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Plus de 1 000 milliards d’euros pour la finance durable en France

Epargne 11 novembre 2025

À la fin de l’année 2024, selon l’Association Française de la Gestion financière (AFG), les encours responsables atteignaient 1 322 milliards d’euros, en progression de +9,2 % sur un an. En dix ans, le volume a plus que doublé. Un euro sur quatre géré par les sociétés de gestion françaises répond désormais à des critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance (critères ESG).

Désormais, les investisseurs institutionnels, les assureurs et les fonds souverains intègrent ces critères dans leurs stratégies, non pour des raisons morales, mais parce que les risques climatiques, sociaux ou réputationnels sont devenus des risques financiers à part entière.

Les trois piliers de l’ESG

La finance responsable repose sur trois piliers : E pour environnement, S pour social et G pour gouvernance.

Le pilier environnemental évalue la manière dont une entreprise limite son empreinte écologique : émissions de gaz à effet de serre, consommation d’eau, gestion des déchets, préservation de la biodiversité. Le pilier social s’intéresse aux conditions de travail, à la parité, à la formation, à la sécurité et au dialogue social. Le pilier gouvernance mesure la qualité du pilotage de l’entreprise : indépendance du conseil d’administration, transparence, lutte contre la corruption, stratégie de long terme.

Ces trois axes forment la grille ESG, sur laquelle les sociétés de gestion bâtissent des approches diverses :

  • Best in class : sélectionner les meilleurs élèves d’un secteur donné, même dans des industries polluantes ;
  • Best effort : retenir les entreprises qui progressent le plus vite sur leurs pratiques ESG ;
  • Intégration ESG : combiner systématiquement les critères extra-financiers aux critères financiers classiques pour construire le portefeuille.

En France, l’Autorité des marchés financiers (AMF) encadre depuis 2020 la communication des fonds se réclamant de l’investissement responsable, afin d’éviter le « greenwashing », c’est-à-dire la promotion abusive de produits prétendument verts.

Elle distingue deux grandes catégories de fonds :

  • Les fonds à engagement fort (catégorie 1), représentant 898 milliards d’euros ;
  • Les fonds à approche intégrée (catégorie 2), pour 424 milliards d’euros.

Cette normalisation a renforcé la crédibilité du marché. L’information fournie à l’épargnant doit désormais être proportionnée à la réalité des engagements ESG.

Les labels de la finance responsable

Les labels sont devenus la pierre angulaire de la finance responsable. Ils fonctionnent comme des certificats de qualité, attestant qu’un fonds respecte des critères stricts en matière de durabilité.

En 2024, 77 % des encours labellisés en France portaient le label ISR (Investissement Socialement Responsable), qui reste la référence nationale. D’autres labels, comme Greenfin (créé par le ministère de la Transition écologique) ou le Label Finansol, complètent ce paysage.

Le label ISR, réformé en 2024, a relevé ses exigences notamment avec :

  • L’exclusion renforcée des activités carbonées ;
  • L’exigence d’un plan de transition mesurable pour les entreprises ;
  • La transparence accrue sur les indicateurs ESG.

Au terme de la période de transition, 939 fonds ont conservé le label, soit 70 % du total. La labellisation devient ainsi un signe distinctif de crédibilité, mais aussi un facteur de sélection clef pour les épargnants.

Cette logique de certification a contribué à structurer le marché, en facilitant la comparaison entre produits et en stimulant la concurrence vertueuse entre sociétés de gestion.

L’essor des obligations durables et de la finance à impact

La finance responsable ne se limite pas au placement « actions ». Elle s’étend à la dette : les obligations durables. Ces titres permettent de financer directement des projets environnementaux ou sociaux. En 2024, leurs encours ont atteint 221,5 milliards d’euros, soit une hausse spectaculaire de +48 % sur un an. Les Green bonds (obligations vertes) dominent le marché avec 72 % des encours, finançant par exemple des projets de rénovation énergétique ou de transport propre. Les Social bonds (obligations sociales) soutiennent des politiques de logement ou d’accès à la santé. Les Sustainability-linked bonds lient le taux d’intérêt à la réalisation d’objectifs environnementaux mesurables : si la société n’atteint pas ses cibles, elle paie plus cher.

