées reste néanmoins basse (14 %).

Moins de passages aux urgences

Le nombre de passages aux urgences recule de 3,4 % en 2023, après une forte hausse en 2022. Ce recul s’explique par plusieurs mesures de régulation de l’accès aux soins non programmés (développement du service d’accès aux soins, filtrage téléphonique, fermetures ponctuelles de services). La baisse est particulièrement marquée en pédiatrie (-10,6 %).

Poursuite du mouvement de concentration pour les maternités

En 2023, la France compte 457 maternités, dont les trois quarts appartiennent aux types 2 et 3, plus spécialisés. Elles réalisent 83 % des accouchements. Le nombre total d’accouchements baisse de 48 800 par rapport à 2022, en lien avec la baisse des naissances. Certaines petites structures, notamment en zone rurale ou montagneuse, réalisent moins de 300 accouchements par an, soit 5 % des maternités en France métropolitaine.

Les données 2023 confirment le diagnostic posé depuis plusieurs années : le système hospitalier français est sous tension. Si l’investissement repart à la hausse et si la dette est mieux maîtrisée, la capacité à générer des ressources suffisantes reste un point de fragilité majeure, en particulier dans le secteur public. Le secteur privé, quant à lui, affiche une situation plus favorable, mais doit faire face à une montée des inégalités entre établissements.

Régimes de retraite : une soutenabilité sous contraintes

Une relecture du rapport du Conseil d’orientation des retraites de 2025

Le rapport 2025 du Conseil d’orientation des retraites (COR), remis le 11 juin dernier, s’inscrit dans le prolongement de la mission flash de la Cour des Comptes du 20 février dernier et qui avait été demandée par le gouvernement dans le cadre du Conclave des retraites. Il confirme l’existence d’un déficit structurel des régimes de retraite et la nécessité de prendre des mesures afin de le contenir. Il souligne également une érosion du pouvoir d’achat des retraités, érosion qui devrait s’accentuer dans les prochaines années.

L’équilibre du système de retraite soumis aux variations des hypothèses démographiques et économiques

L’équilibre de tout système de retraite dépend d’hypothèses démographiques et économiques : nombre d’actifs et de retraités, taux de fécondité, espérance de vie à la retraite, solde migratoire, gains de productivité. Or, ces dernières ont connu des fluctuations non négligeables pouvant modifier les projections réalisées par le COR.

L’indice conjoncturel de fécondité a tendance à baisser plus rapidement que prévu. Il est passé de 2,03 en 2010 à 1,62 en 2024. Pour avoir un indice aussi faible, il faut remonter à 1919. Le COR a maintenu un indice de 1,8 pour ses prévisions mais sans s’interdire pour le rapport de 2026 de le réviser à la baisse.

Le solde migratoire est de plus en plus difficile à prévoir. Sur ces vingt dernières années, le solde migratoire moyen était de 100 000 par an. Entre 2019 et 2021, ce chiffre a atteint 152 000 par an. Pour la seule année 2021, la dernière connue, il était de 189 400. Les dernières fluctuations sont liées aux conséquences de la crise sanitaire avec les fermetures puis les réouvertures des frontières. Le COR conserve pour les prochaines années une prévision de solde migratoire à 70 000 par an.

Les gains d’espérance de vie ralentissent plus vite que prévu. L’espérance de vie à 65 ans qui est celle qui intéresse directement le système de retraite a augmenté, entre 1950 et 2022 de 8,5 ans pour les femmes et de 7 ans pour les hommes. Avant 2014, l’espérance de vie progressait de 1,5 à 2 ans par décennie. Entre 2014 et 2019, le gain n’est plus de 0,7 à 1,2 an par décennie. La pandémie de 2020/2021 a provoqué une baisse de l’espérance de vie à 65 ans qui n’a été compensée qu’en 2024. Celle-ci était de 23,4 ans pour les femmes en 2024 et de 19,7 ans pour les hommes.

Les femmes ont retrouvé l’espérance de vie de 2019 et les hommes l’ont améliorée de 0,1 an. Pour les femmes, l’espérance de vie semble marquer le pas. Le COR prévoit néanmoins des gains de 0,4 à 0,8 an par décennie pour les femmes et de 0,9 à 1,2 an pour les hommes. L’espérance de vie serait de 26,7 ans pour les femmes en 2070 et de 24,8 ans pour les hommes.

Le rapport démographique entre les personnes de plus de 65 ans et les 20/64 ans continue de se dégrader. En 2009, il y avait 3,6 personnes de 20 à 64 ans pour une personne de plus de 65 ans. En 2024, ce ratio est de 2,6. Il sera de 1,76 selon le scénario central du COR en 2070. La population active française devrait se stabiliser dans les prochaines années avant de décliner à compter du début des années 2040. En 2024, la France compte 31,3 millions d’actifs dont 2,3 chômeurs. En 2024, le taux d’emploi a atteint un niveau record en France, 68,8 %, taux qui reste néanmoins inférieur à celui de l’Union européenne et en particulier de celui de l’Allemagne (78 %). Le COR prévoit que le taux d’emploi passe à 71 % d’ici 2040.

Pour les gains de productivité qui ont une incidence sur l’évolution de la masse salariale, le COR retient un taux de progression annuelle de 0,7 % l’an. Entre 2019 et 2023, la productivité a baissé en France. En l’état actuel, le taux de 0,7 % peut être jugé optimiste. Le taux de croissance serait de 1,2 % en moyenne par an de 2024 à 2033 puis de 0,7 % de 2034 à 2044.

Dépenses de retraite stabilisées en théorie au sein du PIB

En 2024, les dépenses totales de retraite atteignent 407 milliards d’euros, soit 13,9 % du PIB. Ce ratio est projeté à 14,2 % en 2070 dans le scénario de référence. Cette stabilité suppose le recul de l’âge effectif de départ à la retraite (64,6 ans en 2070 contre 62,9 ans en 2023), et la dégradation du taux de remplacement (ratio pensions/sur revenus d’activité). Ce décrochage s’explique par la mise en œuvre les réformes des retraites depuis 1993 (désindexation des pensions par rapport aux salaires, vingt-cinq meilleures années, décote, allongement de la durée de cotisation, report de l’âge légal, etc.) et par le rendement décroissant de l’Agirc-Arrco ainsi que pour les fonctionnaires et la modération du point d’indice avec en parallèle l’essor des primes au sein de leur rémunération.

Cercle de l’Épargne – données COR

Parmi les pays observés par le COR, seule l’Italie dépense davantage en proportion du PIB. Cette position reflète moins une générosité hors norme qu’un PIB par habitant plus faible que la moyenne européenne. En effet, la France se classe au 5e rang pour l’effort de retraite par habitant derrière les États-Unis, l’Italie, la Suède et la Belgique. L’effort relatif de solidarité intergénérationnelle demeure élevé, mais ne garantit pas la progression à venir des retraites.

Cercle de l’Épargne – données COR

Les dépenses de retraite, en France, augmenteraient de 1,2 % par an entre 2024 et 2030 avec une forte progression du nombre de retraités (+0,8 % par an). Entre 2030 et 2050, la hausse des dépenses serait de 0,8 % en valeur réelle par an. La pension moyenne progresserait, toujours en valeur réelle, de 0,1 % par an. Les effectifs de retraités seraient en hausse de 0,7 % par an. De 2050 à 2070, les dépenses augmenteraient de 0,6 % par an. Les effectifs de retraités se stabiliseraient alors avec une progression de 0,2 % par an. Pour ses différentes prévisions, le COR table sur une augmentation de l’âge conjoncturel de départ à la retraite à 64,5 ans en 2040 contre 63 ans en 2023.

Le nombre de cotisants diminuerait à compter de 2040. Il passerait de 30,4 à 30,5 millions de 2023 à 2070. En retenant un âge conjoncturel de départ à la retraite en hausse, passant de 62,9 ans en 2023 à 64,1 ans en 2030 et à 64,6 ans en 2070, le nombre de retraités serait de 21,6 millions contre 17 millions en 2023. Le ratio cotisants/retraités qui était de 2,1 en 2000 s’élève désormais à 1,8. Il serait de 1,4 en 2070. La pension moyenne représente, en 2022, 52 % du revenu d’activité. En 2070, ce ratio sera de 45 %. La baisse des pensions par rapport aux revenus s’explique par la mise en œuvre des réformes de 1993 et par la baisse du rendement du point de l’AGIRC/ARRCO.

Les Ressources du système : une lente érosion aux effets cumulatifs

Les ressources atteignent également 13,9 % du PIB en 2024, mais ce niveau est projeté à seulement 12,8 % en 2070. Ce reflux est expliqué par la baisse du poids des subventions d’équilibre aux régimes spéciaux, notamment à la CNRACL, et par une masse salariale publique moins dynamique. Le financement des retraites repose, pour près des deux tiers des ressources, sur les cotisations sociales. La part des transferts publics, évaluée à 1,9 % du PIB en 2024, serait ramenée à 1,0 % en 2070.

Cette trajectoire traduit un choix implicite de décroissance de la part de l’État dans le financement du système, tout en sachant que ce dernier ne compense pas l’ensemble des exonérations de charges sociales aux régimes de retraite. Le manque à gagner est évalué à 2,2 milliards d’euros par an.

Un solde durablement négatif

Le COR souligne que, toute chose étant égale par ailleurs et selon les hypothèses du scénario central (1,8 enfant/femme, solde migratoire net de 70 000, productivité horaire à +0,7 %, chômage à 7 %), le solde des régimes de retraite devrait être négatif sur la période 2024/2070. Il passerait de –0,1 % du PIB en 2024 (1,7 milliard d’euros de besoin de financement), à –0,2 % en 2030 pour atteindre jusqu’à –1,4 % en 2070. Cette dégradation reflète la dissociation croissante entre les dépenses, contenues mais rigides, et des recettes structurellement affaiblies en raison de la faible croissance.

Le solde varie fortement selon les régimes. L’Agirc-Arrco resterait excédentaire à long terme, grâce à ses règles de pilotage et grâce à ses réserves. À l’inverse, la CNRACL connaîtrait un déficit croissant, du fait de la décroissance de ses effectifs actifs. Les régimes non-salariés hors indépendants resteraient, par ailleurs, également excédentaires.

Cercle de l’Épargne – données COR

Des réserves à hauteur de 7,4 % du PIB

Les régimes de retraite par répartition, pour un certain nombre d’entre eux, disposent de réserves financières évaluées par le COR à 213,8 milliards d’euros, soit 7,3 % du PIB. 90 % de ces réserves sont détenues par les régimes complémentaires. Celles de l’AGIRC/ARRCO sont les plus importantes, 86,5 milliards d’euros. La CNAVPL possède de son côté 38,2 milliards d’euros de réserve, le régime complémentaire des indépendants, 21,2 milliards d’euros et l’IRCANTEC, 17,7 milliards d’euros.

Le Fonds de Réserve des retraites dispose d’un actif net de 20,4 milliards d’euros. Depuis le 1er janvier 2011, il contribue au financement de la CADES à hauteur de 2,1 milliards d’euros par an.

La situation patrimoniale des régimes de retraite représente 6,9 % du PIB après prise en compte de la dette des retraites refinancée par la CADES.

Les provisions des régimes par capitalisation : 1,4 % du PIB

Les régimes de retraite par répartition n’ont pas vocation à réaliser des provisions mais certains d’entre eux gèrent des compléments par capitalisation. Ses provisions représentaient, en 2024, 1,4 point de PIB.

Entre dans cette catégorie, l’actif financier de la retraite additionnelle de la fonction publique qui s’élevait, en 2024 à 41,5 milliards d’euros. Le rendement technique de ce régime est de 3,89 %, soit des taux supérieurs à ceux des régimes par répartition (autour de 1 %).

La caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens dispose d’un régime par capitalisation provisionné à hauteur de 5,6 milliards d’euros.

Niveaux de vie relatifs : l’érosion silencieuse du taux de remplacement

Le taux de remplacement est amené à baisser d’environ 10 points dans les prochaines années en raison des réformes mises en œuvre depuis 30 ans. Il devrait passer pour un non-cadre du privé de 77 à 67 % entre les générations 1940 et 2000. Pour un cadre, les valeurs respectives sont 55 et 45 %. Pour les fonctionnaires avec des primes importantes, le taux de remplacement devrait passer de 64 à 54 %. Le taux de remplacement est d’autant plus faible que le niveau de revenus est élevé. Cette situation s’explique par le plafonnement des pensions dans le cadre des régimes obligatoires.

La durée de la retraite a augmenté pour les générations des années 1940 et 1950 avec l’allongement de l’espérance de vie et des départs à la retraite autour de 60 ans. Elle a atteint 24,5 ans. Elle représente pour ces générations 28 % de la durée de la vie. Elle se réduit en particulier pour les générations des années 1960. Elle devrait augmenter pour les générations des années 1980 et ultérieures grâce aux gains d’espérance de vie. Les générations de l’an 2000 devraient avoir une durée de retraite représentant plus de 29 % de leur durée de vie.

En 2022, les pensions de retraite des retraités résidant en France correspondent à 65,4 % du revenu d’activité. En prenant en compte l’ensemble des revenus des retraités, l’écart entre retraités et actifs se réduit. Les revenus des premiers représentent 78,3 % de ceux des seconds. Les retraités perçoivent des revenus du patrimoine plus importants que les actifs.

Par rapport à l’ensemble de la population, le niveau de vie relatif des retraités était de 97 % en 2022, en baisse de 5 points par rapport à 2014. Ce ratio devrait baisser continument jusqu’en 2070. Il serait de 91,7 % en 2040 et de 87,5 % en 2070.

Cercle de l’Épargne – données COR

En prenant en compte les loyers imputés, les revenus des retraités sont 5 % supérieurs à ceux de l’ensemble de la population. En effet, plus de 70 % des retraités sont propriétaires de leur résidence principale contre 58 % pour l’ensemble des Français. Ils ont en outre, en règle générale, achevé de rembourser leurs prêts immobiliers.

En moyenne, le niveau de vie des retraités a augmenté de 21 % de 1996 et 2022 mais cela est essentiellement dû à l’effet noria, au renouvellement des générations. Les nouvelles générations ont eu des carrières plus complètes et mieux rémunérées en particulier pour les femmes. Le niveau de vie à la retraite peut subir des variations en fonction des règles d’indexation et des prélèvements. Ainsi, entre son départ à la retraite et 2025, la génération 1937 a connu une érosion de son pouvoir d’achat de 4,3 %. Pour la génération de 1952, la perte est de 5,5 %. Cette évolution s’explique à plus de 70 % par les changements de date de revalorisation et par les mécanismes de sous-indexation mis en œuvre par les pouvoirs publics.

Les pensions des femmes toujours plus faibles que celles des hommes

Le rapport de la pension moyenne des femmes par rapport à celle des hommes était, en 2023, de 87 % pour les fonctionnaires civils de l’État sur la base d’une carrière complète et monopensionnés. Pour les fonctionnaires hospitaliers et territoriaux, ce ratio est de 93 %. Pour les salariés du privé, il tombe à 70 % et pour les non-salariés à 69 %. Les femmes gagnent ainsi de 13 à 31 % de moins que les hommes.

Un rapport interdécile stable dans le temps

Le rapport du niveau de vie entre les 10 % des retraités les plus riches et les 10 % les plus pauvres en termes de revenus est égal à 2,9 en 2022. Il est globalement stable depuis 20 ans et est plus faible que celui de l’ensemble de la population (3,5). Le taux de pauvreté des retraités est de 10,2 %, contre 14,4 % pour l’ensemble de la population et 20,4 % pour les moins de 18 ans. Depuis 2017, le taux de pauvreté des retraités a progressé de trois points quand il est stable pour l’ensemble de la population. Cette divergence est liée à l’inflation des années 2022 et 2023. À noter que le taux de pauvreté des femmes retraitées est de 11,5 % contre 8,7 % pour celui des hommes.

Le pilotage des régimes de retraite : les équations impossibles

Les pouvoirs publics peuvent jouer sur plusieurs curseurs pour équilibrer les régimes de retraite. Le déplacement des curseurs peut avoir des effets sur l’économie et sur les autres régimes sociaux (santé, prévoyance, chômage). Les principaux curseurs sont : l’âge d’ouverture des droits, les cotisations, l’indexation des pensions, la durée de cotisation.

Un relèvement de l’âge de départ à la retraite occasionne un surcroît de dépenses sociales notamment au niveau de la prévoyance avec néanmoins un bilan net positif. Ainsi, un recul de deux ans génère un gain net de 0,6 point de PIB avec une augmentation des dépenses sociales de 0,2 point de PIB. Une augmentation des cotisations accroît le coût du travail et peut pénaliser l’emploi et donc les recettes pour les régimes de retraite. Une diminution des pensions peut peser sur la demande et donc la croissance.

Pour le COR pour équilibrer les régimes des retraites, en utilisant le seul critère de l’âge de départ à la retraite, il faudrait reculer ce dernier à 64,2 ans en 2040 et à 66,5 ans en 2070. En agissant sur les pensions, toujours pour être à l’équilibre, il faudrait les diminuer de 0,6 point en 2030 et de 4,5 points en 2070. Il faudrait une majoration de 0,4 point des prélèvements en 2030 et de 3,2 points en 2070 pour obtenir le même résultat. Le COR rappelle, dans son rapport, que la fixation de l’âge de départ à 63 ans coûterait au total 13 milliards d’euros.

Le COR met en évidence la forte sensibilité des dépenses et du solde aux hypothèses macroéconomiques. Une croissance durablement faible aggrave les tensions. Ce constat conforte l’idée que la réforme des retraites ne peut être dissociée des trajectoires de croissance, d’emploi et de productivité. Le rapport réaffirme les quatre leviers classiques : baisse des pensions nettes, hausse des cotisations salariées, hausse des cotisations employeurs, recul de l’âge de départ. Les trois premiers sont jugés récessifs par le COR. Seul le dernier, en augmentant l’offre de travail, est à long terme économiquement favorable mais n’est pas sans provoquer des tensions sociales et une augmentation des dépenses de prévoyance et de santé.

L’épargne n’est pas l’ennemie de la croissance

Au premier trimestre 2025, le taux d’épargne des ménages français a atteint 18,8 % du revenu disponible brut, un niveau jamais observé depuis 1979. Selon la note de conjoncture de l’INSEE publiée en juin, cette hausse remarquable s’explique en grande partie par le comportement d’épargne des retraités, notamment les plus modestes, qui ont vu leurs pensions revalorisées de manière significative.

Une dynamique portée notamment par les retraités

Les pensions de base ont en effet été relevées de 5,3 % en janvier 2024, puis de 2,2 % en janvier 2025, tandis que les retraites complémentaires Agirc-Arrco ont augmenté de 4,9 % en novembre 2023, puis de 1,6 % en novembre 2024. Dans le même temps, la consommation des retraités a progressé à un rythme plus modéré. La part des ménages de plus de 64 ans déclarant épargner est ainsi passée de 32 % avant la crise sanitaire à plus de 40 % en 2025.

La hausse du taux d’épargne n’est cependant pas limitée aux retraités. En 2024, le pouvoir d’achat des ménages a progressé de 2,5 %, mais la consommation n’a augmenté que de 1 %. L’INSEE prévoit que le taux d’épargne moyen pour l’ensemble de l’année 2024 atteindra 18,2 % du revenu disponible brut, soit un niveau 3,8 points supérieur à celui de 2019.

