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Depuis 30 ans, les Français ont le sentiment d’avoir été trompés sur le sujet des retraites. À chaque réforme, le gouvernement annonce que c’est la der des der, que le problème est réglé pour la nuit des temps. Or deux ans à trois ans après son adoption, le gouvernement suivant se remet à l’ouvrage en ayant recours aux mêmes éléments de langage. Depuis 1993, les efforts réalisés ne sont pas minces. Sans ces derniers, le poids des régimes de retraite atteindrait 18 % du PIB contre 13,8 % en 2021. Cette relative maîtrise des comptes retraite a été obtenue en reportant le départ à la retraite qui, en moyenne, intervient désormais au-delà de 62 ans, en désindexant les pensions ainsi que les salaires de référence des salaires moyens, en modifiant le calcul des pensions de base et en réduisant le rendement des pensions des régimes complémentaires par point. Le processus a été, en grande partie, engagé en 1993, de manière indolore, en passant par décret. Depuis, 2003, les réformes sont de nature législative et donnent lieu à des débats de plus en plus houleux.
Avec des régimes de retraite qui ont enregistré un excédent de 900 millions d’euros en 2020 et qui devraient connaître un solde positif de 3,2 milliards d’euros cette année, certains s’étonnent de l’urgence à réformer et reporter l’âge de départ à la retraite. Les résultats positifs sont avant tout la conséquence des fortes variations de croissance post-covid. Les déficits ne peuvent malheureusement que revenir, du fait de l’évolution de la démographie et de la situation de l’économie. Le vieillissement se poursuit inexorablement. Le nombre de retraités qui était de 5 millions en 1981 dépasse aujourd’hui 16,5 millions et devrait atteindre 23 millions d’ici 2070. La population active décline à partir de 2037, ce qui accélère la dégradation du ratio cotisants/retraités qui devrait passer de 1,7 à 1,2 de 2021 à 2070. Les gains de productivité qui alimentent la croissance sont en voie de disparition, ce qui limite les recettes à venir des régimes de retraite. Ces faits sont connus et s’imposent à nous. Par ailleurs, et c’est certainement le point le plus important, sans réforme, par le jeu des règles en vigueur, le montant des pensions pour les futurs retraités est amené à diminuer. Si, en moyenne, le niveau de vie des retraités était en 2021 supérieur de 2 % à celui de l’ensemble de la population, il pourrait y être inférieur de 15 % d’ici 2070. Le taux de remplacement des pensions par rapport aux revenus d’activité, qui tournait autour de 75 % pour la génération 1940, devrait baisser de 10 points pour la génération 1984, le recul étant plus marqué pour les cadres du fait de la division par deux du rendement de leur régime complémentaire ces trente dernières années. Dans un tel contexte, la politique de l’autruche est impossible, voire criminelle. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’une clarification sur ce sujet. Les dépenses de retraite représentent un quart des dépenses publiques. Jusqu’où pouvons-nous et voulons-nous aller ? Quel est le niveau minimum de pension auquel nous avons le droit ? Quels sont les moyens mis en œuvre pour améliorer les pensions des régimes obligatoires ? La loi PACTE avec la création du PER constitue un indéniable progrès. Elle a permis de rattraper le retard accumulé depuis les années 1990, mais il faut accélérer en incitant les branches à signer des accords sur le sujet et surtout en facilitant la mise en place de produits collectifs par les PME pour éviter, à terme, l’émergence d’une retraite à deux vitesses.
Jean-Pierre Thomas
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