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Trois questions à Philippe Crevel : quelle rentrée pour les épargnants ?

Epargne 9 septembre 2022

3 questions à Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne

Après la trêve estivale, c’est la rentrée, pour l’ensemble de la population. Avec l’inflation et l’augmentation des taux, quelles sont les perspectives pour les épargnants ?

En quelques mois, le contexte économique et financier a évolué. Après vingt ans de baisse des taux, ces derniers, avec le retour de l’inflation, augmentent. Il convient néanmoins de souligner qu’ils suivent à distance celle-ci et que de ce fait leur rendement réel est négatif de plusieurs points.

Malgré des rendements réels devenus négatifs tant pour les livrets d’épargne que pour les fonds euros, malgré l’inflation qui ronge leur pouvoir d’achat, les Français continuent à épargner. Le taux d’épargne reste ainsi supérieur à 16 % du revenu d’épargne, soit un point de plus qu’avant la survenue de l’épidémie de covid-19. Après l’épargne forcée durant les confinements, ils sont passés à l’épargne de précaution en lien avec la montée des incertitudes. Les Français craignent tout autant l’augmentation des prix que celle des impôts.

Cette année, comme les précédentes, le 1er semestre a été placé sous le sceau de l’épargne quand le second sera sans nul doute plus axé « dépenses ». Les ménages doivent en effet, à compter du début du mois de juillet, financer les vacances d’été, les dépenses de rentrée scolaire et celles des fêtes de fin d’année. En 2022, avec les annonces anxiogènes des pouvoirs publics, il est possible que la prudence soit de mise et que l’effort d’épargne reste élevé jusqu’en décembre.

Compte tenu des annonces des banques centrales, les taux d’intérêt devraient continuer leur marche en avant avec des répercussions sur les produits d’épargne. Le taux du Livret A a déjà été relevé à deux reprises en 2022 passant ainsi de 0,5 à 2 %. Il en a résulté une forte hausse de la collecte. Sur les sept premiers mois de l’année, elle a atteint près de 20 milliards d’euros. L’encours bat record sur record et s’élevait fin juillet à plus de 360 milliards d’euros. Pour le Livret A, une nouvelle hausse des taux interviendra certainement au plus tard au mois de février 2023. En ce qui concerne l’assurance vie, le rendement des fonds euros s’est stabilisé en 2021 à 1,28 % quand il était de 4,10 % en 2007. Pour 2022, une légère augmentation est envisageable, mais le rendement réel restera négatif. Pour les unités de compte, la forte volatilité des marchés et les craintes d’une récession sur fond de pénurie d’énergie devraient aboutir à un rendement négatif sur 2022 après l’exceptionnelle année 2021. Dans un contexte boursier baissier, les Français ont tout intérêt à prendre position d’autant plus que depuis deux ans, la tendance est à l’accumulation d’une épargne liquide de court terme. À la fin du premier semestre, les comptes courants restaient à des niveaux sans précédent, 536 milliards d’euros, contre 400 milliards à la fin de l’année 2019. Il en est de même pour le Livret A et le Livret de Développement Durable et Solidaire qui totalisent, à eux deux, près de 492 milliards d’euros.

Le gouvernement a décidé un nouveau déblocage de l’épargne salariale. Est-il opportun d’utiliser cette faculté ?

De manière temporaire, du 18 août jusqu’au 31 décembre 2022, les salariés ayant accès à l’épargne salariale peuvent sortir en franchise d’impôt jusqu’à 10 000 euros de leur épargne salariale. Cette mesure concerne potentiellement une dizaine de millions de salariés. Le déblocage ne s’applique qu’aux sommes accumulées dans un PEE ou dans un PEI jusqu’au 1er janvier 2022. L’intéressement ou la participation perçus cette année ne peuvent pas être débloqués. Sont exclus de ce déblocage, les abondements versés par l’employeur sur le plan d’épargne du salarié, les sommes affectées à l’acquisition de parts de fonds investis dans les entreprises solidaires, ainsi que les sommes déposées sur un plan d’épargne retraite (PERCO, PERE-CO, etc.). L’argent retiré doit financer l’achat d’un bien ou une prestation de services. Il n’est pas possible de retirer l’argent pour la placer sur un autre produit d’épargne. Des justificatifs pourront être demandés. Par ailleurs, en cas de déblocage, l’épargnant doit, le cas échéant, payer les prélèvements sociaux. L’épargne salariale est logiquement un produit de long terme. Les marchés actions étant bas, ce n’est pas le meilleur moment pour effectuer une sortie de son PEE, sauf évidemment en cas de problème financier.

