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Le Coin des Epargnants du 19 avril 2025 : des marchés à la recherche d’un cap

Trêve Pascale sur les marchés

En raison du Vendredi saint, cette semaine, les Bourses européennes et américaines n’ont été ouvertes que quatre jours. Les espoirs d’un accord entre l’Europe et les États-Unis sur les droits de douane ont conduit à une progression des indices « actions » sur le Vieux Continent. Sur la semaine, le CAC 40 a progressé de 2,55 % et le DAX allemand de plus de 4 %.

Si les craintes de ralentissement de l’économie mondiale sont justifiées, elles ne devraient pas déboucher sur une récession, selon le FMI. D’après sa directrice générale, Kristalina Georgieva, « les tensions commerciales sont comme une marmite qui bouillonne depuis longtemps et qui maintenant déborde ». À quelques jours de l’ouverture des réunions de printemps du Fonds monétaire international (FMI), elle a porté un jugement sans concession sur les raisons de la guerre commerciale actuelle. Elle a ainsi souligné que « dans une large mesure, ce que nous constatons aujourd’hui est le résultat d’une érosion de la confiance dans le système international et entre les pays ». Elle a admis que, si « la mondialisation a permis de sortir de la pauvreté des millions de personnes, tout le monde n’en a pas bénéficié ». Elle a ajouté que « nombreux sont ceux qui imputent au système économique international la responsabilité de l’injustice perçue dans leurs vies ».

Elle a condamné le recours aux barrières tarifaires (droits de douane) et non tarifaires (réglementation sanitaire, environnementale…) qui vident de sa substance le système multilatéral, lequel n’a pas réussi à offrir des conditions de concurrence équitables. Elle estime que la non-correction des déséquilibres commerciaux a conduit à une impasse. Logiquement, les excédents commerciaux auraient dû provoquer l’appréciation des monnaies des pays concernés et une augmentation de leur demande interne. Or, cela n’a pas été le cas.

Pour le FMI, la Chine doit stimuler sa consommation privée, limiter l’essor excessif de son industrie et favoriser une baisse de l’épargne de précaution des ménages. L’Union européenne, quant à elle, doit améliorer sa compétitivité et approfondir le marché unique. « L’Europe a besoin d’une union bancaire, d’une union des marchés de capitaux et de moins de restrictions au commerce intérieur des services. » Pour le FMI, les États-Unis doivent réduire considérablement le déficit budgétaire fédéral par des réformes du côté des dépenses. Le déficit de la balance courante serait alors moins élevé.

L’once d’or toujours plus haut

L’once d’or a encore battu des records cette semaine et a dépassé 3300 dollars. Depuis le 1er janvier, le cours a gagné plus de 25 %.et sur un an la hausse atteint près de 40 %. Les prévisions sur l’évolution des cours sont de plus en plus difficiles à réaliser. Certains experts estiment possible un cours à plus de 3600 dollars dans les prochains semaines, voire 4000 dollars. D’autres estiment que la conclusion d’accords pour les droits de douane mettrait un terme à l’envolée du métal précieux. De même, un cessez le feu en Ukraine pourrait provoquer une baisse de l’once d’or.

Septième baisse consécutive des taux directeurs par la Banque centrale européenne

La Banque centrale européenne a réalisé, jeudi 17 avril, sa septième baisse de taux directeurs depuis le début de son cycle d’assouplissement monétaire au mois de juin dernier. Le taux de dépôt a été ainsi ramené de 2,5 % à 2,25 %. Cette décision était anticipée après l’annonce par Donald Trump, le 2 avril, de relever les droits de douane américains. Malgré le revirement du président américain sur les surtaxes « réciproques », diminuées à un seuil plancher de 10 % pour tous les pays sauf la Chine (le taux y est de 145 % pour la majeure partie des importations en provenance de ce pays.

