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Qui en veut au Plan d’Épargne Retraite ?

Epargne 9 décembre 2024

Le rapport de la Cour des comptes sur l’épargne retraite, publié au mois de novembre 2024, se concentre sur l’évolution, la gestion et les effets financiers du Plan d’Épargne Retraite (PER) créé par la loi Pacte en 2019. La Cour des Comptes critique en particulier le coût fiscal du PER, sa diffusion inégalitaire et son allocation d’actifs insuffisamment tournée vers les entreprises. Les griefs avancés sont sévères pour un produit qui vient juste de fêter son cinquième anniversaire, et cela d’autant plus qu’il a été confronté à plusieurs crises depuis sa naissance, l’épidémie de covid, la guerre en Ukraine et la vague inflationniste. Ces différents chocs ont favorisé l’épargne de court terme au détriment de celle de long terme à laquelle appartient le PER.

Retour sur les objectifs de la loi PACTE

L’épargne retraite en France s’est construite de façon progressive et fragmentée, avec l’introduction, au fil des années, de plusieurs dispositifs destinés à des publics spécifiques :

  • Fonctionnaires et élus locaux : La Préfon (créée en 1967) et le Corem étaient initialement destinés aux fonctionnaires, tandis que les élus bénéficiaient du Fonpel et du Carel-Mudel depuis les années 1980 ;
  • Travailleurs indépendants : Le contrat Madelin (1994) et le contrat des exploitants agricoles (1997) ont été créés pour les non-salariés, comblant un vide pour ces populations qui ne bénéficiaient pas de dispositifs collectifs ;
  • Le Plan d’épargne retraite populaire (PERP) : Créé en 2003, ce produit s’adressait pour la première fois à l’ensemble de la population.

Ces dispositifs individuels cohabitaient avec des produits collectifs comme les articles 83 ou 39 du code général des impôts ou le Plan d’Épargne Retraite Collectif, ce dernier dépendant de l’épargne salariale.

À l’exception du PERCO et sauf circonstances exceptionnelles, la sortie en rente était de mise. À la fin des années 2010, le système montrait des signes d’essoufflement. La complexité des règles fiscales et des modalités de souscription pénalisait les produits d’épargne retraite. La loi Pacte, adoptée en mai 2019, a transformé le paysage de l’épargne retraite en introduisant un produit unique, le Plan d’épargne retraite (PER), subdivisé en PER individuel (PERI), PER d’entreprise collectif (PERECO), et PER d’entreprise obligatoire (PERO). La loi poursuivait plusieurs objectifs :

  • L’harmonisation des règles : les épargnants bénéficient désormais d’une déduction fiscale sur les versements volontaires pour tous les types de PER. Les sorties en capital ont été généralisées à l’exception du PERO. Cette simplification a contribué à une augmentation des encours d’épargne retraite, qui ont atteint 292,7 milliards d’euros fin 2023 selon la direction générale du Trésor ;
  • La transférabilité : la loi permet le transfert d’un PER vers un PER et des anciens contrats comme le PERP ou le contrat Madelin vers le nouveau dispositif. Cette flexibilité a facilité la montée en puissance du PER grâce aux transferts d’anciens contrats ;
  • Développement de la gestion pilotée : le PER impose une gestion pilotée par défaut permettant une allocation d’actifs diversifiée et une réduction des risques à l’approche de la retraite. Trois profils sont proposés aux titulaires, plus ou moins risqués.

En 2022, selon la DREES, 5,536 millions d’adhérents aux dispositifs d’épargne retraite individuels et 10,5 millions à des contrats collectifs d’entreprise sont dénombrés.

Malgré l’augmentation des encours, l’épargne retraite conserve une place marginale dans le système des retraites en France :

  • Part des cotisations : en 2022, les cotisations d’épargne retraite représentent 5,1 % du total des cotisations retraites, contre une moyenne de 10 % dans plusieurs pays européens. Si cette contribution a augmenté depuis 2019, elle reste néanmoins faible face aux régimes obligatoires de retraite par répartition.
  • Part des prestations : la part des prestations de retraite supplémentaire est encore plus réduite, représentant 2,3 % des prestations totales en 2022. Cette faible part limite l’apport de l’épargne retraite comme complément de revenu pour les retraités français, comparativement à la situation observée dans d’autres pays où la retraite par capitalisation est davantage intégrée au revenu de remplacement.

Le coût fiscal du PER

L’épargne retraite bénéficie d’une fiscalité attractive, avec notamment des déductions fiscales lors des versements (PERI, PERO), estimées à 1,8 milliard d’euros en 2022. Cet avantage fiscal inclut :

  • Les exonérations sur les cotisations : les versements sont déductibles du revenu imposable, mais la fiscalité sur les prestations en sortie (imposées au barème de l’impôt sur le revenu ou au prélèvement forfaitaire unique (PFU)), limite en partie cet avantage ;
  • Les exonérations spécifiques aux versements issus de l’épargne salariale : : les versements issus de l’épargne salariale et les abondements de l’entreprise bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu.