Parallèlement, une autre approche monte en puissance : l’investissement à impact. Né aux États-Unis en 2007, popularisé par le Global Impact Investing Network, il vise à financer des projets qui démontrent un effet écologique ou social concret et mesurable, tout en recherchant une rentabilité financière. À fin 2024, les fonds à impact représentent 85,5 milliards d’euros, en progression de +5,8 %. Les investisseurs institutionnels (fonds de pension, assureurs, banques publiques) en détiennent 77 %, preuve que ce type d’investissement tend à intégrer la dimension stratégique des grands portefeuilles.

La finance à impact s’appuie sur trois principes :

  • Intentionnalité : l’objectif de transformation doit être explicite ;
  • Additionnalité : l’investissement doit produire un changement qui n’aurait pas eu lieu sans lui ;
  • Mesure : l’impact doit être quantifié selon des indicateurs objectifs, souvent alignés sur les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies.

La révolution des métriques climatiques

En 2024, 81 % des sociétés de gestion intègrent des indicateurs climatiques dans leurs politiques d’investissement, couvrant 73 % des encours. Ces indicateurs servent à évaluer la vulnérabilité d’un portefeuille aux risques liés au climat, qu’ils soient :

  • physiques (catastrophes naturelles, sécheresses) ;
  • de transition (évolution des politiques énergétiques) ;
  • juridiques ou réputationnels.

Ces indicateurs recourent à des outils de mesure multiples. Ils s’appuient principalement sur l’intensité carbone qui rapporte les émissions de CO₂ au chiffre d’affaires et sur l’empreinte carbone qui mesure la quantité totale d’émissions générées.

Le périmètre étudié regroupe 3 domaines – scopes – précis :

  • Scope : émissions directes d’une entreprise ;
  • Scope 2 : émissions liées à l’énergie consommée ;
  • Scope 3 : émissions indirectes sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

Plus de 60 % des sociétés de gestion prennent désormais en compte le Scope 3, pourtant difficile à mesurer faute de données homogènes.

Les acteurs les plus avancés utilisent des indicateurs de température implicite, recommandés par la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD). Ces métriques estiment le degré de réchauffement auquel un portefeuille est aligné.

Ainsi, 63 % des sociétés suivent un indicateur de température ; 60 % d’entre elles se réfèrent au scénario « 1,5 °C Net Zero » de l’Agence internationale de l’énergie. Ces trajectoires permettent de comparer la stratégie d’un investisseur à la courbe idéale de décarbonation planétaire.

Enfin, 61 % des sociétés ayant adopté des indicateurs climatiques ont fixé un objectif de réduction chiffré. La finance entre ainsi dans l’ère de la planification environnementale.

Les paradoxes de la transition

Les entreprises publient encore des informations hétérogènes, non vérifiées, souvent issues de modèles d’estimation. L’harmonisation progresse sous l’impulsion du règlement européen CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui imposera à partir de 2025 des standards communs. Le mouvement européen, pionnier sur la régulation (Taxonomie, SFDR, labels), se heurte, par ailleurs, à un environnement international contrasté. Aux États-Unis. La finance durable suscite des tensions politiques depuis que Donald Trump a décidé, une nouvelle fois, de sortir son pays des Accords de Paris. Certains États républicains accusant les fonds ESG de “militantisme climatique”.

En Asie, la démarche est plus pragmatique : les gouvernements cherchent à verdir leurs économies tout en maintenant leur croissance.

L’Europe apparaît donc comme un laboratoire avancé confronté à la réalité du marché mondial : sans convergence des standards, la cohérence globale de la finance responsable reste incomplète.

La France, forte de son ingénierie financière et de son sens de la régulation, se situe parmi les pays les plus avancés dans la transformation du capital en vecteur de durabilité. Des progrès doivent être néanmoins réalisés afin d’améliorer la fiabilité des données, de simplifier la lecture pour les épargnants, et surtout d’aligner les flux financiers aux trajectoires de neutralité carbone.

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