Une succession de chocs et de crises

Cette tendance s’inscrit dans un contexte marqué par une succession de chocs : pandémie, guerre en Ukraine, tensions au Moyen-Orient, flambée des prix, instabilité politique intérieure, inquiétudes budgétaires, etc. Ces incertitudes nourrissent une épargne de précaution durablement élevée. Bien que l’inflation ralentisse, le sentiment des ménages reste marqué par la perte de pouvoir d’achat passée, et par la crainte de hausses d’impôts ou de pertes d’emploi.

Un moteur structurel : le vieillissement démographique

Au-delà des facteurs conjoncturels, des éléments structurels expliquent ce niveau élevé d’épargne. Le vieillissement démographique joue un rôle croissant : plus de la moitié des Français déclarent épargner en vue de leur retraite. Les plus de 50 ans disposent des revenus les plus élevés et voient leurs charges familiales diminuer. Par ailleurs, les retraités, majoritairement propriétaires de leur logement, affichent un pouvoir d’achat souvent supérieur à la moyenne. Ils épargnent pour anticiper d’éventuels besoins liés à la dépendance ou pour transmettre un capital à leurs enfants ou petits-enfants.

Une épargne utile à condition d’être orientée vers l’investissement

Si l’épargne peut être perçue comme un frein à la consommation et donc à la croissance à court terme, elle reste essentielle pour le financement de l’économie. L’investissement – clé de la croissance future – repose sur l’épargne d’aujourd’hui. L’épargne alimente le crédit, finance les entreprises, soutient l’innovation et permet aux collectivités de développer les infrastructures publiques.

Dans un pays confronté à une fragilité de son appareil productif et à un déficit commercial structurel, il est crucial de réorienter l’épargne vers l’économie réelle. Sans épargne abondante, le coût de financement de la dette publique serait bien plus élevé, et la note souveraine de la France, déjà fragilisée, aurait pu être davantage dégradée par les agences de notation.

Le label européen au service de l’Union des marchés de capitaux

Le 5 juin dernier, sept États membres de l’Union européenne (France, Allemagne, Espagne, Pays-Bas, Portugal, Luxembourg et Estonie) ont signé un accord en vue de la création du label Finance Europe, destiné aux produits d’épargne investis dans les entreprises européennes. D’autres pays sont susceptibles de rejoindre ce premier groupe.

Dans le cadre du processus d’unification des marchés de capitaux, les États signataires souhaitent orienter l’épargne des particuliers vers des produits finançant directement les entreprises, plutôt que de la laisser sur des comptes de dépôt ou des livrets. Le deuxième objectif est de réduire la part de l’épargne investie en dehors de l’Union européenne, en particulier aux États-Unis.

Le contexte est actuellement favorable aux placements en actions européennes. Les indices américains sont en recul depuis les annonces de Donald Trump sur les droits de douane, tandis que ceux du Vieux Continent progressent. Du 1er janvier au 5 juin, l’Eurostoxx 50 a gagné plus de 10 %, contre seulement 1,5 % pour le S&P 500.

L’obtention du label européen pour des produits financiers sera conditionnée au respect de plusieurs critères : un minimum de 70 % de l’actif investi en actions ou obligations d’entreprises européennes, cotées ou non cotées, ainsi qu’une durée minimale de détention de cinq ans. Ces produits sont censés bénéficier de l’enveloppe fiscale la plus avantageuse et la plus simple possible dans chaque pays où ils seront distribués.

Les États membres ont renoncé à créer un produit d’épargne commun, en raison de la complexité et de la longueur du processus, liées aux réglementations différentes d’un pays à l’autre. L’échec du plan d’épargne retraite paneuropéen a sans doute conduit les gouvernements à privilégier l’option du label.

Ce label européen s’inscrit dans le prolongement de l’action de la Commission en faveur du financement de la transition écologique. Il pourrait s’intégrer dans le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) qui impose depuis 2021 des obligations de transparence pour les acteurs faisant appel à l’épargne publique. Ce label européen permettrait une classification plus claire et plus robuste que les règles en vigueur pour les fonds Article 6, 8 et 9 qui sont aujourd’hui contestées.

Le rapport Prodi avait déjà souligné la nécessité de réorienter l’épargne des ménages en Europe, où seulement un tiers des encours est placé en actions, contre près de la moitié aux États-Unis. À l’inverse, la moitié des placements européens sont liquides et garantis, contre 14 % outre-Atlantique. Une meilleure allocation de l’épargne serait un atout majeur pour l’économie européenne, d’autant que celle-ci est abondante : le taux d’épargne dépasse 13 % du revenu disponible brut, contre moins de 8 % aux États-Unis. Le stock d’épargne croît chaque année de plus de 1 000 milliards d’euros en Europe et atteignait, en 2024, plus de 35 000 milliards. Or, 20 % de cette épargne est investie à l’étranger. La popularité croissante des fonds indiciels, les ETF, majoritairement composés d’actifs américains, contribue à cette fuite de capitaux.

Agir pour ne pas subir !, par Jean-Pierre Thomas, président du Cercle de l’Épargne

Le Conseil d’orientation des retraites, dans son rapport annuel de juin 2025, dans le prolongement de la mission flash de la Cour des comptes, souligne — sans surprise — que le système de retraite sera structurellement déficitaire dans les prochaines années. Ce constat n’est pas nouveau. L’augmentation du nombre de retraités — 17 millions aujourd’hui, plus de 21 millions en 2070, contre 5 millions en 1981 —, la stabilisation puis le déclin de la population active, ainsi que la progression de l’espérance de vie, mettent en tension nos régimes par répartition.

Sur les moyens d’éviter l’accumulation de déficits, aucun consensus ne se dégage ni au sein de l’opinion publique, ni entre les partenaires sociaux. L’idée du report de l’âge de départ à la retraite demeure impopulaire, tandis que les employeurs estiment qu’il n’existe plus de marge pour accroître les prélèvements. L’échec du conclave lancé par le Premier ministre, François Bayrou, souligne la difficulté à réformer un système bâti à la sortie de la Seconde Guerre mondiale.

Face à cette situation bloquée, les Français demeurent profondément inquiets quant à leur niveau de vie futur à la retraite. Selon la dernière enquête AG2R LA MONDIALE – AMPHITÉA – CERCLE DE L’ÉPARGNE, près des trois quarts des non-retraités (72 %) estiment que leurs futures pensions ne leur permettront pas de vivre correctement. Confrontés aux déficits annoncés, ils privilégient en priorité la lutte contre les fraudes (80 %) plutôt que le prolongement de la vie active (33 % seulement y sont favorables). Ce jugement rejoint un sentiment largement partagé de déséquilibre entre cotisations versées et prestations perçues : 60 % des sondés se considèrent comme « perdants ». Cette perception, exagérée au regard des données officielles, traduit une défiance croissante vis-à-vis de l’État providence, alors même que ce dernier assure une réduction significative des inégalités. Rappelons que 60 % des Français sont, en réalité, bénéficiaires nets du système de protection sociale.

Pour limiter la baisse attendue de leur pouvoir d’achat à la retraite, une majorité de Français déclare épargner (54 %), dont 29 % de manière régulière. Point notable, 62 % estiment qu’il faut commencer à se constituer un complément de retraite avant l’âge de 35 ans. Les moins de 35 ans sont même 67 % à en être convaincus. Cela témoigne d’une prise de conscience croissante de l’importance d’un « troisième pilier » de la retraite, aux côtés des régimes de base et complémentaires.

Pour répondre à cette attente, une diffusion élargie des produits d’épargne retraite collectifs est indispensable, en particulier au sein des PME et pour les salariés les plus modestes. Des mesures devraient être prises pour simplifier la mise en place de tels dispositifs. Pourrait notamment être introduit, le fléchage par défaut des versements issus de l’épargne salariale et des primes de partage de la valeur vers les produits dédiés à la retraite.

Plutôt que de subir les incertitudes pesant sur l’avenir des retraites, les Français peuvent choisir de redevenir acteurs de leur avenir financier. L’épargne retraite, notamment sous forme collective, constitue aujourd’hui un levier puissant, à la fois de sécurisation des parcours individuels et de dynamisation de l’investissement à long terme. En se développant dans les entreprises, notamment les PME, elle peut renforcer la cohésion sociale, tout en contribuant au financement de l’économie productive. Favoriser son essor, c’est redonner confiance aux actifs, stabiliser les perspectives des retraités de demain, et poser les bases d’un nouveau contrat social où la solidarité collective s’articule à la responsabilité individuelle.

Jean-Pierre Thomas

Président du Cercle de l’Épargne

Enquête 2025 « Les Français, l’épargne et la retraite »

 

ENQUÊTE AG2R LA MONDIALE – AMPHITÉA – CERCLE DE L’ÉPARGNE

Dans un contexte, marqué par une montée des incertitudes économiques et géopolitiques, les ménages français recherchent, au-delà de l’épargne de précaution, une épargne de protection. Ils entendent rester maîtres de leur argent afin, notamment, de se constituer des filets de sécurité.

Priorité aux placements de long terme, prégnance de l’inquiétude du pouvoir d’achat à la retraite, refus de l’orientation de l’épargne par les pouvoirs publics, tels sont les principaux enseignements de l’enquête 2025 d’AG2R LA MONDIALE – AMPHITÉA – Cercle de l’Épargne.  

Les cinq chiffres clefs de l’enquête 2025  


76 % des épargnants estiment que l’assurance-vie est un placement intéressant
72 % des non-retraités jugent que les pensions ne sont pas ou ne seront pas suffisantes pour garantir un niveau de vie correct à la retraite
62 % des Français considèrent qu’il faut épargner pour la retraite avant 35 ans
73 % des épargnants sont contre l’orientation de l’épargne par les pouvoirs publics
78 % des Français sont opposés à la suppression des espèces  

Fabrice Heyriès, Directeur général d’AG2R LA MONDIALE a déclaré :

« Les résultats de l’enquête AG2R La Mondiale – Amphitéa – Cercle de l’épargne 2025, montrent que les Français sont préoccupés de plus en plus tôt par leur retraite et souhaitent commencer à se constituer une épargne avant 35 ans. Dans un contexte incertain et volatil, les produits d’épargne de long terme, assurance-vie et PER, sont plébiscités par les Français dont ils considèrent que ces solutions leur offrent un rendement qu’ils jugent majoritairement satisfaisant. Les Français s’inquiètent également de la capacité de la solidarité nationale à leur assurer une protection sociale suffisante, en particulier à l’heure de la retraite, et sont conscients de la nécessité de préparer leur avancée en âge.

Le Groupe AG2R LA MONDIALE les accompagne tout au long de la vie avec un ensemble de solutions pour préparer leur retraite, protéger leur santé, développer leur épargne et se prémunir contre les accidents de la vie. »

71 % des Français déclarent être des épargnants. Parmi eux, la moitié indique être satisfaite du rendement de son épargne, tandis que l’autre moitié ne l’est pas. Plus l’épargnant a investi dans des produits de long terme, plus il se montre satisfait du rendement de son épargne : 58 % des détenteurs de fonds en euros, 62 % de ceux ayant investi dans des unités de compte, et 65 % des souscripteurs d’un Plan d’Épargne Retraite expriment leur satisfaction. Les ménages aisés, dont l’épargne est davantage orientée vers les placements à long terme, se déclarent plus satisfaits que les ménages à revenus modestes. Ces résultats s’inscrivent dans le prolongement des bonnes performances de l’assurance-vie en 2025.

Confirmant la tendance observée en 2024, l’assurance-vie conserve en 2025 la première place au classement des placements préférés des Français (76 %). Elle devance l’investissement locatif immobilier (69 %) et le Livret A (60 %). Si, elle est particulièrement plébiscitée par les plus de 35 ans, le Livret A reste privilégié par les jeunes de moins de 35 ans.

Les jeunes de 18 à 24 ans se montrent davantage attirés que la moyenne des Français par les actions et les cryptoactifs, jugés intéressants par respectivement 51 % et 36 % de cette tranche d’âge, contre 41 % et 21 % en moyenne.

Avec la baisse de sa rémunération, le Livret A recule nettement en 2025 : 52 % des sondés le jugent intéressant, contre 60 % un an plus tôt.

La retraite constitue, pour 60 % des sondés, la priorité numéro un en matière de politique sociale, devant l’assurance maladie (45 %) et la dépendance (37 %). À partir de 35 ans, elle devient la préoccupation majeure. Chez les plus de 65 ans, la dépendance arrive en deuxième position avec 59 % de réponses (contre 62 % pour la retraite).

72 % des non-retraités estiment qu’ils ne vivront pas correctement avec leur future pension. Ce taux atteint 79 % chez ceux disposant de revenus modestes (moins de 1 200 euros par mois).

54 % des Français déclarent épargner pour leur retraite. Cette proportion atteint 64 % chez les personnes disposant de revenus élevés (plus de 4 000 euros par mois).

62 % des répondants jugent nécessaire de commencer à épargner avant 35 ans. Parmi les 18-34 ans, 48 % estiment même qu’il faudrait débuter avant 30 ans, témoignant ainsi d’une réelle inquiétude quant à la pérennité du système de retraite.

60 % des Français considèrent qu’ils cotisent davantage qu’ils ne recevront au titre des prestations sociales. Seuls 11 % pensent le contraire, et 29 % jugent que la balance est équilibrée. Ce sentiment est particulièrement marqué chez les 50-74 ans, dont 73 % estiment que le compte n’y est pas.

Pour préserver le système de protection sociale, 80 % des Français misent avant tout sur la lutte contre la fraude. En revanche, ils rejettent massivement l’idée de travailler davantage ou de cotiser plus : seuls 33 % se disent favorables à une augmentation du temps de travail (27 % chez les actifs) et 24 % à une hausse des impôts ou des cotisations.

73 % des épargnants se déclarent opposés à toute orientation de leur épargne par les pouvoirs publics. Ce rejet atteint 92 % parmi ceux qui ne disposent d’aucune épargne. Près de 65 % des épargnants désapprouvent également l’idée d’orienter l’épargne vers le financement de la défense nationale.

Le terme « orientation » semble avoir été perçu comme une injonction à souscrire à certains produits, voire comme une menace de captation de l’épargne. Les épargnants déjà investis à long terme ou disposant de revenus élevés se montrent toutefois légèrement plus ouverts à cette idée.

Autre indicateur de l’attachement des sondés à la liberté financière : 78 % des Français se déclarent opposés à la suppression des espèces.

L’enquête 2025 AG2R LA MONDIALE – AMPHITÉA – Cercle de l’Épargne confirme la maturité croissante des Français face aux enjeux d’épargne et de retraite. Attachés à leur liberté de choix, soucieux du rendement à long terme de leur épargne et inquiets pour leur niveau de vie futur, ils expriment une volonté claire : pouvoir anticiper, décider et sécuriser leur avenir en toute autonomie.

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Méthodologie :

À la demande d’AG2R LA MONDIALE, d’AMPHITÉA et du Cercle de l’Épargne, le Centre d’études et de connaissances sur l’opinion publique (CECOP) a conduit une étude sur les Français, l’épargne et la retraite. L’enquête a été réalisée sur internet les 25 et 26 mars 2025 auprès d’un échantillon de 1 000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, constitué d’après la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Le terrain d’enquête a été confié à l’IFOP.

L’assurance vie dans la peau du leader

Assurance vie | Résultats – mai 2025

Analyse de Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne

Cette année, en mai, les Français sont restés en mode épargne en privilégiant l’assurance vie qui bat une nouvelle fois un record d’encours. Depuis le début de l’année, il y a indéniablement un moment « assurance vie ».

Un mois de mai exceptionnel

Le mois de mai est traditionnellement peu porteur pour l’assurance vie. Les jours fériés et les longs week-ends qui en résultent n’incitent pas aux versements. En moyenne, sur ces dix dernières années (2015 – 2024), la collecte nette du  mois de mai est de 580 millions d’euros. Néanmoins, les décollectes y sont assez rares. Depuis 1997, trois décollectes ont été enregistrées en mai :

  • 2023 : -1,839 milliard d’euros ;
  • 2020 : -2,047 milliards en plein covid ;
  • 2012 : -1,711 milliard en pleine crise des dettes souveraines.

En 2025, l’assurance vie rompt avec cette tradition en enregistrant une collecte record de 3,8 milliards d’euros, son meilleur résultat depuis 16 ans. Pour le 4e mois consécutif, la collecte nette des supports en euros demeure positive.

Depuis le début de l’année, la collecte nette s’établit à +22,4 milliards d’euros, supérieure de +8,9 milliards d’euros à celle de 2024 sur la même période. La collecte nette est de 20,0 milliards d’euros pour les supports en unités de comptes (UC) et de 2,4 milliards d’euros pour les supports en euros.

Des cotisations brutes au plus haut

Au mois de mai, les cotisations d’assurance vie se sont élevées à 13,9 milliards d’euros, en hausse de +10 % par rapport à mai 2024.

Les fonds euros poursuivent leur remontée en puissance avec une augmentation de leur collecte de 13 % sur un an. Malgré la volatilité des marchés actions, la collecte des UC est en progrès de 4 %.

Depuis le début de l’année, les cotisations atteignent 80,2 milliards d’euros, en hausse de +3,2 milliards d’euros par rapport à la même période de l’année précédente. La collecte en supports en UC augmente de 8 % et celle en fonds euros progresse plus de +2 %. La part des UC dans les cotisations s’établit à 35 % sur le mois et à 38 % depuis le début de l’année.

Des prestations en baisse

Les ménages réalisent peu de sorties de l’assurance vie. Les prestations sont en effet en baisse en s’établissant à  10,2 milliards d’euros au mois de mai en recul de 9 % par rapport à mai 2024. Elles continuent de reculer ce mois-ci sur les supports en UC (-15 %) et sur ceux en euros (-7 %).

Depuis le début de l’année, les prestations s’établissent à 57,8 milliards d’euros, en baisse de -9 %. Ce recul concerne aussi bien les supports en euros (-4,3 milliards d’euros, soit −8 %) que les supports en UC (-1,4 milliard d’euros, soit -12 %).

Un encours record

L’encours de l’assurance s’élevait fin mai à 2049 milliards d’euros contre 2028 milliards d’euros fin avril en hausse de près de 5 % sur un an.

L’assurance vie : « the place to be »

L’assurance vie porte bien son nom de placement préféré des Français. Il profite pleinement du taux d’épargne élevé, 18,8 % du revenu disponible brut au premier trimestre 2025. Le taux d’épargne financière approche désormais 10 %, contre moins de 5 % au quatrième trimestre 2019, avant la crise sanitaire. Il bénéficie du moindre attrait de l’épargne réglementée et des dépôts à terme, pénalisés par la baisse de leur rendement. L’attractivité des fonds euros est en hausse avec des rendements moyens autour de 2,6 % avant impôt. L’assurance vie devrait continuer sur sa lancée dans les prochains mois. Les incertitudes sur les retraites et les inquiétudes liées aux déficits publics devraient conduire au maintien d’un fort volant de cotisations en faveur de l’assurance vie.

