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La Réforme des retraites, c’est maintenant et ce ne sera pas facile !

Communiqués de presse 31 mai 2018

Le 4 juillet 2017, Le Premier Ministre, Edouard Philippe, lors de son discours de politique générale, avait clairement indiqué son intention « de rendre notre système de retraite plus juste et plus lisible ». Il avait précisé que son objectif était « qu’un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous » reprenant en cela la promesse du candidat Emmanuel Macron. Le programme de ce dernier mentionnait « qu’un système universel avec des règles communes de calcul des pensions sera progressivement mis en place. Le fait de changer d’activité ou de secteur sera sans effet sur les droits à la retraite. Avec un principe d’égalité : pour chaque euro cotisé, le même droit à pension pour tous ! ».

Si depuis le mois de juillet dernier, le calendrier de la réforme a été étiré, l’objectif étant non plus une adoption du ou des projets de loi avant la fin de l’année 2018 mais en 2019, les objectifs restent les mêmes, la réalisation d’un système universel de retraite

Dans le quotidien « Le Parisien » du 31 mai, Jean-Paul Delevoye a précisé les modalités de cette réforme. Au niveau du calendrier, il a précisé que 2018 serait consacrée à la concertation avec les partenaires sociaux mais aussi avec l’ensemble des citoyens à travers une consultation sur Internet. Les orientations de la réforme seraient connues à la fin de l’année ou au début de l’année 2019. L’examen par le Parlement devrait intervenir au cours de l’été prochain. La mise en œuvre débuterait en 2025 avec un étalement possible pour certaines caisses sur 10 ans.

L’unification des régimes de retraite est un gigantesque chantier qui peut potentiellement concerner tous les actifs travaillant en France, plus de 30 millions de personnes. Les 16 millions de retraités devraient échapper à la réforme en restant soumis aux règles actuelles pour leurs pensions.

Cette unification, en fonction des modalités qui seront retenues, créera des gagnants et des perdants qu’il conviendra de traiter. Il faudra également instituer un dispositif de lissage pour éviter que les actifs se situant à quelques années de leur départ à la retraite ne soient pénalisés. La réforme systémique pose également la question du mode de gouvernance qui est actuellement de nature paritaire notamment pour les complémentaires. Que deviendront les caisses de retraite, les institutions de retraite paritaires, les salariés qui y travaillent ?

 

Les Français soutiennent jusqu’à maintenant la réforme

Les Français sont favorables à une réforme en profondeur de leur système de retraite car ils le trouvent à tort ou à raison injuste et inéquitable.

Selon l’enquête Le Cercle de l’Epargne / Amphitéa, 75 % des sondés considèrent que le système de retraite est injuste et 80 % qu’il est inefficace pour fournir un niveau de pension correct. Ce jugement est sévère, au regard du niveau de vie des retraités qui est aujourd’hui supérieur à la moyenne de la population. Mais les Français pensent à une grande majorité que ce n’est pas le cas. Au total, 71 % des Français jugent le système tout à la fois injuste et inefficace. Ce sentiment est partagé par 77 % des femmes (contre 64 % des hommes) dont le niveau de pension reste inférieur à celui des hommes (40 % en droit direct). Ce sont les personnes à faibles revenus qui sont les plus critiques (80 % des personnes gagnant moins de 2 000 euros par mois jugent le système injuste et inefficace). La question centrale en la matière reste donc le pouvoir d’achat.

Seuls 13 % des sondés sont favorables au statu quo. 53 % se prononcent en faveur d’un régime unique avec une seule caisse de retraite quand 34 % préfèrent l’instauration d’un cadre unique mais conservant des spécificités selon les statuts professionnels. 72 % des fonctionnaires appellent de leurs vœux une réforme (46 % pour l’unification totale et 36 % pour le cadre commun avec maintien de spécificités). Les retraités qui ne sont pas concernés par la réforme sont à 64 % favorables à une unification totale. Les indépendants (artisans, commerçants, chefs d’entreprise, professions libérales) sont également des partisans de l’unification. Les salariés du secteur public sont les plus réticents avec simplement 37 % qui adhèrent à l’idée de l’unification. 38 % préféreraient une convergence des règles avec le maintien de certaines spécificités. 25 % sont pour le statu quo.

