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3 questions à : Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne

Economie 10 novembre 2020

Avec un deuxième confinement en sept mois, quelles sont les conséquences à attendre sur le plan économique?

Après une contraction historique de 13,7 % au deuxième trimestre, le PIB de la France s’est accru de 18,2 % au troisième. La France a enregistré le plus fort taux de croissance au sein de l’Union européenne et précède l’Espagne ainsi que l’Italie. Ce rebond est lié à l’importance du recul des deux trimestres précédents. Les trois pays en tête pour la croissance au troisième trimestre se caractérisent par un poids élevé du secteur touristique au sein de leur PIB. La relative bonne tenue de la saison estivale a facilité la reprise. Avec le deuxième confinement qui est entré en vigueur le 30 octobre, le dernier trimestre devrait enregistrer une nouvelle diminution du PIB.

La seconde vague, qui pour le moment est centrée sur l’Europe, aura un coût économique en l’état difficilement évaluable. Le choc sera moins dur que lors du premier qui avait été marqué par un arrêt total sur image. Les acteurs économiques ont appris à évoluer dans un contexte contraint de risque sanitaire. Les entreprises devraient continuer à tourner tout comme les chantiers. Les échanges commerciaux seront obligatoirement atteints.

La deuxième vague de l’épidémie touchera évidemment les fêtes de fin d’année et devrait avoir un effet négatif non négligeable sur la restauration et l’hôtellerie. Le commerce en ligne devrait battre tous ses records pour la fin de l’année. La progression de son chiffre d’affaires pourrait dépasser 40 % cette année.

Avec l’aéronautique, l’industrie automobile devrait replonger avec la deuxième vague. Au sein de l’OCDE, la production industrielle de matériel de transport s’était contractée de 70 % au cœur de la première vague avant de revenir à 10 % de son niveau d’avant crise. Ce secteur, au-delà de l’épidémie, est confronté au problème de la transition énergétique. Dans le cadre des plans de relance, de nombreux gouvernements ont souhaité l’accélérer au risque de fragiliser un secteur majeur de l’économie de leur pays. Avec la deuxième vague, la capacité de résistance des entreprises sera mise à dure épreuve rendant plus que délicat le maintien de mesures contraignantes sur le plan environnemental.Avant même l’annonce d’un reconfinement, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, avait admis le 23 octobre que le PIB pourrait diminuer à nouveau au cours du quatrième trimestre. En outre, le ministre soulignait que l’économie française devait faire face à de nombreuses incertitudes, dont les prochaines élections américaines et le Brexit. Il espérait alors que le niveau de 2019 serait atteint d’ici 2022. Avec le reconfinement décidé le 28 octobre, la perte attendue de PIB se situerait entre 2 à 5 points en fonction de la durée et de l’ampleur du confinement d’ici fin décembre. Les dépenses publiques devraient augmenter de plus de 10 milliards d’euros quand les recettes publiques se contracteraient d’autant. Pour l’ensemble de l’année, recul du PIB pourrait se situer entre 9 et 11 points.

L’Europe semble être beaucoup plus touchée que les États-Unis qui pourtant connaissent un taux de mortalité du fait de l’épidémie plus fort. Pourquoi un tel écart au niveau de l’activité ?

L’Europe et les États-Unis devraient avoir des bilans différents à la fin de l’année. Sur le plan sanitaire, la situation n’est d’ailleurs pas identique. L’Europe a été touchée par l’épidémie dès mars quand les États-Unis l’ont été plus tardivement. La courbe du nombre de cas diffère entre les deux zones. Après une forte croissance entre avril et mai, le nombre de nouveaux cas aux États-Unis s’est stabilisé à 40 000 par jour entre la mi-mai et le mois de juin avant de progresser rapidement pour atteindre 80 000 mi-juillet. Une légère décrue est alors intervenue jusqu’en septembre, mois à partir duquel une nouvelle hausse est constatée. Fin octobre, le nombre de cas atteint 70 000 par jour. En Europe, après le pic de mars/avril autour de 40 000 nouveaux par jour, une forte baisse a été constatée entre mai et août avec un nombre de cas inférieur à 10 000. En revanche, la remontée depuis le début du mois de septembre est massive avec plus de 200 000 cas quotidiens en octobre. Le taux de mortalité lié à la maladie y est plus élevé que la moyenne mondiale et de celle de l’Europe. Il est en revanche proche de celui du Royaume-Uni (685 décès par million d’habitants contre 672 au Royaume-Uni et 515 en France). Sur ce sujet, avec l’absence de mesures de confinement, la Suède (517 décès par million d’habitants) se situe au même niveau que la France. Aux États-Unis, la tendance a été au maintien de l’activité avec des confinements localisés, essentiellement dans les grandes villes, sachant que la politique sanitaire dépend des États fédérés. Si le taux de chômage est passé en quelques semaines de 3,5 à 14,7 % aux États-Unis quand celui de l’Europe n’est qu’en légère hausse, les créations d’emploi y sont bien plus nombreuses depuis le mois de juin. Le taux de chômage américain est rapidement redescendu à 7,9 % en septembre.

Sur le plan économique, l’Europe est fortement touchée par la chute du tourisme et de l’activité aérienne. Le nombre de passagers jour est passé de 380 à moins de 100 millions par jour de décembre 2019 à août 2020. Les nouvelles mesures de confinement devraient aboutir à une nouvelle baisse du nombre de passagers pour l’Europe. Cela aura des conséquences sur les recettes touristiques qui compensent, pour la France, une part non négligeable du déficit commercial. Le tourisme représente 9 % du PIB français. Aux dépenses de transports, d’hébergement, de loisirs ou de restauration, il faut ajouter celles liées aux achats (luxe, alimentaire, cadeaux, etc.). Le manque à gagner sera important pour la France, l’Italie et l’Espagne.

Avec la deuxième vague, quel sera le comportement des épargnants ?

De mars à juillet, l’épargne supplémentaire liée à la crise sanitaire représente plus de 55 milliards d’euros. Avec le deuxième confinement, les ménages seront soumis à un nouveau régime de réduction de leurs dépenses de consommation. Le taux d’épargne devrait donc augmenter à nouveau. Il était passé de 15 à 27 % du revenu disponible brut entre décembre 2019 et juin 2020. Au troisième trimestre, il est revenu a priori autour de 20 %. Il devrait certainement se situer entre 22 et 25 % pour le dernier trimestre en fonction de la durée du reconfinement et des modalités de sortie. La poche d’épargne de précaution devrait de toute façon s’accroître. Certes, avec la fin de l’année, un certain nombre d’épargnants auraient tout intérêt à effectuer des arbitrages en faveur de l’épargne de long terme. Cela concerne évidemment ceux qui ne sont pas affectés en matière d’emploi et de revenus par la crise sanitaire. Cette réorientation peut s’imposer pour des raisons fiscales. L’octroi des réductions et des déductions fiscales suppose d’effectuer les placements idoines avant la fin de l’année.

A lire dans le Mensuel n°79 de novembre 2020

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