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Le vieillissement de la population mondiale soulève des questions cruciales sur la manière de prendre en charge les besoins croissants des personnes âgées. Selon un rapport de l’OCDE intitulé « Les soins sont-ils abordables pour les personnes âgées ? » (Is Care Affordable for Older People?), ces défis sont importants en France, où le modèle de financement des soins de longue durée (SLD) fait face à des pressions croissantes.
Avec l’allongement de l’espérance de vie et le net recul du nombre de naissances, la proportion de personnes âgées augmente dans tous les pays de l’OCDE. En France, comme ailleurs, cette évolution se traduit par une augmentation des besoins en soins de longue durée. Ces derniers concernent des services essentiels pour accompagner les personnes âgées dans leurs activités quotidiennes : aide à la toilette, ménage, gestion des repas ou encore maintien d’une vie sociale active.
En 2022, au sein de l’OCDE, près d’une personne sur quatre âgée de 65 ans et plus (24 %) avait besoin de soins de longue durée avec des niveaux de besoins plus au moins importants : Pour 12 % les besoins en soins étaient faibles, pour 8 % les besoins étaient modérés quand les 4 % restant nécessitaient d’importants besoins. La proportion des personnes concernées varie d’un pays à l’autre. Si Israël et l’Irlande se distinguent par la faible proportion de personnes âgées avec des besoins de soins de longue durée, le Japon, la Lituanie et la Lettonie sont à l’inverse plus particulièrement touchés par cette problématique.
En lien avec le vieillissement de la population, à horizon 2050, la part des séniors avec des besoins de soins de longue durée devrait progresser de 30 % au sein de l’OCDE (soit une hausse de 1,2 point de pourcentage), dans des proportions diverses selon les pays. Cela se traduit par une augmentation de 42,8 à 54,7 millions de personnes ayant besoin de SLD en 2050 dans la zone OCDE.
Proportion projetée de personnes âgées supplémentaires ayant des besoins de soins au sein de la population totale
Selon l’importance des besoins de SLD et la situation financière des personnes concernées, l’OCDE établit une estimation moyenne des coûts des soins pour les individus au sein des pays membres :
Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, le coût total des soins de longue durée pour les personnes âgées varie d’une à près de sept fois le revenu disponible médian des personnes âgées.
L’organisation internationale insiste sur l’importance des systèmes de protection sociale pour permettre la prise en charge les soins de longue durée. En moyenne, les systèmes publics de l’OCDE couvrent 62 % du coût total des SLD pour les personnes ayant des besoins modérés. Les systèmes publics ciblant prioritairement les plus vulnérables de la population en offrant un soutien plus important aux personnes âgées ayant des besoins plus sévères en matière de SLD et à faible revenu.
Elle met en évidence, le recours important à l’épargne y compris dans les États fournissant une aide publique. Dans la majorité des pays et des régions infranationales couverts par le rapport, au moins 50 % de la population serait amenée à puiser dans son épargne pour payer les soins de longue durée à domicile même après avoir reçu une aide publique.
Proportion de personnes âgées qui ont besoin d’utiliser leur patrimoine pour payer des soins de longue durée à domicile
La France ne fait pas exception dans ce mouvement haussier, même si la proportion de personnes âgées concernées y demeure légèrement inférieure à celle des pays de l’OCDE pris dans leur ensemble. En France, la nécessité d’anticiper cette progression est notamment amplifiée par des facteurs sociaux, en particulier la baisse du nombre d’aidants informels qui engendre des besoins financiers supplémentaires. Les familles, autrefois piliers des soins aux aînés, se trouvent de plus en plus éloignées géographiquement ou absorbées par des impératifs professionnels. En outre l’évolution du noyau familial, avec la multiplication des familles monoparentales ou recomposées complique la donne.
Le système français repose principalement sur les financements publics pour assurer l’accès aux soins de longue durée. Les départements jouent un rôle clé dans la distribution de l’APA, tandis que des aides supplémentaires (comme celles liées au logement en institution) viennent compléter le dispositif. Cette approche est critiquée pour son hétérogénéité. Les niveaux d’aide varient selon les régions et les critères d’éligibilité, entraînant des inégalités d’accès. Par ailleurs, la France consacre environ 1,5 % de son PIB aux SLD, un niveau supérieur à la moyenne de l’OCDE mais largement inférieur aux pays nordiques, qui y allouent plus de 3 % de leur PIB.
En France, bien que les aides publiques soient conditionnées aux revenus, elles se révèlent insuffisantes pour assumer un reste à charge important, en particulier dans les cas où la personne âgée a des besoins de soins sévères.
Reste à charge des particuliers après avoir reçu une aide publique en pourcentage du revenu médian
De fait, en moyenne, une personne âgée ayant des besoins sévères doit, selon le rapport de l’OCDE, consacrer plus de la moitié de ses revenus pour financer les soins à domicile. Le coût des soins en établissement peut quant à lui dépasser, dans certains cas, le revenu médian d’un individu. Cette situation place la France dans une position intermédiaire : bien qu’elle offre une meilleure couverture que des pays comme les États-Unis ou l’Estonie, elle reste loin derrière les systèmes nordiques, qui financent jusqu’à 90 % des coûts des soins.
