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3 questions à Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne

Economie 15 octobre 2020

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Quatre mois après le déconfinement, comment jugez-vous la reprise économique ?

Après avoir touché un point bas au mois d’avril, l’économie française a connu un rebond rapide en mai et en juin. Depuis, la réduction de l’écart d’activité par rapport à la période d’avant crise se ralentit.

Au troisième trimestre, le déficit d’activité en France par rapport au niveau d’avant crise ne serait plus, selon l’INSEE, que de 5 %, contre 19 % au deuxième trimestre. La période estivale n’a pas arrêté le rebond amorcé en mai et juin, néanmoins celui-ci tend à s’affaiblir avec la multiplication des cas de Covid-19. L’INSEE estime que la perte d’activité serait de 4 % pour le dernier trimestre, sous réserve que les mesures restrictives prises depuis le milieu du mois de septembre ne bloquent pas trop la reprise. Dans l’hypothèse d’une pandémie maîtrisée et d’une stabilité des dispositions sanitaires, la prévision de baisse du PIB en 2020 est fixée à -9 %/-10 % avec un rebond en 2021 de 8 %.

Pour le moment, la consommation de biens est de retour avec un mois d’août de très bonne facture. En revanche, la consommation de services marchands reste pénalisée par une offre culturelle réduite et par une diminution des dépenses d’hébergement. La consommation de services aurait été, en juillet, de 7 % inférieure au niveau d’avant crise et de 5 % en août. Les fermetures des bars dans plusieurs grandes villes dont Paris ne devrait pas permettre de réduire l’écart au cours du troisième trimestre. Dans les services principalement non marchands, la consommation aurait continué à se redresser, à travers la reprise progressive des soins de ville. Elle se situerait néanmoins, en juillet puis en août, encore en dessous du niveau d’avant crise (-9 % de perte de consommation en août).

Dans ce contexte économique atypique, les finances publiques sont mises sous tension. Comment jugez-vous les projets de loi de finances présentés fin septembre ?

En 2009, le déficit public avait atteint 7,2 %. Pour 2020, il devrait s’élever à 10,2 % du PIB, un niveau inconnu depuis 1942. L’espoir de renouer avec un excédent des comptes publics s’est éloigné, sachant que le dernier exercice positif date de 1973. Le budget de 2021 sera le dernier à être mené à son terme pour ce quinquennat, l’exercice 2022 sera marqué par l’élection présidentielle et les élections législatives. Compte tenu de la situation sanitaire et économique, le budget 2021 a toutes les chances ou plutôt tous les risques d’être amendé en profondeur en cours de route. Celui de 2020 l’a été déjà à trois reprises depuis le mois de mars.

Le solde public était revenu en dessous des 3 % du PIB, pour la première fois depuis 2001, en 2018 (-2,3 %) et en 2019 (-2,1 % sous réserve de neutraliser l’impact de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi en baisse de charges). Après l’adoption de trois lois de finances rectificatives, le solde public en 2020 devrait selon le ministère de l’Économie atteindre 10,2 % du PIB, soit plus de 7 points au-dessus de la prévision initiale. En 2021, le déficit public commencerait à se résorber, sous l’effet du rebond de l’activité économique. Il pourrait être de -6,7 % du PIB. Dans ce contexte, l’endettement public devrait passer de 98 % en 2019 à 117,5 % en 2020, avant de revenir à 116,2 % du PIB en 2021 grâce au redressement de l’activité.

Le poids des dépenses publiques (hors crédits d’impôt) qui s’élevait à 54,0 % du PIB en 2019, devrait atteindre 62,8 % du PIB en 2020, à la fois sous l’effet de la récession économique affectant le niveau du PIB et des mesures d’urgence prises depuis le mois de mars. Avec la reprise, le niveau de dépenses publiques entamerait sa décrue en 2021 en diminuant à 58,5 % du PIB (hors crédits d’impôts). Le taux de croissance des dépenses publiques atteindrait en 2020 +6,3 %, pour revenir à un taux de +0,4 % en 2021.