En 2017, les Français se déclaraient favorables à 70 % au régime unique de retraite (fusion régime général et régime de la fonction publique). Ils étaient 61 % pour la suppression des régimes spéciaux.

 

Les préalables de la réforme

Pour le régime unique, il n’y a pas de solution unique et encore moins de méthode unique pour atteindre l’objectif fixé par le nouveau Président de la République. En effet, le champ de la réforme peut être plus ou moins large, les modalités de calcul des pensions sont multiples et enfin la période de passage de l’ancien régime au niveau régime peut être plus ou moins longue. De nombreux points techniques devront être tranchés. Des regroupements et des réorganisations seront nécessaires.

Par ailleurs, la réforme supposera le règlement d’un certain nombre de problèmes juridiques. Les régimes de retraite sont gérés par des caisses ayant leur propre personnalité morale. Il faudra gérer les problèmes de personnels, de statuts mais aussi les problèmes informatiques et de reconstitution de carrière.

Le périmètre de la réforme

Le Gouvernement entend intégrer dans le périmètre de sa réforme les 42 régimes de base. Il est actuellement plus discret sur le devenir des régimes complémentaires qui relèvent du paritarisme mais il est assez logique qu’ils soient concernés par la réforme. Les trois fonctions publiques, Etat, hospitalière et collectivités territoriales seront soumises aux règles du régime universel. L’intégration des régimes spéciaux (SNCF, énergie, etc.) sera sans nul doute sujet à des débats passionnés à des négociations houleuses.

La fusion pose évidemment la question de la transformation juridique des institutions de retraite complémentaire qui sont des organismes paritaires, dotés de la personnalité morale. Les cotisations sont actuellement prélevées par plusieurs groupes de protection sociale.

L’architecture du nouveau régime unique

Le régime par points

Les modalités de calcul des pensions

Le nouveau régime unique prendra la forme d’un système par points. Les actifs accumulent sur un compte retraite des points qui sont fonction de leurs cotisations. Au moment de la liquidation, les points accumulés sont convertis en rente en prenant en compte la valeur de rachat du point.

Ce système remplacera le système par annuités en cours au sein de nombreux régimes de base. L’ensemble de la carrière sera pris en compte quand aujourd’hui, pour calculer la pension de base, seules les 25 meilleures années sont retenues.

Plusieurs techniques d’attribution de points sont possibles. Les cotisations peuvent servir à acheter des points selon un tarif fixé par avance. L’attribution des points et le montant des cotisations peuvent être également disjoints disjoints. Les cotisations visent à payer les pensions des actuels retraités. Les points pourraient être attribués selon d’autres critères, montant du salaire annuel, pénibilité, etc.

Le recours à un compte notionnel

Emmanuel Macron avait indiqué durant la campagne que le nouveau régime français pourrait être en comptes notionnels. Ainsi, chaque assuré aurait un compte retraite sur lequel seraient versés ses points. Au moment de la liquidation, la pension est calculée en fonction de l’espérance de vie à la retraite de la génération à laquelle appartient l’assuré. Ce mode de calcul permet une neutralité actuarielle. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, le montant de la pension annuelle versée se réduit. Jean-Paul Delevoye n’est pas favorable à cette technique et semble avoir convaincu le Président de la République sur ce sujet.

La fin de la durée de cotisation mais maintien d’un âge de départ à la retraite

Le régime par points et en particulier celui en comptes notionnels peut s’affranchir des durées de cotisation et des âges légaux de départ à la retraite. En effet, un assuré partant tôt bénéficiera d’une pension moindre que celui qui décide de rester en activité.

Néanmoins, au sein des pays ayant mis en place de tels régimes, des âges butoirs ont été conservés afin de garantir un minimum de pension. Jean-Paul Delevoye a indiqué qu’en France l’âge légal restera fixé à 62 ans. Le maintien de cet âge vise à réduire le coût pour la collectivité des départs anticipés à la retraite.

La problématique du passage d’un système à l’autre

Le Gouvernement devra fixer les règles de transition d’un système à un autre.