L’un des objectifs des politiques publiques en matière de SLD est de prévenir la pauvreté chez les personnes âgées. Sans protection sociale, la plupart des personnes ayant besoin de soins de longue durée seraient dans la pauvreté. Selon l’OCDE, en moyenne, la réduction de la proportion de personnes exposées au risque de pauvreté est de 30 points de pourcentage, tant pour les besoins sévères que pour les besoins modérés.
Si les pays où les dépenses publiques en SLD sont plus élevées, l’augmentation des risques de pauvreté associée aux coûts des SLD est généralement plus faible, cette règle ne se vérifie pas partout. De fait, la Finlande, le Danemark et l’Allemagne dépensent nettement moins que les Pays-Bas, mais parviennent à limiter les risques de pauvreté dans des proportions comparables. Inversement, la France qui dépense pourtant davantage que la Pologne parvient à un résultat aussi faible en matière de réduction des risques de pauvreté. En France, pour les personnes ayant des besoins sévères, le taux de pauvreté est supérieur de 33 points de pourcentage à celui des personnes âgées sans besoins en soins de longue durée.
Les pays nordiques comme le Danemark ou la Finlande offrent des systèmes de soins largement universels. Ces pays privilégient les prestations en nature, garantissant ainsi un accès direct à des services de qualité. Les résultats semblent probants. Selon l’OCDE, ces systèmes réduisent efficacement la pauvreté, tout en maintenant un haut niveau de satisfaction des usagers.Pour réduire le reste à charge des ménages, l’organisation internationale estime que la France pourrait élargir l’accès aux prestations en nature. Cela nécessiterait, néanmoins, une augmentation des dépenses publiques en SLD, qui pourraient atteindre 2,5 % du PIB d’ici 2050.
Les auteurs du rapport mettent en évidence le poids limité du secteur privé dans la gestion des SLD en France, en particulier pour le financement des besoins. Les assurances dépendance, bien qu’encouragées, peinent à séduire une large part de la population. Contrairement à l’Allemagne, qui a instauré une assurance publique obligatoire couplée à des mécanismes privés, la France a privilégié la prise en charge par la solidarité nationale. Outre-Rhin, le système repose sur une assurance dépendance obligatoire, financée par des cotisations salariales et patronales. Ce modèle hybride garantit une couverture de base pour tous, tout en laissant la possibilité de souscrire des assurances complémentaires pour des prestations supplémentaires. Le développement d’assurances dépendance obligatoires, à l’instar de ce qui se fait en Allemagne, permettrait de mieux répartir les coûts entre générations. La France pourrait également explorer des mécanismes de préfinancement, tels que des cotisations spécifiques pour la dépendance.
En France, le secteur privé est davantage présent dans le cadre de la gestion des établissements de soins. Toutefois, ces structures restent inaccessibles pour de nombreux ménages à revenu faible ou moyen en raison des frais élevés.
La France souffre d’un sous-investissement chronique dans les services de soins, ce qui empêche une prise en charge efficace. On estime que le secteur manque de 60 000 professionnels. Cette situation résulte de salaires peu attractifs et de conditions de travail difficiles, qui découragent les vocations. Revaloriser les salaires et améliorer les conditions de travail permettrait d’attirer et retenir des professionnels qualifiés. Les zones rurales sont particulièrement touchées par un manque de services adaptés, forçant de nombreuses personnes âgées à quitter leur domicile pour trouver des solutions en milieu urbain.
Les systèmes de soins médicaux, sociaux et familiaux fonctionnent souvent en silos, ce qui limite l’efficacité des interventions. La productivité dans le secteur des soins pourrait, en outre, être améliorée grâce à la technologie, comme la télémédecine ou les robots d’assistance. Le Japon, par exemple, a adopté ces solutions pour pallier la pénurie d’aidants. Par ailleurs, des politiques de promotion du vieillissement en bonne santé, comme celles menées au Danemark, pourraient réduire la demande de soins intensifs à long terme.
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En France, comme dans de nombreux pays de l’OCDE, la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie est à la croisée des chemins. Si les aides publiques comme l’APA offrent un soutien essentiel, elles restent insuffisantes face aux défis posés par le vieillissement démographique.
En s’inspirant des meilleures pratiques engagées par ses voisins européens, la France pourrait renforcer la générosité de son système tout en explorant des solutions innovantes pour contenir les coûts. Une réforme globale incluant un financement renforcé, une meilleure valorisation des métiers du soin et un soutien accru aux aidants familiaux est indispensable pour garantir des soins de qualité et répondre aux besoins croissants des personnes âgées. La clé résidera dans une répartition équitable des charges entre l’État, les ménages et les acteurs privés. Seule une approche globale permettra de garantir des soins accessibles et abordables pour tous, dans un contexte de vieillissement démographique inéluctable. Ce défi, qui concerne des millions de Français, est également une opportunité : celle de construire un système plus solidaire et adapté aux réalités
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