Les PER assurantiels : au-dessus de 100 milliards d’euros d’encours

Dans un contexte anxiogène en ce qui concerne l’avenir des régimes de retraite par répartition, sur les douze derniers mois, plus d’un million d’assurés ont souscrit un nouveau PER. Près d’un milliard d’euros de cotisations a été enregistré en mai. La collecte nette s’est élevé toujours en mai à 581 millions d’euros, en hausse de +6 %, soit +30 millions d’euros par rapport à mai 2024.

À fin mai, les PER assurantiels comptabilisaient 7,3 millions d’assurés pour un encours de 100,0 milliards d’euros, dont 44 % correspondent à des UC.

Épargne réglementée au temps des doutes

Résultats du Livret A – LDDS – LEP mai 2025

Analyse de Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne

« En mai, fais ce qu’il te plait ». Durant le printemps, les Français ont épargné avec modération sur leurs produits réglementés. Si le Livret A a renoué avec une collecte positive, tel n’est pas le cas pour le Livret d’Épargne Populaire. Sur fond de forte épargne, les produits réglementés digèrent toujours la baisse de son rendement du 1er février dernier, rendement qui pourrait, à nouveau, baisser le 1er août prochain.

Livret A : le retour d’une collecte positive

Après une décollecte de 200 millions d’euros au mois d’avril, le Livret A renoué avec une collecte positive au mois de mai avec +1,22 milliard d’euros. Celle-ci demeure néanmoins inférieure à celle de 2024 (1,26 milliard d’euros) et à la moyenne de ces dix dernières années (1,4 milliard d’euros). Depuis 2009, le premier produit d’épargne des ménages a connu quatre décollectes en mai (2015 : -0,44 milliard d’euros ; 2014 : -0,09 milliard d’euros ; 2010 : -0,31 milliard d’euros et 2009 : -1 milliard d’euros). La plus forte collecte en mai a été celle de 2020, 3,98 milliards d’euros, à la fin du premier confinement. 

Sur les cinq premiers mois de l’année 2025, la collecte atteint seulement 2,76 milliards d’euros contre 8,91 milliard d’euros sur la même période de 2024. La normalisation du Livret A se poursuit après des années de collectes fastes. Mai est un mois charnière avec ses week-ends prolongés et l’arrivée des vacances. Il sépare la période d’épargne du début d’année de celle de la fin d’année marquée par un surcroît de dépenses. Le Livret A continue d’être affecté par l’effet taux. Les ménages redéployent une partie de leur épargne de précaution vers des produits de long terme comme l’assurance vie, qui connaît un net rebond depuis le début de l’année.

Cette normalisation n’est pas synonyme de crise de l’épargne réglementée, l’encours du Livret A battant un nouveau record à 445,3 milliards d’euros.

Le Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS)

Le mois de mai réussit rarement au LDDS qui a accumulé, depuis 2009, neuf décollectes. La collecte moyenne y est faible, 387 millions d’euros entre 2015 et 2024. En 2025, pas de décollecte mais une collecte de 660 millions d’euros, deux fois supérieure à la moyenne décennale. Cette collecte est identique à celle de 2024.

Sur les cinq premiers mois de l’année, la collecte pour le LDDS se monte à 2,78 milliards d’euros contre 4,28 milliards d’euros en 2024 sur la même période. À noter, le LDDS collecte plus que le Livret A en 2025. Le LDDS épouse plus finement que le Livret A l’évolution du budget des ménages. Cette corrélation s’explique par le fait que le LDDS est plus souvent associé au compte courant des ménages que le Livret A. Les Français mettent leurs gains de pouvoir d’achat plus facilement sur un LDDS, gains qui pourront être utilisés durant les vacances. Le Livret A est un produit plus « épargne ».

L’encours du LDDS atteint en mai 2025, 163,3 milliards d’euros, un nouveau record.

Le Livret d’Épargne Populaire (LEP) toujours en recul : forte décollecte sur fond de régularisation

Le LEP enregistre, en mai, sa deuxième décollecte successive avec -1,19 milliard d’euros. En avril, la décollecte avait atteint un niveau important, -1,96 milliard d’euros. Déjà en 2024, le LEP avait connu un résultat négatif de -0,04 milliard d’euros.

Les ménages à revenus modestes ont puisé dans leur épargne pour faire face à leurs dépenses, sachant que par ailleurs le mois de mai a pu enregistrer la fin des régularisations au titre du contrôle du plafond de revenus.  

La collecte cumulée sur les cinq premiers mois de l’année est négative de -2,55 milliards d’euros, contre une collecte positive de 3,99 milliards sur la même période en 2024.

L’encours du LEP s’établit ainsi, fin mai, 79,6 milliards d’euros après 80,8 milliards d’euros fin avril.

Le taux du Livret A : 1,6 à 1,7 % le 1er août 2025

Compte tenu du taux ester et du taux d’inflation, le taux du Livret A pourrait passer de 2,4 à 1,6/1,7  % le 1er août prochain. Le taux d’inflation des 6 derniers mois devrait, en effet, être proche de 1 % et le taux ester est passé 2,922 à 1,924 % sur le semestre. Le taux moyen du taux ester est du 1er janvier au 15 juin de 2,44 %.

Dans une optique de baisse des taux du crédit et de relance de la consommation, il est fort probable que le Ministre de l’Économie suive la recommandation du Gouverneur de la Banque de France, ce dernier se rangeant derrière l’application de la formule. Avec un taux de 1,6/1,7 %, le gouvernement pourra indiquer que le rendement réel est positif d’un point ce qui est élevé par rapport aux années précédentes.

Le taux du LEP pourrait passer de son côté, en appliquant la formule, de 3 à 2,2 % (taux du Livret A +0,5 point). Mais depuis deux ans, le gouvernement ne respecte pas totalement cette dernière. Un taux à 2,5 % est assez probable.

Cercle de l’Épargne – données Caisse des dépôts et consignations
Cercle de l’Épargne – données Caisse des dépôts et consignations
Cercle de l’Épargne – données Caisse des dépôts et consignations

L’épargne n’est pas l’ennemie de la croissance

Analyse de Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne

Au premier trimestre 2025, le taux d’épargne des ménages français a atteint 18,8 % du revenu disponible brut, un niveau jamais observé depuis 1979. Selon la note de conjoncture de l’INSEE publiée en juin, cette hausse remarquable s’explique en grande partie par le comportement d’épargne des retraités, notamment les plus modestes, qui ont vu leurs pensions revalorisées de manière significative.

Une dynamique portée notamment par les retraités

Les pensions de base ont en effet été relevées de 5,3 % en janvier 2024, puis de 2,2 % en janvier 2025, tandis que les retraites complémentaires Agirc-Arrco ont augmenté de 4,9 % en novembre 2023, puis de 1,6 % en novembre 2024. Dans le même temps, la consommation des retraités a progressé à un rythme plus modéré. La part des ménages de plus de 64 ans déclarant épargner est ainsi passée de 32 % avant la crise sanitaire à plus de 40 % en 2025.

La hausse du taux d’épargne n’est cependant pas limitée aux retraités. En 2024, le pouvoir d’achat des ménages a progressé de 2,5 %, mais la consommation n’a augmenté que de 1 %. L’INSEE prévoit que le taux d’épargne moyen pour l’ensemble de l’année 2024 atteindra 18,2 % du revenu disponible brut, soit un niveau 3,8 points supérieur à celui de 2019.

Une succession de chocs et de crises

Cette tendance s’inscrit dans un contexte marqué par une succession de chocs : pandémie, guerre en Ukraine, tensions au Moyen-Orient, flambée des prix, instabilité politique intérieure, inquiétudes budgétaires, etc. Ces incertitudes nourrissent une épargne de précaution durablement élevée. Bien que l’inflation ralentisse, le sentiment des ménages reste marqué par la perte de pouvoir d’achat passée, et par la crainte de hausses d’impôts ou de pertes d’emploi.

Un moteur structurel : le vieillissement démographique

Au-delà des facteurs conjoncturels, des éléments structurels expliquent ce niveau élevé d’épargne. Le vieillissement démographique joue un rôle croissant : plus de la moitié des Français déclarent épargner en vue de leur retraite. Les plus de 50 ans disposent des revenus les plus élevés et voient leurs charges familiales diminuer. Par ailleurs, les retraités, majoritairement propriétaires de leur logement, affichent un pouvoir d’achat souvent supérieur à la moyenne. Ils épargnent pour anticiper d’éventuels besoins liés à la dépendance ou pour transmettre un capital à leurs enfants ou petits-enfants.

Une épargne utile à condition d’être orientée vers l’investissement

Si l’épargne peut être perçue comme un frein à la consommation et donc à la croissance à court terme, elle reste essentielle pour le financement de l’économie. L’investissement – clé de la croissance future – repose sur l’épargne d’aujourd’hui. L’épargne alimente le crédit, finance les entreprises, soutient l’innovation et permet aux collectivités de développer les infrastructures publiques.

Dans un pays confronté à une fragilité de son appareil productif et à un déficit commercial structurel, il est crucial de réorienter l’épargne vers l’économie réelle. Sans épargne abondante, le coût de financement de la dette publique serait bien plus élevé, et la note souveraine de la France, déjà fragilisée, aurait pu être davantage dégradée par les agences de notation.

Placements : 3 critères de choix pour un investissement à haut rendement

Cité dans les Echos, Philippe Crevel, le Directeur du Cercle de l’Epargne explique pourquoi le Livret A attire moins les épargnants et pourquoi la décollecte enregistrée en avril pourrait se confirmer dans les prochains mois. Il indique ainsi que « l’effet taux est clair. Face à une rémunération tombée de 3 % à 2,4 % en février et susceptible d’être ramenée à 1,5 % ou 1,6 % en août prochain, les ménages, dont le taux d’épargne a encore atteint un niveau record de 18,8 % au premier trimestre, redéploient une partie de leur épargne de précaution vers des produits de long terme ».

Économie : à quoi faut-il s’attendre ? – 3 questions à…. Jean-Baptiste PETHE, chef économiste chez AG2R LA MONDIALE

© Didier Nury   

Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, avec la mise en place d’une politique commerciale non coopérative est-il à même de provoquer un choc économique important dans les prochains mois ?

À court terme, une hausse des droits de douane a trois effets principaux. Premièrement, elle agit comme une taxe sur la consommation, qui est régressive car elle cible les biens qui représentent une part importante des dépenses des ménages les plus modestes. Deuxièmement, elle constitue une taxe sur les produits intermédiaires industriels, ce qui réduit la compétitivité du secteur exportateur. Enfin, elle agit comme une subvention à la production nationale, ce qui peut compenser partiellement les effets récessifs mentionnés précédemment.

Les modèles calibrés sur l’économie américaine suggèrent un effet total récessif : pour 13 points de hausse des droits de douane moyens – une hypothèse crédible au vu des annonces récentes – le PIB américain déclinerait de 0,9 point à l’horizon cyclique. Un ralentissement important, mais pas suffisant pour déclencher une récession.

Cette analyse néglige cependant trois éléments importants. Premièrement, elle ne tient pas compte des représailles potentielles des partenaires commerciaux. En cas de représailles généralisées, le PIB américain pourrait chuter de 3,0 points, ce qui constituerait un choc bien plus conséquent. Deuxièmement, il faut considérer l’impact négatif de l’incertitude sur le comportement des acteurs économiques. Selon certaines estimations, cette incertitude pourrait réduire le PIB américain d’au moins 0,5 point dans les prochains trimestres. Enfin, il est essentiel de prendre en compte la réaction des conditions financières, qui pourrait également freiner la croissance. Bien que ces conditions se soient améliorées ces dernières semaines en raison des nombreux revirements de l’administration Trump, il ne faut pas oublier que la banque centrale américaine ne devrait pas être en mesure d’adopter rapidement une politique accommodante, étant donné la hausse probable de l’inflation.

Dans notre scénario central actuel, nous anticipons un choc stagflationniste important, qui réduirait la croissance américaine d’environ 2 points en 2025/26 et augmenterait les prix dans une mesure similaire. Pour les autres grandes zones économiques, telles que l’Europe ou la Chine, l’impact serait moindre et pourrait être atténué par la mise en œuvre de politiques publiques contracycliques. Il est important de noter que cette quantification est susceptible d’évoluer en fonction des annonces de l’administration américaine et des réactions des marchés.

L’Europe semble fortement exposée au ralentissement du commerce mondial. Dispose-t-elle, néanmoins, d’atouts pour sortir de la léthargie dans laquelle elle évolue depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine ?

L’Europe est en effet fortement tributaire de la demande extérieure. Près de 20 % de son PIB en dépend directement, et même près de 30 % dans le cas de l’Allemagne. En comparaison, ces chiffres sont d’environ 9 % pour les États-Unis et 14 % pour la Chine. Le ralentissement du commerce et de la croissance mondiaux n’est donc pas une bonne nouvelle pour l’économie de la zone euro. De plus, l’Europe sera directement affectée par l’augmentation des droits de douane américains, qui ciblent notamment l’industrie automobile et, potentiellement, l’industrie pharmaceutique. Ces augmentations représentent un choc direct qui pourrait amputer la croissance d’au moins 0,5 point en 2025/26. Enfin, l’Europe pourrait subir une concurrence accrue des produits chinois, qui cherchent de nouveaux débouchés face au conflit commercial sino-américain.

En résumé, c’est tout un modèle économique qui est remis en question pour l’Union européenne. Le continent ne peut plus compter sur le gaz russe comme source d’énergie bon marché. Il ne peut plus compter sur la protection militaire américaine, compte tenu du désengagement souhaité par l’administration Trump. Et avec la guerre commerciale, il ne peut désormais plus compter sur la demande extérieure pour résoudre ses problèmes de demande intérieure. La réorientation de ce modèle économique prendra du temps.

À court terme, la mise en œuvre de politiques contracycliques pourrait cependant compenser le choc économique. La Banque centrale européenne vient d’abaisser son taux directeur de 4,0 % à 2,0 % au cours de la dernière année, ce qui devrait soutenir le PIB d’environ un point dans les prochains trimestres. Elle pourrait encore abaisser ses taux si la croissance montre des signes de faiblesse. De plus, le plan budgétaire allemand, qui prévoit une augmentation des dépenses publiques de 20 points de PIB sur une décennie, soutiendra l’économie de la zone euro dans les années à venir. Bien que des incertitudes subsistent quant à la rapidité de la mise en œuvre de ce plan, nous pensons qu’il contribuera de manière significative à la croissance à partir du milieu de l’année prochaine.

Ainsi, la croissance de la zone euro pourrait rester modeste dans les prochains trimestres. Cependant, un rebond de la croissance est probable à partir du second semestre 2026, et plus encore en 2027.

Face aux incertitudes générées notamment par la politique de Donald Trump, comment appréciez-vous l’évolution dans les prochains mois des taux d’intérêt à long terme et des marchés « actions » ?

Dans notre scénario central, les anticipations d’inflation restent sous contrôle et le ralentissement économique permet une légère détente du rendement américain à 10 ans au second semestre, vers 4,2 %. Un scénario alternatif serait une remontée plus forte des rendements obligataires dès cet été si le budget 2026 voté au Congrès est nettement expansionniste et si la croissance américaine reste robuste à ce moment-là. Des signes de défiance apparaissent en effet sur le marché obligataire américain. Les taux longs remontent depuis plusieurs mois, alors même que la devise américaine a chuté de près de 10 %. Ce comportement est inhabituel pour un pays comme les États-Unis et suggère des flux de capitaux sortants, plus caractéristiques d’un pays financièrement fragile. Le risque d’une tension sur les taux américains ne peut donc être écarté.

En Europe, les rendements obligataires pourraient légèrement refluer au second semestre, dans le sillage des rendements américains, dans le scénario central. Cependant, les perspectives de baisse seront sans doute limitées par l’anticipation des émissions obligataires nécessaires pour financer le plan de relance allemand. Il est d’ailleurs notable que le rendement allemand à 10 ans ne soit pas descendu en dessous de 2,45 % début avril, au plus fort des craintes de récession américaine.

De leur côté, les marchés actions ne semblent plus avoir beaucoup de potentiel de hausse à court terme. Ils semblent avoir pleinement intégré un scénario de détente commerciale permettant d’éviter un retournement conjoncturel. Aux États-Unis, les prévisions de croissance des bénéfices des entreprises restent par exemple supérieures à 9 % pour 2025 et 13 % pour 2026. Le niveau de valorisation des actions américaines est également très élevé historiquement, proche des points hauts de 2024. Dans ce contexte, la moindre mauvaise nouvelle économique pourrait entraîner une correction des marchés. Ainsi, nos prévisions d’indices actions de fin d’année sont inférieures à leur niveau actuel, tant aux États-Unis qu’en Europe.

Inégalités d’espérance de vie et équité des retraites : radioscopie des pratiques en France et ailleurs

En moyenne, en France, l’espérance de vie à la naissance est, selon l’INSEE, de 85,6 ans pour les femmes et 80,0 ans pour les hommes. En un quart de siècle, elle a progressé de respectivement de 3,11 ans pour les premières et de près de 5,5 ans pour les seconds. Dans l’intervalle, c’est principalement au-delà de 65 ans que l’espérance de vie a le plus progressé.

Ainsi, l’espérance de vie des femmes à 65 ans a gagné 2,44 ans, pour atteindre 23,4 ans en 2024 et celle des hommes 3,24 ans pour s’établir à 19,7 ans. Le rallongement de la période de retraite qui en découle constitue un défi pour les régimes de retraite. La France, comme ses partenaires, a engagé ces trente dernières années plusieurs réformes en vue d’assurer la pérennité de son système par répartition dont certaines ont porté sur le report de l’âge de départ à la retraite.

S’il faut se réjouir de la progression de l’espérance de vie, les écarts précités entre hommes et femmes ne sont qu’une facette des disparités d’espérance de vie existantes au sein de la population. La période espérée à la retraite varie ainsi fortement selon son sexe, sa profession, ses revenus ou encore son lieu de résidence. L’espérance de vie « moyenne » masque ainsi des inégalités profondes, susceptibles de soulever des questions sur le plan de la justice sociale.

Ainsi, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) a relevé dans ses travaux qu’un cadre masculin de 35 ans peut espérer vivre 7 ans de plus qu’un ouvrier. De même, les hommes sans diplôme ont une espérance de vie inférieure de 7 ans à ceux titulaires d’un diplôme supérieur. La pénibilité physique et mentale du travail, l’exposition aux risques professionnels, l’accès aux soins et à la prévention ou encore le mode de vie (tabac, alcool, alimentation, activité physique) des assurés sont autant d’actifs susceptibles d’accroître le risque de mortalité précoce, d’autant plus qu’ils peuvent se cumuler.

Ces écarts, au cœur de la discussion de la dernière réforme des retraites, sont-ils suffisamment pris en compte par notre système de retraites ? Comment mieux concilier équité sociale et soutenabilité financière ? Face à ces questions qui alimentent encore le débat public, le COR s’est intéressé aux dispositifs existants en France et ailleurs pour compenser ces différences de situations. 


Pour répondre à ces inégalités, différents pays ont introduit des mécanismes d’ajustement. Ces derniers peuvent, selon les cas, prendre la forme d’une adaptation de l’âge de départ en fonction de la durée de cotisation ou selon la profession exercée, ou d’une modulation du montant de la pension. Certains pays comme la Suède, vont encore plus loin, en introduisant une indexation de l’âge de départ à la retraite en fonction des gains d’espérance de vie, assurant ainsi une certaine neutralité actuarielle.

