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La réforme version 2023 est entrée en vigueur. Elle s’inscrit dans le processus engagé depuis 1993 d’adaptation des régimes de retraite au vieillissement de la population. Après avoir tenté un big bang des retraites, le Président de la République a opté, en 2023, pour une réforme paramétrique avec comme objectifs l’augmentation du taux d’emploi et la diminution des dépenses de retraite en jouant essentiellement sur l’âge de départ effectif. La mesure phare est constituée du report de l’âge légal de 62 à 64 ans. Ce report s’appliquera de manière progressive. Il est complété par l’accélération de la réforme Touraine de 2014 qui prévoyait le passage de 42 à 43 ans de la durée de cotisation. Par ailleurs, le gouvernement a décidé d’éteindre progressivement les régimes spéciaux, les nouveaux salariés embauchés à compter du 1er septembre 2023 au sein des entreprises concernées relèvent du régime général.
En parallèle aux mesures d’âge, le gouvernement a prévu plusieurs mesures compensatoires qui concernent en particulier la revalorisation des petites pensions les carrières longues, le cumul emploi/retraite, la retraite progressive et l’amélioration des droits des femmes en matière de retraite.
La réforme des retraites, adoptée au printemps, entre en vigueur à compter du 1er septembre. L’âge légal de départ à la retraite sera progressivement repoussé de 62 ans aujourd’hui à 64 ans en 2030, à raison de trois mois par an. Les actifs nés entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961 sont les premiers concernés. L’âge légal sera de 64 ans pour la génération 1968. Par ailleurs, le passage de la durée de cotisation de 42 à 43 ans est accéléré. Cette mesure sera effective dès la génération 1965 quand initialement elle ne devait s’appliquer totalement qu’à partir de la génération 1973. À compter du 1er septembre, les nouveaux salariés des entreprises bénéficiant d’un régime spécial de retraite ne pourront plus y prétendre, seuls les anciens continueront à en bénéficier.
Pour les actifs relevant du régime général ou des régimes alignés, l’âge de la retraite à taux plein, âge à partir duquel il est possible de partir sans décote n’est pas modifié et demeure fixé à 67 ans.
Le report de deux ans de l’âge légal concerne également les fonctionnaires.
La limite d’âge des fonctionnaires de la catégorie sédentaire
Fonctionnaire de la catégorie sédentaire né en | Limite d’âge |
1952 | 65 ans et 9 mois |
1953 | 66 ans et 2 mois |
1954 | 66 ans et 7 mois |
1955 ou après | 67 ans |
La limite d’âge des fonctionnaires de la catégorie active
fonctionnaire de la catégorie active né en | Limite d’âge |
1957 | 60 ans et 9 mois |
1958 | 61 ans et 2 mois |
1959 | 61 ans et 7 mois |
1960 ou après | 62 ans |
Les autres limites d’âge des emplois actifs, notamment celle fixée à 55 ans pour certains personnels de sécurité sont également concernées par ce relèvement et passent au même rythme progressif à 57 ans.
Les limites d’âge des militaires sont également concernées par ce relèvement progressif de deux ans.
Les personnes « justifiant d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 20 % » pourront partir à 60 ans à la retraite et celles « justifiant d’un taux de 10 à 19 % » pourront partir à 62 ans. Les autres devront saisir le médecin-conseil qui évaluera leur demande.
L’âge de perception du minimum vieillesse reste fixé à 62 ans pour les personnes invalides ou inaptes au travail. Le complément de retraite appelé Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) sera désormais versé aux personnes reconnues inaptes au travail, ainsi qu’aux personnes handicapées, dès qu’elles auront atteint « l’âge légal » de départ en retraite. Le décret précise que cet âge d’obtention sera maintenu à 62 ans pour ces bénéficiaires potentiels.
La réforme des retraites a modifié le régime des carrières longues qui permet à des actifs ayant commencé à cotiser jeunes de pouvoir procéder à la liquidation des droits à la retraite avant l’âge légal fixé par la loi. Le report de celle-ci à 64 ans a amené le gouvernement à ajuster ce régime.
Avec la réforme 2023, depuis le 1er septembre, quatre dispositifs remplacent les deux qui existaient jusqu’à maintenant. Les personnes, qui auront validé cinq trimestres l’année de leurs 16, 18, 20 ou 21 ans (et une carrière complète cotisée, soit 172 trimestres à terme) pourront partir respectivement à 58, 60, 62 ou 63 ans.