Si pour les actuels retraités, le basculement ne devrait pas avoir d’incidences, tel ne serait pas le cas pour les actifs

Jean-Paul Delevoye a précisé que la réforme commencerait à s’appliquer à compter de 2025 avec un lissage possible sur 10 ans.

Pour les actuels actifs concernés par la réforme, un dispositif de transfert devra être adoptif permettant de convertir leurs droits à retraite et donc garantir un certain montant de pension compte tenu de la carrière professionnelle passée.

La première option consisterait à réserver le nouveau système aux nouveaux entrants dans la vie active. Cette solution n’a guère de chance d’être retenue car la transition durerait plus de 40 ans.

La deuxième option repose sur la méthode du maintien des « droits acquis ». Elle consiste à calculer la pension acquise dans l’ancien régime à la date de transformation et à la convertir en nombre de points ou en capital virtuel initial. Cette méthode est particulièrement appropriée dans le cas de la transition immédiate. Elle pose néanmoins des difficultés d’estimation puisqu’elle nécessite de faire des hypothèses sur les conditions de liquidation dans le régime en annuités (salaire de référence, durée d’assurance, âge de départ à la retraite…) alors que la carrière n’est pas achevée.

La troisième option repose sur la méthode de la valorisation des cotisations passées. Elle consiste à accorder des droits dans le nouveau régime (un capital virtuel ou un nombre de points) en fonction des cotisations correspondant à la période d’activité passée dans l’ancien régime. Cette méthode est particulièrement appropriée dans le cas de la transition progressive avec affiliation simultanée. Elle nécessite de disposer d’un historique des cotisations ou rémunérations individuelles ou, à défaut, d’utiliser des proxies (reconstitutions approximatives) pour calculer le capital virtuel initial ou le nombre de points sur la base de carrières individuelles approchées. Lorsque le taux de cotisation a beaucoup augmenté dans le passé, cette méthode peut conduire à attribuer de faibles pensions aux salariés les plus âgés ; un taux de cotisation plus élevé (par exemple celui du nouveau régime en points ou en comptes notionnels), combiné à l’historique des rémunérations passées, peut alors être retenu pour appliquer la méthode.

Quelle que soit la méthode choisie, il y aura obligatoirement des gagnants et des perdants qu’il faudra le cas échéant indemniser.

Un euro cotisé donnera-t-il des droits identiques ?

Un euro cotisé permettra-t-il d’obtenir les mêmes droits ? Comment apprécier la notion de droits, droits annuels, droits tout au cours de la retraite ? En effet, un ouvrier a une espérance de vie inférieure à celle d’un cadre supérieur. Faut-il prendre en compte les espérances de vie par catégorie sociale ? Une telle option serait complexe. Des majorations de points pourraient être prévues.

Le système de retraite par répartition actuel garantit près de 80 % du dernier salaire pour les actifs se situant à proximité du SMIC quand ce taux est de 50 % pour les cadres. Le changement de système garantira, sans nul doute, le montant des pensions versées aux salariés les plus modestes.

La question des indépendants

Au 1er janvier 2018, le régime des indépendants, le RSI, est transféré au régime général de l’assurance-vieillesse. Ce transfert concerne le régime de base et le régime complémentaire (même si pour ce dernier les indépendants en conservent la direction). De ce fait, en cas de création de régime universel de retraite, les indépendants seront concernés. Mais les indépendants comme les professions libérales et les exploitants agricoles devraient conserver certaines spécificités comme les taux de cotisation. Un alignement sur les règles du régime général pourrait entraîner une augmentation substantielle de leurs charges.

La question de la fonction publique

La transition d’un système à prestations définies à un système à cotisations définies sera par nature complexe.

L’abandon de la règle de la pension égale à 75 % des traitements des six derniers mois suppose que dans le nouveau système les fonctionnaires s’y retrouvent sans pour autant créer de nouvelles inégalités de traitement avec les autres actifs. Il faudra traiter la question du devenir du régime Additionnel de la Fonction Publique qui permet aux agents publics de cotiser sur leurs primes. En effet, Jean-Paul Delevoye a annoncé que l’ensemble du traitement primes comprises donnera lieu à attribution de points.