La Cour des comptes souligne que ces avantages fiscaux donnent lieu à des effets d’aubaine en profitant surtout aux contribuables aisés. Ces derniers peuvent optimiser les plafonds de déduction fiscale, en cumulant les plafonds avec ceux de leur conjoint ou en reportant les déductions non utilisées sur trois années. Le rapport recommande un resserrement des plafonds pour limiter les avantages de ceux ayant un revenu élevé.

La Cour des Comptes oublie que le PER vise à améliorer le taux de remplacement (pensions/revenus d’activités avant la liquidation) de certaines catégories pour lesquelles il est faible (indépendants, professions agricoles, cadres supérieurs, agriculteurs). Le taux de remplacement de ces catégories est souvent inférieur à 50 % quand il est d’environ 75 % en moyenne pour l’ensemble des Français. En raison des règles de leurs régimes de retraite et du plafonnement des pensions, ces catégories ont des pensions plutôt faibles au regard de leurs revenus. L’épargne retraite a été conçue comme un outil pour améliorer leur taux de remplacement. Dans cette optique, la déduction fiscale s’inscrit dans le prolongement du régime de déduction des cotisations sociales aux régimes obligatoires. Ces dernières sont déductibles de revenus dans la limite d’un plafond.

Le rendement des produits d’épargne et poids des frais de gestion

La Cour des Comptes souligne que le rendement des PER est souvent diminué par des frais de gestion significatifs sans pour autant mentionner que ces produits sont complexes. Des progrès de transparence ont été introduits avec la loi Pacte et la loi Industrie Verte afin, notamment, d’informer les titulaires des PER des frais supportés et du rendement réel de leur produit.

La Contribution jugée insuffisante à l’investissement productif

Un des objectifs de la loi PACTE et du PER était de favoriser le financement des entreprises. Or, la Cour des Comptes souligne que cet objectif n’a pas été complètement atteint.

La Cour note que 30 % des actifs sont investis en actions, soit légèrement plus que pour ceux des anciens produits d’épargne retraite. Une grande partie des fonds est encore investie dans des obligations et des fonds euros, avec une part importante en dette souveraine ou dette de grandes entreprises. La Cour encourage une révision des allocations pour que les fonds soient mieux orientés vers des entreprises à fort potentiel de croissance. Cette surreprésentation des fonds euros est la conséquence des transferts issus des anciens produits. Les nouveaux versements sont plus dynamiques. La gestion profilée permet en outre une plus forte exposition aux risques.

La Cour des Comptes recommande de s’appuyer sur la loi Industrie verte pour inciter les gestionnaires à investir davantage dans des actifs productifs, notamment des actions de PME/ETI, afin de renforcer la contribution de l’épargne retraite à la croissance économique.

Les orientations recommandées par la Cour des Comptes :

  • La clarification des objectifs : une meilleure définition du rôle de l’épargne retraite comme complément au système par répartition serait nécessaire pour améliorer sa cohérence ;
  • Le renforcement de la transparence des frais : une visibilité accrue sur les frais permettrait de limiter leur impact sur les rendements nets ;
  • La révision des avantages fiscaux : limiter les plafonds et réorienter les avantages fiscaux vers les contribuables modestes ;
  • La stimulation de l’investissement productif : encourager les gestionnaires à investir davantage dans les PME et ETI serait une manière de renforcer l’impact de cette épargne sur l’économie réelle.

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Cinq ans après sa création, le PER a surtout besoin de stabilité et non d’un changement de régime fiscal. La Cour des Comptes souligne à juste titre que l’épargne retraite reste, en France, modeste par rapport à son poids dans les autres pays européens ; or, celle-ci entend en diminuer les avantages fiscaux. Ces derniers sont la contrepartie d’un renoncement à la consommation sachant que l’épargne retraite est, sauf cas exceptionnels, bloquée jusqu’à la liquidation des droits à pension.

Si l’épargne investie en actions est plus faible en France qu’ailleurs, c’est en grande partie en raison justement de la faiblesse des fonds de pension. À ce titre, dans tous les pays, ces derniers bénéficient d’un traitement fiscal et social spécifique (401K aux États-Unis par exemple). En cas de réduction des avantages fiscaux, les épargnants privilégieront l’assurance vie au détriment de l’épargne retraite. La question d’une diffusion plus large des produits collectifs se pose sans nul doute. Des incitations en faveur des PME pourraient être imaginées tout comme l’élaboration d’accords de branches sur le sujet.

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