Accueil > Actualités > Les éditos du Président > 2025 >
Les gouvernements passent, mais les problèmes demeurent. Ils tendent même à s’aggraver et deviennent, par conséquent, de moins en moins faciles à résoudre. La retraite en est l’un des meilleurs exemples. La France est socialement engluée depuis 2023, voire 2019, en raison de son système de retraite. Si le constat est simple, aucune solution n’est, en revanche, jugée acceptable par une majorité de Français. Les régimes de retraite sont confrontés à un choc démographique : 5 millions de retraités en 1981, 17 millions aujourd’hui, 23 millions d’ici 2070. Dans le même temps, la croissance se dérobe sous nos pieds. L’objectif est de permettre à chacun de vivre le mieux possible les dernières années de sa vie. Jusqu’à présent, notre système de retraite a plutôt bien rempli cette mission. Pour que cela perdure, des ajustements sont nécessaires. Les réformes brutales ne passent plus, car elles sont sources d’injustice et d’incompréhension. Le président Emmanuel Macron a sans doute manqué le coche en 2018 avec son projet de réforme visant à instaurer un grand régime de retraite par points. Le choix d’un système unique, centralisé et bureaucratisé fut sans nul doute une erreur. C’est un gâchis, car un régime par points offre de la souplesse de gestion et une possibilité de personnalisation. De manière incompréhensible, le chef de l’État a abandonné ce grand projet qui fut pourtant l’un de ses engagements de campagne en 2017, soutenu dans son principe par la CFDT. Il reprenait une ancienne promesse de la droite et du centre, formulée dès 1992… pour finalement se rabattre sur un simple report de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, une mesure paramétrique d’un autre temps.
Depuis des années, je plaide pour l’abandon de l’âge de la retraite comme couperet, au profit d’une retraite à la carte. L’introduction d’un système actuariel par points, prenant en compte l’espérance de vie après 60 ans, offrirait la possibilité de s’affranchir de l’âge légal. En Suède, en Italie et en Allemagne, un tel système a été adopté. Il permet un pilotage fin des régimes de retraite. Avec les outils numériques actuels, il serait même envisageable de personnaliser les pensions en intégrant l’incidence des métiers exercés au cours d’une carrière sur l’espérance de vie. Une telle personnalisation serait source d’équité.
En 1945, la France a fait le choix du tout-répartition, car c’était alors la solution la moins coûteuse et la plus rapide à mettre en œuvre. L’absence de fonds de pension pénalise aujourd’hui à la fois les retraités et l’économie. Sans effacer totalement les contraintes démographiques, la capitalisation permet de disposer de revenus moins dépendants de la situation de l’économie nationale. Dès 1993, j’ai proposé l’affiliation de tous les actifs à un produit d’épargne retraite. Cette proposition demeure d’actualité : seuls un quart des actifs en bénéficient aujourd’hui.
Au-delà des questions d’âge ou de financement, je suis convaincu que le dossier des retraites relève avant tout des partenaires sociaux. Ne gèrent-ils pas avec efficacité le principal régime de retraite complémentaire, l’AGIRC-ARRCO, qui dispose de plus de 70 milliards d’euros de réserves ? L’étatisation des régimes sociaux a conduit tout à la fois à un blocage complet et à l’accroissement des déficits. À côté du domaine de la loi et du règlement, il faudrait créer un domaine social, protégé constitutionnellement, afin de permettre au dialogue social de s’exprimer sans l’ombre portée de l’exécutif.
Jean-Pierre Thomas
Président du Cercle de l’Épargne
contact@cercledelepargne.com