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Retraite : au cœur du baby-boom

Retraite 11 septembre 2025

La retraite est le premier pilier du système de protection sociale en France. Elle est un des éléments essentiels du pacte social. Plus de 17 millions de personnes dépendant des régimes de retraite. Ces derniers offrent un horizon de sécurité qui dépasse les bénéficiaires pour constituer un élément de l’identité collective. Le dernier rapport de la DREES, le service statistique du Ministère de la Santé, « Les retraités et les retraites », délivre une radiographie précise du système de retraite français et un miroir du futur.

L’édition de 2025 intègre les données arrêtées fin 2023 et s’inscrit dans un moment particulier, celui du début du relèvement progressif de l’âge légal de 62 à 64 ans. L’année 2023 a été également marquée par le retour de l’inflation qui, par le jeu des indexations, a perturbé les comptes des différents régimes. La faible croissance, enfin, remet en tension le système de retraite trois ans à peine après le choc généré par l’épidémie de Covid.

Le poids économique des retraites : plus de 13 % du PIB

Les pensions de vieillesse et de survie représentent 370 milliards d’euros en 2023, soit 13,1 % du PIB. Ce chiffre, stable depuis plusieurs années, rappelle l’ampleur de l’effort consenti. La France se situe dans le haut du classement européen : en Allemagne, les retraites pèsent 11,8 % du PIB, en Espagne 12,3 %, en Suède 10,2 %. Seule l’Italie consacre une part plus importante de sa richesse nationale à la retraite. Le niveau de vie des retraités français est nettement supérieur à la moyenne européenne. Le taux de pauvreté des plus de 65 ans y est de 9 %, inférieur à la moyenne nationale (14 %).

Les projections du Conseil d’orientation des retraites font apparaître, selon les hypothèses de croissance et d’emploi, que les dépenses pourraient atteindre entre 14,5 et 15 % du PIB en 2035, avant une stabilisation. La France consacre près de 50 % de ressources publiques en plus que la moyenne de l’OCDE pour garantir aux retraités un niveau de vie proche, voire égal, à celui des actifs. Le vieillissement démographique renforce ces tensions. En 2024, les plus de 65 ans représentent déjà 21 % de la population française. D’ici 2070, ils en constitueront près de 29 %.

En 2022, le taux de remplacement net d’un salarié français partant à la retraite (ratio pensions/revenus d’activité) après une carrière complète atteignait 71,9 %. C’est bien plus que la moyenne de l’OCDE (61 %), et nettement au-dessus des performances de pays comme l’Allemagne ou les États-Unis. Seuls quelques pays, comme le Portugal (98,8 %) ou les Pays-Bas (93 %), offrent davantage de générosité.

En 2019, le revenu médian mensuel des retraités, en France, atteignait 1 900 euros, soit 3,3 % de plus que celui de l’ensemble de la population. Si l’on ajoute l’effet « patrimoine » — un logement plus fréquemment possédé que loué —, l’écart grimpe à +9,5 %. Ces ratios sont néanmoins en baisse depuis 2017.

En 2023, le taux de pauvreté monétaire des retraités français s’élevait à 11,1 %, quand celui de l’ensemble de la population atteignait 15,4 %. En comparaison, l’OCDE affiche des chiffres nettement plus sévères : 12,5 % des 66-75 ans et 16,6 % des plus de 76 ans vivent sous le seuil de pauvreté relatif.

L’écart est encore plus criant face à l’Allemagne (20,9 % de pauvreté senior) ou aux États-Unis, où plus d’un cinquième des plus de 65 ans survit avec des revenus insuffisants.

Plus de 17 millions de pensionnés

En 2023, 17,2 millions de personnes perçoivent une pension de droit direct d’au moins un régime français. Elles étaient 13 millions au tournant du siècle et 5 millions en 1981. En vingt ans, la population des pensionnés s’est accrue de quatre millions, soit l’équivalent de la population de la Croatie. Avec la prise en compte des 4,4 millions de bénéficiaires de pensions de réversion, 18,1 millions de personnes touchent des revenus en provenance des différents régimes français de retraite.

