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Quatre questions à Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Epargne

6 août 2015

Chaque mois, le Cercle demande à un des membres du Conseil scientifique de répondre à trois ou quatre questions. Pour le numéro du mois d’août, c’est au tour de Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Epargne de répondre à quatre questions sur la situation économique et l’épargne. 

Le premier semestre de l’année 2015 a été marqué par l’alignement des fameuses planètes mais aussi par la résurgence de la dette grecque. Quels enseignements tirez-vous de cette première partie de l’année ? 

En début d’année, l’économie française et plus globalement celle de l’ensemble de la zone euro ont bénéficié d’un contexte sans précédent qui a commencé à porter ses fruits. Nul ne pouvait imaginer que nous puissions avoir – en même temps – une baisse du pétrole de 40 %, une dépréciation de l’euro de près de 18 % en un an, une baisse historique des taux d’intérêt, une moindre rigueur budgétaire, le CICE, le pacte de responsabilité… Au regard de ces chocs positifs, certains considèrent que l’économie européenne aurait dû connaître une expansion plus rapide en ce début d’année. Or, l’économie ne va pas aussi vite qu’Internet. Il y a des délais de latence auxquels nous ne pouvons pas échapper. Il ne faut pas oublier que la zone euro a connu, de 2012 à 2013, la plus longue récession de son histoire. Du fait d’un faible niveau d’utilisation des capacités de production et du chômage très élevé, le retour à la normale sera long. La question grecque a eu peu d’effets directs sur la conjoncture, néanmoins, elle, a, sans nul doute, eu un effet psychologique pouvant amener les acteurs économiques à retarder leurs investissements voire à peser marginalement sur la consommation. Même si dans les prochains mois, la Grèce refera la une de l’actualité, l’accord intervenu le 13 juillet semble prouver que les forces centripètes l’ont emportée sur les forces centrifuges au sein de la zone euro. Le prochain cap difficile à franchir sera l’éventuel référendum du Royaume-Uni concernant sa possible sortie de l’Union européenne ; mais d’ici là de l’eau aura coulé sous les ponts…

L’horizon semble donc se dégager pour les prochains mois pour l’économie française ?

Après un bon premier trimestre, +0,6 % de croissance, l’économie française a repris son souffle durant le deuxième. La croissance devant se situer autour de 0,2/ 0,3 %. Une accélération est sans doute probable pour le second semestre. La dépréciation de l’euro devrait porter ses fruits et permettre une augmentation des exportations. Certes, l’atonie du commerce international ne permet pas de profiter pleinement de l’avantage prix que génère cette baisse de l’euro. En outre, il faut un peu de temps pour modifier le comportement des importateurs. Avec l’augmentation progressive du taux d’utilisation des capacités de production, les entreprises pourraient reprendre le chemin de l’investissement, aidées en cela par les faibles taux d’intérêt et par la montée en puissance du CICE et du pacte de responsabilité. Une amélioration du marché de l’emploi qui pourrait enfin arriver d’ici la fin de l’année pourrait conforter la reprise de la consommation. Dans ces conditions, une croissance de 1,2 % est plus qu’atteignable pour l’ensemble de l’année.

La Chine ne constitue-t-elle pas une nouvelle menace pour la croissance de l’économie mondiale ?

Il faut distinguer la crise financière du mois de juillet du ralentissement structurel de l’économie chinoise. Le krach financier fait suite à une progression spectaculaire des grandes places financières, plus de 100 % en un an. Cette survalorisation a été favorisée par la possibilité pour les Chinois d’emprunter pour acquérir des titres financiers. La correction est d’autant plus sévère qu’elle intervient au moment même où l’économie entre dans une phase de transition. En contrôlant de 40 à 50 % de la production de nombreux biens industriels, la Chine ne peut plus espérer gagner de nouvelles parts de marché. En outre, elle doit faire face à une augmentation de ses coûts salariaux qui dégrade sa compétitivité. Les autorités chinoises comptent tout à la fois monter en gamme la production industrielle, développer la consommation et les services. Cette réorientation est coûteuse et ne peut que se traduire par une diminution du taux de croissance. Ce processus est assez logique compte tenu du niveau atteint par l’économie chinoise. Son taux de croissance devrait à terme se rapprocher de 5 % d’autant plus que, comme en Occident, la Chine doit faire face à un rapide vieillissement de sa population. Les pays émergents porteront donc un peu moins la croissance mondiale dans les prochaines années même si certains experts pensent que l’Inde pourrait remplacer la Chine dans le rôle de locomotive.

Et pour les placements financiers, le deuxième semestre sera-t-il favorable ?

L’abondance des liquidités, d’épargne et l’interdépendance des places financières peuvent entraîner de rapides et amples fluctuations des cours. Sur un an, le CAC a connu un point bas à 3 789 points le 16 octobre 2014 et un point haut à 5 283 points le 27 avril 2015. La hausse prévisible des taux par la FED, certainement au mois de septembre ne devrait pas créer de trop fortes turbulences car la Présidente de la FED organise depuis de nombreux mois un savant teasing. Par ailleurs, la hausse devrait être progressive et modérée. En zone euro, et cela jusqu’au mois de septembre de l’année prochaine, le contexte de taux devrait rester relativement stable. De ce fait, les actions devraient conserver un indéniable pouvoir d’attraction et d’appréciation d’autant plus si la croissance permettait une amélioration des résultats des entreprises.

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