Du fait de la pyramide des âges des fonctionnaires et des montants de pension, le coût de leurs pensions pour le futur régime universel pourrait être important. Sans subvention d’équilibre, il est probable que les salariés du privé soient amenés à financer la retraite du secteur public.

Les dispositifs de solidarité

Plusieurs dispositifs sociaux ou de solidarité (majorations pour enfants réversion, minimum contributifs, minimum vieillesse, etc.) existant dans le système actuel devront être reconduits dans le nouveau régime universel. Jean-Paul Delevoye a précisé le 31 mai 2018 qu’il faudra clarifier le financement de ces dispositifs qui représentent 60 milliards d’euros.

Par ailleurs, le passage du système par points supposera également la refonte de la réversion qui assure une part non négligeable des retraitées femmes. L’unification des règles de réversion qui diffèrent aujourd’hui selon les régimes de retraite, sera sans nul doute une source de simplification pour les futurs retraités.

La gouvernance du nouveau régime universel de retraite

Même si depuis 1995, le paritarisme est en recul, en particulier pour les régimes de base, il reste un des piliers de l’assurance-vieillesse. Les régimes AGIRC-ARRCO sont gérés de manière paritaire comme le prouvent les décisions prises dans le cadre de l’Accord National Interprofessionnel. Les autres régimes dont le RSI ou la mutualité agricole disposent d’instances représentatives.

L’unification des régimes de retraite s’accompagnera-t-elle du maintien d’un minimum de paritarisme ? Comment gérer un système unique avec des actifs relevant de statuts différents ? Qui sera compétent pour fixer les règles d’indexation des pensions ainsi que la valeur d’achat et de rachats des points ? L’État, le Parlement, la direction du régime unique ?

La question des équilibres financiers et du financement

L’équilibre général

Emmanuel Macron a indiqué à plusieurs reprises qu’il ne modifierait pas durant son premier quinquennat les paramètres du système de retraite et en particulier l’âge de départ à la retraite.

Les simulations du Conseil d’Orientation des Retraites sont contrastées. Si en juin, elles prévoyaient un déficit accru à court terme des régimes de retraite, elles étaient plus optimistes fin 2017. Dans les prochaines années, tout dépendra de l’évolution de la conjoncture et de la situation du marché de l’emploi. Néanmoins, à moyen terme, au vu des évolutions démographiques, un déséquilibre ne peut que survenir, et nécessitera des ajustements.

Le financement du régime unique

Le passage à un régime par points devrait se faire à enveloppe constante. A priori, le système devrait rester essentiellement financer à partir des revenus professionnels. Certes, avec le remplacement du CICE par un allégement de charges sociales, l’État a décidé de supprimer des cotisations AGIRC – ARRCO, ce qui signifie que le manque à gagner sera pris en charge par le contribuable national et donc par l’impôt. Dans ces conditions, comment s’effectuera l’achat de points pour les salariés qui seront exonérés de cotisations quand le régime unique sera réalisé ? Comment l’État s’acquittera de ses cotisations au titre de ses salariés ? Comment le Fonds de Solidarité Vieillesse s’articulera avec le régime unique ?

La création d’un nouvel étage de retraite

Jean-Paul Delevoye a précisé que les points seront attribués jusqu’à un certain montant de revenus professionnels, 120 000 ou 160 000 euros. Au-delà de ce montant, les actifs pourront soit dépendre d’un régime supplémentaire, soit épargner sur des produits individuels.

La réforme de 2018 est sans nul doute une des plus ambitieuses de la mandature. Par son ampleur, elle concernera près de 30 millions d’actifs. Le droit à la retraite est sans nul doute considéré comme une conquête importante pour les Français. Si l’exigence d’équité est forte au sein de l’opinion, la crainte de voir disparaître un avantage acquis l’est encore davantage. Le Gouvernement devra faire preuve d’une pédagogie de tous les jours pour convaincre du bienfondé de cette réforme qui fera sans nul doute des gagnants mais aussi des perdants. Si comme pour la retenue à la source, la simplification est censée être au rendez-vous, le passage d’un système à l’autre sera une source d’inquiétude pour les actifs et aussi pour les professionnels en charge des retraites.

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