Au sommaire de cette étude

  • Dispositifs carrière longue, ou la reconnaissance de l’usure professionnelle
  • Invalidité : des possibilités de départ anticipé globalement peu répandues
  • La prise en compte de la pénibilité de certaines professions
  • Décotes et surcotes : une pratique répandue destinée à encourager les actifs à prolonger la vie active
  • Indexation sur l’espérance de vie : vers une neutralité intergénérationnelle
  • Les mesures de compensation des inégalités d’espérance de vie dans les régimes redistributifs de retraite
  • Une équité encore incomplète

Corse : laboratoire du vieillissement démographique ?

Depuis un demi-siècle, la Corse connaît une transformation démographique profonde. Territoire longtemps faiblement peuplé, l’île a vu sa population croître de manière continue, portée non par la natalité mais par un afflux migratoire. Derrière cette croissance apparente se cache une autre réalité : un vieillissement rapide, inégalement réparti, qui reconfigure les besoins sociaux, sanitaires et territoriaux de l’île.

Une île qui vieillit vite, et de manière inégalitaire

Entre 1975 et 2021, la population corse a augmenté de 54 %, passant de 226 000 à 348 000 habitants. Mais cette dynamique est portée exclusivement par les migrations. Le solde naturel est devenu négatif depuis plus d’une décennie, et l’indice de fécondité (1,2 enfant par femme en 2024) est désormais l’un des plus bas de France.

Aujourd’hui, un quart des habitants a plus de 65 ans. Si cette proportion peut sembler gérable, c’est sa progression qui interpelle : les plus de 80 ans ont triplé en cinquante ans et devraient doubler à nouveau d’ici 2045. L’âge moyen augmente, et la part des actifs (20-64 ans) diminue.

Cercle de l’Épargne – données INSEE

Un territoire déséquilibré : les fractures du rural

Le vieillissement de la Corse n’est pas homogène. Il se concentre dans les zones rurales, notamment dans l’intérieur de l’île, où les jeunes partent faute d’opportunités et où les équipements publics se raréfient. Dans de nombreux villages, les personnes âgées représentent plus d’un tiers de la population. L’isolement géographique s’ajoute alors à l’isolement social. Le recul des services publics (poste, écoles, soins de proximité) accroît la fragilité des plus âgés et pèse sur les aidants.

La concentration croissante de la population dans les périphéries d’Ajaccio et de Bastia renforce les déséquilibres. L’intérieur se vide lentement, tandis que les zones littorales s’étendent, souvent sans planification urbaine adaptée. L’enjeu est désormais de repenser l’équilibre territorial, non pas en opposant les régions, mais en réhabilitant l’idée d’une continuité territoriale accessible et solidaire.

Logement et dépendance : une double vulnérabilité

La Corse compte aujourd’hui plus de 262 000 logements, contre 105 000 en 1975. Mais cette explosion du parc cache des réalités complexes. Les résidences secondaires représentent plus d’un tiers des logements. Le nombre de logements vacants hors saison masque un accès difficile au logement pour les résidents à l’année, notamment les jeunes actifs… et les personnes âgées. Le vieillissement de la population exige une adaptation du bâti existant : logements de plain-pied, sécurisation des sanitaires, domotique basique, accès aux commerces et aux soins à distance raisonnable. Or, une large partie du parc immobilier, en particulier dans l’intérieur, reste inadaptée. Les aides à la rénovation sont encore peu mobilisées par les plus de 70 ans, souvent pour des raisons de complexité administrative ou d’isolement. À cette problématique s’ajoute celle de la dépendance. Les projections suggèrent une forte hausse des besoins en accompagnement à domicile. Pourtant, l’offre de services reste insuffisante : manque d’aides-soignants, faible couverture des services d’aide à domicile, délais d’accès aux établissements médicalisés. Dans certaines microrégions, les familles doivent parcourir des dizaines de kilomètres pour accéder à un Ehpad ou à une consultation de gériatrie.

Cercle de l’Épargne – données INSEE

Transports : un verrou majeur

La question du vieillissement ne peut être abordée sans celle de la mobilité. Or, en Corse, elle reste un frein quotidien pour les personnes âgées, notamment en milieu rural. Les transports en commun sont rares, voire, parfois, inexistants. La dépendance à la voiture individuelle devient alors une forme d’exclusion pour les personnes qui, avec l’âge, ne peuvent ou ne souhaitent plus conduire. Ce déficit de mobilité complique l’accès aux soins, aux administrations, aux commerces – et renforce le sentiment d’abandon dans certaines communes de montagne. Penser la vieillesse en Corse, c’est donc aussi repenser l’accessibilité, en adaptant les services de transport à la demande, à travers le développement de navettes sociales, ou des permanences de proximité.

La Corse fait face à un défi démographique d’une ampleur comparable à celle des pays du sud de l’Europe. Le vieillissement doit être accompagné, encadré, humanisé. Cela suppose de repenser l’aménagement du territoire, d’investir dans les services de proximité, de rénover le logement existant non seulement à Ajaccio et Bastia, mais dans tous les territoires. La transition démographique n’est pas une menace pour l’île. Elle est un test de sa capacité collective à préserver son identité tout en protégeant les plus fragiles.

Les pensions et l’indexation aux prix : quelles incidences ?

Depuis deux ans, l’idée d’une désindexation des pensions par rapport à l’inflation a été avancée pour réaliser des économies. L’indexation aux prix, en vigueur depuis près de quarante ans, a remplacé celle fondée sur l’évolution du salaire moyen.

En France, les retraites de base sont indexées sur les prix depuis 1987 pour le secteur privé et depuis 2003 pour la fonction publique. Les pensions des retraités sont, sauf exception, revalorisées chaque année au même rythme que l’inflation. Pour le régime général, qui verse la pension de base des salariés du privé, l’indexation sur les prix s’applique aussi à la revalorisation des salaires portés aux comptes (SPC) servant au calcul de la pension initiale. Un salaire perçu vingt ans avant la liquidation est ainsi revalorisé selon l’inflation constatée sur la période, et non selon la croissance du salaire moyen par tête (SMPT). Cette double référence aux prix permet de modérer l’évolution des pensions tout en assurant le maintien du pouvoir d’achat des retraités. Elle constitue un levier d’adaptation du système de retraite, mais ne garantit pas leur niveau de vie relatif, notamment par rapport aux actifs.

Une indexation aux effets contrastés

Le poids des dépenses de retraite dans le PIB a tendance à diminuer en cas de gains de productivité élevés, donc en période de croissance soutenue. À l’inverse, il augmente lorsque les gains de productivité sont faibles. Selon les projections de l’Insee, la part du PIB consacrée aux retraites passerait de 12,5 % en 2023 à 11,8 % en 2070 si la croissance de la productivité atteignait 1,3 % par an. Elle grimperait à 13,9 % si cette croissance n’était que de 0,4 %. Or, ces dernières années, la productivité a ralenti tandis que les prix ont augmenté, ce qui accroît mécaniquement le poids des pensions.

L’indexation sur les prix expose de manière asymétrique retraités et actifs aux aléas de la conjoncture. En période de forte croissance, le ratio pension moyenne/salaire moyen décroît, ce qui creuse l’écart de niveau de vie. Inversement, en cas de stagnation économique ou d’inflation élevée, l’indexation sur les prix profite davantage aux retraités.

Le retour coûteux à l’indexation sur les salaires

Un retour à l’indexation sur les salaires permettrait une meilleure solidarité intergénérationnelle en assurant aux retraités une part constante du revenu national. Mais cette option aurait un coût élevé. L’INSEE estime que le ratio retraites/PIB augmenterait de 3,5 points de pourcentage entre 2023 et 2070, principalement à cause de la dégradation du ratio cotisants/retraités (de 1,7 à 1,4). La pension relative des retraités atteindrait alors 69,3 % du salaire moyen des actifs en 2070, contre 66,6 % en 2023.

Pour maintenir l’équilibre financier du système sans augmenter le taux de cotisation, l’indexation sur les salaires devrait être accompagnée d’un mécanisme correcteur démographique. Plusieurs pays européens (Allemagne, Suède…) ont introduit de tels dispositifs pour neutraliser les effets du vieillissement. En France, seul le régime complémentaire Agirc-Arrco applique une telle règle : les pensions sont indexées sur les salaires, mais réduites d’un coefficient de soutenabilité lié à la démographie.

Une réforme du régime général possible

L’application d’un mécanisme de correction au régime général supposerait trois évolutions :

  • revenir à la revalorisation des SPC selon le SMPT ;
  • ajuster le taux de liquidation en fonction du ratio cotisants/retraités ;
  • indexer les pensions sur le SMPT, corrigé chaque année de l’évolution démographique.

La transposition aux régimes des fonctionnaires et des indépendants pourrait se faire avec quelques ajustements.

Ce mode de pilotage rendrait les dépenses de retraite peu sensibles à la croissance, permettant une stabilisation du ratio retraites/PIB à long terme. Toutefois, l’effet n’en serait pas immédiat. Tant que le système resterait en transition, la pension moyenne continuerait à augmenter du fait de l’effet de noria : les nouveaux retraités perçoivent des pensions plus élevées que les anciens, ce qui augmente temporairement la moyenne. Ce n’est qu’à l’horizon 2060 que le ratio retraites/PIB se stabiliserait autour de 14 %.

Pour contenir ce ratio autour de 13 %, des ajustements plus drastiques seraient nécessaires. Cela impliquerait une baisse du taux de remplacement : en 2070, la pension moyenne ne représenterait plus que 56 % du salaire moyen, contre 67 % en 2023. En cas de croissance inférieure aux hypothèses, les pensions pourraient même progresser moins vite que l’inflation.

Évolution de la proportion de retraités à faibles revenus

La part des retraités vivant sous le seuil de pauvreté (60 % du revenu médian) augmenterait d’ici 2070 : de 13,5 points de pourcentage en cas de forte croissance, de 7 points si la croissance est faible. L’indexation sur les salaires avec correcteurs démographiques permettrait de stabiliser cette évolution (hausse limitée entre 7,6 et 8,2 points selon les scénarios).

Les effets redistributifs d’une réforme de l’indexation ne se résument pas au maintien du niveau de vie des retraités par rapport aux actifs. Ils posent aussi la question des inégalités entre retraités. Une indexation différenciée des pensions minimales — à l’instar du minimum contributif (MICO), désormais indexé sur le SMIC — permettrait de stabiliser la part des bénéficiaires, et d’éviter, ainsi, un décrochage relatif.

L’indexation des pensions constitue un levier central de pilotage du système de retraite. Si l’indexation sur les prix permet de préserver le pouvoir d’achat des retraités, elle accentue le décrochage de leur niveau de vie relatif en période de croissance. À l’inverse, une indexation sur les salaires, corrigée par des facteurs démographiques, favoriserait une meilleure solidarité intergénérationnelle, mais au prix d’un effort financier accru. Entre stabilité économique, soutenabilité budgétaire et équité sociale, la question de l’indexation cristallise les tensions propres à tout système par répartition. Toute réforme en la matière devra conjuguer clarté des objectifs, progressivité des mesures et vigilance sur les effets redistributifs à long terme.

Retraite, l’heure des comptes et des choix ?

Le système de retraite, en France, comme dans les autres pays occidentaux est confronté à des contraintes démographiques inévitables. Tout système de retraite par répartition dépend du nombre de cotisants et de retraités, de l’espérance de vie, de l’évolution des gains de productivité, des taux des cotisations et des règles de calcul des pensions. Ces facteurs interfèrent. Un nombre élevé de cotisants augmente le montant des cotisations versées et permet une croissance du PIB plus importante. Des taux de cotisations élevés peuvent, à l’inverse, nuire à la compétitivité et à la croissance. Le niveau des pensions a des effets sur l’équilibre des régimes de retraite mais aussi sur la consommation.

Une forte augmentation du ratio de dépendance en France

La France est aujourd’hui dans la période la plus délicate en matière de retraite. Les générations les plus nombreuses du baby-boom partent à la retraite, remplacées par des générations plus étroites de jeunes actifs. Le ratio de dépendance des personnes âgées (65 ans et plus rapportés aux 20-64 ans) atteindra 53,2 % en 2050, contre 38,2 % en 2022, selon le 2024 Ageing Report de la Commission européenne. Ce ratio, à l’horizon 2050 sera de 53,6 % en Allemagne, de 63,7 % en Espagne, de 65,3 % en Italie.

La situation, relativement plus favorable, de la France résulte d’un indice de fécondité t plus élevé (1,6 enfant par femme en France contre 1,3 à 1,4 chez ses partenaires). Cet avantage s’est toutefois considérablement réduit ces dernières années. Dans le même temps, l’espérance de vie à 65 ans poursuit sa hausse. En 2023, elle s’élève à 23,4 ans pour les femmes et 19,7 ans pour les hommes. Elle devrait atteindre respectivement 24,8 et 21,5 ans en 2050, selon les projections de l’Insee.

Un taux d’emploi toujours plus faible en France

En 2023, le taux d’emploi des 15-64 ans en France était de 68,4 %, inférieur à la moyenne de la zone euro (70 %) et largement distancé par celui de l’Allemagne (77,2 %). Ces écarts s’expliquent par un moindre emploi des seniors et une insertion plus tardive des jeunes.

Le taux d’emploi des 60-64 ans s’élève à 41,6 % en France, contre 67,1 % en Allemagne. Le taux d’activité des 65-69 ans est de 11,1 % en France contre 20,8 % en Allemagne.

Un alignement du taux d’emploi français sur celui de l’Allemagne générerait un surcroît de 1,5 million emplois équivalents temps plein. La conséquence serait une augmentation de 3,2 % du PIB et un gain pour les régimes de retraite de plus de 7 milliards d’euros, après prise en compte des droits futurs acquis.

La question de la compétitivité

Depuis le début des années 2000, la France perd des parts de marché. Sa part dans les exportations de la zone euro est passée de 18 % à 13 %. Son déficit de la balance des biens et services s’élève à 21,5 milliards d’euros en 2024, soit 0,7 point de PIB, quand ses voisins affichent des excédents (Allemagne : +3,9 points de PIB, Espagne : +4,3 points, Italie : +2,3 points). Le poids de l’industrie française dans l’industrie de la zone euro est passé de 17,5 % à 13 % en un quart de siècle.

Le système de cotisations sociales, avec d’importantes exonérations sur les bas salaires, nuit à la montée en gamme du tissu productif français. Une refonte du barème des cotisations serait nécessaire avec, par exemple, l’instauration d’un abattement applicable à tous les salariés sur les 500 ou 800 premiers euros. Un tel abattement rendrait le système progressif sans effets de seuil.

Toute hausse de cotisation pénaliserait emploi et compétitivité. Compte tenu des coûts salariaux, cette piste est délicate pour rééquilibrer les comptes des régimes de retraite. Certains imaginent d’autres recettes pour financer la protection sociale, de la TVA, à un nouvel impôt sur la fortune en passant par une taxe sur les activités digitales.

Le report de l’âge de départ à la retraite est un sujet sensible. La réforme de 2023, à la différence des précédentes, n’est toujours pas acceptée au sein de la population. Tout allongement de la durée du travail doit s’accompagner de mesures d’accompagnement sur la formation, la pénibilité, les rémunérations et le temps de travail.

La question de l’indexation des pensions est également un sujet d’une rare sensibilité. Une sous-indexation par rapport aux prix peut aboutir à une baisse sensible du niveau de vie des retraités. Si aujourd’hui, celui-ci est proche du niveau moyen de la population française, il devrait baisser dans les prochaines années en raison de la montée en puissance des réformes adoptées depuis 1993. Une désindexation des pensions et des salaires de référence accentuerait cette évolution avec le risque de l’augmentation du taux de pauvreté chez les retraités.

Mécompte et choix

La France se trouve à la croisée des chemins. Le système de retraites, conçu comme un rempart protecteur, devient un point de friction entre les générations, entre équité sociale et efficacité économique. Le salut passe par une croissance plus forte et des gains de productivité. L’Espagne a prouvé, ces dernières années, que la stagnation économique n’était pas une fatalité. Seule une augmentation de la richesse produite permettra d’éviter des mesures impopulaires.

L’assurance vie : 2024 une année charnière

L’assurance vie a traversé plusieurs années de progression modérée, en lien avec la faiblesse des rendements des fonds en euros. Cette situation s’expliquait principalement par la politique monétaire accommodante menée par la Banque centrale européenne (BCE) entre 2015 et 2022. La fin des rachats d’actifs par la BCE, conjuguée à la hausse des taux directeurs sur fond de besoins de financement public accrus, a entraîné une remontée des taux longs. Le rendement moyen des fonds en euros est ainsi passé de 1,3 % à 2,6 % entre 2022 et 2024.

Au cours des années 2010, les unités de compte (UC) ont progressivement pris le relais des fonds en euros comme moteur de la croissance de l’assurance vie. Leur part représente désormais 40 % de la collecte et 28 % de l’encours.

La bonne tenue des unités de compte en 2024 et le rebond des fonds en euros

En 2024, la collecte en UC a atteint 66,2 milliards d’euros, en hausse de plus de 8 % sur un an, sur un total de 173,3 milliards d’euros de cotisations. La part des UC dans les cotisations s’élève à 38,2 %, en légère baisse par rapport à 2023. Pour la première fois depuis 2018, les cotisations en fonds en euros ont franchi à nouveau le seuil des 100 milliards d’euros, atteignant 107,1 milliards.

Les UC ont bénéficié de la bonne tenue des marchés financiers. Elles n’ont pas été affectées par la crise politique française de juin 2024, qui a pourtant entraîné un recul du CAC 40.

Des prestations en baisse

Les rachats d’UC ont légèrement augmenté, à 31,8 milliards d’euros (+2,4 %). Ceux sur les fonds en euros sont en recul, passant de 120 à 112 milliards d’euros, signe du regain d’attractivité de ces derniers. Globalement, les prestations se sont contractées, passant de 151 à 143,8 milliards d’euros.

Une collecte nette portée exclusivement par les UC

La collecte nette en 2024 s’élève à 29,5 milliards d’euros, portée uniquement par la dynamique des UC. Leur collecte nette atteint 34,4 milliards d’euros, tandis que celle des fonds en euros est négative de 5 milliards. Les flux en faveur des UC proviennent essentiellement des fonds obligataires et monétaires, alors que l’immobilier enregistre une désaffection pour la deuxième année consécutive.

Les UC : 28 % de l’encours de l’assurance vie

À la fin de l’année 2024, l’encours total de l’assurance vie atteignait 1 988,8 milliards d’euros, dont 584,6 milliards en UC, en progression de 10 % sur un an. Celles-ci représentent désormais 28 % de l’encours total.

Les placements adossés aux UC contribuent à hauteur de 82 % au financement des entreprises (soit 493 milliards d’euros) : 322 milliards sont investis en actions, 136 milliards en obligations et 34 milliards en immobilier. La part des actifs investis en titres de capital ou de dette (77 %) est nettement supérieure à celle des fonds en euros (52 %). Selon France Assureurs, près de la moitié de ces financements productifs bénéficie à des entreprises françaises (237 milliards), principalement en actions (133 milliards), mais aussi en obligations (77 milliards) et en immobilier (27 milliards).

