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Depuis des décennies, le système de retraite français a intégré des mécanismes de solidarité visant à corriger les inégalités et à accompagner les familles dans leur parcours de vie. Parmi eux, la majoration de pension pour les parents de trois enfants ou plus occupe une place particulière. Conçue comme un levier nataliste et un instrument de compensation pour les familles nombreuses, elle est un complément de pension non négligeable. Son montant global s’élevait, en 2020 à 8,4 milliards d’euros, soit 2,9 % des pensions de droit direct.
Ce dispositif qui a été modifié à plusieurs reprises semble avoir atteint ses limites. Le service des études et des statistiques du Ministère de la Santé (DREES) a publié au mois de mars une étude détaillée comportant plusieurs propositions de réforme. En 2020, près de 40 % des retraités bénéficiaient de la majoration pour enfants avec un montant moyen de 105 euros par mois.
Le système de majoration de pension pour enfants en matière de retraite en France repose sur plusieurs dispositifs visant à compenser l’impact de la parentalité sur la carrière professionnelle et à soutenir les familles nombreuses. Ce mécanisme s’applique différemment selon les régimes de retraite.
Les majorations de retraite pour enfants en France se déclinent en deux types principaux :
Ce dispositif permet aux parents d’obtenir des trimestres supplémentaires pour leur retraite. Il est attribué dans les régimes de base pour tenir compte des périodes d’interruption ou de réduction d’activité dues à l’éducation des enfants.
Les assurés bénéficient de :
Depuis 2010, ces trimestres peuvent être partagés entre les deux parents, mais restent en pratique majoritairement attribués aux mères.
Ce mécanisme accorde une augmentation de 10 % de la pension de retraite aux assurés ayant eu au moins trois enfants. Il concerne les régimes de base et complémentaires, bien que les modalités varient selon les caisses de retraite.
Cette majoration est proportionnelle au montant de la pension, ce qui signifie qu’elle bénéficie davantage aux personnes percevant des pensions élevées, souvent des hommes.
La majoration pour enfants s’applique à plusieurs régimes de retraite, avec des différences notables :
Régime | Majoration appliquée |
---|---|
Régime général (CNAV, MSA, RSI, professions libérales depuis 2023) | +10 % pour les parents de 3 enfants ou plus |
Fonction publique et régimes spéciaux (SNCF, RATP, IEG, etc.) | +10 % pour 3 enfants, +5 % par enfant supplémentaire |
Agirc-Arrco (complémentaire des salariés du privé) | Sur les droits obtenus à partir de 2019, +10 % pour 3 enfants et plus, mais cette majoration est plafonnée à 2 367,48 euros par an depuis le 1er novembre 2024 |
IRCANTEC (complémentaire des contractuels de la fonction publique) | +10 % pour 3 enfants et plus |
Dans certains régimes, la majoration est plafonnée (notamment en complémentaire) et peut être soumise à des conditions particulières.
En 2020, le coût de la majoration pour enfant atteignait 8,4 milliards d’euros, soit 2,9 % du total des pensions de droit direct sans atteindre les objectifs assignés par les pouvoirs publics. Si la proportion de femmes et d’hommes concernés est équilibrée, l’écart de pension moyen entre sexes demeure criant.
En raison de la proportionnalité du dispositif, les hommes perçoivent en moyenne 136 euros, contre 77 euros pour les femmes. Les sommes versées au titre de la majoration augmentent avec le niveau de pension. Les retraités du dernier décile perçoivent 137 millions d’euros par an au titre de cette majoration, contre 21 millions pour le premier décile. La majoration renforce donc les écarts de pension. Bien que les femmes interrompent plus souvent leur carrière pour élever leurs enfants, elles ne bénéficient pas davantage de cette majoration. L’écart de pension entre hommes et femmes reste ainsi élevé même après application de la majoration.
Le Conseil d’orientation des retraites (COR) et la DREES ont envisagé trois scénarios de réforme visant à associer justice sociale et soutenabilité financière.
La première approche consisterait à transformer la majoration proportionnelle en un forfait de 150 euros par mois, revalorisé selon le salaire moyen par tête. L’objectif serait d’assurer une redistribution plus équitable sans modifier le périmètre des bénéficiaires.
Avec cette réforme, les pensions des plus modestes augmenteraient de 8,5 %, tandis que celles des plus aisés reculeraient de 1,6 %. Elle aurait un effet marginal sur l’écart hommes-femmes, avec un ratio passant de 84,9 % à 85,5 %. Le coût pour les finances publiques serait stable dans les prochaines années.
Une réforme pourrait consister à réserver le dispositif aux femmes avec une majoration accordée dès le premier enfant. La majoration serait de +3 % pour un enfant, +6 % pour deux, +13 % pour trois ou plus. Un plafonnement à 3 000 euros annuels serait introduit. 80 % des femmes seraient gagnantes, mais 33 % des hommes seraient perdant. L’écart de pension hommes-femmes serait réduit, avec un ratio passant de 84,9 % à 90,4 %.
Le troisième scénario réalise la synthèse des deux précédents. Il propose une majoration forfaitaire selon le nombre d’enfants : 40 euros pour un enfant, 80 pour deux, 160 pour trois et plus. Comme dans le scénario B, il serait réservé aux femmes. Ce dispositif serait fortement redistributif. Les femmes du premier quintile verraient leur pension augmenter de 21 %, celles du dernier quintile de seulement 0,4 %. Il permettrait une réduction des inégalités, avec un ratio hommes-femmes à 90,9 % et un rapport entre pensions les plus élevées et les plus basses passant de 8,0 à 7,1. Le coût budgétaire de la réforme serait, en revanche, plus élevé à long terme (+0,08 point de PIB en 2090).
La majoration de pension pour les parents de trois enfants ou plus illustre bien les dilemmes récurrents de notre système de retraite : concilier équité, incitation et soutenabilité budgétaire. Si ce mécanisme a longtemps été perçu comme un levier de compensation pour les familles nombreuses, il apparaît aujourd’hui comme un facteur d’inégalités, bénéficiant davantage aux retraités les plus aisés et ne répondant que partiellement aux objectifs initiaux. Les pistes de réforme proposées traduisent cette volonté d’adaptation. Une majoration forfaitaire permettrait de mieux cibler les bénéficiaires modestes, un recentrage sur les femmes corrigerait en partie l’écart de pensions entre les sexes, tandis qu’une approche mixte maximiserait l’effet redistributif.
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