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Vers une refonte des droits familiaux

Retraite 8 novembre 2023

Les droits familiaux permettent aux assurés de bénéficier de droits supplémentaires à la retraite afin de majorer leur montant de pension ou atteindre plus tôt le taux plein. Ils sont généralement reliés aux enfants que les assurés ont eus ou ont élevés. Initialement, ces dispositifs avaient vocation à améliorer les pensions des femmes et à soutenir le taux de natalité. La discussion de la réforme 2023 des retraites a donné lieu à un débat sur les conséquences du report de l’âge légal de 62 à 64 ans pour les femmes, une partie des trimestres accordés au titre des droits familiaux pouvant devenir inutiles. Afin d’atténuer les effets de cette réforme sur les femmes, le gouvernement a instauré une surcote en leur faveur.

En 2022, parmi les 312 milliards d’euros de pensions de droit direct versées par les régimes de retraite obligatoires, près de 26 milliards d’euros sont liés aux droits familiaux (8,2 %). Au sein des régimes de base, ce poids est de 10,3 %. Il est de 2,6 % au sein des régimes complémentaires. Les pensions de réversion, également en lien avec la famille, ne sont pas considérées comme des droits directs et sont donc comptabilisées à part. Leur montant global a atteint, en 2022, plus de 37 milliards d’euros. Les droits familiaux ne sont pas tous faciles à évaluer. Si les majorations de pension sont aisées à estimer, en revanche, l’effet des validations de trimestres supplémentaires l’est moins. Le coût effectif d’un trimestre validé au titre des enfants est plus ou moins élevé en fonction de la carrière de l’assuré et de son utilité pour l’obtention d’une retraite à taux plein.

Les droits familiaux de retraite sont des avantages accordés, sous certaines conditions, aux personnes (aux femmes particulièrement) qui ont élevé des enfants et qui, de ce fait, peuvent avoir été désavantagées dans leur carrière professionnelle et donc pour leur retraite. Ces dispositifs appartiennent à la fois à la sphère des politiques familiales et à celle des retraites.

Trois dispositifs principaux coexistent :

  • la majoration de durée d’assurance (MDA) ;
  • l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) ;
  • la majoration de pension pour enfants.

Les majorations de durée d’assurance pour enfant permettent d’attribuer des trimestres supplémentaires, sans condition de cessation ou de réduction d’activité, aux personnes ayant eu des enfants. Initialement créées au profit des mères fonctionnaires, les majorations ont été élargies au régime général en 1971 au profit des mères salariées du secteur privé. Des arrêts rendus par la Cour de Justice de l’Union européenne et de la Cour de cassation, ont contraint dans les années 2000 les pouvoirs publics à modifier le régime des droits familiaux en permettant aux hommes d’y avoir accès. Les dispositifs de majoration de durée d’assurance au bénéfice des hommes ont été ouverts en 2003 dans les régimes de la fonction publique, en 2008 dans les autres régimes spéciaux et en 2010 au régime général.

Les types de majoration, leur durée et leurs conditions d’attribution diffèrent d’un régime de retraite à l’autre. Dans le cadre régime général, des régimes alignés et de ceux des professions libérales et exploitants agricoles, quatre trimestres par enfant sont attribués aux mères au titre de la maternité (y compris pour un enfant mort-né). L’éducation et d’adoption d’un enfant, ouvrent droit à une majoration de quatre trimestres chacune. Il appartient aux parents de désigner d’un commun accord le bénéficiaire. S’ils décident de se partager cet avantage, deux trimestres devront automatiquement être attribués à la mère. Ces trimestres de majoration sont pris en compte pour le calcul du taux de liquidation.

Au sein des régimes de la fonction publique, deux trimestres de majoration d’assurance sont attribués aux mères au titre de la maternité pour les enfants nés à compter du 1er janvier 2004. Ces trimestres sont uniquement pris en compte dans la durée d’assurance. Les enfants nés ou adoptés avant cette date ouvrent droit à une bonification de quatre trimestres si l’assuré, père ou mère, a interrompu son activité pendant une période continue au moins égale à deux mois. Il n’existe pas de majoration de durée d’assurance pour éducation au sein de ces régimes. Les périodes de congé parental sont prises en compte pour la constitution des droits à pension de retraite dans la limite de douze trimestres par enfant. Au sein des régimes spéciaux, où la bonification pour naissance ou adoption a également été remplacée par une majoration au titre de la maternité, la naissance des enfants permet l’attribution de deux à quatre trimestres de durée d’assurance pour les mères.