La poursuite de la baisse des taux directeurs constitue une réponse face à la menace de nouveau ralentissement de croissance qui menace la zone euro avec la mise en œuvre de politiques protectionnistes par le Président américain. Le communiqué de la BCE souligne que « les perspectives de croissance se sont détériorées du fait de l’intensification des tensions commerciales. L’incertitude accrue devrait affaiblir la confiance des ménages et des entreprises, tandis que les réactions négatives et volatiles des marchés aux tensions commerciales devraient entraîner un durcissement des conditions de financement. Ces facteurs pourraient par ailleurs peser sur les perspectives économiques de la zone euro ». Christine Lagarde, la Présidente de la BCE, a souligné que les perturbations croissantes du commerce mondial ont accru l’incertitude concernant l’inflation. Des facteurs jouent à la baisse -ralentissement de l’économie mondiale, baisse des prix des importations chinoises pour gagner des parts de marché, appréciation de l’euro – mais d’autres jouent à la hausse – fragmentation des chaînes d’approvisionnement, augmentation des dépenses publiques en matière de défense et d’infrastructures.

Le tableau de la semaine des marchés financiers

 Résultats
17/18 avril 2025
Évolution
sur une semaine
Résultats
29 déc. 2023
Résultats
31 déc. 2024
CAC 40 7 285,86+2,55 %7 543,187 380,74
Dow Jones39 142,23-2,66 %37 689,5442 544,22
S&P 5005 282,70-1,50 %4 769,835 881,63
Nasdaq Composite16 286,45-2,62 %15 011,3519 310,79
Dax Xetra (Allemagne) 21 205,86+4,11 %16 751,6419 909,14
Footsie 100 (Royaume-Uni) 8 275,66+3,91 %7 733,247 451,74
Eurostoxx 504 935,34+3,09 %4 518,284 895,98
Nikkei 225 (Japon)34 730,28+4,13 %33 464,1739 894,54
Shanghai Composite 3 280,34+4,29 %2 974,933 351,76
Taux OAT France à 10 ans+3,239 %-0,111 pt+2,558 %+3,194 %
Taux Bund allemand à 10 ans+2,467 %-0,100 pt+2,023 %+2,362 %
Taux Trésor US à 10 ans+4,329 %-0,223 pt+3,866 %+4,528 %
Cours de l’euro/dollar1,1371+3,75 %1,10601,0380
Cours de l’once d’or en dollars3 324,89+11,52 %2 066,672 613,95
Cours du baril de pétrole Brent en dollars67,89+4,96 %77,1374,30
Cours du Bitcoin en dollars85 064,63+1,63 %38 252,5493 776,61

Le Coin des épargnants du 11 avril 2025 : les marchés pris en otage par les droits de douane

La semaine folle des marchés

Suspension des droits de douane  majorés pendant une période de 90 jours réservée à la négociation : les nerfs des investisseurs sont mis à rude épreuve depuis le 2 avril dernier. Si la suspension des majorations a été appréciée, la poursuite de la guerre commerciale avec la Chine et le haut niveau d’incertitude pour la suite pèsent évidemment sur les valeurs « actions ». Le passage des droits à 10 % pour toutes les importations américaines, qui ne devrait pas être remis en cause, reste une mauvaise nouvelle pour les échanges.

La Bourse de Paris a connu le repli le plus important en Europe cette semaine. L’indice CAC 40 a, en effet, reculé de près de 4 %, quand le DAX allemand n’a perdu que 1,5 %. Les valeurs du luxe, de la finance et de l’automobile ont été les plus touchées. Aux États-Unis, le moratoire du président américain a été suivi d’un rebond impressionnant des indices actions. Le Nasdaq a progressé de plus de 7 % sur la semaine et le S&P 500 de près de 6 %. Le président américain, ayant invité à acheter des actions avant sa déclaration du 9 avril relative aux droits de douane, est suspecté d’être à l’origine d’un délit d’initié. Les démocrates au Congrès ont demandé, sur ce sujet, la création d’une commission d’enquête.

La spirale protectionniste s’emballe entre les Etats-Unis et la Chine

La spirale protectionniste bat son plein avec un bras de fer inédit entre les États-Unis et la Chine. Vendredi 11 avril, la Chine a décidé d’appliquer des droits de douane de 125 % sur les importations américaines, en réaction aux droits de 145 % institués par Donald Trump. Ces taux sont synonymes d’un quasi-embargo mutuel. Les Chinois n’entendent pas négocier sous la pression et la menace américaines. Ils estiment que l’économie américaine ne peut pas se passer de leurs importations. Celle-ci peut compter sur des stocks constitués en janvier et février, mais ceux-ci ne couvrent pas les besoins des entreprises au-delà du mois de mai.