Près de 5 % de performance moyenne pour les UC en 2024

En 2024, les supports en UC ont affiché un rendement moyen de +4,9 %, après +6,5 % en 2023. Les actions et les fonds à allocation d’actifs enregistrent, respectivement, des performances de +8,5 % et +6,8 %. Les fonds obligataires progressent de +4,2 %, et les fonds monétaires de +3,5 %. En revanche, les supports immobiliers affichent une performance négative de -6,7 %.

Sur les cinq dernières années, la performance annuelle moyenne des fonds en UC, nette de frais, s’établit à +4,1 %.

Des frais en baisse sur les UC

Selon France Assureurs, les coûts récurrents des fonds, pondérés par les encours, ont diminué de 5 points de base, à 1,62 %, par rapport à 2023.

En 2024, le taux moyen de frais de gestion sur encours des contrats en UC est estimé à 0,88 %, un niveau stable par rapport à l’an passé. Ce taux descend à 0,83 % pour la gestion libre ou pilotée sans frais additionnels. En cas de gestion sous mandat facturée, un surcoût moyen de 0,36 point est observé.

Après plusieurs années marquées par la prudence, l’assurance vie retrouve un second souffle. Le redressement des fonds en euros, stimulé par le contexte de taux plus élevés, offre une alternative rassurante pour les épargnants, tandis que les unités de compte confirment leur rôle central dans le financement de l’économie productive. À la croisée des dynamiques monétaires, financières et politiques, l’assurance vie française démontre sa capacité d’adaptation. La clé de son avenir résidera sans doute dans l’équilibre subtil entre rendement, transparence des frais et diversification, conditions nécessaires pour répondre à la fois à l’exigence de performance et à l’appétence accrue pour la sécurité.

L’épargne salariale à la croisée des chemins

En 2023, selon la DARES, le service statistique du Ministère de l’Emploi, 52,2 % des salariés du secteur privé non agricole (10,2 millions) sont couverts par au moins un dispositif d’épargne salariale (participation, intéressement, PEE ou Perco/PER collectif). Ce ratio est en légère baisse par rapport à 2022 de 0,7 point.

Cercle de l’Épargne – données DARES

Le Plan d’Épargne Entreprise : la clef de voûte de l’épargne salariale

Le Plan d’Épargne Entreprise (PEE) reste le socle de cette architecture, avec une couverture de 44,3 % des salariés. Il devance la participation (38,1 %), l’intéressement (34,6 %) et le Perco/PER collectif (26,7 %).

Une fracture structurelle : taille, salaires, secteur

En 2023, seuls 18,1 % des salariés des entreprises de moins de 50 salariés sont bénéficiaires d’au moins un dispositif, contre 46,6 % dans les structures de 50 à 99 salariés et 89,4 % dans celles de plus de 1 000 salariés. Dans les grandes entreprises au sens de la loi LME, le taux culmine à 95,6 %. La faible couverture des PME, malgré les mesures prises ces dernières années, s’explique par la complexité des dispositifs de l’épargne salariale. La création d’un grand nombre de TPE contribue également à faire baisser la moyenne.

Cercle de l’Épargne – données DARES

Des écarts importants selon les secteurs d’activité

80,1 % des salariés de la finance et de l’assurance sont couverts, contre seulement 23,4 % dans l’hébergement-restauration. Cette dichotomie s’explique à la fois par les marges disponibles pour redistribuer, le degré de formalisation des pratiques RH, et le pouvoir de négociation des salariés.

Cercle de l’Épargne – données DARES

L’épargne salariale : une question de revenus

Dans les entreprises où le salaire moyen dépasse le 7e décile (32 316 euros brut), la couverture atteint 68,4 %. Elle tombe à 23,6 % dans celles situées sous le 3e décile (19 663 euros). L’épargne salariale dépend fortement du potentiel de marges des entreprises et du poids des salariés à forte valeur ajoutée.

Une montée en puissance du PER collectif

En 2023, 31,5 % des salariés des entreprises de 10 salariés ou plus sont couverts par un plan d’épargne retraite (PER collectif ou Perco), soit une progression de 0,9 point. La montée en puissance du PER collectif est remarquable. 14,0 % des salariés en sont désormais couverts (+3,1 points), tandis que la part des salariés ne disposant que d’un Perco recule (12,7 %, -0,7 point) en raison des transferts réalisés sur le premier.

Cercle de l’Épargne – données DARES

Près de 27 milliards d’euros de cotisations brutes

En 2023, le montant total des primes versées au titre de l’épargne salariale s’élève à 26,7 milliards d’euros brut, en hausse de 0,4 milliard malgré le tassement conjoncturel et l’inflation.

Près de 8,9 millions de salariés ont reçu une prime ou un abondement, soit 45,2 % du secteur privé (contre 46,3 % en 2022). Le niveau d’adhésion est donc élevé parmi les salariés couverts. 86,7 % d’entre eux ont effectivement reçu un versement.

Cercle de l’Épargne – données DARES

Le détail des montants versés illustre la montée en puissance des dispositifs

Les primes de participation ont profité à 5,8 millions de bénéficiaires pour un total de 11,5 milliards d’euros. Elles ont représenté, en 2023, 4,7 % de leur masse salariale.

L’intéressement a concerné 5,6 millions de salariés, en 2023 pour un total de 11,6 milliards d’euros représentant 4,8 % de leur masse salariale.

Les employeurs ont versé pour 2 milliards d’euros d’abondements sur les PEE et 0,8 milliard sur les Perco.

En moyenne, les sommes issues de l’épargne salariale atteignent 3 039 euros brut par bénéficiaire (contre 2 920 euros en 2022). Elles représentent 7,2 % de la masse salariale des bénéficiaires.

Arbitrage entre consommation et capitalisation

Les salariés peuvent choisir entre percevoir immédiatement leurs primes (soumises à l’impôt sur le revenu) ou les placer. En 2023, 4,1 milliards d’euros nets ont été perçus immédiatement au titre de la participation et 6,2 milliards ont été placés sur un plan d’épargne. Pour l’intéressement, 4,1 milliards ont été perçus et 6,4 milliards épargnés.

Cette préférence pour la capitalisation peut s’expliquer par l’optimisation fiscale (exonération d’impôt sur le revenu si les sommes sont bloquées cinq ans), mais aussi par une acculturation progressive des salariés à la logique de « retraite par capitalisation individuelle ».

Les versements sur les PEE atteignent 13,4 milliards d’euros nets (+10,4 % par rapport à 2022), dont plus de 72 % proviennent de primes. Les Perco reçoivent 2,9 milliards d’euros (+9 %), un montant en croissance malgré leur remplacement progressif par le PER collectif. La part des versements volontaires des salariés reste minoritaire (18,1 % sur les Perco). L’épargne salariale apparaît comme un instrument important de fidélisation et de partage de la valeur. Les déséquilibres constatés depuis des années se corrigent en revanche lentement. Les salariés des TPE, des bas salaires ou des secteurs à faible productivité sont peu couverts. Le montant global de l’épargne salariale, autour de 200 milliards d’euros, est modeste par rapport aux autres grands placements que sont l’assurance vie (2 000 milliards d’euros) ou l’épargne réglementée (800 milliards d’euros).

Pour élargir sa diffusion, plusieurs pistes sont envisageables : renforcement des incitations fiscales en faveur des PME, simplification des procédures de mise en place, encouragement à la mutualisation sectorielle, ou encore intégration automatique dans les négociations annuelles obligatoires, obligation de plan d’épargne retraite collectif pour tous les salariés. 

Épargne populaire : un rapport critique

Les députés Jean-Philippe Tanguy et François Jolivet ont présenté au mois de mai dernier leur rapport sur « la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes ». Les deux parlementaires sont critiques tant sur les produits et sur la réglementation en vigueur. Ils proposent une rationalisation de l’épargne afin de permettre aux épargnants modestes et intermédiaires d’accéder à des placements plus rémunérateurs.

Un patrimoine important mais mal orienté

Selon les auteurs du rapport, l’épargne financière des Français, plus de 6 000 milliards d’euros, demeure marquée par une aversion au risque et un attachement historique aux produits réglementés : livret A, LDDS, LEP, PEL… En 2024, ces produits représentaient près de 950 milliards d’euros, soit 15 % du patrimoine financier des ménages, contre plus de 2 000 milliards pour l’assurance vie.

La détention de livrets d’épargne est quasiment universelle, mais leur rendement, une fois l’inflation intégrée, est faible, voire négatif. Le livret A, par exemple, a connu un rendement réel inférieur à 0 % de 2016 à 2024. Un épargnant y ayant placé 1 000 euros en 2003 aurait à peine 1 400 euros en 2023, contre 2 700 euros s’il avait investi sur un indice boursier type CAC40.

Le LEP, pourtant rémunéré à 6 % en 2023, puis abaissé à 3,5 % en 2025, est faiblement diffusé. Seulement 11,8 millions de livrets ont souscrit ce produit quand 19,5 millions de Français sont éligibles. Ce non-recours révèle à la fois un défaut d’information, une offre bancaire passive et une faible incitation institutionnelle. Il est également imputable aux faibles capacités d’épargne des populations concernées.

L’assurance vie injustement critiquée

Produit favori des ménages français, l’assurance vie est mise en cause pour son rendement médiocre, notamment sur les unités de compte, qui ont accusé une perte moyenne de 8 % entre 1999 et 2021. Quant aux rendements des fonds en euros, après une forte baisse à la fin des années 2010 et au début des années 2020, ils ont, longtemps, plafonné à 1,3 %, avant d’enregistrer un rebond à 2,6 % en 2024, encore inférieur à l’inflation cumulée sur trois ans.

Les rapporteurs dénoncent des promesses de rendement parfois trompeuses. Ils indiquent que les ETF ont enregistré des progressions plus élevées. Ils oublient que les fonds euros bénéficient d’une garantie en capital qui a un prix et un coût.

Les rapporteurs, de manière un peu caricaturale, indiquent que le principal avantage de l’assurance vie réside aujourd’hui dans sa fiscalité et non dans sa performance intrinsèque. Or, en 2024, le rendement moyen des fonds euros a été de 2,6 % et celui des unités de compte de 4,6 %.

L’épargnant moyen face à un système discriminant

Pour les rapporteurs, les épargnants modestes et moyens seraient sciemment maltraités en étant orientés vers des produits garantis, liquides, peu risqués… et donc peu rémunérateurs. Cette orientation, loin de traduire uniquement une préférence des ménages, résulte aussi de biais dans le conseil, du poids des frais, et d’un déficit d’éducation financière.

Par contraste, les ménages les plus aisés accèdent à une palette de placements (private equity, immobilier géré, etc.) à rendement espéré plus élevé et volatilité maîtrisée sur le long terme, notamment via des intermédiaires spécialisés. Le capital n’est donc pas égalitaire ; il est socialement distribué selon la capacité d’accès à l’information et au conseil.

Pour une simplification de l’épargne en France

À juste titre, les rapporteurs soulignent le caractère illisible du paysage de l’épargne en France avec un foisonnement de produits réglementés :  livret A, LDDS, LEP, PEL, CEL, livret jeune, LEE… Le rapport prône la simplification de l’épargne réglementée à travers :

  • une unification des régimes fiscaux et des plafonds ;
  • la suppression des produits obsolètes (comme le livret d’épargne entreprise) ;
  • l’ajustement des règles du livret jeune, aujourd’hui déconnecté des besoins de son public.

Le PEL, quant à lui, est pointé du doigt pour son incohérence intergénérationnelle : un plan ouvert en 2009 peut offrir un rendement supérieur à 4 %, exonéré d’impôts, tandis qu’un plan de 2025 plafonne à 1,75 % brut et subit le PFU à 30 %.

Vers une démocratisation du rendement

Le rapport plaide pour une démocratisation raisonnée de l’accès aux actifs performants : fonds indiciels, capital-investissement, gestion passive à bas coût. Il insiste également sur la formation financière, condition nécessaire pour combler les inégalités patrimoniales à long terme. La France accuse ici un retard structurel, malgré les exigences légales de conseil, souvent inopérantes.

Ce rapport, comme d’autres précédemment, pose la question de l’orientation de l’épargne des ménages. Il met en évidence la surreprésentation de l’épargne de court terme mal rémunérée. Or, celle-ci répond en grande partie aux objectifs des ménages. Ces derniers souhaitent disposer d’une épargne liquide et sûre. Ils sont plus avertis qu’il n’y paraît. Ils ont ainsi, lors de la hausse du taux de rendement du Livret A entre 2022 et 2023, privilégié ce placement. Ils ont également opté alors pour les dépôts à terme qui pendant une vingtaine d’années avaient été complètement délaissés. Contrairement aux idées reçues, les épargnants français sont matures et n’entendent pas être instrumentalisés.

L’épargne éthique peut-elle être souveraine ?, par Jean-Pierre Thomas, Président du Cercle de l’Épargne

Selon une enquête réalisée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) en 2023, 66 % des Français se déclaraient concernés par les enjeux du développement durable. Plus de la moitié (54 %) affirmaient que ces considérations orientaient leurs choix en matière d’épargne.

Pourtant, le passage à l’acte demeure limité : moins d’un Français sur cinq détient un placement vert dans son patrimoine. Et ce, alors même que l’offre s’est considérablement étoffée ces dernières années. En 2024, selon l’AMF, les encours relevant de l’investissement socialement responsable (ISR) ont atteint 634 milliards d’euros, soit environ 55 % de l’encours total des fonds ouverts commercialisés en France. L’écart de rendement avec les fonds traditionnels, autrefois significatif, s’est par ailleurs largement réduit.

Plusieurs dynamiques récentes contribuent à redéfinir le périmètre de ce que l’on entend par « épargne éthique ». D’une part, la légitimité de certains labels est remise en question : accusations de greenwashing, critères ESG jugés trop laxistes, manque de transparence sur la composition des portefeuilles… Ces critiques ont eu un impact tangible : selon Morningstar, la collecte nette des fonds ESG a diminué de 3,2 % en 2024. D’autre part, les épargnants sont confrontés à des injonctions contradictoires. Avec le revirement stratégique des États-Unis et l’intensification des tensions géopolitiques, plusieurs pays européens ont décidé, début 2025, d’accroître leur effort de défense, en s’appuyant notamment sur l’épargne privée pour financer cette montée en puissance.

Dans cette perspective, un fléchage des capitaux vers des secteurs stratégiques – défense, semi-conducteurs, nucléaire – jusqu’ici marginalisés dans les grilles ESG, est désormais assumé. En mars 2025, la France a ainsi officialisé la création d’un véhicule de placement dédié au soutien de la base industrielle et technologique de défense (BITD), accessible aussi bien aux investisseurs institutionnels qu’au grand public via des contrats d’assurance vie multisupports. Parallèlement, Bercy planche sur une extension du label « Relance » vers un futur label « Souveraineté », qui intégrerait des entreprises de cybersécurité, d’électronique de défense ou d’industries critiques mobilisant terres rares, batteries ou composants optiques.

Les critères ESG sont-ils incompatibles avec les impératifs de résilience stratégique ? Faut-il redéfinir ces critères pour éviter l’exclusion de secteurs décisifs à la sécurité nationale ? L’AMF s’est saisie de la question en lançant, en avril dernier, une consultation sur l’intégration des objectifs de sécurité économique dans les critères d’investissement durable. Une réforme du label ISR est envisagée pour l’automne 2025, avec pour objectif de reconnaître les dimensions « extra-environnementales » comme la défense de la démocratie, l’indépendance technologique ou la cohésion nationale, au même titre que la transition climatique ou la préservation de la biodiversité.

L’éthique ne disparaît pas, elle se transforme. Moins restrictive, plus englobante, elle tend à réconcilier durabilité et souveraineté. Cette évolution constitue une opportunité pour les épargnants, qui pourront accéder à des placements à la fois plus diversifiés, plus alignés avec les enjeux contemporains, et potentiellement plus performants. Si le triptyque traditionnel de l’investissement – sécurité, liquidité, rendement – auquel il faut ajouter la liberté, reste central, choisir, investir arbitrer en fonction de ses objectifs personnels demeure pour la grande majorité des épargnants un droit légitime.

Jean-Pierre Thomas

Président du Cercle de l’Épargne

Epargne : en quoi consiste le nouveau label européen ?

Dans le journal Le Monde, Philippe Crevel est appelé réagir à l’annonce relative à la création d’un label européen des produits d’épargne. Quels produits pourraient être concernés par ce label et quel serait l’objectif poursuivi par cette labellisation ? Réponses à lire dans Le Monde.

Bourse : 3 solutions pour traverser les turbulences et éviter les plus grosses pertes

Comment mieux composer avec la volatilité boursière ? Cité dans le journal Les Echos, Philippe Crevel rappelle qu’investir dans les marchés financiers n’est pas compatible avec l’épargne de court terme et suppose de la diversification. Il rappelle en outre, qu’il convient de ne pas céder à la panique.

Epargne : la chute du livret A profite à l’assurance-vie

Dans L’Express, Philippe Crevel indique que « la succession de chocs (Covid, guerre en Ukraine, vague inflationniste, crise politique, retour de Donald Trump…) explique en partie cette propension à l’épargne« . Appelé à commenter les résultats de la collecte de l’assurance vie il relève que le résultat d’avril 2025 est plus de deux fois supérieur à la moyenne des dix dernières années (1,6 milliard d’euros).

Consommation en berne : un frein inattendu pour la croissance française

Au micro d’Europe 1, le Directeur du Cercle de l’Epargne, Philippe Crevel commentait, ce 29 mai, les résultats de la consommation et du taux d’épargne publiés par l’INSEE. Il explique pourquoi les pouvoirs publics auraient préféré que les ménages épargnent moins et consomment davantage. « Dans les moteurs de la croissance, il y a la consommation, qui représente environ deux tiers du produit intérieur brut, et il y a l’investissement. Sauf que la consommation est en berne et l’investissement est en berne. Ça explique pourquoi on est flat ( plat en anglais NDLR) au niveau de la croissance », précise-t-il.

Placements : l’assurance vie confirme son succès en avril

Dans Boursier.com, Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Epargne explique les raisons de la forte collecte de l’assurance vie depuis 2025 par le moindre attrait des contrats à terme et des produits d’épargne réglementée.

Danemark, Espagne, Italie… À quel âge nos voisins européens peuvent-ils partir à la retraite ?

Dans le Figaro, le Directeur du Cercle de l’Epargne explique que la réforme portant cet âge à 64 ans, permet à la France de «rattraper la moyenne (basse) de l’OCDE» tout en rappelant « que les autres pays sont aussi en train de reporter leur âge légal ». Il précise par ailleurs que «la France figure parmi les pays où l’on part le plus tôt à la retraite au sein de l’OCDE, avec un âge moyen de 62 ans et 6 mois, à égalité avec l’Italie ».

La collecte du Livret A fait une pause, celle du LEP s’effondre

Dans Investir, Philippe Crevel réagit aux résultats du Livret A et du LEP en avril. Il précise que le fort recul LEP tient au fait que de nombreux LEP ont été fermés par les établissement en avril car « les revenus pris en compte pour 2025 sont ceux de 2023, année marquée par de fortes revalorisations salariales, notamment du Smic« . Concernant le Livret A, il estime que ce produit « continue d’être affecté par l’effet taux« .

