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Questions à Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne
Depuis le 1er février, le taux du Livret A a été fixé à 3 %. Cette hausse est la troisième consécutive en un an, après celle du 1er février et du 1er août 2022. Après avoir plafonné, entre 2020 et 2022, à 0,5 % son taux le plus de l’histoire bicentenaire du Livret A, ce dernier connaît une progression rapide également sans précédent. Pour retrouver à 3 %, il faut remonter quatorze ans en arrière, en 2009.
Le passage à 3 % du taux du Livret A et du Livret de Développement Durable et Solidaire est certainement une bonne nouvelle pour les titulaires de ces produits, mais il convient néanmoins de la relativiser. Leur rendement réel est négatif depuis plus d’un an. En 2022, le taux moyen du Livret A a été de 1,37 % quand l’inflation a été de 5,2 %. Pour 2023, logiquement l’inflation devrait rester supérieure au taux du Livret A.
Ce dernier correspond, en principe, à la moyenne de l’inflation annuelle et du taux de référence du marché monétaire des six derniers mois. La composante « taux » fait baisser le rendement du Livret A en étant inférieure à l’inflation. Seul le Livret d’Épargne Populaire permet une compensation totale de l’inflation en offrant un taux de 6,1 % mais ce produit n’est pas accessible à tous les Français. Seuls ceux dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 21 393 euros en 2023 pour une part (5 712 euros par demi-part supplémentaire) peuvent souscrire ce produit. À 3 %, le Livret A n’en demeure pas moins un des produits d’épargne de court terme les mieux rémunérés, bien plus que les livrets d’épargne ordinaires.
L’augmentation de la collecte peut nuire à la consommation, au moment même où celle-ci est en difficulté en raison de la hausse des prix. Mais il ne faut pas opposer épargne et croissance. Nous avons besoin de l’épargne pour financer les investissements. Les ressources du Livret A et du LDDS sont utilisées pour proposer des emprunts aux bailleurs sociaux, aux collectivités locales et aux entreprises. Demain, elles pourraient servir au financement des centrales nucléaires.
Toute hausse des taux du Livret A et du LDDS renchérit le coût de la ressource pour les établissements financiers. La majoration d’un point du taux génère, pour le seul Livret A, un surcoût de 3,7 milliards d’euros pour les banques et la Caisse des dépôts et Consignations (CDC), celle-ci centralisant 60 % des ressources de ce livret. Pour assurer le paiement des intérêts du Livret A, les banques et la CDC devront soit répercuter la hausse, soit réduire leurs marges. L’État sera également touché en touchant moins de dividendes de la part de la CDC et moins d’impôts sur les sociétés en provenance des banques.
Le taux des emprunts proposés risque de passer au-dessus des taux du marché, ce qui peut peser sur le financement du logement social.
Les banques pourraient également essayer de compenser par ailleurs le surcoût.
Chaque relèvement du taux du Livret A se traduit par une hausse de la collecte. En 2022 avec deux relèvements, dans un contexte anxiogène, la collecte a été supérieure à 25 milliards d’euros, soit la deuxième meilleure année du Livret A de son histoire. En France, en période de crise, le Livret A joue le rôle de valeur refuge. Par crainte du lendemain, les ménages ont tendance à surestimer leur besoin en épargne de précaution et à conserver d’importantes liquidités. À ce titre, même s’il a légèrement baissé ces derniers mois, l’encours des comptes courants demeure à un niveau élevé, plus de 520 milliards d’euros, soit près de 120 milliards d’euros de plus qu’en décembre 2019, avant la pandémie.
Les deux produits ne sont pas à mettre sur le même plan. Le Livret A est un produit d’épargne de court terme plafonné à 22 950 euros quand l’assurance vie n’est pas plafonnée.
L’assurance vie permet de placer une partie de son épargne sur un placement de moyen et long terme. Il s’agit d’un contrat de services. La compagnie d’assurances s’engage sur la réalisation de certaines prestations (garantie en capital, versement en rentes, option de réversion, etc.).
L’assurance vie est un placement qui permet de financer des projets de vie (immobilier, création d’entreprises, etc.) une future retraite tout en préparant sa succession. Elle bénéficie d’avantages fiscaux non négligeables, abattement de 4 600 euros pour un célibataire et de 9 200 euros pour un couple sur les gains pour les contrats de plus de 8 ans et une réduction des droits de mutation en cas de décès. Elle permet en outre de déroger aux règles de succession sous certaines conditions.
Les fonds euros offrent une garantie en capital à laquelle sont attachés les Français quand les unités de compte donnent accès à des valeurs de marché qui sur moyenne et longue période sont potentiellement des sources de rendement. Le Livret A ne dispose pas de cette multiplicité de supports.
Le rendement des fonds euros peut apparaître faible au regard du niveau qu’ils avaient atteint dans le passé. Les fonds euros ressemblent à des tankers. Ils se meuvent avec un fort volant d’inertie. La baisse de leur rendement, ces dix dernières années, a accompagné celle des taux des obligations d’État mais dans une moindre proportion grâce à la poche de diversification dont ils sont dotés. Depuis la crise financière, nous étions dans une période sans précédent de faibles taux en lien avec les politiques monétaires non conventionnelles instituées par les banques centrales pour lutter contre les menaces de déflation.
Cette période anormale n’avait pas vocation à perdurer éternellement. La résurgence de l’inflation a sonné sa fin. Le taux des obligations d’État est loin d’avoir retrouvé son niveau d’avant 2008 mais sa remontée se fera sentir dans les prochaines années sur les rendements des fonds euros. Pour l’année 2022, ces derniers augmentent de 0,4 point à 0,5 point pour se situer autour de 2 %. À la différence du Livret A, l’annonce du rendement des fonds euros intervient en fin d’année ou au début de l’année qui suit. Le taux moyen du Livret A a été de 1,37 % en 2022, ce qui place le rendement des fonds euros au-dessus.
L’assurance vie donne la possibilité à l’assuré d’accéder à un grand nombre de supports. Au-delà du fonds euros et de sa garantie en capital, l’assuré peut souscrire à des unités de compte qui représentent des parts de fonds. L’assuré peut ainsi accéder à un nombre impressionnant de titres, actions, obligations, monétaires, pierre papier, etc. Il est possible de loger des titres en vifs dans certains contrats d’assurance vie. Des fonds structurés permettent également d’associer une sécurisation du capital tout en bénéficiant de la croissance des marchés. L’assurance vie multi-supports est un véhicule hors du commun. Ses caractéristiques contribuent à son succès. Près d’un ménage sur deux a souscrit au moins un contrat d’assurance vie. L’encours dépasse 1 850 milliards d’euros, soit plus de 60 % du PIB français.
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