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Le régime des marins, un ancêtre aux multiples spécificités

Etudes 14 janvier 2019

Louis XIV se désespérait des défaites de la marine royale face aux flottes espagnoles ou britanniques. Il demanda à son Ministre de la Marine qui était aussi Ministre des Finances de trouver une solution. Celui-ci lui a proposé la mise en place d’un Fonds des Invalides de la Marine, afin d’attirer les meilleurs marins et d’éviter qu’ils ne s’installent comme corsaires ou pire comme pirates. Ainsi, est né entre 1673 et 1681, le premier régime de retraite français, un régime qui fonctionnait alors par capitalisation. Du fait de la faible espérance de vie du marin, le nombre de retraités était réduit. Ce régime a perduré depuis Louis XIV et a pris la forme, en 1930, d’un Établissement National de la Marine (Enim). Ce régime est certainement un des plus particuliers des régimes spéciaux en vigueur. Ses règles sont fixées par le Code des transports et par celui des pensions de retraite des marins français.

Les régimes de retraite français étaient jusqu’à maintenant homogènes en ne gérant qu’une seule catégorie d’actifs. Or, des salariés, des travailleurs non-salariés et des dirigeants d’entreprise peuvent être membres de l’Enim. Certes, depuis 2019, le régime général de la Sécurité sociale traite tout à la fois les salariés et les travailleurs non-salariés qui relevaient de feu le RSI.

Ainsi, sont affiliés à l’Enim :

  • les marins embarqués sur les navires de commerce, de pêche, de culture marine et de plaisance ;
  • les marins qui sont autorisés à valider des services à terre, et leurs ayants droit
  • le conjoint collaborateur de chef d’entreprise de tous secteurs maritimes ;
  • les marins pensionnés et leurs ayants droit ;
  • les élèves qui suivent un enseignement dans un établissement maritime.

Le régime de retraite compte 30 000 cotisants pour 115 000 retraités soit un rapport démographique très dégradé de 1 actif pour 3 retraités contre 1,7 cotisant pour 1 retraité dans le régime général. Ce rapport démographique est lié à la réduction du nombre de pêcheurs et par la réduction des marins de commerce résidant en France.

Autre différence avec les salariés, les marins acquittent une cotisation calculée sur la base d’un salaire forfaitaire correspondant à la fonction qu’ils occupent. Il existe 20 classes de salaire forfaitaire.

Les cotisations s’élèvent à 10,85 % pour le marin (part salariale) et à un pourcentage qui peut aller de 1,6 % à 19,30 % pour les armateurs ou les employeurs, suivant la taille du navire, le type d’activité et les modalités d’exploitation.

 

L’âge de départ à la retraite des marins

Les marins peuvent arbitrer entre plusieurs âges pour partir à la retraite. Le montant des pensions obéit à des règles différentes en fonction de l’option choisie.

La pension d’ancienneté est versée à partir de 50 ans à condition d’avoir 25 années de service ou à 52,5 ans sous réserve d’avoir cotisé 37,5 années. La pension proportionnelle est accordée sur demande à 55 ans après 15 années de service.

La pension spéciale est accordée à partir de 55 ans sous réserve d’avoir cotisé entre 3 mois et 15 ans et d’avoir liquidé une pension dans un autre régime légal. Cette obligation disparaît pour les affiliés de plus de 60 ans.

 

La pension anticipée est donnée sans condition d’âge pour les affiliés reconnus inaptes à la navigation et qui ont réuni au moins 15 annuités.

 

Le régime du cumul emploi/retraite diffère de celui en vigueur pour le régime général ainsi que pour les régimes alignés.

La pension n’est pas cumulable avec une activité relevant de l’Enim avant l’âge de 55 ans. Après cet âge, elle est cumulable avec une activité en mer relevant de l’Enim et une activité dans le secteur privé dans la limite d’un plafond avec une activité dans le secteur public. Ce plafond est le même que pour le cumul emploi/retraite en vigueur pour la fonction publique. En revanche, il n’y a pas de cumul possible s’il s’agit d’une activité à terre relevant de l’Enim.

Depuis le 1er janvier 2018, les cotisations versées à l’Enim après la liquidation de la pension ne donneront droit à aucun droit supplémentaire, règle en vigueur depuis 2015 pour les autres régimes.