D’autres types de majorations ont été également institués. Ces majorations sont réservées aux assurés qui cessent ou qui réduisent leur activité pour s’occuper de leurs enfants ou d’un adulte handicapé. Le régime général, les régimes alignés et ceux des professions libérales et des exploitants agricoles prévoient l’attribution de majoration de durée d’assurance pour enfant en situation de handicap dans la limite de huit trimestres. Elle se cumule avec la majoration de durée d’assurance pour enfant et celle pour congé parental. Cette majoration est également attribuée par les régimes de la fonction publique dans la limite de quatre trimestres par enfant, qui sont uniquement retenus pour le calcul de la durée d’assurance.

Certains régimes prévoient également l’attribution d’une majoration pour congé parental ou congé de présence parentale. Au régime général et aux régimes des salariés et non-salariés agricoles, la majoration de durée d’assurance est égale à la durée effective du congé parental. Comme les majorations pour enfant, elle est retenue dans le calcul du taux de liquidation et de la durée d’assurance. Cette majoration n’est attribuée aux assurés que dans le cas où elle est plus avantageuse que les majorations de durée d’assurance pour enfant, les deux n’étant pas cumulables.

Une majoration de durée d’assurance peut être attribuée à l’assuré assumant la charge permanente d’un adulte handicapé au régime général, dans les régimes alignés et dans ceux des professions libérales et des exploitants agricoles. Ce dispositif, introduit en 2014, vise les aidants qui assument la charge d’un adulte handicapé, dont le taux d’incapacité s’élève au moins à 80 %. Pour en bénéficier, les aidants doivent justifier d’un lien familial avec la personne handicapée. Les trimestres de majoration peuvent être répartis entre différents aidants, dans la limite de huit trimestres et sont retenus pour la détermination du taux de liquidation et la durée d’assurance. Les trimestres de majoration pour enfant et adulte handicapé sont cumulables.

Les régimes complémentaires des salariés du secteur privé fonctionnent en points et ne prévoient pas de majorations de durée d’assurance. Néanmoins, les majorations de durée d’assurance sont prises en compte pour le calcul de la pension de retraite complémentaire. Les complémentaires prennent également en compte les situations liées aux enfants, comme le congé maternité, pour la constitution des droits à la retraite.

Les majorations de pension

La quasi-totalité des régimes de retraite prévoient l’octroi d’une majoration proportionnelle au montant de leur pension aux parents de trois enfants et plus.

 Le régime général et les régimes alignés attribuent la majoration aux assurés qui ont eu ou élevé au moins trois enfants. En cas l’absence de filiation directe, pour bénéficier de la majoration, l’assuré, pour accéder la majoration, doit les avoir élevés et les avoir eus à sa charge, durant 9 ans avant leur 16e anniversaire. Au sein des régimes de la fonction publique, quelle que soit la nature du lien de filiation, la majoration est accordée aux fonctionnaires qui ont élevé au moins trois enfants pendant 9 ans soit avant leurs 16 ans ou l’âge au-delà duquel il n’ouvre plus droit aux prestations familiales, soit 20 ans.

Dans le cadre des régimes de base et alignés, la majoration s’élève à 10 % du montant de pension de l’assuré. La réforme des retraites de 2023 a étendu cette majoration de pension aux professionnels libéraux et aux avocats.

Les régimes de la fonction publique et certains régimes spéciaux octroient une majoration supplémentaire par enfant au-delà du troisième, dont le taux varie entre 4,5 % et 5 %. Certains régimes encadrent le montant de la retraite après majoration en prévoyant qu’il n’excède pas le traitement ayant servi de base de calcul à la pension. Des régimes, comme l’IRCANTEC et l’Agirc-Arrco, encadrent seulement le montant de la majoration en fixant un taux maximum ou un plafond forfaitaire. Au sein de l’Agirc-Arrco, il existe également une majoration de pension temporaire de 5 % pour l’assuré qui, à la date d’effet de sa retraite, a à sa charge un ou plusieurs enfants. L’assuré ne peut pas bénéficier simultanément de cette majoration et de la majoration pour trois enfants. En cas de concurrence, seule la majoration la plus élevée sera accordée à l’assuré.

La loi du 14 avril 2023 a créé une majoration de pension liée à la MDA, qui ouvre un droit à surcote (1,25 % pour chaque trimestre supplémentaire cotisé dans une limite de 5 %) pour les assurés ayant obtenu au moins un trimestre de majoration d’assurance pour maternité, adoption, éducation, enfant handicapé ou pour congé parental et justifiant d’une durée d’assurance de 43 annuités à 63 ans, sous réserve de poursuivre leur activité professionnelle au-delà de cet âge. Cette disposition s’applique au sein des régimes de retraite qui prévoient l’attribution de majorations de durée d’assurance pour enfant.

