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Depuis deux ans, l’idée d’une désindexation des pensions par rapport à l’inflation a été avancée pour réaliser des économies. L’indexation aux prix, en vigueur depuis près de quarante ans, a remplacé celle fondée sur l’évolution du salaire moyen.
En France, les retraites de base sont indexées sur les prix depuis 1987 pour le secteur privé et depuis 2003 pour la fonction publique. Les pensions des retraités sont, sauf exception, revalorisées chaque année au même rythme que l’inflation. Pour le régime général, qui verse la pension de base des salariés du privé, l’indexation sur les prix s’applique aussi à la revalorisation des salaires portés aux comptes (SPC) servant au calcul de la pension initiale. Un salaire perçu vingt ans avant la liquidation est ainsi revalorisé selon l’inflation constatée sur la période, et non selon la croissance du salaire moyen par tête (SMPT). Cette double référence aux prix permet de modérer l’évolution des pensions tout en assurant le maintien du pouvoir d’achat des retraités. Elle constitue un levier d’adaptation du système de retraite, mais ne garantit pas leur niveau de vie relatif, notamment par rapport aux actifs.
Le poids des dépenses de retraite dans le PIB a tendance à diminuer en cas de gains de productivité élevés, donc en période de croissance soutenue. À l’inverse, il augmente lorsque les gains de productivité sont faibles. Selon les projections de l’Insee, la part du PIB consacrée aux retraites passerait de 12,5 % en 2023 à 11,8 % en 2070 si la croissance de la productivité atteignait 1,3 % par an. Elle grimperait à 13,9 % si cette croissance n’était que de 0,4 %. Or, ces dernières années, la productivité a ralenti tandis que les prix ont augmenté, ce qui accroît mécaniquement le poids des pensions.
L’indexation sur les prix expose de manière asymétrique retraités et actifs aux aléas de la conjoncture. En période de forte croissance, le ratio pension moyenne/salaire moyen décroît, ce qui creuse l’écart de niveau de vie. Inversement, en cas de stagnation économique ou d’inflation élevée, l’indexation sur les prix profite davantage aux retraités.
Un retour à l’indexation sur les salaires permettrait une meilleure solidarité intergénérationnelle en assurant aux retraités une part constante du revenu national. Mais cette option aurait un coût élevé. L’INSEE estime que le ratio retraites/PIB augmenterait de 3,5 points de pourcentage entre 2023 et 2070, principalement à cause de la dégradation du ratio cotisants/retraités (de 1,7 à 1,4). La pension relative des retraités atteindrait alors 69,3 % du salaire moyen des actifs en 2070, contre 66,6 % en 2023.
Pour maintenir l’équilibre financier du système sans augmenter le taux de cotisation, l’indexation sur les salaires devrait être accompagnée d’un mécanisme correcteur démographique. Plusieurs pays européens (Allemagne, Suède…) ont introduit de tels dispositifs pour neutraliser les effets du vieillissement. En France, seul le régime complémentaire Agirc-Arrco applique une telle règle : les pensions sont indexées sur les salaires, mais réduites d’un coefficient de soutenabilité lié à la démographie.
L’application d’un mécanisme de correction au régime général supposerait trois évolutions :
La transposition aux régimes des fonctionnaires et des indépendants pourrait se faire avec quelques ajustements.
Ce mode de pilotage rendrait les dépenses de retraite peu sensibles à la croissance, permettant une stabilisation du ratio retraites/PIB à long terme. Toutefois, l’effet n’en serait pas immédiat. Tant que le système resterait en transition, la pension moyenne continuerait à augmenter du fait de l’effet de noria : les nouveaux retraités perçoivent des pensions plus élevées que les anciens, ce qui augmente temporairement la moyenne. Ce n’est qu’à l’horizon 2060 que le ratio retraites/PIB se stabiliserait autour de 14 %.
Pour contenir ce ratio autour de 13 %, des ajustements plus drastiques seraient nécessaires. Cela impliquerait une baisse du taux de remplacement : en 2070, la pension moyenne ne représenterait plus que 56 % du salaire moyen, contre 67 % en 2023. En cas de croissance inférieure aux hypothèses, les pensions pourraient même progresser moins vite que l’inflation.
La part des retraités vivant sous le seuil de pauvreté (60 % du revenu médian) augmenterait d’ici 2070 : de 13,5 points de pourcentage en cas de forte croissance, de 7 points si la croissance est faible. L’indexation sur les salaires avec correcteurs démographiques permettrait de stabiliser cette évolution (hausse limitée entre 7,6 et 8,2 points selon les scénarios).
Les effets redistributifs d’une réforme de l’indexation ne se résument pas au maintien du niveau de vie des retraités par rapport aux actifs. Ils posent aussi la question des inégalités entre retraités. Une indexation différenciée des pensions minimales — à l’instar du minimum contributif (MICO), désormais indexé sur le SMIC — permettrait de stabiliser la part des bénéficiaires, et d’éviter, ainsi, un décrochage relatif.
L’indexation des pensions constitue un levier central de pilotage du système de retraite. Si l’indexation sur les prix permet de préserver le pouvoir d’achat des retraités, elle accentue le décrochage de leur niveau de vie relatif en période de croissance. À l’inverse, une indexation sur les salaires, corrigée par des facteurs démographiques, favoriserait une meilleure solidarité intergénérationnelle, mais au prix d’un effort financier accru. Entre stabilité économique, soutenabilité budgétaire et équité sociale, la question de l’indexation cristallise les tensions propres à tout système par répartition. Toute réforme en la matière devra conjuguer clarté des objectifs, progressivité des mesures et vigilance sur les effets redistributifs à long terme.
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