Placements : faut-il vraiment préférer l’assurance vie au Livret A ?

Dans Capital, Philippe Crevel, le Directeur du Cercle de l’Epargne, indique que les ménages «redéploient une partie de leur épargne de précaution vers des produits de long terme comme l’assurance vie, qui connaît un net rebond depuis le début de l’année».

 Une décollecte printanière pour le Livret A et le Livret d’Épargne Populaire

Résultats du Livret A – LDDS – LEP avril 2025

Analyse de Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne

Livret A : touché mais pas coulé

Le Livret A, avec une décollecte de 200 millions d’euros, enregistre sa première sortie nette de fonds depuis le mois d’octobre dernier. Cette décollecte s’inscrit dans le processus d’atterrissage amorcé depuis l’annonce de la baisse de son taux de rémunération. La collecte avait été de 400 millions d’euros en mars et de 940 millions d’euros en février. Sur les quatre premiers mois de l’année 2025, la collecte atteint seulement 1,53 milliard d’euros, contre 7,64 milliards d’euros sur la même période de 2024.

Le résultat d’avril 2025 peut néanmoins surprendre : le quatrième mois de l’année est généralement favorable au Livret A. La collecte moyenne d’avril sur les dix dernières années s’élève à 1,929 milliard d’euros. En avril 2024, elle avait atteint 1,48 milliard d’euros. Depuis 2009, une seule décollecte avait été enregistrée au mois d’avril, en 2015, avec -170 millions d’euros. La collecte la plus élevée pour un mois d’avril reste celle de 2020, en plein confinement, avec 5,47 milliards d’euros.

Le Livret A continue d’être affecté par l’effet taux. Les ménages redéploient une partie de leur épargne de précaution vers des produits de long terme comme l’assurance vie, qui connaît un net rebond depuis le début de l’année. Cet ajustement est logique après plusieurs années de versements massifs sur le Livret A, dont l’encours est passé de 298 à 444 milliards d’euros.

L’encours du Livret A s’établit, après cette décollecte, à 444 milliards d’euros.

Le Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS) fait bande à part

Contrairement au Livret A, le LDDS affiche une collecte positive en avril, avec +310 millions d’euros. Cela s’explique par sa fonction d’antichambre des comptes courants : les ménages y gèrent leur trésorerie en temps réel, tandis que le Livret A reste davantage perçu comme un produit d’épargne à moyen ou long terme.

La collecte du LDDS en avril 2025 s’élève à 310 millions d’euros, contre 400 millions en mars et 760 millions en avril 2024. Elle reste néanmoins inférieure à la moyenne des dix dernières années (586 millions d’euros). Sur les quatre premiers mois de l’année 2025, la collecte cumulée atteint 2,11 milliards d’euros, contre 3,68 milliards sur la même période en 2024.

L’encours du LDDS atteint un nouveau record en avril 2025, à 162,7 milliards d’euros.

Le Livret d’Épargne Populaire (LEP) : forte décollecte sur fond de régularisation

Le Livret d’Épargne Populaire connaît une décollecte marquée, à hauteur de 1,96 milliard d’euros. En avril 2024, il avait déjà enregistré une décollecte de 270 millions d’euros. Ces sorties s’expliquent par les vérifications annuelles des conditions d’éligibilité effectuées par les banques : elles doivent clôturer les LEP des épargnants dont le revenu fiscal de référence dépasse le plafond autorisé. Les revenus pris en compte pour 2025 sont ceux de 2023, année marquée par de fortes revalorisations salariales, notamment du SMIC.

La collecte cumulée sur les quatre premiers mois de l’année est négative de 1,37 milliard d’euros, contre une collecte positive de 3,99 milliards sur la même période en 2024.

Les ménages modestes réagissent rapidement aux variations de taux, passé de 4 % à 3,5 % le 1er février dernier.

L’encours du LEP s’établit ainsi, fin avril, à 80,8 milliards d’euros, contre 82,8 milliards fin mars.

Vers une baisse du taux du Livret A et du LEP en août prochain

Les deux composantes entrant dans le calcul du taux du Livret A — le taux €STR et l’inflation — sont orientées à la baisse. Sur la base des données disponibles pour les quatre premiers mois de 2025, le taux du Livret A pourrait être ramené de 2,4 % à 1,5 % / 1,6 %.

Le taux du LEP pourrait, quant à lui, passer de 3,4 % autour de 2 %. Toutefois, ces dernières années, le gouvernement n’a pas toujours appliqué strictement la formule, préférant maintenir un avantage pour l’épargne populaire. Un taux de 2,5 % paraît ainsi plus probable.

ANNEXES

Cercle de l’Épargne – données Caisse des dépôts et consignations

Cercle de l’Épargne – données Caisse des dépôts et consignations

Cercle de l’Épargne – données Caisse des dépôts et consignations

Livret A : vers un taux à 1,6 % au 1er août 2025 ?

Dans le Parisien, Philippe Crevel rappelle qu’une application stricte de la formule destinée à déterminer la rémunération du Livret A, devrait conduire à une nouvelle baisse du taux à 1,7 % début août contre 2,4 % actuellement.

Cryptos et ETF, les nouvelles stars des jeunes épargnants

La Tribune consacre un article sur les placements favoris des jeunes et reprend à cette occasion l’étude AG2R LA MONDIALE – AMPHITEA – Cercle de l’Epargne.

« Les impôts sont élevés parce que nous avons des dépenses publiques extrêmement importantes », explique Philippe Crevel, économiste

Philippe Crevel était l’Invité de l’Eco ce 20 mai pour parler fiscalité et dépenses publiques.

Vers un livret A à moins de 2 % : voici les placements alternatifs

Dans le Parisien, Philippe explique pourquoi le taux du Livret A devrait baisser le 1er août prochain et pourrait se situer autour de 1,7 %.

« N’ayez  pas peur » – 3 questions à…Loïc Le Foll, Directeur de l’épargne patrimoniale du Groupe AG2R LA MONDIALE et Directeur général de La Mondiale Europartner

Interview de Loïc Le Foll, Directeur de l’épargne patrimoniale du Groupe AG2R LA MONDIALE et Directeur général de La Mondiale Europartner


Depuis le déclenchement de la guerre commerciale par Donald Trump, le 2 avril dernier, la volatilité sur les marchés s’est fortement accrue avec à la clef de fortes baisses. Quelles sont les réactions des clients patrimoniaux, sociétaires d’AG2R LA MONDIALE dans cette période sans précédent depuis plusieurs décennies et comment les accompagnez-vous ?

Les clients patrimoniaux sont gérés par les équipes spécialisées de la Direction clients épargne patrimoniale (DCEP). Chacun d’eux dispose d’un contact privilégié avec un ingénieur patrimonial qu’il peut solliciter pour faire le point sur ses placements lorsqu’il le souhaite. À ce jour, nous n’avons constaté aucun mouvement de panique de leur part à la suite des soubresauts des marchés financiers.

Il faut tout d’abord noter qu’une grande partie de nos clients patrimoniaux ont un profil prudent et éventuellement modéré. Cela signifie qu’ils investissent peu sur des supports action et privilégient l’actif général, les EMTN (Euro Medium Term Notes) à risque limité et les UC à risque modéré. Par ailleurs, pour nos clients souhaitant investir sur des supports en actions, mais qui ne sont pas des spécialistes des marchés actions, nous proposons des UC à gestion profilée et des mandats de gestion délégués à des sociétés de gestion. L’avantage de ce type de placement réside dans le fait que ce sont des professionnels des marchés financiers qui prennent les meilleures décisions pour les clients.

Il existe cependant une minorité de clients qui ont opté pour un investissement directement sur des supports dynamiques. Ce sont généralement les clients les plus avertis, qui ont une bonne connaissance du fonctionnement des marchés et qui sont restés relativement sereins durant les derniers soubresauts.

Par ailleurs nous rappelons régulièrement à nos clients que l’assurance vie est un placement de long terme et qu’il n’est pas judicieux de modifier trop souvent leur allocation financière.

En quoi l’expertise patrimoniale du Groupe AG2R LA MONDIALE est-elle différenciante face à une concurrence de plus en plus large, notamment par rapport à celle venant du secteur bancaire ou des fintechs ?

Nos ingénieurs patrimoniaux prodiguent exclusivement un devoir de conseil de niveau 2 qui inclut un audit patrimonial. Ils accordent une importance toute particulière à la partie connaissance du client afin d’élaborer et de lui proposer les solutions les mieux adaptées. Il s’agit pour eux de déterminer précisément le profil du client : son niveau de connaissance des marchés financiers, son appétence au risque, son patrimoine, ses revenus et d’analyser ses besoins, ses objectifs et son horizon de placement. Cette partie est fondamentale pour qu’ils puissent élaborer un choix de solutions avec des allocations financières adaptées aux besoins et aux objectifs du client.

La présentation de cette « étude patrimoniale » au client est également un moment important et requiert un véritable sens de la pédagogie de la part de l’ingénieur patrimonial. En effet, c’est durant cet entretien qu’il lui présente les avantages et les inconvénients des solutions proposées et s’assure qu’elles sont bien adaptées et comprises.

Cette partie dite « précontractuelle » est plébiscitée lors des enquêtes de satisfaction annuelles que nous menons auprès des clients de la Direction Client Épargne Patrimoniale (DCEP) du Groupe. Ainsi 87 % d’entre eux se disent satisfaits ou très satisfaits de l’adéquation entre l’étude patrimoniale et leurs attentes, et 90 % de la qualité des explications et de la pédagogie de l’ingénieur patrimonial. Par ailleurs, une majorité de ceux qui ont déjà eu affaire avec un conseiller bancaire trouvent l’étude patrimoniale de la DCEP plus approfondie. C’est donc là un élément non négligeable de différenciation. C’est d’ailleurs probablement aussi parce que l’allocation financière est totalement en phase avec les objectifs des clients qu’ils restent relativement sereins face aux aléas boursiers.

En ce qui concerne les fintechs, même si leur part de marché progresse, elle reste encore faible en épargne patrimoniale. Nos clients sont souvent d’anciens entrepreneurs qui ont cédé leur entreprise et qui sont attachés à la qualité de la relation qu’ils entretiennent avec leur ingénieur patrimonial. Ils sont donc modérément sensibles aux propositions des fintechs.

Cela ne signifie pas, bien sûr, que les outils digitaux n’ont pas de valeur ajoutée en gestion de patrimoine. Au contraire, ils permettent d’accroître le temps qu’un conseiller consacre à son client et améliorent la qualité du service. À titre d’exemple, nous proposons un parcours précontractuel et un parcours de souscription totalement digitalisés renforçant significativement l’expérience utilisateur et ainsi la satisfaction client. Les outils digitaux affinent également la connaissance clients, facilitent les simulations et accroissent les canaux d’interaction avec le client contribuant ainsi à améliorer la qualité du conseil. Nous sommes convaincus qu’en utilisant le meilleur des deux mondes : les outils digitaux, notamment l’intelligence artificielle, d’un côté et l’expertise et le sens du relationnel de l’ingénieur patrimonial de l’autre, nous serons en mesure de continuer à améliorer la satisfaction nos clients.

Le private equity est de plus en plus prisé par les investisseurs et son accès tend à être facilité. Est-ce actuellement le bon choix et comment AG2R LA MONDIALE intègre-t-elle ce type d’investissement dans son offre ?

Le succès du private equity ne se dément pas comme le prouvent les dernières statistiques de France Invest qui fait état d’une collecte de 2,7 milliards d’euros auprès du grand public en 2024, soit une progression de 29 %. Aujourd’hui, les particuliers détiennent 10,8 milliards d’euros dans le non-côté français. C’est à la fois beaucoup et très peu. En effet, cela est peu si on compare ces chiffres à ceux de l’assurance vie, qui en 2024, a collecté 173 milliards avec des encours atteignant 2 020 milliards.

Nous pensons que le private equity doit être considéré comme un actif de diversification. Relativement décorrélé de l’évolution des marchés boursiers, il a toute sa place dans une allocation dynamique à condition de ne constituer qu’une faible part des actifs du client. N’oublions pas que si le potentiel de gain est élevé, le risque l’est également. En conséquence, nous pouvons proposer des UC investies en private equity aux clients les plus avertis qui nous sollicitent. Dans ce cas nous leur rappelons les risques inhérents à cette classe d’actifs. En conséquence, la part du private equity reste relativement marginal dans les contrats de nos clients.

Dépenses de santé : les équations impossibles

Le système de santé est sous tension depuis une vingtaine d’années : urgences saturées, déserts médicaux, pénuries de médicaments, dérive des comptes, etc. L’Assurance maladie devrait continuer d’afficher des niveaux records de déficits, hors période de crise, avec plus de 16 milliards d’euros prévus chaque année au cours des trois prochaines années. La croissance des dépenses de santé – hors dépenses liées à la crise sanitaire – s’est accélérée ces dernières années, l’Objectif national de dépenses d’Assurance maladie (Ondam) ayant progressé de 4,8 % en moyenne annuelle de 2019 à 2025, contre seulement 2,4 % entre 2015 et 2019. La part des dépenses d’Assurance maladie dans le PIB s’est accrue, atteignant 8,9 % en 2025, soit 0,7 point de plus qu’à la veille de la crise sanitaire en 2019. La Cour des comptes a présenté, le 14 avril dernier, une série de recommandations pour maîtriser la progression des dépenses d’Assurance maladie dans les prochaines années. Elle estime qu’il est possible de dégager 20 milliards d’euros d’économies par des mesures d’efficience, « sans revenir sur les grands principes » de la Sécurité sociale.

La France demeure l’un des pays de l’OCDE consacrant la plus grande part de son PIB à la santé : 11,8 % en 2023, contre 10,4 % dans l’Union européenne (UE), avec un reste à charge parmi les plus faibles (9,2 % contre 14,2 % en moyenne européenne). En 2022, le reste à charge, corrigé des écarts de prix, s’élevait à 426 € par habitant, contre 516 € dans l’UE. Ce modèle solidaire, très protecteur pour les patients, est financé à 78,4 % par l’Assurance maladie obligatoire, à 12,4 % par les complémentaires santé, et à 9,2 % par les ménages eux-mêmes. Le reste à charge tend à diminuer sur le long terme.

Au sommaire de l’étude

Les effets du vieillissement sur les dépenses de santé

La soutenabilité des dépenses de santé en question

Un système de santé menacé d’implosion

Comment gagner en efficience ?

  • Une meilleure maîtrise des arrêts maladie
  • Une harmonisation des pratiques médicales
  • L’ardente nécessité de la prévention
  • Le défi de la dépendance
  • Une meilleure coordination des financeurs
  • Une mise à contribution des patients les plus aisés
  • Pour une gouvernance rénovée du système de santé

Mortalité infantile en France : interrogation sur les origines de son augmentation

Depuis quelques années, la mortalité infantile ne baisse plus en France ; au contraire, elle augmente légèrement. Même si elle demeure faible, ce retournement interroge et laisse supposer une dégradation du système de prévention et de soins. Toute conclusion hâtive est néanmoins à proscrire.

Une hausse du taux de mortalité infantile depuis 2011

En 2024, le taux de mortalité infantile – qui rapporte le nombre d’enfants décédés avant l’âge d’un an au nombre d’enfants nés vivants – s’élève, selon l’INSEE, à 4,1 ‰, soit environ 2 700 enfants. Un enfant sur 250 meurt avant son premier anniversaire. Un quart de ces décès a lieu le jour de la naissance, la moitié entre 1 et 27 jours, et un quart dans la période post-néonatale (de 28 jours à moins d’un an).

Entre 1993 et 1995, ce taux avait chuté de 25 % en deux ans, principalement en raison d’une baisse marquée de la mortalité post-néonatale (-41 %), grâce aux campagnes de prévention contre la mort subite du nourrisson (couchage sur le dos, absence d’objets mous dans le lit, etc.). De 1995 à 2011, la baisse s’est poursuivie, mais à un rythme plus lent. Depuis 2011, en revanche, la tendance s’est inversée : le taux est passé de 3,5 ‰ à 4,1 ‰ en 2024.

Dans le détail, la mortalité le jour de la naissance et celle en période post-néonatale sont restées stables. Seule la mortalité entre 1 et 27 jours a progressé, passant de 1,5 ‰ à 2,0 ‰. Résultat : depuis 2018, la France a un taux de mortalité infantile supérieur à la moyenne de l’Union européenne. En 2023, celle-ci s’établissait à 3,3 ‰, contre 4,0 ‰ en France. Ces comparaisons internationales doivent toutefois être interprétées avec prudence en raison des différences de pratiques de déclaration.

Cercle de l’Épargne – données INSEE

Légère baisse du taux d’enfants mort-nés depuis 2012

Les progrès de la médecine permettent à des enfants qui auraient autrefois été mort-nés – et donc non comptabilisés dans les naissances vivantes – de survivre quelques heures ou jours, ce qui induit mécaniquement une hausse de la mortalité infantile.

Le taux de mortinatalité spontanée, c’est-à-dire le nombre d’enfants mort-nés hors interruption médicale de grossesse, rapporté au nombre total de naissances, a légèrement baissé entre 2012 et 2023 (-0,2 ‰). Le nombre d’interruptions médicales de grossesse a également diminué                    (-0,2 ‰), ce qui pourrait expliquer une hausse des décès précoces après naissance.

La multiplication des naissances multiples, un facteur aggravant

Entre 2015 et 2017, les naissances multiples ont augmenté, en lien avec un recours accru à la procréation médicalement assistée (PMA), notamment la fécondation in vitro (FIV). Environ un accouchement sur quatre après FIV aboutit à une naissance multiple, contre un sur cent en cas de grossesse naturelle.

Or, le risque de décès avant un an est cinq fois plus élevé pour les enfants issus d’une naissance multiple : 16,7 ‰ contre 3,3 ‰. Ce risque est particulièrement marqué dans les premiers jours de vie. La prématurité, qui touche 51 % des enfants nés de grossesses multiples contre 5 % pour les autres, en est une cause majeure.

Entre les périodes 2010-2014 et 2015-2022, le taux de mortalité infantile est passé de 3,6 ‰ à 3,8 ‰. La hausse est quasi générale, sauf pour les enfants issus d’un accouchement multiple où elle atteint +2,3 points (de 16,4 ‰ à 18,7 ‰).

Une mortalité infantile plus élevée chez les mères très jeunes ou âgées

L’âge moyen des mères à l’accouchement ne cesse d’augmenter. De 24 ans en 1974 pour un premier enfant, il est passé à 28,5 ans en 2015 et 31,0 ans en 2023. La part des mères de plus de 40 ans est passée de 1,7 % à 5,7 % entre 1980 et 2019, tandis que celle des mères de moins de 18 ans a chuté de 7 % à moins de 2 %.

La mortalité infantile est plus faible entre 26 et 37 ans (<4 ‰), mais dépasse 5 ‰ pour les mères de 21 ans ou moins et celles de 44 ans ou plus. Elle culmine à 11,7 ‰ à 16 ans et à 11,3 ‰ à 47 ans, soit trois fois la moyenne.

