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En 1981, la France comptait 5 millions de retraités ; en 2024, plus de 17 millions ; en 2070, elle en comptera 23 millions. Le vieillissement démographique est devenu une réalité. Il n’est en aucun cas une surprise. Dominique Strauss-Kahn et le regretté Denis Kessler s’en étaient fait l’écho auprès de François Mitterrand afin de le dissuader d’avancer l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans. En 1991, Michel Rocard, dans son Livre blanc sur les retraites, avait souligné que ce dossier était explosif et qu’il pourrait bien provoquer la chute de plusieurs gouvernements.
Il a fallu attendre 2024 pour que sa prophétie se réalise avec le vote de la motion de censure à l’occasion de la discussion du projet de financement de la Sécurité sociale pour 2025. Mais il n’est pas dit que ce soit le dernier gouvernement à souffrir du vieillissement démographique. « Laisser le temps au temps » a été longtemps la doctrine des gouvernements en la matière. Reporter et ajuster a minima est le fil directeur de ces quarante dernières années.
La réforme de la dépendance a été ainsi reportée de septennat en quinquennat. Le système de santé fait l’objet de rafistolages depuis, malgré la multiplication des voies d’eau. Pour les retraites, certains gouvernements ont été tentés par la formule « circulez, il n’y a rien à voir » tandis que d’autres se sont contentés de bouger quelques curseurs sans venir à bout des déficits. Le système des retraites reste ainsi composé d’une kyrielle de régimes, sources de surcoûts de gestion et d’inégalités. Il est assez surréaliste qu’en 2025, le montant réel des pertes ne soit pas clairement défini.
François Bayrou a, lors de sa déclaration de politique générale, le 14 janvier dernier, annoncé qu’il soumettrait la réforme des retraites de 2023 – qui porte l’âge légal à 64 ans et accélère le passage à une durée de cotisation de 43 ans – à renégociation entre partenaires sociaux. Remettre en jeu les syndicats et le patronat sur un dossier éminemment social est évidemment une bonne nouvelle. L’étatisation de la Sécurité sociale, amorcée en 1995 avec la création des projets de loi de financement de la Sécurité sociale, s’est accompagnée d’une dégradation des comptes et d’une déresponsabilisation de tous les acteurs. L’AGIRC-ARRCO, avec ses résultats positifs et ses réserves, prouve qu’un régime paritaire est viable dans le temps. Son système par points offre, en outre, des solutions de gestion bien plus fines que celui par annuités des régimes de base.
La relance de la réforme systémique est une option que les partenaires sociaux ne devraient pas s’interdire. Mais, au lieu d’un système unique et bureaucratique, le recours à plusieurs régimes à points, comme c’est le cas en Allemagne, en Italie et en Suède, pourrait être envisagé.
La création d’un véritable étage par capitalisation devrait être envisagée : un étage ouvert à toutes et à tous, quel que soit le statut professionnel, la taille de l’entreprise ou les revenus. Longtemps, la France a récusé les fonds de pension, diabolisés en tant que représentants du capitalisme financier. Or, les fonds de pension ne peuvent pas être assimilés à des fonds vautours ou à des hedge funds ; ce sont des investisseurs au long cours. Leur objectif est d’assurer des revenus à des générations de retraités.
Une nouvelle étape est nécessaire en matière de capitalisation. La création du Plan d’Épargne Retraite par la loi PACTE en 2019 constitue une réponse encore imparfaite à la création d’un étage de retraite par capitalisation. Chaque actif devrait être doté, dès le début de sa carrière professionnelle, d’un plan retraite pouvant être abondé individuellement ou collectivement. Des accords de branche pourraient être imaginés, afin que les entreprises s’engagent à effectuer des versements au profit de tous leurs salariés sur ces plans. À terme, la capitalisation devrait assurer autour de 10 % des revenus des retraités, contre 2,6 % en 2024. Certains affirment qu’il est trop tard, d’autres que nous n’y arriverons pas. Le fatalisme est une des plaies de la France, mais ce n’est pas une raison pour s’y complaire.
Depuis l’adoption de ma loi sur l’épargne retraite en 1997, du temps a été perdu, mais il serait stupide de continuer d’en perdre. Concevoir un étage par capitalisation, ouvert à toutes et à tous, associant les partenaires sociaux, serait une réelle avancée pour les futurs retraités et pour l’ensemble de l’économie.
Jean-Pierre Thomas
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