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Si la question du financement des retraites est, depuis des années, au cœur du débat public, celle liée au vieillissement de la population active l’est moins. Pour autant et comme le signale une récente note du Conseil d’Orientation des Retraites, ce vieillissement aura des effets importants en matière économique. Il en aura également au niveau social.
La part des actifs de plus de 50 ans est passée de 16 % en 1995 à 27 % en 2012 (dernier chiffre connu) quand celle des plus de 55 ans est passée de 8 à 13 %. Cette augmentation s’explique par le fait que dans les années 90 toutes les classes d’âge du baby-boom sont en activité professionnelle et que les premières atteignaient la cinquantaine. Par ailleurs, prenaient alors leur retraite les actifs issus des classes creuses de l’entre-deux-guerres. Au tournant du siècle, le vieillissement s’est accéléré car les classes d’âge des années 75/80, moins larges que les précédentes, sont entrées sur le marché du travail. Par ailleurs, les premières générations du baby-boom ont commencé à prendre leur retraite.
Aujourd’hui, pour un actif de plus de 55 ans, il y a 6,5 actifs de 15 à 54 ans. Ce ratio devrait se stabiliser autour de 4,5 à partir de 2030.
Les actifs de plus de 65 ans représentent 0,8 %, en 2012, de la population active contre 0,36 % en 2006. Cette proportion est en constante augmentation en raison notamment de l’assouplissement du cumul emploi/retraite intervenu en 2009. L’INSEE prévoit que le taux d’activité des 65/69 ans devrait fortement augmenter dans les prochaines années. Il devrait passer de 5 à 18 % pour les hommes et de 3 à 13 % pour les femmes d’ici 2060. La diminution du taux de remplacement des pensions, le développement du travail de consultant ainsi que le meilleur état de santé des seniors expliquent cette progression du nombre de travailleurs de plus de 65 ans.
Le vieillissement de la population active est, en France, moindre que celui de plusieurs de nos partenaires. En effet, du fait d’un taux de natalité supérieur, la population active continue de s’accroître par l’arrivée de jeunes actifs. Ainsi, si la proportion des 50/64 ans est en France de 35 %, Elle est de 42 % en Espagne, de 41 % en Italie et de 40 % en Allemagne.
Tous les pays avancés et un certain nombre de pays émergents comme la Chine sont confrontés à la gestion d’une main-d’œuvre plus âgée.
L’allongement de la vie professionnelle n’est possible qu’à condition d’être en bonne santé. Le passage de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans a provoqué un surcoût pour les organismes chargés de la prévoyance.
Les handicaps augmentent fortement à partir de 50 ans. Ainsi, selon l’enquête HSM, une femme âgée de 50 ans en 2015 passera, en moyenne, au cours des 15 prochaines années plus de 30 % de son temps professionnel avec des limitations physiques. Pour les hommes, le ratio est de 17 %. Concernant les atteintes cognitives, les limitations sont évaluées à une année.
Un homme ayant une mauvaise santé a une probabilité d’être en emploi après 50 ans amputé de 28 %. L’accumulation d’arrêts de travail pour raison de santé provoque la cessation anticipée d’activité et la mise en retraite dans un très grand nombre de cas. Les employeurs et les salariés préfèrent faire jouer les régimes de prévoyance.
Certains demandent la création d’un statut de travailleur âgé et de mieux définir l’inaptitude au travail.
L’expérience au travail, difficile à mesurer, constitue un des principaux facteurs d’employabilité. La meilleure preuve est fournie par la difficulté qu’ont les jeunes à trouver leur premier emploi. L’expérience au travail nécessite une dizaine d’années de vie professionnelle. Elle est moins importante dans les secteurs technologiques (start-up, informatique, communication).
La motivation constitue un autre facteur important. Elle est, en règle générale, plus forte chez les jeunes actifs mais n’est pas obligatoirement absente chez les seniors.
Il est couramment admis que les travailleurs âgés sont moins productifs que les jeunes. Les départs anticipés à la retraite concernant certains métiers étaient accordés au nom d’une certaine compensation sociale mais aussi au nom de la productivité. Un travailleur âgé ne pouvait pas être aussi rentable dans les mines, dans les usines sidérurgiques qu’un jeune. Aujourd’hui, avec la robotisation, avec la tertiarisation de l’économie, ce sont moins les critères de force physiques que les capacités cognitives à absorber le changement. Les problèmes psychologiques deviennent également de plus en plus prégnants avec l’âge.