Chez les plus jeunes, un suivi insuffisant de la grossesse peut en être la cause ; chez les plus âgées, les risques sont accrus en raison de pathologies chroniques, de complications obstétricales ou de grossesses multiples.

Cercle de l’Épargne – données INSEE

Un gradient social très marqué

De 2004 à 2022, le taux de mortalité infantile était en moyenne de 2,2 ‰ chez les mères cadres, 3,5 ‰ chez les ouvrières, 3,6 ‰ chez les employées, et 5,1 ‰ chez les inactives ou sans catégorie sociale renseignée. Les mères inactives ou de milieu populaire sont en moins bonne santé et ont un accès plus difficile aux soins, notamment préventifs. En 2016, 10 % des ouvrières et 7 % des inactives déclaraient fumer 10 cigarettes ou plus par jour au troisième trimestre, contre 0,5 % des cadres.

Des écarts persistants en Outre-Mer

Entre 2004 et 2022, la mortalité infantile est plus de deux fois plus élevée dans les DOM (8,0 ‰) qu’en métropole (3,5 ‰). Elle atteint 9,7 ‰ en Guyane, 9,2 ‰ à Mayotte, 8,0 ‰ en Martinique, 7,8 ‰ en Guadeloupe et 6,9 ‰ à La Réunion. En métropole, aucun département ne dépasse 5 ‰.

La pauvreté, l’obésité (entre 22 % et 25 % des femmes enceintes), le faible poids de naissance (plus de 10 % contre 7,1 % en métropole), ou encore des pratiques à risque comme le cododo non sécurisé expliquent en partie ces écarts.

Les mères nées en Afrique plus exposées

De 2004 à 2022, le taux de mortalité infantile est de 3,4 ‰ pour les mères nées en France, en Europe ou en Asie, mais de 4,6 ‰ pour celles nées au Maghreb et de 7,5 ‰ pour celles nées dans un autre pays d’Afrique. À caractéristiques égales, ces écarts persistent.

Les mères originaires d’Afrique subsaharienne présentent un taux élevé de suivi de grossesse inadéquat (35 % contre 17 % pour les mères nées en France). Entre 2010-2014 et 2015-2022, la proportion de nouveau-nés ayant une mère née à l’étranger est passée de 19,5 % à 23,6 %, contribuant à une hausse de 0,1 point du taux de mortalité infantile.

Le taux de mortalité infantile reste, en France, l’un des plus faibles au monde, mais son évolution récente appelle à la vigilance. La combinaison de facteurs médicaux, sociaux et démographiques – vieillissement des mères, inégalités territoriales et sociales, hausse des naissances multiples – révèle une réalité plus contrastée qu’il n’y paraît. Si la tendance demeure modeste en intensité, elle signale peut-être une forme d’essoufflement dans l’efficience de notre système de prévention et d’accompagnement périnatal.

Aux origines de l’abattement de 10 % des retraités

Dans un entretien au « Parisien » publié le 19 avril dernier, la ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin a déclaré : « On ne peut pas indéfiniment mettre à contribution les actifs pour financer les nouvelles dépenses sociales liées au vieillissement ». Déjà évoquée au moment de la discussion du projet de loi de finances pour 2025, la suppression de l’abattement de 10 % sur les pensions des retraités lors du calcul de l’impôt sur le revenu est à nouveau dans le collimateur. Quelle est l’origine de cet abattement ? Est-il justifié d’y mettre un terme ?

La disposition en vigueur pour les salariés

En France, les salariés qui n’optent pas pour les frais réels bénéficient pour l’impôt sur le revenu d’une déduction forfaitaire de 10 %. Elle a été instaurée pour simplifier la prise en compte des frais professionnels des salariés, tels que les frais de transport. Son montant minimum pour l’impôt sur le revenu 2024 est de 504 euros par salarié, sauf si la rémunération déclarée est inférieure à ce montant. Dans ce cas, la déduction est égale au montant du salaire brut. Le montant maximal de l’abattement est de 14 426 € par salarié. Ce dispositif est en vigueur depuis le 30 avril 1950.

L’extension aux retraités

L’article 3 de la loi de finances pour 1978 (loi n° 77-1467 du 30 décembre 1977) a prévu un abattement de 10 % pour les contribuables titulaires de pensions ou de retraite. Cet abattement s’est appliqué à compter de l’imposition des revenus de 1977. Il ne pouvait à l’époque pas excéder 5 000 francs. Ce plafond est revalorisé chaque année dans la même proportion que la limite de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

Pour les revenus 2024, le montant minimum est de 442 euros par retraité. Si le montant annuel de la pension est inférieur à 442 euros, l’abattement est égal au montant de la pension. Le montant maximal est de 4 321 euros pour l’ensemble du foyer fiscal, que le foyer soit composé d’une ou plusieurs personnes percevant une pension.

Si un couple de retraités perçoit un total de 50 000 euros de pensions en 2024, l’abattement de 10 % serait de 5 000 euros. Cependant, en raison du plafond, l’abattement appliqué sera limité à 4 321 euros, réduisant ainsi le revenu imposable à 45 679 euros.

Contrairement à une idée reçue, cet abattement n’était pas destiné à couvrir des frais professionnels, les retraités n’étant plus en activité. Il visait plutôt à alléger la charge fiscale des titulaires de pensions, retraites ou rentes, notamment ceux disposant de revenus modestes ou moyens. L’objectif était de compenser le fait que les revenus des retraités étaient déclarés par des tiers (caisses de retraite) ce qui n’était pas le cas à l’époque pour les salariés. L’abattement de 10 % était alors envisagé comme une forme de bonus au profit de ceux étant dans l’impossibilité de frauder le fisc. Cet argument est devenu caduc avec l’instauration de la retenue à la source.

L‘instauration de l’abattement de 10 % en faveur des retraités en 1977 est également la conséquence de la généralisation de l’AGIRC/ARRCO qui se traduisait par un nombre plus élevé de retraités imposables à l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, l’abattement permettait de limiter les effets de l’inflation, à l’époque élevée, sur les retraités.

Pour ou contre la suppression de l’abattement de 10 %

L’abattement fiscal de 10 % sur les pensions de retraite représente une dépense fiscale de 4,8 milliards d’euros. Cette niche fiscale se classe après celle du crédit d’impôt recherche (7,8 milliards euros) et du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile (6,7 milliards euros).

Les retraités bénéficient de dispositifs spécifiques sur le plan fiscal avec l’abattement de 10 % et les exonérations totales ou partielles de CSG. Dans le même temps, le niveau de vie est légèrement supérieur à celui des actifs, mais cette situation est amenée à changer dans les prochaines années. L’abattement de 10 % était historiquement justifié par le fait que les revenus des retraités étaient faibles.

Le montant des pensions reste modeste, en moyenne 1 626 euros en 2022 (rapport sur les retraités de 2024 de la DREES). Compte tenu des réformes adoptées depuis 1993, le niveau de vie relatif des retraités est amené à baisser. Supprimer l’abattement reviendrait à accroître les prélèvements fiscaux et à baisser le pouvoir d’achat de nombreux retraités, notamment ceux de la classe moyenne imposable à l’impôt sur le revenu. 40 % des retraités seraient concernés par cette mesure.

La pension est souvent considérée comme un salaire différé, c’est-à-dire une récompense pour des décennies de travail et de cotisations. L’alourdissement de la fiscalité pourrait être perçu comme une mesure ayant un effet rétroactif remettant en cause la solidarité intergénérationnelle.

Les retraités forment une part importante de l’électorat (plus d’un tiers des votants). Une mesure visant à supprimer l’abattement pourrait avoir des incidences électorales non négligeables.

Les villes face au défi du vieillissement

L’OCDE a publié au mois d’avril 2025, un rapport « Cities for All Ages » qui analyse les conséquences du vieillissement démographique au sein des grandes agglomérations. Celles-ci seront amenées à s’adapter afin de permettre la cohabitation des générations.

Les villes rattrapées par le vieillissement démographique

Jusque dans les années 2000, les personnes âgées étaient peu présentes au sein des grandes agglomérations. Celles-ci ont bénéficié d’une forte croissance démographique depuis 50 ans, intégrant essentiellement des étudiants et des jeunes actifs. Les retraités avaient au contraire tendance à les quitter au moment de la liquidation de leurs droits. Avec la montée en âge des générations du baby-boom, l’âge moyen de la population dans les grandes agglomérations augmente. Si des départs notamment vers les littoraux sont constatés au moment du départ à la retraite, des retours s’organisent vers 70 ans. Les retraités reviennent en ville afin de bénéficier de services de santé et à la personne plus adaptés à leurs besoins. Entre 2000 et 2022, le ratio de dépendance des personnes âgées (nombre d’individus de 65 ans et plus pour 100 actifs) a augmenté dans toutes les agglomérations au sein de l’OCDE. D’ici 2040, dans les zones urbaines, la part des personnes âgées passera de 20,9 % à 27,9 % en moyenne.

Dans le même temps, les grandes villes continuent d’attirer les jeunes qu’ils soient étudiants ou jeunes actifs. En revanche, les ménages entre 35 et 55 ans ont tendance à quitter les grandes agglomérations en raison du coût du foncier ou pour bénéficier d’une meilleure qualité de vie. Les métropoles concentrent à la fois le renouvellement générationnel et l’avancée en âge, soit les deux extrémités du cycle de vie. Les petites villes vieillissent par défaut, sans bénéficier de l’apport des nouvelles générations.

Le caractère schizophrène des villes

Les villes doivent mettre à disposition des services de santé à destination d’un public âgé, tout en prévoyant des infrastructures et des loisirs pour les jeunes générations. La question de l’accès au logement est le problème numéro 1 pour les jeunes. Ils sont de plus en plus nombreux à vivre chez leurs parents – un sur deux entre 20 et 29 ans dans les pays de l’OCDE – faute d’un logement abordable. Les jeunes comme les seniors sont confrontés au problème de l’isolement social même si celui-ci prend des formes différentes.

L’inclusion comme levier de transformation

L’OCDE estime que les villes doivent en priorité suivre trois grands axes d’action sont identifiés : l’urbanisme, le logement, et l’économie locale.

L’urbanisme doit prévoir la cohabitation des âges et des modes de transport. Le rapport met en exergue des initiatives comme le « Slow Streets » à San Francisco ou la « ville du quart d’heure » à Paris. L’idée est d’offrir à chacun, quel que soit son âge, un accès rapide aux services essentiels, aux espaces verts et aux lieux de sociabilité.

Le logement doit, par ailleurs, être repensé comme un vecteur d’émancipation intergénérationnelle. Co-living pour jeunes actifs à Bologne, habitats intergénérationnels à Baltimore, rénovation des logements pour personnes âgées via « MaPrimeAdapt » en France sont les exemples cités dans le rapport. L’enjeu est double : permettre aux jeunes de quitter le domicile parental sans précarité, et aux seniors de rester autonomes plus longtemps.

Les villes doivent rester des centres économiques avec une cohabitation de secteurs de pointe et d’activités plus traditionnelles. Le rapport souligne le potentiel économique d’une ville inclusive. La « silver economy » ne se résume pas à la dépendance. Elle inclut le tourisme, la culture, le commerce, le numérique. Une ville qui permet aux plus de 60 ans de rester actifs – par l’emploi, le bénévolat, la consommation – est une ville plus riche, plus vivante. À Manchester, des programmes de requalification professionnelle ciblent les seniors quand à Barcelone, des solutions numériques de santé sont coconstruites avec eux.

Une logique d’addition et non d’exclusion

Les jeunes contre les vieux ou l’inverse est évidemment une mauvaise politique. La gouvernance des agglomérations doit s’attacher à concilier les intérêts qui ne sont pas nécessairement contradictoires. Les jeunes ont besoin de services de santé, d’aides psychologiques, de services de proximité. Les seniors ont de leur côté besoin de services à la personne nécessitant des centres sportifs ou des lieux de loisirs. Penser la ville pour tous les âges, c’est refuser la marginalisation implicite qu’induit un urbanisme focalisé sur la productivité.

Petits conseils aux épargnants en période de volatilité

Depuis l’épidémie de covid, le taux d’épargne reste en France élevé. Les chocs successifs que la société a subis ont conduit les ménages à privilégier l’épargne financière à la consommation et à l’investissement immobilier. Jusqu’à la tempête douanière lancée par Donald Trump le 2 avril dernier, les marchés « actions » avaient fait preuve de résilience. Certes, lors des confinements décidés au printemps 2020, les cours des actions avaient connu une forte baisse, mais le rebond avait été rapide. La hausse des taux d’intérêt décidée par les banques centrales pour lutter contre la vague inflationniste provoquée par l’épidémie de covid et la guerre en Ukraine a également pesé sur les cours, mais sans réellement porter préjudice aux actionnaires. Les annonces de relèvement des droits de douane par le président américain, en remettant en cause 80 ans de libre-échange sont d’une tout autre nature. Si elles étaient suivies d’effets, elles pourraient se traduire par un réel ralentissement de la croissance économique mondiale.

Un taux d’épargne élevé, la rançon de la peur !

Le taux d’épargne des ménages demeure depuis cinq ans à des niveaux élevés. En 2024, le taux d’épargne en France était de plus de 18 % du revenu disponible brut, soit trois points de plus qu’avant la crise sanitaire. Les Français limitent leurs dépenses de consommation surtout en biens et ont fortement réduit leurs achats immobiliers. Le nombre de transactions a baissé entre 2022 et 2024 de 20 %.

Cercle de l’Épargne – données INSEE

Les épargnants face aux incertitudes

Depuis le début de l’année 2025, le CAC 40 a perdu plus de 8 % le DAX plus de 10 %, et le S&P 500 a perdu plus de 7 %, sous l’effet combiné des tensions géopolitiques persistantes et des incertitudes économiques en lien avec les annonces de Donald Trump en matière de droits de douane. Les déclarations du président américain le 2 avril dernier ont constitué un choc. L’ampleur du relèvement des tarifs douaniers et la crainte d’une spirale protectionniste ont abouti à un recul marqué des indices actions, les investisseurs privilégiant les valeurs refuges que sont l’or et les obligations souveraines.

Avec des marchés financiers qui ressemblent de plus en plus à des montagnes russes et dans un contexte anxiogène, les épargnants sont confrontés à une équation délicate : comment protéger leur capital ? Comment dégager un rendement réel positif, tout en conservant une certaine agilité pour tirer parti de futurs rebond ? Ces dernières années, les épargnants ont appris des différentes crises. Lors des krachs de 1987 ou de 2001 en encore lors de la crise financière, ils avaient eu tendance à se saborder en vendant au plus bas des titres qu’ils avaient chèrement acquis. Dégoûtés, ils ont mis du temps à revenir sur les marchés. Le nombre de Plan d’Épargne en Actions ouverts demeure en 2024 inférieur à son celui de 2007.

Sept conseils aux épargnants

1. ne pas céder à la panique tout en étant lucide

La première tentation, face à la baisse des marchés, est de liquider ses positions en actions pour « protéger ce qu’il reste ». Or, comme le montrent de nombreuses études empiriques, vendre après une forte baisse revient souvent à cristalliser ses pertes et à rater le rebond qui, historiquement, se produit dans les mois qui suivent les plus fortes secousses. Selon une étude de JP Morgan Asset Management (2023), un investisseur qui serait resté investi dans le S&P 500 entre 2003 et 2022 aurait obtenu un rendement annuel moyen de 9,8 %. S’il avait manqué les 10 meilleurs jours de hausse sur cette période, ce rendement tombait à 5,6 %, et à 2,3 % en manquant les 20 meilleurs jours. Or ces jours de rebond suivent très souvent… les plus grosses chutes. Cela ne signifie pas rien faire. Il faut savoir solder de temps en temps ses pertes en sacrifiant des titres ne disposant de réels potentiels de rebonds. Un épargnant peut avoir avantage à vendre en pleine crise pour réaffecter une partie des sommes ainsi récupérées pour acquérir des titres eux-mêmes en baisse, mais dont les capacités de rebond sont élevées.

2. Les obligations, un retour en grâce

La hausse des taux d’intérêt depuis 2022 a profondément rebattu les cartes de l’investissement. Là où les obligations offraient des rendements réels négatifs en période de taux bas, elles redeviennent attractives. Les obligations souveraines françaises à 10 ans offrent un rendement supérieur à 3,2  % en avril 2025, contre 0,1 % en 2021. Les obligations d’entreprises se négocient autour de 4 % de rendement. La baisse de l’inflation permet de dégager un rendement réel élevé. Le taux d’inflation en février comme en mars en France n’a été que de 0,8 %. Avec des obligations bien notées, le risque de capital à terme est faible. Si dans les prochains mois, le taux des obligations baisse, des plus-values avant terme sont même envisageables.

3. L’assurance vie en euros : un retour d’attractivité

Les fonds en euros, longtemps délaissés à cause de leurs rendements faibles profitent eux aussi de la hausse des taux. En 2024, leur rendement moyen a atteint 2,6 % ; pour certains contrats il peut atteindre entre 3 et 3,5 %. Ces fonds conservent deux atouts majeurs : une garantie du capital à tout moment et une fiscalité avantageuse après huit ans (abattement annuel de 4 600 € ou 9 200 € pour un couple sur les gains).

Le regain d’intérêt pour les fonds euros ne signifie pas l’abandon des unités de compte. Celles-ci permettent à l’assuré d’accéder à un grand nombre de supports dont certains peuvent s’avérer résilients dans le contexte tourmenté actuel. Les unités de compte investies dans le private equity, dans les obligations, dans les matières premières peuvent se révéler performante. Par ailleurs, les assurés peuvent également investir à bon compte sur des unités de compte maltraitées qui pourraient rebondir avec la levée des incertitudes (secteur bancaire, luxe, transports, agro-alimentaire ; etc.).

4. Le Livret A et les livrets réglementés : utiles, mais limités

Le taux des livrets est orienté à la baisse depuis 2024. Celui du Livret A est ainsi passé de 3 à 2,4 % le 1er février 2025. Compte tenu de l’évolution de l’inflation et des taux directeurs de la Banque centrale européenne, son taux devrait à nouveau baisser le 1er août prochain. Il pourrait se situer autour de 1,7 %. La baisse des rendements concerne également les dépôts à terme qui ont connu un vif succès en 2023 et 2024. Aujourd’hui, ces placements ne peuvent être utilisés que pour constituer une épargne de précaution ou pour y loger des fonds en attente d’emploi (projets immobiliers, achats d’une voiture, etc.).

5. Immobilier : un retour en prudence, mais pas de retrait massif

Le marché immobilier est dans un entre-deux. Après avoir connu une légère correction à la baisse de 2023 à 2024, d’environ 5 à 7 % selon les grandes agglomérations, les derniers chiffres de l’INSEE témoignent d’une stabilisation sur fond de légère reprise du crédit en lien avec les baisses des taux d’intérêt.

Cercle de l’Épargne – données INSEE

L’ajustement prix a été plus faible que prévu en raison de la faiblesse de l’offre. Par ailleurs, les propriétaires ont préféré différer leur vente plutôt que baisser leur prix. Au sein des grandes agglomérations, une pénurie de petites surfaces est constatée, accentuée par la disparition des offres en location traditionnelle. Faute de pouvoir louer, certains ménages se tournent vers l’achat sans pour autant trouver le logement dont ils besoin. La forte diminution de la construction de logements neufs ne concourt à détendre le marché.