Les autorités chinoises envisagent de réduire leurs exportations de métaux rares vers les États-Unis. Cette limitation risquerait néanmoins de peser sur les recettes d’exportation et d’inciter les Américains à se tourner vers d’autres fournisseurs. Vendredi 11 avril, le ministère du Commerce chinois a indiqué que les taux des droits de douane ne devraient plus évoluer : « étant donné qu’il n’y a plus aucune possibilité d’acceptation du marché pour les produits américains exportés vers la Chine aux niveaux tarifaires actuels, si la partie américaine continue par la suite à imposer des droits de douane sur les produits chinois exportés vers les États-Unis, la partie chinoise n’y prêtera aucune attention ». Les États-Unis pourraient eux aussi décider d’en rester là, pensent certains experts, leur surtaxe de 145 % sur les biens chinois étant supérieure à celle imposée par Pékin.

Le moral des consommateurs en berne aux États-Unis

Sur le plan économique, aux États-Unis, la dernière enquête de l’Université du Michigan sur le moral des consommateurs, réalisée entre le 25 mars et le 8 avril, c’est-à-dire avant le revirement de Donald Trump sur les droits de douane, a confirmé que les ménages restent préoccupés par la guerre tarifaire engagée par leur président. Leur moral est tombé à son plus bas niveau depuis juin 2022, à 50,8 points — trois points de moins qu’anticipé —, tandis que les attentes en matière d’inflation à court et à long terme ont atteint des niveaux inégalés depuis plusieurs décennies. Les ménages s’attendent à ce que les prix augmentent à un rythme annuel de 6,7 % sur les douze prochains mois (contre 5 % auparavant), soit le niveau le plus élevé enregistré depuis novembre 1981. À l’horizon de 5 à 10 ans, les anticipations montent à 4,4 %.

La « remontada » de l’euro

En fin de semaine, le dollar s’échangeait contre 1,13 euro. La devise européenne est à son plus haut niveau depuis février 2022, c’est-à-dire depuis le début de la guerre en Ukraine. Sur une semaine, elle a gagné 5 % face au dollar. Depuis le début de l’année, l’euro a repris 10 % par rapport à la monnaie américaine.Cette semaine, l’euro a été porté par plusieurs facteurs. La conclusion d’un accord de coalition en Allemagne, mercredi 9 avril, met fin à une incertitude politique européenne. Ce pacte augure des mesures de relance pour l’économie allemande, en perte de vitesse depuis de nombreuses années. La hausse de l’euro est avant tout la conséquence de la dépréciation du dollar qui a reculé de 8,5 % vis-à-vis des principales monnaies depuis le début de l’année. Le billet vert est affecté par la guerre commerciale et notamment par la montée aux extrêmes avec la Chine. La hausse des taux d’intérêt sur les obligations d’État américaines — le dix ans atteignant 4,5 % en fin de semaine — n’a pas suffi à enrayer la glissade du dollar.

Logiquement, quand les taux obligataires d’un pays augmentent, la devise de ce même pays s’apprécie : la rémunération augmente, ce qui incite normalement les investisseurs à placer leur argent et donc à « acheter » la devise. Mais ces derniers, compte tenu du contexte économique et politique des États-Unis, se détournent des actifs financiers américains. Ils privilégient les placements dans d’autres devises : le franc suisse, le yen et l’euro. Le dollar perd ainsi de son attrait, avec une érosion de son statut de « valeur refuge ». Les investisseurs perçoivent des risques de récession et d’inflation aux États-Unis. Ils vendent en conséquence des actifs américains pour redéployer leurs fonds vers des titres d’autres pays. Les États-Unis ont néanmoins un réel besoin de capitaux étrangers pour financer leurs imposants déficits publics et extérieurs. Cette dépendance peut peser sur les choix de Donald Trump. L’appréciation de l’euro renchérit le prix des exportations et diminue celui des importations. Pour la France, c’est plutôt une bonne nouvelle.