Selon les résultats du test d’aptitude générale (GATB) et au regard de nombreuses études en neurosciences, les facultés cognitives atteindraient un maximum autour de 30 ans avant de décliner. Il apparaît que ce sont les capacités physiques et d’intégration du progrès qui diminuent le plus rapidement. En revanche, ce qui est assez logique, les capacités managériales qui reposent sur l’expérience, restent assez constantes avec l’âge.
Les seniors sont handicapés par un ralentissement de leur capacité de réaction et de résolution des problèmes (étude Lemaire 1999). « La mémoire de travail » zone du cerveau permettant de stocker et de manipuler des informations en vue d’accomplir une tâche cognitive (étude Braver et West 2007) est corrélée à l’âge.
Différentes études ont prouvé que les capacités cognitives baissent d’autant moins rapidement que le niveau de formation initial est élevé et que l’activité intellectuelle demeure importante durant toute la vie. Ce sont pour ces raisons que les professions intellectuelles connaissent une moindre baisse de leurs capacités cognitives.
Au regard des différentes études, il apparaît nécessaire tant pour la santé de la population que pour la compétitivité des entreprises d’enrichir intellectuellement les emplois et de maintenir tout le long de la vie professionnelle un fort volant de formation.
Des enquêtes autrichiennes concluent que le vieillissement de la population conduit à une baisse de productivité mais qu’en revanche son rajeunissement a peu d’effets.
L’étude de Maestas de 2014 portant sur les États-Unis souligne qu’une augmentation de 10 % de la population active âgée de plus de 60 ans entraîne une baisse du PIB par habitant de 5,7 %.
Selon une étude de Feyrer de 2007, la croissance repose sur les 40–50 ans. Quand cette part de la population est la plus importante, le taux de croissance a tendance à s’élever. Les pays à faibles revenus sont des pays ayant une population jeune importante et un nombre d’actifs de plus de 40 ans faible.
Les études de Lisenkova et de Boersch-Supan soulignent que le vieillissement de la population en Écosse ou en Allemagne provoquera une baisse de 15 % la productivité du facteur travail et cela malgré l’accumulation capitalistique. Pour maintenir le pouvoir d’achat des Écossais comme des Allemands, il conviendra d’accroître la productivité des actifs. Les simulations par modèle économique démontrent que l’accroissement du capital ne pourra générer dans les prochaines années que 0,2 point supplémentaire de productivité quand il en faudrait au minimum 0,5 point.
Pour ralentir le vieillissement de la population, le recours à l’immigration constitue une des solutions possibles. Pour des pays comme l’Italie ou l’Allemagne, le nombre d’immigrés nécessaire pour contrecarrer le vieillissement est important. Ces pays devraient accueillir dans les vingt prochaines années, plusieurs millions de travailleurs étrangers. En 2015, l’Allemagne a accepté 890 000 réfugiés politiques.
Depuis le début de la révolution industrielle, à la fin du XVIIIe siècle, le développement des machines a permis de décupler la force du travailleur, force physique puis force intellectuelle avec l’émergence de l’informatique.
Le développement de la robotique et de l’intelligence artificielle risque – dans les prochaines années – de supprimer de nombreux métiers. Après le secteur secondaire, c’est le secteur tertiaire qui est concerné. Seront concernés les activités de service classiques comme le gardiennage mais aussi des activités plus sophistiquées (diagnostic médical). Les emplois de demain reposeront de plus en plus sur la créativité, le sens de l’organisation, la capacité de réaction et sur le contact humain.
Cette transformation rapide de la sphère productive peut conduire à l’expulsion des actifs les plus âgés. La diminution de la croissance de la population active constitue un frein à cette tendance. Par ailleurs, selon une étude de 2014 (Autor), si l’automatisation conduit à une segmentation accrue du marché du travail (avec moins d’emplois à faible qualification et plus d’emplois qualifiés), elle ne sera pas en tant que telle à l’origine d’une massification du chômage.
Les salariés les plus âgés se situent rarement dans les entreprises à forte teneur en technologie. Ils se concentrent au sein des secteurs traditionnels qui sont plus sensibles aux aléas de la conjoncture. Ces secteurs peuvent néanmoins connaître des ruptures technologiques.
La robotisation est indispensable afin d’améliorer la productivité du travail amenée à baisser du fait du vieillissement. À ce titre, il est à noter que pour le moment, les gains de productivité générés par le big data, les objets connectés et le digital sont plus faibles que ceux procurés par les technologies de l’information et de la communication au tournant du siècle. Ces derniers avaient été évalués à 0,6 point en moyenne annuelle en Europe et à 1 point aux États-Unis. Les gains de l’actuelle révolution numérique seraient de 0,3 à 0,4 point en moyenne annuelle.
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