Cercle de l’Épargne – données INSEE

Dans ce contexte, l’investissement immobilier dans des agglomérations de taille moyenne redevient attractif, d’autant plus que les banques sont moins exigeantes en ce qui concerne les apports, les 30 % pouvant devenir 20 % voire 10 %. Des villes comme Caen, Saint-Étienne, Rouen, le Havre ou Reims peuvent donner lieu à des investissements immobiliers performants.

Avant la hausse des taux d’intérêt, le marché de l’immobilier avait pris quelques traits spéculatifs. Les prix dans les grandes agglomérations et dans les régions touristiques ont connu une forte expansion. Des ménages ont ainsi acquis des résidences secondaires en ayant comme objectif la location saisonnière et à terme la réalisation d’une plus-value. Le durcissement de la législation sur les locations saisonnières et l’augmentation des impôts locaux (taxe foncière, taxe d’habitation sur les résidences secondaires) peuvent peser non seulement sur la rentabilité des projets, mais aussi sur les prix de revente. Le marché s’est ainsi grippé en Corse ou sur la Côte d’Azur avec la raréfaction de la clientèle des grandes agglomérations et celle en provenance de l’étranger.

Les SCPI ont été fortement chahutées depuis 2023 avec des pertes de valeur non négligeables. Cette correction était salutaire car leur appréciation, provoquée par une forte demande, était devenue irrationnelle Les SCPI s’avèrent des placements intéressants à la condition de les choisir avec attention. Les SCPI diversifiées (activité et pays) avec un bon taux d’occupation (> 90 %) peuvent intégrer un portefeuille sous réserve de les conserver plusieurs années (plus de 5 ans). Les SCPI peuvent offrir des rendements de 4 à 5 %.

6. Or et cryptos, attention aux mirages

L’or a connu une progression sans précédent depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Au mois d’avril 2025, il a dépassé 2500 dollars l’once.

Compte tenu de la progression de ces derniers mois et la persistance des tensions géopolitiques, la tentation est grande chez certains d’acquérir de l’or. Certes, le cours peut encore progresser, mais le risque d’une correction à la baisse augmente de jour en jour. L’arrêt du conflit en Ukraine, la signature d’accords commerciaux avec les États-Unis pourraient se traduire par un recul du prix de l’once d’or. L’époque serait plutôt à la vente afin d’engranger des plus-values. En règle générale, les détenteurs d’or répugnent à vendre et préfèrent accumuler. Ils ne doivent pas ignorer que le métal précieux a mis vingt ans pour battre le record qu’il avait enregistré en 1980 lors du second choc pétrolier.

À défaut d’or, d’autres seraient tentés par les cryptoactifs. Cette catégorie de placements reste volatile avec de soudaines variations à la hausse comme à la baisse. Après avoir dépassé 100 000 dollars, le bitcoin a connu un repli de plus de 20 %. Ce dernier est corrélé au Nasdaq, l’indice américain des valeurs technologiques. Ceux qui veulent se diversifier dans les cryptoactifs doivent être résolument opportunistes en achetant en période de recul prononcé et en vendant en se fixant par avance des objectifs de plus-values, 20, 25 % ou 30 % par exemple.

7. Le Plan Épargne Retraite (PER) : un outil stratégique

Le PER offre de nombreux atouts pour faire face aux incertitudes du moment. Ce produit permet de réduire sa facture fiscale pour les épargnants soumis à un taux marginal d’imposition élevé (par exemple 41 % ou 45 %), grâce à la déduction des versements. Sa gestion pilotée par défaut offre une sécurisation progressive de l’actif en fonction de l’âge. Avec le PER, les assurés accèdent à un grand nombre de supports y compris ISR, obligataires, SCPI, private équity, fonds thématiques, etc.

Le PER permet à tout un chacun de se constituer un complément de revenus ou de capital pour la retraite.

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Dans un monde d’incertitudes, les épargnants ne doivent ni céder à la panique, ni opter pour la politique de l’autruche. Ils se doivent d’être mobiles en saisissant les opportunités, en revenant sur des produits délaissés ces dernières années. Les marchés actions ont de forts risques de rester volatils durant toute l’année au gré des annonces du Président américain. Une stabilisation pourrait intervenir en fin d’année. Avec la perspective des mid-terms en novembre 2026, la vie politique américaine pourrait alors prendre un cours un peu moins chahuté. La reprise économique attendue en Europe avec notamment la mise en œuvre du plan d’infrastructures allemand pourrait favoriser le cours des actions des entreprises du Vieux continent. Diversification et patience restent les deux clés de voûte des épargnants en 2025.

L’épargne de la peur

Au mois de mars, la consommation des ménages en biens est retombée à son niveau de 2014, enregistrant une baisse de 1 %. Les ménages continuent de privilégier l’épargne. Les incertitudes, tant nationales qu’internationales, incitent les Français à la prudence. La désinflation n’a pas permis, pour le moment, d’apaiser leurs craintes.

En 2024, le taux d’épargne s’est élevé à 18,2 % du revenu disponible brut (INSEE), dépassant de plus de trois points le niveau d’avant la crise sanitaire (14,6 % en 2019), signe d’une prudence persistante. Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer ce comportement ?

Une série de crises internationales

La succession de chocs depuis 2020 a conduit à une augmentation de l’épargne, un phénomène particulièrement marqué en France et en Allemagne. L’épidémie de Covid-19 a porté le taux d’épargne en France à plus de 27 % au cours du deuxième trimestre 2020. Si, avec la fin des confinements, ce taux a logiquement diminué, il n’est jamais revenu à son niveau d’origine. La guerre en Ukraine, la vague inflationniste, le conflit au Moyen-Orient et le retour de Donald Trump sur la scène politique sont autant d’événements qui incitent les ménages à épargner davantage. Les craintes d’un ralentissement économique marqué, en lien avec la politique commerciale américaine, devraient les pousser à adopter une nouvelle fois une posture de prudence.

Si les mesures protectionnistes initialement annoncées par Donald Trump étaient mises en œuvre, le PIB de la France pourrait stagner, voire reculer au second semestre 2025. Le taux d’épargne pourrait alors rester proche de 18 % du revenu disponible brut.

La France en pleine crise politique

Depuis une quarantaine d’années, la vie politique avait peu d’incidence sur le comportement économique des ménages. L’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, suivie de résultats inédits aux élections législatives, a plongé la France dans une crise politique sans précédent depuis 1958. Face à cette situation nouvelle, les ménages ont réduit leurs dépenses, entraînant une légère hausse du taux d’épargne après le mois de juin.

La peur de la hausse des impôts : l’effet Ricardo-Barro

Les annonces récurrentes sur la nécessité d’assainir les finances publiques suscitent de l’inquiétude. Traditionnellement, les ménages anticipent qu’une hausse des impôts est inévitable. Ce phénomène, connu sous le nom d’effet Ricardo-Barro — du nom des économistes qui l’ont théorisé — repose sur l’idée que les déficits publics d’aujourd’hui se traduiront par des impôts futurs. Par conséquent, au lieu de consommer les gains issus d’une baisse d’impôt ou d’un soutien budgétaire, les ménages préfèrent épargner pour se prémunir contre cette hausse future.

Cet effet est renforcé par un niveau élevé d’inquiétude face à l’état des finances publiques. Selon une enquête de BPCE réalisée en 2025, 70 % des Français se disent préoccupés par la progression de la dette publique, et 83 % craignent une augmentation des prélèvements obligatoires.

La crainte récurrente du pouvoir d’achat à la retraite

Près de trois quarts des Français se déclarent inquiets, selon les études du CECOP et de l’IFOP pour le Cercle de l’Épargne, quant à l’évolution de leur niveau de vie à la retraite. Plus d’un Français sur deux affirme épargner en vue de cette période. La retraite, au même titre que la précaution, constitue l’une des principales motivations de l’épargne. Les débats sur la réforme du système par répartition et son financement renforcent cette anxiété et incitent les Français à privilégier les produits de capitalisation.

Le vieillissement démographique : un facteur paradoxal d’épargne

Les économistes ont longtemps estimé que le vieillissement démographique devait entraîner une baisse du taux d’épargne. Les retraités sont en effet supposés puiser dans leur épargne pour compenser des pensions inférieures à leurs revenus d’activité. Or, c’est l’inverse qui est observé, en Europe comme au Japon. En France, le taux d’épargne des ménages de plus de 60 ans atteint près de 25 %, contre 18 % en moyenne. Les retraités épargnent davantage car leurs dépenses sont moindres et leurs charges souvent allégées (notamment l’absence d’enfants à charge). En 2022, leur niveau de vie était même légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population (+2 %). Toutefois, les réformes engagées depuis une trentaine d’années devraient conduire à une érosion progressive de ce niveau de vie, ce qui pourrait, à terme, infléchir leur comportement d’épargne.

Les tensions liées aux annonces de relèvement des droits de douane par Donald Trump devraient favoriser le maintien d’un important volant d’épargne de précaution. Les craintes d’un retour du chômage auront un effet similaire. Le financement des retraites, et plus largement celui des administrations publiques, ne sera pas résolu à court terme. Dans ce contexte, l’« épargne de la peur » semble destinée à perdurer, avec une évolution notable : les placements de long terme redeviennent plus attractifs que les placements de court terme, en raison de la baisse des taux directeurs de la Banque centrale européenne.

« Au-delà du salaire de la peur », par Jean-Pierre Thomas, Président du Cercle de l’Épargne

Nous connaissons tous Le Salaire de la peur, chef-d’œuvre d’Henri-Georges Clouzot, où le danger imminent dicte chaque décision. En France, depuis 2020, un autre scénario s’est imposé : celui de l’épargne de la peur. Sous l’effet d’une succession de chocs — crise sanitaire, guerres en Ukraine et au Moyen-Orient, poussée inflationniste, tensions politiques, retour de Donald Trump, urgence climatique, vieillissement démographique — les ménages ont, presque mécaniquement, accru leur épargne de précaution. Contrairement à leurs homologues américains, prompts à renouer avec la consommation dès le retour à la normale, les Français n’ont pas desserré les cordons de leur cagnotte.

L’épargne obéit à deux dynamiques fondamentalement opposées : la peur du présent et la foi en l’avenir. Les incertitudes du temps incitent à la prudence, mais l’acte même d’épargner n’a de sens que s’il est adossé à une confiance — même ténue — dans le futur. Ainsi, selon que l’une ou l’autre de ces forces domine, l’épargnant orientera ses choix vers des actifs de court ou de long terme, plus ou moins risqués. Lorsque l’horizon s’éclaircit, les investissements productifs reprennent le dessus ; à l’inverse, lorsque le brouillard s’épaissit, les capitaux se replient vers des havres familiers : livrets, immobilier, or… des valeurs-refuges inchangées depuis plus d’un siècle.

À cette trilogie historique s’est ajoutée, depuis les années 1990, une spécificité française : les fonds en euros de l’assurance vie. Offrant une rare combinaison de sécurité et de rendement, ils incarnent cette prudence rationnelle qui refuse de choisir entre immobilisme et productivité.

En 2024, les dépôts à vue des ménages s’élèvent à 550 milliards d’euros, soit 70 milliards de plus qu’en 2019. L’encours des livrets réglementés a bondi de 231 milliards en cinq ans, passant de 442 à 673 milliards. L’assurance vie, quant à elle, a su préserver sa dynamique. Son encours total atteint 2 000 milliards d’euros, contre 1 500 milliards dix ans plus tôt, et voit les unités de compte — placements exposés aux marchés — représenter désormais 40 % des flux de souscription et 28 % de l’encours global.

Cette résilience n’est pas anodine. Elle témoigne d’un apprentissage collectif. Les Français, échaudés mais lucides, n’ont pas cédé à la panique lors des épisodes de volatilité, notamment en 2020 ou plus récemment en 2025. Ils ont su résister à l’instinct de vente à perte, certains allant jusqu’à profiter des replis du marché pour renforcer leurs positions. C’est la marque d’un épargnant devenu acteur de ses décisions, et non simple spectateur des cycles.

Il serait tentant de voir dans cette accumulation une forme de repli sur soi. Il n’en est rien. L’épargne n’est pas un réflexe d’évitement ; elle peut être un levier de transformation. Placée, investie, orientée, elle devient une force au service du développement économique et de la transition sociale. Encore faut-il sortir de la logique défensive pour entrer dans une dynamique de projet.

L’enjeu est désormais clair : substituer à l’épargne de la peur une épargne de projet. Redonner foi dans le long terme, renforcer la lisibilité de l’action publique, offrir des perspectives crédibles sur les retraites et la transition écologique — telles sont les conditions nécessaires pour canaliser cette ressource vers les entreprises, en particulier les PME, les territoires, l’innovation.

Dans une époque traversée par le doute, l’épargne peut redevenir un acte de confiance. Il appartient aux décideurs, autant qu’aux institutions financières, de réenchanter l’avenir pour que les Français n’épargnent plus malgré l’histoire, mais pour l’histoire.

Jean-Pierre Thomas

Président du Cercle de l’Épargne

Mieux que le Livret A? Que vaut le plan d’épargne avenir climat tout juste lancé dans deux banques?

Sur RMC, Philippe Crevel revient sur les avantages et les inconvénients du PEAC.

Le taux du Livret A devrait encore baisser, 1,7% dès le 1er août : faut-il encore investir dessus ?

Philippe Crevel était invité à commenté, dans la matinale d’Europe 1, les résultats de l’inflation en avril et ses répercussions sur la rémunération des produits de taux. Il évoque ainsi la baisse attendu du Livret A au 1er août au regard de la formule adopté par Bercy et incite les épargnants à réorienter une partie de leur épargne vers des placements plus rémunérateurs à l’instar de l’assurance vie et le PEA.

L’assurance-vie vole de record en record

Dans les Echos, Philippe Crevel analyse la collecte record de l’assurance vie en avril. Il explique, notamment, le succès du premier placement financier par « le redémarrage encore lent du marché immobilier ne conduit pas les ménages à effectuer des retraits sur leurs contrats d’assurance vie pour financer l’achat d’un logement « .

L’assurance vie : un premier trimestre canon

Assurance vie | Résultats mars 2025


Analyse de Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne

L’assurance vie réussit la passe de trois au premier trimestre 2025
 
L’assurance vie a réalisé la passe de trois au cours du premier trimestre 2025, avec des collectes nettes supérieures à 4 milliards d’euros chaque mois. Les ménages plébiscitent ce placement qui, grâce à l’amélioration du rendement des fonds en euros, a retrouvé des couleurs. Ils réallouent une partie de l’épargne accumulée ces dernières années sur des produits de court terme, devenus moins rémunérateurs avec la baisse des taux.
 
Un mois de mars de haute tenue
 
La collecte nette a atteint 4,0 milliards d’euros en mars, après 5,8 milliards en février et 4,5 milliards en janvier. À titre de comparaison, elle s’élevait à 3,2 milliards d’euros en mars 2024. Il faut remonter à mars 2010 pour retrouver un niveau plus élevé sur ce mois, avec une collecte nette de 6,284 milliards d’euros — un record sur quinze ans.
 
Depuis 1997, seules trois décollectes nettes ont été enregistrées en mars : en 2020 (-1,842 milliard d’euros, en lien avec la crise du Covid), en 2017 (-9 millions d’euros) et en 2012 (−1,378 milliard d’euros, en lien avec la crise des dettes souveraines). Sur les dix dernières années, la collecte moyenne du mois de mars s’établit à environ 1 milliard d’euros. Celle de 2025 est donc quatre fois supérieure à cette moyenne décennale.
 
La collecte nette a été positive à hauteur de +3,4 milliards d’euros pour les supports en unités de compte (UC), et de +0,6 milliard pour les supports en euros. Ces derniers enregistrent ainsi deux collectes nettes consécutives, traduisant un retour en territoire positif.
 
Des cotisations dynamiques
 
Depuis plusieurs mois, l’assurance vie bénéficie de cotisations soutenues. Les ménages réaffectent une partie de leur épargne de court terme vers ce placement. En 2023 et 2024, ils avaient privilégié les dépôts à vue et les livrets réglementés, qui offraient des rendements attractifs. L’encours des dépôts à vue est passé de 406 milliards à plus de 500 milliards d’euros entre 2019 et 2023.
 
Avec la décrue des taux directeurs, ces placements deviennent, mois après mois, moins intéressants. La baisse du rendement du Livret A incite désormais les ménages à privilégier les placements de long terme, au premier rang desquels figure l’assurance vie.
 
En mars, le montant des cotisations brutes a atteint 15,5 milliards d’euros, un niveau record. En mars 2024, il avait déjà atteint un sommet comparable à 15,504 milliards d’euros.
 
Des prestations plutôt stables
 
Les prestations versées en mars 2025 se sont élevées à 11,5 milliards d’euros, contre 12,321 milliards en mars 2024. Elles demeurent relativement stables d’un mois sur l’autre. Le redémarrage encore lent du marché immobilier ne conduit pas les ménages à effectuer des retraits sur leurs contrats d’assurance vie pour financer l’achat d’un logement.
 
Un premier trimestre prometteur
 
Le contexte du premier trimestre 2025 a été porteur pour l’assurance vie. Avec un Livret A en perte d’attractivité, l’assurance vie s’impose comme le placement gagnant du premier trimestre. Sur les trois premiers mois, la collecte nette atteint 14,4 milliards d’euros, soit +5,6 milliards d’euros par rapport à la même période en 2024. Elle s’élève à +13,3 milliards pour les supports en UC, et à +1,1 milliard pour les supports en euros.
 
Depuis le début de l’année, les cotisations brutes s’élèvent à 49,8 milliards d’euros, en hausse de +1,9 milliard par rapport à la même période en 2024. Les prestations, quant à elles, atteignent 35,4 milliards d’euros, en baisse de -9 %, soit -3,7 milliards d’euros.
 
Un encours au-dessus des 2 000 milliards d’euros
 
L’encours de l’assurance vie s’établit à 2 025 milliards d’euros à fin mars 2025, en hausse de  +3,7 % sur un an.
 
L’assurance vie face à l’effet Trump
 
L’année 2025 a débuté sur les chapeaux de roue pour l’assurance vie, portée par le recul des rendements de l’épargne de court terme et la bonne tenue des marchés financiers. Mais les annonces du 2 mars dernier par Donald Trump concernant un relèvement des droits de douane rebattent en partie les cartes. Les marchés actions enregistrent de fortes variations au gré des déclarations du président américain, avec une tendance baissière. En revanche, les taux d’intérêt à long terme restent élevés, notamment en raison des besoins de financement croissants des États européens, en particulier dans le domaine de la défense.
 
Le climat économique et géopolitique anxiogène pourrait conduire certains ménages à se tourner à nouveau vers des placements de court terme, comme le Livret A. Toutefois, le taux de ce dernier devrait être abaissé à environ 1,7 % au 1er août prochain, ce qui pourrait limiter cet attrait.

Cercle de l’Épargne – données France assureurs
Cercle de l’Épargne – données France assureurs

Placements : pourquoi les Français épargnent-ils toujours autant ?

Le Cercle de l’Epargne est cité dans cet article consacré à la préférence des Français pour l’épargne (au détriment de la consommation).

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