Le tableau de la semaine des marchés financiers

 Résultats
11 avril 2025
Évolution
sur une semaine
Résultats
29 déc. 2023
Résultats
31 déc. 2024
CAC 40 7 104,80-3,86 %7 543,187 380,74
Dow Jones40 212,71+5,08 %37 689,5442 544,22
S&P 5005 363,36+5 ;75 %4 769,835 881,63
Nasdaq Composite16 724,46+7,15 %15 011,3519 310,79
Dax Xetra (Allemagne) 20 368,53-1,48 %16 751,6419 909,14
Footsie 100 (Royaume-Uni) 7 964,18-0,79 %7 733,247 451,74
Eurostoxx 5020 368,53-1,46 %4 518,284 895,98
Nikkei 225 (Japon)33 585,58-5,76 %33 464,1739 894,54
Shanghai Composite 3 238,23-3,29 %2 974,933 351,76
Taux OAT France à 10 ans+3,350 %+0,018 pt+2,558 %+3,194 %
Taux Bund allemand à 10 ans+2,567 %+0,004 pt+2,023 %+2,362 %
Taux Trésor US à 10 ans+4,501 %+0,552 pt+3,866 %+4,528 %
Cours de l’euro/dollar1,1286+5,05 %1,10601,0380
Cours de l’once d’or en dollars3 234,15+3,86 %2 066,672 613,95
Cours du baril de pétrole Brent en dollars64,03-3,72 %77,1374,30
Cours du Bitcoin en dollars82 263,80-2,46 %38 252,5493 776,61

L’euro à parité avec le dollar, pourquoi et quelles conséquences ?

En ce mois de juillet, un euro vaut un dollar, un phénomène sans précédent depuis 20 ans. Depuis le début de l’année, l’euro a perdu 12 % de sa valeur. Il faut remonter à septembre 2002 pour retrouver un taux de change encore plus faible.

La dépréciation de l’euro, en ce début d’été, est imputable aux écarts de taux d’intérêt de part et d’autre de l’Atlantique. La banque centrale américaine a engagé, depuis le mois de mars, un relèvement de ses taux quand la BCE ne devrait le faire que ce mois-ci. Les taux directeurs américains évoluent actuellement dans la fourchette 1,5/1,75 % quand ceux de la BCE se situent entre -0,5 et 0 %. D’ici la fin de l’année, cette fourchette pourrait être de 2,75/3 %. L’écart avec les taux européens pourrait être de 2,5 points. Les politiques monétaires différentes se traduisent par des écarts de taux sur les obligations d’Etat. Ainsi pour celles à dix ans, le taux américain est proche de 3 % quand il est de 1,3   pour son équivalent allemand. Les investisseurs privilégient ainsi les obligations américaines au détriment de celles de la zone euro ce qui contribue à la dépréciation de la monnaie commune. Les anticipations de croissance sont plus mauvaises pour l’Europe qui est plus exposée que les Etats-Unis à la guerre en Ukraine et à ses répercussions sur le plan énergétique. La perspective d’un fort ralentissement économique en zone euro incite les investisseurs à opter pour les titres américains. Les Etats-Unis sont, par ailleurs, considérés comme un pays refuge pour les détenteurs de capitaux en période de crise.

La dépréciation de l’euro face au dollar n’a pas commencé avec la guerre en Ukraine mais avec la crise financière de 2008. Juste avant sa survenue, un euro s’échangeait contre 1,5 dollar. Les stigmates de cette crise ont été plus longs à se résorber qu’aux Etats-Unis. La crise des dettes souveraines en 2011 avec le problème de la Grèce a également affaibli l’euro. La mise en place à compter de 2015 d’une politique monétaire ultra-accommodante a conforté le mouvement de baisse de l’euro. La Banque centrale européenne a décidé l’application de taux directeurs nuls voire négatifs pour le taux de dépôts. La dépréciation de l’euro trouve également sa source dans le dilemme auquel est confrontée la BCE. Si pour lutter l’inflation, elle augmente rapidement et fortement ses taux directeurs, elle risque tout à la fois de provoquer une récession et une crise des dettes souveraines. Le risque d’écarts de taux entre les Etats membres limite ses marges de manœuvre ce qui la met dans une position différente de celle de la FED.

Le poids de l’euro comme monnaie de réserve tend à se réduire. En 2008, la monnaie commune représentait près de 28 % des réserve, En 2022, le poids de l’euro dans les actifs des banques centrales a reculé de 28 % à 24 % selon le sondage du Forum officiel des institutions monétaires et financières. Le dollar représente toujours autour de 60 % des réserves de change. L’euro est devenue la deuxième monnaie mondiale grâce avant tout aux échanges internes des Etats membres de l’Union européenne et des Etats qui sont associés au marché commun comme la Turquie. L’Europe est la deuxième zone d’investissement, principalement des achats de dette, pour les institutions monétaires étrangères, mais dans les prochains mois, seulement 15 % des banques centrales comptent accroître leurs investissements obligataires en Europe.