Le ratio entre actifs et retraités, qui était encore de deux pour un en 2004, n’est plus que de 1,7. Autrement dit, chaque actif soutient, par ses cotisations, plus d’un demi-retraité. Ce ratio, qui s’est stabilisé autour de ce niveau depuis 2020, n’ira pas en s’améliorant. Il devrait d’ici 2070 se situer autour de 1,4.

La composition de cette population reflète les mutations sociales. Les femmes représentent désormais 53,1 % des retraités de droit direct, contre 50,8 % en 2004. Ce basculement n’est pas seulement dû à leur espérance de vie plus longue. Il traduit surtout la montée en puissance des générations féminines massivement entrées sur le marché du travail à partir des années 1970.

L’âge de départ : un horizon qui recule

L’« âge conjoncturel » de départ à la retraite – indicateur privilégié, car il neutralise les effets générationnels – s’établit, en France, à 62 ans et 9 mois fin 2023, soit deux ans et trois mois de plus qu’en 2010. Ce report est imputable aux différentes réformes adoptées depuis 1993 et notamment à celle de 2010 qui a porté progressivement l’âge de la retraite à 62 ans. La réforme de 2023 devrait conduire à augmentation de l’âge de départ conjoncturel de départ à la retraite dans les prochaines années.

En 2023, les femmes liquident leurs droits à 63 ans et 1 mois, soit huit mois après les hommes (62 ans et 5 mois). Cet écart se réduit. Il était de 1 an et 9 mois pour les générations nées dans les années 1930.

Si l’âge de départ recule, le taux d’emploi des seniors demeure faible en France. Seuls 36 % des 60-64 ans travaillent, contre plus de 50 % en Allemagne et 70 % en Suède. L’enjeu des prochaines années est donc l’augmentation de ce ratio.

Les pensions : moyennes, dispersion et « effet de noria »

Fin 2023, la pension brute moyenne de droit direct s’établit à 1 666 euros par mois, soit 1 541 euros après prélèvements sociaux. Après prise en compte des pensions de réversion, le montant atteint 1 827 euros bruts (1 692 euros nets). La dispersion est forte. Le décile inférieur des retraités vit avec moins de 1 000 euros mensuels, quand le décile supérieur dépasse les 2 600 euros.

En valeur nominale, les pensions ont augmenté de +2,4 % entre 2022 et 2023, mais elles ont diminué de 1,2 % corrigé de l’inflation. La perte de pouvoir d’achat des retraités est encore plus marquée en prenant en compte l’évolution des salaires qui ont mieux résisté à l’inflation que les pensions.

« L’effet de noria » – le remplacement des retraités décédés par de nouveaux retraités aux carrières plus complètes – a, ces dernières années, fortement contribué à la hausse des pensions tout comme l’arrivée à l’âge de la retraite de générations de femmes ayant eu des carrières complètes. Mais ce phénomène tend à s’estomper. Entre 2014 et 2017, il ajoutait un point entier de hausse des pensions chaque année. Entre 2018 et 2023, il n’apporte plus que 0,5 point.

Hommes et femmes : une convergence inachevée

En 2023, la pension brute moyenne de droit direct des femmes est de 1 306 euros, contre 2 089 euros pour les hommes. Un écart de 37 %, réduit à 25 % si l’on inclut les pensions de réversion. Cet écart est tout à la fois le produit du passé et le reflet des solidarités familiales. Les femmes – plus souvent à temps partiel, avec des carrières interrompues pour raisons familiales – n’ont pas accumulé les mêmes droits que les hommes. Les réformes successives et l’entrée massive des générations féminines sur le marché du travail depuis les années 1970 ont permis, néanmoins, une réduction de cet écart.