Des règles de calcul spécifiques

La pension de retraite des marins dépend du salaire forfaitaire, d’un taux et du nombre d’annuités. Le taux est toujours le même quel que soit le type de pension.

Elle est égale :

Salaire forfaitaire de la catégorie sur les 36 derniers mois x 2 % (taux) x durée des services validés 

Des bonifications existent pour tenir compte des enfants. La pension est majorée de 5 % pour 2 enfants, 10 % pour 3 enfants, 15 % pour 4 enfants et plus.

 

Les conjoints collaborateurs

Le conjoint du chef d’entreprise de pêche ou de cultures marines peut disposer d’une retraite personnelle. Les conditions d’obtentions diffèrent selon le statut du conjoint collaborateur :

Le versement cotisations spécifiques

Le chef d’entreprise peut verser une cotisation correspondant à 8 % du salaire forfaitaire de la troisième catégorie de classement des marins. Le conjoint doit travailler à temps plein ou partiel dans l’entreprise (il peut avoir une autre activité). Le versement de la pension est possible à partir de 55 ans si le conjoint n’exerce plus son activité dans l’entreprise familiale.

La pension s’élève à 1 % du salaire forfaitaire de la troisième catégorie pour une annuité validée.

Le partage des droits sans cotisation supplémentaire

Le dirigeant doit être propriétaire embarqué, et exploiter le navire, avec son seul conjoint. Dans ce cas, le conjoint doit travailler strictement dans l’entreprise. Aucune cotisation n’est ajoutée.

La pension sera calculée normalement, sur la base de la durée de cotisation du dirigeant. Il en recevra deux tiers et un tiers sera versé à son conjoint.

Des règles de réversion distinctes

 

Le conjoint ou ex-conjoint du marin a droit à une pension de réversion en cas de décès de celui-ci. Les conditions varient selon la durée des services effectués par le marin :

 

15 ans de services ou plus Moins de 15 ans de services
Si au moins un enfant est né de l’union :
réversion immédiate et sans condition.Si le couple n’a pas eu d’enfants : pour avoir droit à la réversion, le conjoint survivant doit avoir au moins 40 ans et avoir été marié(e) au moins 2 ans avant la fin de l’activité du marin ou la liquidation de sa retraite de l’Enim.

 

Si le mariage a lieu plus tard, la réversion peut être versée à partir de 55 ans si l’union a duré au moins 4 ans.

Si le conjoint survivant perçoit une autre pension de réversion d’un autre régime que de l’Enim.

 

Si ce n’est pas le cas, la pension de réversion de l’Enim est accordée à partir de 55 ans, à condition que le mariage ait duré au moins deux ans ou ait donné lieu à la naissance d’au moins un enfant.

 

Si ce n’est pas le cas, la pension de réversion de l’Enim est accordée à partir de 55 ans, à condition que le mariage ait duré au moins deux ans ou ait donné lieu à la naissance d’au moins un enfant.

 

La pension de réversion s’élève à 54 % de la pension que percevait ou aurait pu percevoir le défunt. Elle est cumulable avec une pension personnelle.

S’il y a plusieurs ex-conjoints, la réversion est partagée entre eux au prorata de la durée du mariage.

En cas de remariage, le droit à réversion disparaît. Elle peut être transférée aux enfants. En cas de dissolution du nouveau mariage, elle peut être recouvrée.

Les orphelins ont aussi droit à 10 % de la pension dont bénéficiait ou aurait pu bénéficier le défunt.

Bilan comparé de l’Enim avec le régime général

Enim Régime général
Affiliation (PUMa) L’Enim affilie les marins professionnels et les membres de leur famille.

Il n’a pas vocation à affilier les personnes qui n’ont plus de lien avec les métiers de marin.

Le régime général a vocation à affilier toutes les personnes résidant en France de façon régulière, hors critère d’activité professionnelle
Public cible Marins salariés et marins à leur compte sont traités de la même manière Les salariés.

