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Retraite, France/Allemagne, refaisons le match !

Retraite 13 janvier 2025

L’Allemagne, premier partenaire économique européen de la France, est confrontée, plus encore que cette dernière, au vieillissement de sa population. Elle a entrepris des réformes majeures de son système de retraite dès les années 1990. Ces réformes ont permis de préserver la viabilité financière des régimes de retraite et se sont accompagnées d’une montée en puissance de l’épargne retraite.

Les fondements du système allemand de retraite

Au cœur du système allemand se trouve le régime de base obligatoire, couvrant près de 92 % des actifs. Certains groupes professionnels disposent de régimes spécifiques, bien qu’intégrés dans le système général. Il convient ainsi de distinguer le régime des indépendants agricoles (géré par la Landwirtschaftliche Alterskasse) et celui des professions libérales (médecins, avocats, architectes, etc.) qui sont affiliés à des caisses professionnelles obligatoires (Versorgungswerke). Ces caisses fonctionnent souvent sur un modèle de capitalisation.

En Allemagne, les fonctionnaires bénéficient également d’un système de retraite distinct des autres catégories de travailleurs. Ils ne cotisent pas au système général de retraite (Deutsche Rentenversicherung) mais dépendent d’un régime spécial appelé Versorgung der Beamten, ou système de pensions des fonctionnaires. Ce régime, par répartition, est financé par l’État. Contrairement aux salariés, les fonctionnaires ne versent pas de cotisations sociales pour leur retraite. Leur pension est directement financée par le budget de l’État. Le montant de leur retraite est calculé en fonction de leur ancienneté dans le service public et de leur dernier salaire brut. Le taux de remplacement peut atteindre jusqu’à 71,75 % du dernier salaire après 40 ans de service.

Hors régimes particuliers, le régime général fonctionne par points. Chaque année de cotisation génère un certain nombre de points proportionnels au salaire brut. Au moment de la retraite, ces points sont multipliés par leur valeur, actualisée chaque année. En 2024, un point valait 37,60 euros.

Avec les réformes Hartz au début du XXIe siècle, des mesures ont été prises pour encourager le développement des régimes complémentaires d’entreprise et de l’épargne individuelle (plans Riester). Ces dispositifs, introduits en 2001, offrent des avantages fiscaux permettant à chaque contribuable de déduire jusqu’à 2 100 euros de ses revenus imposables. En 2023, seuls 15,5 millions de contrats avaient été souscrits.

Une mécanique de pilotage pour garantir l’équilibre des régimes de retraite

Si l’Allemagne est souvent citée pour la rigueur de son système, c’est en grande partie grâce à ses mécanismes automatiques de pilotage. Chaque variable du système – cotisations, valeur des pensions ou âge de départ – peut être ajustée pour préserver l’équilibre financier. Par exemple, la valeur des pensions évolue selon une formule intégrant les salaires, les cotisations et un facteur démographique. Ce dernier, appelé facteur de soutenabilité, agit comme un stabilisateur automatique, modérant les hausses lorsque le nombre de retraités augmente plus vite que celui des cotisants.

Cette approche a permis de contenir les dépenses publiques à 10,2 % du PIB en 2023, bien en deçà des 14 % observés en France.

L’âge légal de départ à la retraite est de 67 ans pour les générations nées après 1964. Pour les générations nées entre 1947 et 1964, l’âge légal augmente progressivement, de 65 ans à 67 ans, à raison de deux mois supplémentaires par année de naissance. Un départ est possible à partir de 63 ans pour ceux ayant cotisé au moins 45 ans. Les personnes ayant cotisé au moins 35 ans peuvent partir avant l’âge légal, mais avec des réductions sur le montant de leur pension. Des pénalités s’appliquent pour chaque mois manquant avant l’âge légal (environ 0,3 % par mois, soit 3,6 % par année d’anticipation). Les personnes ayant commencé à travailler tôt (par exemple à 18 ans) peuvent bénéficier de leur retraite sans pénalité dès 63 ans.

La période de 45 années inclut les périodes de travail, les périodes d’éducation des enfants (jusqu’à 3 ans par enfant) et certaines périodes de chômage indemnisé.

Les actifs peuvent continuer à travailler au-delà de l’âge légal (retraite flexible), ce qui augmente le montant de leur pension.

Des inégalités plus importantes du côté allemand

Avec un taux de remplacement moyen de 74 % pour une carrière complète, les retraités français conservent un niveau de vie proche de celui des actifs. Par unité de consommation, leur niveau de vie était, en 2022, même légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population. En Allemagne, le niveau de vie des retraités est de 12 % inférieur à la moyenne de la population.

Si le système allemand se distingue par son efficacité budgétaire, il est loin d’être égalitaire. En 2023, la pension nette moyenne était de 1 091 euros par mois. Mais cette moyenne cache des écarts criants. Les hommes touchent en moyenne 1 309 euros, contre seulement 888 euros pour les femmes. Ces disparités reflètent les inégalités de parcours professionnels, les femmes accumulant souvent moins de points en raison de carrières interrompues ou à temps partiel.

Par ailleurs, la pauvreté des retraités constitue une ombre au tableau. En 2020, près de 20,9 % des Allemands âgés de 65 ans et plus vivaient sous le seuil de pauvreté, contre 12,2 % en France. Ce phénomène est particulièrement aigu chez les retraités ayant travaillé dans des secteurs à faible rémunération ou avec des carrières hachées. Si l’introduction de la Grundrente, une pension minimale pour les faibles revenus, marque une avancée, elle reste insuffisante pour combler ces écarts.

Les inégalités au sein des retraités, mesurées par le rapport interdécile (D9/D1), sont plus élevées en Allemagne (3,3) qu’en France (3,0). Cette différence reflète un système socio-fiscal plus redistributif en France.

En France, les ménages âgés de 75 ans et plus possèdent un patrimoine médian de 200 000 euros. En Allemagne, ce chiffre tombe à 120 000 euros, traduisant une désaccumulation plus fréquente.

En France, la possession de la résidence principale est souvent perçue comme un rempart contre les aléas de la retraite. En 2022, 75 % des ménages français de plus de 65 ans étaient propriétaires, contre moins de 40 % en Allemagne. Cette différence s’explique par des choix culturels et économiques. En Allemagne, les retraités n’hésitent pas à désaccumuler leur patrimoine immobilier, en vendant ou en louant leur logement pour financer leurs besoins. Cette approche, bien qu’efficace, les expose davantage aux fluctuations du marché locatif.

Perspectives

Face à des défis démographiques colossaux – un ratio de dépendance atteignant 55 % d’ici 2070 – l’Allemagne continue d’ajuster son système. Le relèvement progressif de l’âge de départ à 67 ans d’ici 2031 constitue une mesure phare, tout comme les efforts pour simplifier l’épargne retraite individuelle. Ces réformes, bien que pragmatiques, suscitent des débats : comment garantir l’équité entre générations tout en préservant la soutenabilité financière ? Une opposition se dessine contre le report de l’âge de la retraite, sachant qu’un nombre croissant d’Allemands quittent le monde du travail avant celui-ci, au prix de décotes.

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