Le déficit du budget de l’État s’établirait à -195,2 milliards d’euros en 2020, en dégradation de – 102,0 milliards d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale pour 2020. Le déficit représente plus de 50 % des recettes de l’État, un record. Pour 2021, le montant annoncé pour le déficit de l’État est de -152,8 milliards d’euros.

La forte dégradation en 2020 s’explique en premier lieu par la baisse des recettes fiscales nettes (-46,2 milliards d’euros). Les recettes de l’impôt sur les sociétés diminuent de 18,3 milliards d’euros et celles de la taxe sur la valeur ajoutée de 14,7 milliards d’euros. L’augmentation des dépenses de soutien à l’économie et à l’emploi contribue également à la dérive du déficit.

Le montant des dépenses pour 2021 atteindra 448 milliards d’euros avec 70 milliards d’euros de prélèvements sur recettes (dépenses fiscales). Les dépenses du budget général devraient s’élever à 378,7 milliards d’euros contre 253 milliards d’euros prévus en loi de finances initiale pour 2020. Le projet de loi de finances pour 2021 intégrera les mesures de « France relance », à hauteur de 36,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 22,0 milliards d’euros en crédits de paiement.

De son côté, le déficit de la Sécurité sociale devrait s’élever à 44,4 milliards d’euros en 2020 (régime général plus fonds de solidarité vieillesse) avant de revenir à 27,1 milliards d’euros en 2021. D’ici quatre ans, il devrait encore atteindre 22 milliards d’euros, traduisant bien l’impact structurel de la crise actuelle sur les comptes de la Sécurité sociale qui étaient censés être à l’équilibre dans les prochaines années. Le précédent record pour la Sécurité sociale date de 2010 avec un déficit de 28 milliards d’euros.

En 2021, l’assurance maladie serait déficitaire de 19 milliards d’euros et l’assurance vieillesse de 7,3 milliards d’euros. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), après une augmentation de 7,6 % en 2020, devrait connaître une hausse de 3,5 % en 2021. L’assurance retraite devrait enregistrer une perte de 7,9 milliards d’euros pour 2020 et de 8 milliards d’euros en 2021.

Au-delà de ces chiffres, la gestion de l’État et de la Sécurité sociale s’effectuera au fil de l’eau en fonction de l’évolution de l’épidémie. Le plan de relance qui essaie de mixer soutien à l’économie et transition énergétique contribuera à soutenir l’activité à partir du premier trimestre 2021. Il n’en demeure pas moins que l’économie française qui était déjà très affaiblie avant la crise sanitaire doit relever un défi important compte tenu de l’ampleur de ses déficits publics et commerciaux.

Dans le contexte actuel, le gouvernement peut-il relancer la réforme des retraites dont la discussion au Parlement a été interrompue avec le confinement du mois de mars dernier ?

Le Premier ministre, Jean Castex, a, au mois de juillet dernier, indiqué que le projet de loi réformant le système de retraite serait à l’ordre du jour en 2021. Il avait décidé de différer la réouverture du dossier afin de placer l’emploi au cœur des priorités de la fin d’année. Il n’est pas certain qu’en 2021, la crise sanitaire soit jugulée et que la situation de l’emploi se soit clarifiée, ce qui pourrait rendre délicate la réouverture d’un dossier conflictuel au sein de l’opinion publique, d’autant plus que la campagne présidentielle s’ouvrira sans nul doute après les vacances d’été. Le gouvernement sera tenté de faire passer quelques points de la réforme des retraites sans pour autant remettre en débat les sujets polémiques. Ainsi, pourraient être concernés le plancher de pension à 1 000 euros, la refonte de la réversion et l’amélioration de la retraite des agriculteurs. La mise en place de la Caisse nationale de retraite universelle pourrait être instituée avec comme mission la convergence des différents régimes. L’État pourrait être incité à y insérer son « système de retraite » afin de l’externaliser des comptes budgétaires.

A lire dans le Mensuel n°78 d’octobre 2020 

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