D’autres régimes existent pour les autres catégories (SS indépendants, MSA…) avec des conditions différentes

Assiette pour le calcul des cotisations et contributions Salaire forfaitaire (classement en 20 catégories) Salaire réel
Assiette pour le calcul des prestations en espèces (indemnités journalières, allocation décès…) Salaire forfaitaire (classement en 20 catégories) Salaire réel
Assiette pour le calcul des rentes AT/MP et pensions d’invalidité Salaire forfaitaire (classement en 20 catégories) Salaire réel
Assiette pour le calcul des pensions de retraite Salaire forfaitaire (classement en 20 catégories) Salaire réel
Conditions de cotisation Comptage par journée de cotisation (prévoyance et vieillesse) et annuités (vieillesse) Comptage par heures de travail (prévoyance) et trimestres (vieillesse)
Branches d’assurance Pas de branche AT/MP différenciée (la branche prévoyance regroupe maladie, maternité, invalidité, AT/MP et décès) Branche AT/MP différenciée avec cotisations et gestion spécifique (pénalisation des entreprises accidentogènes)
Branches d’assurances Prise en charge par l’employeur du premier mois des soins et salaires du marin accidenté ou tombé malade à bord (nombreuses exonérations réglementaires) Pas d’équivalent
Branches d’assurance Gestion uniquement de la prévoyance et de la vieillesse + cotisations correspondantes

 

Branches « prévoyance », retraite, chômage, famille… gérées par différents organismes du régime général
Branches d’assurances Maladie en cours de navigation = comme maladie hors navigation mais dont les symptômes se déclarent à bord (conditions de cotisation pour les IJ au bout de 6 mois d’arrêt de travail seulement – Taux particuliers de remboursement des soins) Pas d’équivalent, soit AT/MP, soit maladie
Rentes AT/MP Rente servie à partir de 10 % d’IPP, rien en dessous Indemnité en capital pour les IPP < 10 %, rente au-dessus
Pension d’invalidité maladie 50 % du salaire forfaitaire, transformée en pension de vieillesse possible à partir de 55 ans 50 % du salaire réel, transformée en pension de vieillesse à partir de 60 ans
Pension de veuf ou veuve invalide Non Une pension de veuf ou veuve est servie lorsque le bénéficiaire est invalide à un certain taux.
Pension d’ancienneté pour inaptitude Pension anticipée servie sans condition d’âge Servie à partir de 62 ans mais sans décote (à taux plein)
ITI – indemnité temporaire d’invalidité Inexistant (sauf pour la femme, marin enceinte inapte temporaire) Servie au travailleur inapte au maximum pendant le mois qui suit la décision d’inaptitude et dans l’attente du reclassement ou du licenciement

Montant = 50 % RG + 50 % employeur

Âge de départ à la retraite Âge normal = 55 ans (peut être anticipé à 50 ou 52,5 ans sous conditions) 62 ans (sauf invalide = 60 ans)
Montant de la retraite 2 % du salaire forfaitaire moyen des 3 dernières années par année de service avec un maximum de 37,5 annuités soit 75 % du SF maximum 50 % du salaire réel moyen des 25 dernières années
Compte pénibilité Non Oui, permet de partir à la retraite avant l’âge légal
Bonification enfant pour la retraite 5 % (2 enfants), 10 % (3 enfants), 15 % (4 enfants et plus) 10 % (3 enfants et plus)
Réversion retraite (54 % de la pension du titulaire décédé) À partir de 40 ans et pas de plafond de cumul avec les ressources propres du bénéficiaire 55 ans et plafond de cumul avec les ressources propres du bénéficiaire
Pensions d’orphelins sur la branche vieillesse Pension sur la branche vieillesse jusqu’à 21 ans s’ils poursuivent leurs études – montant de la pension temporaire d’orphelin = 10 % de la pension du marin décédé Pas de pension d’orphelins sur la branche vieillesse
Régimes complémentaires Pas de régime complémentaire AGIRC ARRCO obligatoires en complément de la retraite de base
Cumul emploi retraite Autorisé Autorisé
Génération de droits nouveaux à retraite par le nouvel emploi Oui lorsque la première pension de vieillesse est versée par l’Enim (jusqu’au 31/12/2017) Non lorsque la première pension de vieillesse est versée par le régime général

Tableau réalisé par l’ENIM

 

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