Avec la rentrée, faut-il penser à la souscription de produits financiers ouvrant droit à des avantages fiscaux ?

La recherche des réductions d’impôt n’est pas une finalité en soi en matière d’épargne, le rendement et l’utilité du produit devant rester les maîtres-mots d’un choix de placement. Cela n’interdit pas évidemment de bénéficier d’un allégement de sa fiscalité. En France, de nombreux produits d’épargne sont assortis d’avantages fiscaux. Les Fonds d’Investissement de Proximité (FIP), les Fonds Communs de Placement dans l’Innovation (FCPI), les Société de Financement de l’Industrie Cinématographique (SOFICA) ou les apports dans les PME ouvrent droit à des réductions d’impôt. Pour pouvoir sélectionner au mieux les produits, il est conseillé de prendre contact avec les établissements financiers avant le mois de novembre, le nombre de parts disponibles étant limité. Il est également possible de faire des versements déductibles de son revenu imposable sur un Plan d’Épargne Retraite ou sur les anciens produits d’épargne retraite (PERP, Contrat Madelin, Préfon, etc.).

Les versements réalisés sur le PER à titre individuel (PERI), sont déductibles des revenus d’activité déclarés au titre de l’année N-1 :

  • dans la limite de 10 % du montant net dans la limite de 8 plafonds annuels de la Sécurité Sociale (PASS) ;
  • ou 10 % du PASS si ce montant est plus élevé.

Les personnes ne disposant pas de revenus professionnels (personnes sans activité, retraités…) pourront ainsi déduire les versements réalisés sur leur PERI dans la limite de 10 % du PASS.

Sachant que le PASS a été fixé à 41 136 euros en 2021, les cotisations versées en 2022 sur les produits d’épargne retraite peuvent être déduites des revenus perçus en 2022 et déclarés au printemps 2023 dans la limite, au choix, de :

  • 4 113 euros (10 % x 41 136)
  • 32 908 euros maximum (10 % x 8 x 41 136).

Le montant déductible précité doit être réduit :

  • des cotisations aux régimes de retraite supplémentaire rendus obligatoires dans l’entreprise pour les salariés (“article 83” et PERE pour son volet obligatoire, PERO et PERCO). Il s’agit de la part patronale, pour son montant non imposable, et de la part salariale, pour son montant déductible du salaire ;
  • des cotisations aux régimes facultatifs des non-salariés et des gérants relevant de l’article 62 du CGI (contrats “Madelin” et “Madelin agricole”), pour leur montant déductible du résultat professionnel, sans qu’il soit tenu compte de la fraction de ces cotisations correspondant à 15 % de la quote-part du bénéfice comprise entre une fois et huit fois le plafond mentionné à l’article L. 241-3 du CSS ; compte non tenu de leur fraction correspondant à 15 % de la quote-part du bénéfice imposable comprise entre une fois et 8 fois le montant annuel du plafond de la Sécurité Sociale ;
  • de l’abondement de l’employeur au plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO), au plan d’épargne retraite de l’entreprise collectif (PERECO) ou au plan d’épargne retraite obligatoire (PERO) dans la limite du montant exonéré d’impôt sur le revenu ;
  • les droits inscrits sur le CET, ou, en l’absence de CET, des jours de congé monétisés, exonérés (dans la limite de 10 jours) affectés par le salarié à un PERCO, à un régime de retraite supplémentaire d’entreprise « article 83 » ou à un PERECO.

Les déductibles fiscaux non utilisés au cours des trois dernières années sont pris en compte. Le déductible fiscal est mutualisé pour les couples mariés ou Pacsés faisant une déclaration fiscale en commun. Par ailleurs, le calcul du déductible fiscal peut être conjugalisé.

Depuis son lancement, le 1er octobre 2019, le Plan d’Épargne Retraite connaît un réel succès grâce à la fois à la déduction fiscale à l’entrée et à la possibilité de sortir en capital. Au 30 juin 2022, plus de 3,3 millions de personnes avaient souscrit un PER, l’encours de ce produit ayant atteint plus de 41 milliards d’euros.

A lire dans le Mensuel N°101 du Cercle de l’Epargne de septembre 2022

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