Le décret d’application prévoit une clause de sauvegarde qui concerne des personnes nées jusqu’en août 1963 et qui atteignent donc 60 ans avant le 31 août 2023 (inclus). Ces personnes pouvaient être pénalisées par l’entrée en vigueur de la réforme en cas de départ après le 1er septembre :
Les modifications du dispositif « carrières longues » ont également donné lieu à la publication, le 10 juillet dernier, d’une circulaire de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse qui faisait suite au décret d’application du 3 juin 2023. Grâce à la circulaire, 30 000 dossiers en attente depuis plusieurs mois pourront être réglés. Les personnes concernées seront informées du déblocage de leur dossier.
La durée d’assurance cotisée minimum pour ouvrir droit à cette retraite anticipée correspond à la durée d’assurance requise pour obtenir le taux plein pour sa génération. Aux périodes réputées cotisées existantes, la réforme prévoit deux nouvelles périodes, sans dépasser 4 trimestres : l’assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF) et l’assurance vieillesse spécifiquement dédiée aux aidants (AVA). Les personnes ayant été en contrat d’apprentissage du 1er juillet 1972 au 31 décembre 2013 auront également la possibilité de procéder à un rachat de trimestres au titre des périodes pour lesquelles le montant des cotisations était insuffisant pour leur permettre d’en valider.
Tableau des dispositifs carrière longue
Naissance | Trimestres cotisés jeune (1) | Trimestres cotisés vie entière | Départ |
Après 9/1961 (3) | 16 ans | 169 | 58 ans |
20 ans | 169 (6) | 60 ans | |
1962 | 16 ans | 169 | 58 ans |
20 ans | 169 (6) | 60 ans | |
8/1963 (4) | 16 ans | 170 | 58 ans |
18 ans | 170 | 60 ans | |
20 ans | 170 (6) | 60 ans | |
9/1963 (5) | 16 ans | 170 | 58 ans |
18 ans | 170 | 60 ans | |
20 ans | 170 | 60 ans et 3 mois | |
1964 | 16 ans | 171 | 58 ans |
18 ans | 171 | 60 ans | |
20 ans | 171 | 60 ans et 6 mois | |
1965 | 16 ans | 172 | 58 ans |
18 ans | 172 | 60 ans | |
20 ans | 172 | 60 ans et 9 mois | |
21 ans (7) | 172 | 63 ans | |
1966 | 16 ans | 172 | 58 ans |
18 ans | 172 | 60 ans | |
20 ans | 172 | 61 ans | |
21 ans | 172 | 63 ans | |
1967 | 16 ans | 172 | 58 ans |
18 ans | 172 | 60 ans | |
20 ans | 172 | 61 ans et 3 mois | |
21 ans | 172 | 63 ans | |
1968 | 16 ans | 172 | 58 ans |
18 ans | 172 | 60 ans | |
20 ans | 172 | 61 ans et 6 mois | |
21 ans | 172 | 63 ans | |
1969 | 16 ans | 172 | 58 ans |
18 ans | 172 | 60 ans | |
20 ans | 172 | 61 ans et 9 mois | |
21 ans | 172 | 63 ans | |
1970 | 16 ans | 172 | 58 ans |
18 ans | 172 | 60 ans | |
20 ans | 172 | 62 ans | |
21 ans | 172 | 63 ans |
Le gouvernement a publié, au Journal Officiel du 30 juillet 2023, les décrets mettant en œuvre la disparition progressive des régimes spéciaux. À compter du 1er septembre 2023, les nouveaux entrants à la RATP, au sein des entreprises des industries électriques et gazières (EDF, Engie, ERDF…), en tant que clercs de notaire ou en tant que salariés de la Banque de France seront ainsi affiliés au régime général des retraites. Le mécanisme dit de la « clause du grand-père », déjà retenu pour la réforme de la SNCF en 2018, concerne tous les régimes spéciaux. Cela signifie que pour les salariés entrés avant le 1er septembre, leurs pensions seront calculées selon les anciennes règles spécifiques aux régimes spéciaux. En revanche, ils seront néanmoins concernés par le décalage progressif de deux ans de l’âge légal de départ en retraite avec un calendrier qui leur sera propre (en règle générale à partir du 1er janvier 2025) et l’accélération de la réforme Touraine de 2014.