La faiblesse de l’euro devrait se poursuivre tant que l’écart de taux restera substantiel entre les Etats-Unis et l’Union européenne et tant que les anticipations de croissance resteront négatives pour cette dernière. Pour renouer avec une appréciation, les craintes de pénurie d’énergie pour l’hiver devront être levées.

L’euro fiduciaire a vingt ans : retour sur la fake news de l’inflation

Vingt ans après, l’euro et l’inflation, une fake news ?

Le 2 janvier 2002, l’euro fiduciaire, les billets et les pièces, remplaçaient les monnaies nationales des onze Etats ayant été acceptés à participer à l’union monétaire. Ce passage constituait la dernière étape de cette construction monétaire, sachant que depuis le 1er janvier 1999, l’euro était devenu la monnaie officielle des Etats membres. Ce grand changement d’unité monétaire, le premier depuis le 1er janvier 1960 marqué par l’introduction du nouveau franc a fait l’objet de critiques dans le prolongement des débats qui étaient intervenus lors de la campagne référendaire sur le Traité de Maastricht autorisant le passage à l’euro. Ce dernier donna lieu à une polémique en 2002 et les années qui suivirent sur la perte de pouvoir d’achat des ménages provoquée par l’augmentation des prix. L’INSEE a, à maintes reprises, réalisé des études sur le sujet prouvant l’inverse ; rien n’y fit. Entre le ressenti et la réalité froide des statistiques, l’écart était alors important. Le jugement des consommateurs était d’autant plus surprenant que la France avait au cours des années 1970 et 1980 connu un inflation importante. Pour se qualifier à l’euro, les gouvernements avaient du mettre en œuvre des politiques de désinflation compétitive qui étaient mal vécues.

Selon une étude de l’INSEE de 2016 (étude de Marie Leclair, division des prix à la consommation, Vladimir Passeron), les prix à la consommation n’ont augmenté que de 1,4 % en moyenne par an soit nettement moins qu’au cours des quinze années précédentes (+ 2,1 % entre 1986 et 2001. L’inflation française après l’introduction de l’euro était inférieure de celle constatée en moyenne au sein de la zone (+ 1,7 % en moyenne par an).

Si les ménages ont constaté certaines hausses de prix, celles-ci n’ont pas été occasionné par le changement de monnaie mais par des facteurs conjoncturels comme les variations climatiques (produits alimentaires), l’environnement géopolitique (produits pétroliers) et par des facteurs d’ordre politique (augmentation du prix du tabacs au nom de la santé publique). L’inflation sous-jacente qui exclut les produits connaissant de fortes fluctuations est restée très faible dans les années qui ont suivi l’introduction fiduciaire de l’euro.

Le ressenti de hausse des prix s’est nourri, en partie, par l’attention que les Français ont porté à ces derniers. Dans les premiers mois, les consommateurs ont effectué des conversions rendant toute hausse sensible. Les boulangers, les restaurateurs, les cafetiers ont été accusés de majorer leurs tarifs au moment même où ils subissaient une augmentation du coûts de leurs matières premières et qu’ils devaient gérer la mise en œuvre des 35 heures. Les consommateurs ont conservé en mémoire les derniers prix en francs oubliant que ces derniers évoluaient auparavant en permanence. Ils ont négligé que l’inflation préexistait et qu’elle n’a pas disparu avec l’introduction de l’euro.

L’INSEE estime que le basculement des grilles tarifaires du franc vers l’euro a provoqué une augmentation des prix de 0,1 à 0,2 % sur l’année 2002.

La mise en place de l’euro fiduciaire intervient à la fin d’un cycle de croissance qui a débuté en 1997 et qui s’est achevé avec l’éclatement de la bulle Internet. Le taux de croissance est passé de près de 3 % à 1 % rendant les négociations salariales plus difficiles. L’Allemagne au même moment a décidé de mettre en œuvre une politique d’amélioration de sa compétitivité après une décennie de financement de la réunification. Cette politique de rigueur reposait sur une maîtrise salariale stricte et par une réduction des déficits, politique qui s’imposa au reste de l’Europe. La Banque Centrale Européenne avait comme objectif d’assurer la crédibilité de la nouvelle monnaie à l’échelle internationale ce qui l’a conduit à mettre en œuvre une politique monétaire peu accommodante et donc peu inflationniste.