En 2004, la pension des femmes représentait à peine la moitié de celle des hommes. En 2023, elle en atteint les deux tiers. La lenteur du processus dit tout : il faudra encore plusieurs générations pour espérer une égalité réelle. La réversion – perçue par 32 % des retraitées – demeure un instrument central de correction. Il maintient, en revanche, une logique de dépendance conjugale plutôt que de favoriser une pleine autonomie contributive.

Le minimum vieillesse : la dignité en question

Fin 2023, 723 000 personnes perçoivent le minimum vieillesse (Aspa ou Allocation supplémentaire vieillesse), en hausse de 4,6 % par rapport à 2022. Le montant garanti est de 961 euros pour une personne seule et 1 492 euros pour un couple. Ces chiffres disent la persistance d’une pauvreté chez un certain nombre de retraités, pauvreté concentrée essentiellement chez les femmes seules, les immigrés ou les travailleurs ayant eu des carrières incomplètes. Le minimum vieillesse joue le rôle de dernier filet, mais il demeure très inférieur au seuil de pauvreté fixé à 60 % du revenu médian, soit environ 1 120 euros. Même aidés, les bénéficiaires restent souvent pauvres. La France consacre une part record de sa richesse aux retraites – 13,1 % du PIB – mais laisse près d’un million de personnes âgées au bord de la précarité.

La mosaïque des régimes : complexité française

Avec l’échec de la réforme systémique de 2019, le système français continue de se caractériser par la multiplicité de ces régimes. En 2023, plus de 40 régimes obligatoires de base ou complémentaires étaient recensés, bien que nombre d’entre eux aient été intégrés ou alignés. Le régime général, élargi aux indépendants depuis 2020, verse des pensions à 14,6 millions de retraités. Le régime complémentaire des salariés, l’Agirc-Arrco, couvre 12,6 millions de personnes. La fonction publique, État et collectivités, prend, de son côté, en charge 3,7 millions de pensionnés.

Un quart des retraités sont polypensionnés, c’est-à-dire qu’ils perçoivent plusieurs pensions, au titre de différents régimes. Les carrières discontinues, entre secteur privé, public et activité non salariée, ont multiplié ces situations. La fusion de la Sécurité sociale des indépendants au régime général a réduit mécaniquement leur nombre, mais le phénomène demeure élevé.

Retraite et patrimoine : une autre richesse

Les retraités possèdent, par effet d’accumulation, une grande partie du patrimoine des ménages. 74 % d’entre eux sont propriétaires de leur logement, contre 58 % des ménages, en moyenne. Les revenus du patrimoine complètent les pensions. En 2021, selon la DREES, 43 % des retraités déclaraient des revenus financiers imposables, contre seulement 30 % au début des années 2000.

Selon l’INSEE et la DREES, les revenus issus des pensions (régimes de base + complémentaires) représentaient, en 2023, environ 75 % du revenu disponible brut des retraités, ceux du patrimoine, autour de 20 % (avec prise en compte des loyers imputés ou effectifs), les 5 % restant étant liés à des revenus d’activité (cumul emploi – retraite). En moyenne, les seuls revenus financiers assurent 8 à 10 % du revenu total des ménages retraités. Dans les années 1980, les pensions représentaient plus de 80 % du revenu total des retraités. En 2021, selon la DREES, 43 % des retraités déclaraient des revenus financiers imposables, contre seulement 30 % au début des années 2000. L’assurance vie constitue le placement privilégié des retraités qui détiennent plus de plus de 40 % des encours.

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L’édition 2025 de la DREES dessine une ligne de crête. Le système de retraite français permet à une large majorité de retraités de disposer d’un niveau de vie acceptable voire enviable. En revanche, il peine à réduire certaines inégalités comme celles qui concernent les femmes et les hommes. Il est surtout confronté à un défi financier majeur avec l’accélération du vieillissement démographique.

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