Pour ces régimes spéciaux, le calendrier du relèvement de l’âge de départ de 60 à 62 ans a été décalé afin de tenir en compte de l’entrée en vigueur des aménagements décidés entre 2007 et 2009. À la RATP, ce n’est qu’à partir de la génération née en 1962 que l’âge légal a été relevé à 62 ans. Si le calendrier des régimes spéciaux avait été calqué sur celui des salariés du privé, la génération née en 1963 aurait dû travailler jusqu’à 62 ans et 9 mois. Soit un relèvement de neuf mois pour une génération. Pour éviter une augmentation trop brutale, le calendrier a été décalé. Il en est de même pour les salariés des régimes spéciaux pouvant partir avant 62 ans.
Relèvement de l’âge légal de 62 à 64 ans
Génération | Relèvement régime général | Relèvement régimes spéciaux |
1961 | 62 ans et 3 mois | |
1962 | 62 ans et 6 mois | |
1963 | 62 ans et 9 mois | 62 ans et 3 mois |
1964 | 63 ans | 62 ans et 6 mois |
1965 | 63 ans et 3 mois | 62 ans et 9 mois |
1966 | 63 ans et 6 mois | 63 ans |
1967 | 63 ans et 9 mois | 63 ans et 3 mois |
1968 | 64 ans | 63 ans et 6 mois |
1969 | 63 ans et 9 mois | |
1970 | 64 ans |
Relèvement de l’âge légal de 57 à 59 ans
Année de naissance | Âge légal |
1968 | 57 ans et 3 mois |
1969 | 57 ans et 6 mois |
1970 | 57 ans et 9 mois |
1971 | 58 ans |
1972 | 58 ans et 3 mois |
1973 | 58 ans et 6 mois |
1974 | 58 ans et 9 mois |
1975 | 59 ans |
Relèvement de l’âge légal de 52 à 54 ans
Année de naissance | Âge légal |
1973 | 52 ans et 3 mois |
1974 | 52 ans et 6 mois |
1975 | 52 ans et 9 mois |
1976 | 53 ans |
1977 | 53 ans et 3 mois |
1978 | 53 ans et 6 mois |
1979 | 53 ans et 9 mois |
1980 | 54 ans |
Si le calendrier est unique pour les régimes spéciaux, en ce qui concerne le report de l’âge, ce n’est pas le cas pour le relèvement de la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein. À la Banque de France, la génération née en 1963 sera la première concernée. Sa durée d’assurance pour obtenir le taux plein passera de 168 à 169 trimestres. Elle augmentera d’un trimestre par génération pour atteindre 172 trimestres (soit 43 ans) à partir des assurés nés en 1966. Le rythme sera plus lent à la RATP. Selon le décret supprimant ce régime spécial, le nombre de trimestres pour toucher une retraite à taux plein sera porté à 169 pour les travailleurs nés en 1963, à 170 trimestres pour les assurés nés en 1964 et 1965, à 171 pour ceux nés en 1966 et 1967 et à 172 trimestres pour tous les assurés nés à partir du 1er janvier 1968. Pour les Industries électriques et gazières (IEG), la durée nécessaire pour obtenir le taux plein dépend de la durée de service actif. Pour les agents qui ont accompli des services effectifs actifs, insalubres et militaires durant au moins cinq ans, la durée de cotisation pour obtenir le taux plein sera de 169 trimestres pour ceux nés avant le 1er janvier 1964. Elle sera de 170 trimestres pour ceux nés entre le 1er janvier 1964 et le 31 décembre 1966, puis passera à 171 trimestres pour ceux nés entre le 1er janvier 1967 et le 31 décembre 1968. Elle rattrapera celle du régime général (soit 172 trimestres) pour ceux nés à compter du 1er janvier 1969. Cette durée sera effective dans le régime de base dès la génération 1965.
Un des décrets du 11 août confirme une revalorisation de 100 euros par mois de la pension minimale. Cette mesure s’appliquera aux nouveaux retraités à partir du 1er septembre. 200 000 personnes par an selon le ministère du Travail, soit un quart des nouveaux retraités chaque année pourraient en bénéficier. Cette revalorisation sera indexée non plus sur l’inflation mais sur le SMIC, afin de garantir à terme un minimum pour la pension égale à 85 % du SMIC pour un salarié payé au SMIC et ayant eu une carrière complète. Cette majoration sera attribuée au prorata pour chaque assuré, soit 100 euros mensuels pour les carrières complètes et moins pour les autres. Pour les actuels retraités, la revalorisation des faibles pensions concernera 1,7 million de personnes. Cette revalorisation sera mise en œuvre dès l’automne pour 700 000 d’entre eux et à partir du printemps 2024 pour les autres, le temps pour les caisses de retraite de recalculer leurs droits (avec effet rétroactif à septembre 2023).