La sortie de l’euro, juste un autre monde

L’euro n’est pas une création, en soi, éternelle. Ce que l’homme a fait, l’homme peut le défaire. C’est une évidence mais mieux vaut connaître, avant de se lancer dans l’aventure, le coût de la déconstruction.

Est-il plus facile de détruire que de construire ? Peut-être mais pas certain !

L’euro ne s’est pas construit en une journée. Il est un des enfants de la construction européenne, le fruit de longues années de travail. Du rapport Werner/Barre au traité de Maastricht, il s’est passé 22 ans et entre ce dernier et la circulation de la monnaie fiduciaire entre particuliers, il a fallu encore attendre 10 ans. Certes pour éviter les mouvements de panique, la sortie d’un pays de la zone euro s’effectuera, a priori, rapidement, de quelques jours à quelques semaines. D’un côté, une longue maturation, une longue préparation, de l’autre une rupture brutale. Mais, dans les faits, de nombreuses dispositions devront être prises pour éviter que cette sortie n’aboutisse à une glaciation économique.

Quel serait le scénario ou plutôt les scenarii ?

Pour faciliter, je retiens le cas où le pays qui décide de retrouver sa soi-disant souveraineté monétaire est la France. À cette fin, la Banque de France devra fixer un nouveau cours pour la nouvelle monnaie, le « franc ». Elle pourrait par simplicité décider, de manière arbitraire, qu’un euro équivaut à un franc. Il faudrait à toute vitesse imprimer des billets et des pièces afin de réaliser un échange immédiat avec les euros. Les Indiens viennent de nous prouver que l’échange de billets n’est pas sans conséquence économique.

Le retour du contrôle des changes et le gel des avoirs

Durant la phase préparatoire de sortie de la zone euro et de mise en place de la nouvelle monnaie, les autorités françaises devront instituer un contrôle des changes avec des limitations drastiques des sorties de capitaux. Les comptes bancaires et les contrats d’assurance seront gelés pour éviter un « bank run » et un « assurance run ». Ces mesures perdureront durant une période plus ou moins longue après le changement de monnaie. Elles seront rendues nécessaires pour éviter que les Français ne placent au Luxembourg, à Londres, à Bruxelles ou à Singapour leurs actifs. Les pouvoirs publics devront freiner les sorties en numéraire et instituer, comme en Grèce en 2015, un montant maximum de retrait. En effet, les banques risqueraient de se trouver très rapidement en manque de liquidités.

L’implosion du système financier européen

Mais avant même d’arriver à cet échange de monnaie, la sortie de la zone euro d’un pays comme la France est d’ordre systémique. Du fait du poids économique et financier de la France, une telle sortie remet en cause l’ensemble des équilibres au sein de la zone euro et de l’Union européenne. Elle créera une onde de choc qui pourrait provoquer l’implosion de l’ensemble du secteur financier. En outre, elle placera rapidement la France en état de banqueroute et d’illiquidité.

La sortie de l’euro peut mettre en danger l’ensemble des acteurs financiers, banques et compagnies d’assurances. La France dispose de plusieurs entreprises systémiques dans le secteur financier, c’est-à-dire d’entreprises dont la taille est telle que leurs problèmes se propageraient à l’ensemble des autres acteurs de la place. BNP PARIBAS, Société générale, Crédit Agricole, BPCE, Axa, etc. seraient confrontés à des problèmes de solvabilité en raison de l’affaiblissement de leurs fonds propres et de leurs liquidités s’ils devaient faire face à la demande de tous leurs clients de reprendre leurs actifs. Cette crise sera d’autant plus violente que les taux d’intérêt ne pourront que s’envoler en cas de sortie. Au regard de ce qui s’est passé avec la Grèce, les taux qui n’ont été que de 0,43 % en 2016 pourraient alors bien dépasser les 13/15 %. Un tel choc obligataire nécessiterait le gel des contrats d’assurance-vie comme cela a été prévu par la loi Sapin II.