L’assurance vieillesse des parents au foyer et l’assurance vieillesse des aidants

L’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et l’assurance vieillesse des aidants (AVA) visent à garantir une continuité dans la constitution des droits à la retraite des personnes cessant ou réduisant leur activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant ou d’une personne malade ou en situation de handicap. Créée en 1972 pour les mères de famille qui avaient à leur charge de jeunes enfants, l’accès à l’AVPF a progressivement été élargi à de nouvelles populations et notamment aux parents assumant la charge d’un enfant ou aux aidants de personnes vulnérables. La création de l’AVA par la loi du 14 avril 2023 conduit à distinguer les publics couverts par ces deux dispositifs, en transférant les aidants actuellement éligibles à l’AVPF vers l’AVA et en réservant l’affiliation à l’AVPF aux parents qui réduisent ou qui cessent leur activité pour s’occuper de leurs enfants. Les personnes aidant une personne dépendante et qui cessent leur activité entrent dans le champ de l’AVA.

L’AVPF et l’AVA ne sont pas des prestations versées à l’allocataire, mais des dispositifs d’affiliation qui permettent de reporter des salaires au compte de l’assuré et de lui faire valider des trimestres. Le versement des cotisations au régime général est assuré par la Caisse Nationale d’Assurance familiale.

Autres mécanismes en faveur des familles

 Au sein des régimes des fonctionnaires et des régimes spéciaux, les assurés parents de trois enfants bénéficiaient d’une liquidation immédiate de leur pension de retraite à tout âge lorsqu’ils avaient accompli au moins quinze ans de service dans un même régime spécial et qu’ils avaient interrompu ou réduit leur activité pour chacun de leurs enfants. La pension servie était alors proportionnelle à la durée de service effectif et pouvait être portée au minimum garanti. Ce dispositif a été supprimé par la loi du 9 décembre 2010 et est donc fermé. Par dérogation, les agents justifiant des trois conditions mentionnées ci-dessus avant le 1er janvier 2012 pour les régimes de la fonction publique et avant le 1er janvier 2017 pour les régimes spéciaux, peuvent bénéficier d’un départ anticipé à ce titre.

Le départ anticipé pour les parents d’un enfant invalide a été maintenu par la loi du 9 décembre 2010. Les régimes de la fonction publique ainsi que certains régimes spéciaux (régimes de retraite des Industrie Électrique et Gazière (IEG) de la RATP, de la SNCF et la CRPCEN) permettent aux assurés parents d’un enfant de plus d’un an et atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80 % de bénéficier d’une pension de retraite à tout âge lorsqu’ils remplissent les mêmes conditions que celles prévues par le dispositif de départ anticipé pour trois enfants et plus.

L’âge d’annulation de la décote est demeuré à 65 ans pour les assurés affiliés au régime général, aux régimes alignés et aux régimes des professions libérales et des exploitants agricoles, nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 qui ont eu au moins trois enfants et qui ont réduit ou interrompu leur activité professionnelle pour se consacrer à leur éducation. Seules les personnes justifiant d’une durée minimale de huit trimestres cotisés peuvent prétendre à ce dispositif.

Ces mêmes régimes (à l’exception de la CNAVPL) ainsi que certains régimes spéciaux, prévoient que les assurés qui ont eu et élevé un enfant handicapé peuvent bénéficier du taux plein à 65 ans dans deux cas distincts :

  • quand ils ont bénéficié d’un trimestre de majoration de durée d’assurance pour enfant handicapé ;
  • quand ils ont apporté une aide effective pendant au moins 30 mois à leur enfant bénéficiaire des aides humaines de la prestation de compensation de handicap (PCH).

Ces deux dispositifs ne sont pas prévus par les régimes complémentaires des salariés du secteur privé. Cependant, à l’Agirc-Arrco, l’obtention d’une retraite à taux plein dans le cadre du régime de base, au motif du départ anticipé ou du taux plein à 65 ans permet l’attribution d’une retraite sans coefficient d’anticipation viager pour âge.

Dans le cadre du débat sur la réforme des retraites, le gouvernement a demandé au Conseil d’Orientation des Retraites de travailler sur le sujet des droits familiaux, un rapport devant être publié en 2024, en vue d’une éventuelle réforme. Le système actuel est, en effet, complexe avec des différences de traitement entre les différents régimes. Le rapport devra, en outre, prendre en compte les conséquences du report de l’âge légal à 64 ans.

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