Un des décrets précise également que l’instauration d’un minimum vieillesse qui sera ouvert à compter du 1er septembre au profit des aidants de personnes dépendantes. Ils sont rattachés au régime général des retraites.
Le dispositif de « la retraite progressive », mécanisme permettant aux travailleurs proches de la retraite de poursuivre leur activité professionnelle à temps partiel tout en touchant une partie de leur pension tous les mois a été modifié par la loi et donne lieu à un décret d’application. Désormais, l’ensemble des travailleurs français pourront y avoir recours, en particulier les fonctionnaires. Le dispositif était jusqu’à maintenant réservé aux salariés du privé, artisans et commerçants. Le passage à la retraite progressive est également facilité. L’entreprise devra motiver son refus au salarié. Par ailleurs, à compter du 1er septembre 2023, dans le cadre du cumul emploi/retraite, les cotisations versées au titre de l’activité professionnelle sont à nouveau prises en compte pour la retraite comme cela était le cas avant 2015. Ces cotisations contribuent ainsi à améliorer les pensions des personnes en cumul emploi/retraite.
Des dispositions réglementaires ont été prises pour préciser l’usure professionnelle. Le nouveau Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU) destiné à améliorer la prévention des risques professionnels sera doté d’un milliard d’euros sur 5 ans. Le seuil de risque pour le travail de nuit est abaissé de 120 à 100 nuits par an, tandis que le travail posté (rythme rotatif, continu ou discontinu) voit son seuil abaissé de 50 à 30 nuits par an. Le nombre de points acquis augmentera proportionnellement au nombre de facteurs de risques auxquels les salariés sont exposés.
Un nouveau décret publié mardi 22 août, précise le dispositif visant à majorer le montant de la pension touchée par les mères et les pères de famille. Cette mesure étend le mécanisme de surcote aux mères de famille ayant atteint le taux plein avant 64 ans, le futur âge légal de départ à la retraite. Cette majoration de pension pourra aller jusqu’à 1,25 % par trimestre supplémentaire travaillé entre 63 et 64 ans, soit 5 % au titre d’une année entière. Bénéficieront de cette surcote les mères de famille ayant obtenu l’ensemble de leurs trimestres dès 63 ans pour une retraite à taux plein et étant titulaires d’au moins un trimestre de majoration de la durée d’assurance au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation de l’enfant. À noter que les pères de famille seront également éligibles à cette surcote, qui s’appliquera aux pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2023.
Pour les femmes prenant leur retraite à compter du 1er septembre 2023 et ayant eu un ou plusieurs enfants avant 2012, les indemnités journalières perçues pendant le(s) congé(s) maternité seront prises en compte dans le calcul de la moyenne de leurs 25 meilleures années de salaires. Aujourd’hui, ce mode de calcul ne s’applique que pour les naissances postérieures à l’année 2012. Cette mesure vise également à améliorer le niveau de pension perçue par les mères de famille. La prise en compte des indemnités journalières dans le salaire de base servant au calcul de la pension de retraite s’effectuera sur la base d’un forfait correspondant à une fraction du salaire médian de l’année précédant la naissance.
Ce forfait sera égal à :
Pour une femme ayant eu son premier enfant en 2011, la somme prise en compte dans le calcul de sa pension de retraite sera de 642,50 euros (1 675 x 140/365), le salaire médian étant de 1 675 euros par mois en 2010, soit un an avant la naissance de son enfant.
Un décret précise les conditions de la toute nouvelle comptabilisation pour les droits à la retraite des travaux d’utilité collective (TUC), qui avaient été institués au début des années 1980. Sont également concernés par cette mesure d’autres ex-contrats aidés, les stages pratiques en entreprise, les stages « jeunes volontaires », les stages d’initiation à la vie professionnelle et les programmes d’insertion locale. Un service dédié pour les personnes ayant effectué ces différents stages ouvrira fin septembre. Enfin, ce décret assouplit le rachat de trimestres de retraite au titre des stages (jusqu’à l’âge de 30 ans) et pour études supérieures (jusqu’à 40 ans). Les sportifs de haut niveau au titre de leur activité pourront valider des périodes doubles.
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