Pour éviter des faillites en chaîne des établissements financiers, une rencontre internationale serait indispensable pour trouver des solutions afin d’endiguer le risque français.

Le problème clef de la dette

Le passage de l’euro au franc pose le problème immédiat de la valeur des dettes. Ainsi, dans quelle monnaie faudra-t-il exprimer la dette publique qui dépasse 2 100 milliards d’euros et qui est détenue à 57 % par des non-résidents. S’il est décidé de l’exprimer en nouveaux francs (une dette nationale est traditionnellement exprimée dans la monnaie de son pays), les non-résidents risquent de perdre 30 à 50 % de leur épargne. En effet, il est impensable que le nouveau franc puisse maintenir la parité de l’euro qui deviendrait avant tout un deutsche mark. Un pays cumulant dette publique et déficit commercial structurel conduira inévitablement à une dépréciation de sa monnaie d’autant plus que le seul objectif de sa restauration est de se libérer des contraintes communautaires. Le Royaume-Uni qui n’est pas membre de la zone euro a, après le vote sur le Brexit, connu une dépréciation de sa monnaie de 20 %. Cette dépréciation n’est pas que la conséquence du vote et ne présage pas de ce qui se passera une fois que le Royaume-Uni sera réellement sorti. Dans le cas où la dette reste exprimée en devise forte, c’est-à-dire en euros, la France sera menacée rapidement de banqueroute. En effet, le montant des remboursements augmenterait de 30 à 50 %. La question du règlement de la dette passe obligatoirement par une négociation internationale.

Le difficile jour d’après

Que ce soit avant ou après le retour du franc, les autorités françaises auront toute une série de problèmes à résoudre. Le premier sera de trouver les ressources nécessaires au financement de la sphère publique. La solution pourrait passer par la planche à billets, mais cela accélérera la dépréciation de la monnaie et conduira comme cela a été constaté en Russie en 2015 et 2016 à une forte inflation. L’autre problème, qui n’est pas des moindres, est lié à la nécessité d’acquérir des devises pour régler le solde commercial. La France est un pays structurellement déficitaire depuis une dizaine d’années, plus de 60 milliards d’euros par an. Elle est notamment dépendante de l’extérieur pour l’énergie et pour de nombreux biens industriels. Les fournisseurs n’accepteront pas d’être payés en francs. Ils voudront des devises étrangères, dollar, yen euro, etc. Pour en trouver, la France sera contrainte de lancer des grands emprunts avec des taux d’intérêt prohibitifs ou de vendre des actifs (immobilier, participations, etc.). Sinon, il faudra faire appel à l’aide internationale, le FMI par exemple et se soumettre à ses conditions. Il faudrait limiter au maximum les importations et accroître les exportations qui seront certes favorisées par la dépréciation de la monnaie. La réduction des importations passe par une réduction des revenus des ménages. Elle peut s’inscrire dans un retour du protectionnisme mais qui pourrait provoquer de la part de nos partenaires des mesures de rétorsion. Néanmoins, avant de retrouver un équilibre, il faudrait plusieurs années qui pourraient se révéler difficiles.

La sortie de la zone euro devrait donc amener une forte hausse des taux d’intérêt provoquant un net ralentissement de l’activité. Le secteur du bâtiment serait pénalisé. Les secteurs dépendant des importations seraient également fortement touchés. L’investissement sera en chute libre. De nombreux secteurs supporteraient tout à la fois une augmentation de leurs produits, une diminution du pouvoir d’achat des ménages et un problème d’accès aux devises.

La sortie de la zone euro est un pari que les Grecs n’ont pas voulu tenir. Il est plus que probable que le départ de la France provoquerait l’explosion de l’ensemble de la zone euro. Les pays d’Europe du Sud auraient du mal à résister à l’onde de choc. Les investisseurs par aversion du risque se délesteraient de tous les titres européens non sûrs. Dans cette affaire, l’Allemagne serait également perdante tant au titre des 3 000 milliards d’euros qu’elle détient sur le reste de l’Europe qu’en raison de l’explosion de son espace commercial. Sur plusieurs années, elle participerait à la dépréciation de la monnaie, aux taux d’intérêt élevés, à l’inflation, et pousserait pour une réglementation sur les changes voire sur le crédit. La sortie de l’euro, c’est juste un autre monde.

Lettre de février 2017

 

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