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Nouveaux Placements, les jetons non fongibles, de quoi s’agit-il ? par Philippe Crevel directeur du Cercle de l’Epargne

Epargne 10 décembre 2021

Pouvons-nous imaginer un monde sans Livret A, sans fonds euros, sans unités de compte ? Les épargnants de 2030 placeront-ils tout leur argent sur la blockchain en s’affranchissant des intermédiaires ? La percée du bitcoin chez les jeunes de moins de 35 ans, 20 % jugeant, selon l’enquête du Cercle de l’Épargne/Amphitéa, ce placement comme intéressant, traduit une évolution rapide des comportements. De plus en plus de jeunes s’entichent des NFT, (non fungible token), des jetons non fongibles qui sont des éléments de la blockchain. À la différence des dollars, des euros ou des bitcoins, une unité n’a pas obligatoirement la même valeur qu’une autre. Les jetons stockent certaines données, notamment le nom du NFT et un lien vers une image numérique. Chaque jeton est unique et ne peut être conservé que dans un seul portefeuille en ligne. L’image, cependant, peut être visualisée, copiée ou téléchargée par n’importe qui. Les NFT appelés également « cryptokitties » ont été inventés par Anil Dash, un entrepreneur, et Kevin McCoy, un artiste, pour faire comprendre qu’un article sur Internet était un original numérique méritant une protection et une reconnaissance spécifiques. Les NFT offrent la preuve que son détenteur est à l’origine de l’image ou du texte. Ils permettent de distinguer l’original des copies. L’usage des NFT dépasse désormais celui de l’art en se diffusant notamment dans la sphère de l’immobilier.

Un marché en plein développement

Les NFT connaissent un essor rapide. Sur les dix premiers mois de l’année 2021, la valeur totale des NFT émis sur la blockchain Ethereum est de 14,3 milliards de dollars, selon DappRadar, une société de recherche, contre environ 340 millions de dollars en 2020. Selon une récente enquête réalisée par l’institut Louis Harris, 11 % des adultes américains auraient acheté un NFT (soit juste un point de moins que ceux qui investissent sur le marché des matières premières). Les volumes mensuels de NFT-trading sur des plateformes d’art désignées comme « Nifty Gateway » et « Foundation », ont atteint 205 millions de dollars en 2021. Les analystes de Jefferies, une banque d’investissement américaine, parient sur un doublement de la valeur des NFT en 2022. Leur valeur pourrait dépasser 80 milliards de dollars en 2025.

Les atouts des NFT

Les NFT, logés sur la blockchain, permettent à leurs créateurs et aux acheteurs de suivre l’historique des transactions. Les créateurs peuvent également conserver une participation dans leur travail, même après la vente de l’original. Dans un système de vente traditionnelle, les artistes ont peu de moyens pour veiller au respect de leurs droits. Un NFT peut être lié à un texte comprenant un contrat juridique qui confère un type spécifique de droit de propriété. Sur la plateforme « Foundation », le règlement précise que l’acheteur d’un NFT a des droits qui s’apparentent à une licence d’utilisation d’une image de manière limitée. La vente peut par exemple interdire l’usage du NFT à des fins commerciales par l’acheteur en limitant le droit d’usage à un affichage public et à la possibilité de le copier pour un usage personnel.

Les atouts des NFT n’intéressent pas que le monde de l’art. De nombreux investisseurs en capital-risque et développeurs informatiques estiment qu’ils peuvent servir de base aux échanges en ligne. Ils tentent de créer un nouveau type d’économie numérique, dans lequel toutes les opérations en ligne seront exécutées par des applications « décentralisées ». Ces dernières appartiendraient à leurs inventeurs et seraient exploitées par leurs utilisateurs, sans avoir besoin de recourir à des intermédiaires comme Google ou Apple. La distribution de toutes sortes de contenus numériques, comme des images, des vidéos et même des articles, pourrait se faire en passant par les NFT. Le monde des jeux vidéo qui a toujours été en pointe en matière informatique s’intéresse de plus en plus aux jetons. « Axie Infinity », un jeu avec plus de 250 000 utilisateurs actifs quotidiens, recourt aux NFT. Dans ce jeu, les participants collectent, élèvent, combattent et échangent des petites créatures, qui sont numérisées en tant que NFT. Ils peuvent gagner des jetons en fonction de leurs scores. La valeur de ces NFT est liée au résultat des ventes du jeu. Supdrive, une plateforme de jeux vidéo, vend ces derniers sous forme de NFT. Plusieurs mondes en ligne immersifs, les métavers, proposent l’achat de terrains virtuels grâce à des NFT.

Les NFT comme outil de financement

Au-delà du monde virtuel, les jetons pourraient également être utiles pour des activités menées dans le monde réel. Certaines universités américaines expérimentent leur utilisation pour financer la recherche. L’Université de Californie à Berkeley a collecté 50 000 dollars en vendant un NFT fondé sur des documents relatifs à des recherches sur l’immunothérapie contre le cancer réalisées par le prix Nobel de médecine, James Allison, en tant qu’objet de collection. Saint-Marin a approuvé l’utilisation de jetons comme passeports numériques pour le vaccin contre le covid.

Les NFT de l’immobilier virtuel à l’immobilier réel

Tout comme ils rendent possibles les transferts de terres virtuelles, les NFT pourraient devenir un moyen d’échanger des actes de propriété réels ou d’autres types de contrats. En juin, Michael Arrington, le fondateur de TechCrunch, une société de médias, a ainsi vendu un appartement à Kiev. Les NFT permettraient également aux acheteurs et aux vendeurs d’exploiter un nombre croissant d’applications financières décentralisées fondées sur des blockchains. Ils permettraient l’octroi de prêts sans passer par des intermédiaires financiers.

Les NFT sont utilisés également dans le cadre de transactions immobilières réelles. Un propriétaire peut, en effet, juxtaposer le droit de propriété d’un bien donné sur un NFT, afin que ce jeton représente la contrepartie numérique dudit bien. Le NFT peut ensuite être transigé par l’entremise de la chaîne de blocs, en contrepartie de cryptomonnaies. Ce phénomène également nommé « numérisation » – « tokenization » – permet la représentation de tout actif du monde réel par un cryptoactif au sein de la chaîne de blocs. La numérisation permet de fractionner la valeur d’un actif de manière infinie. Ainsi, un individu qui n’a pas les moyens d’acheter un tableau à lui seul pourra, par exemple, acquérir un NFT qui représente un dixième de ce tableau. Ce faisant, il peut s’agir d’une manière de rendre liquide des biens qui, autrement, sont loin de l’être, comme c’est notamment le cas pour les œuvres d’art et les immeubles. 

Un investisseur américain Ivan Malpica a mis en vente la moitié d’une maison située à Saint-Louis, dans le Missouri, sous forme de NFT. La chaîne de blocs permet d’horodater et de vérifier les transactions. Elle contribue à la certification des opérations, l’authentification demeurant de la compétence selon les pays des notaires, des avocats ou de l’administration. Certains souhaitent une évolution du droit pour faciliter les ventes en NFT. La blockchain pourrait rendre plus liquide le marché immobilier avec des gains de temps non négligeables.

Les NFT, les outils de financiarisation des jeux vidéo

Les applications de jeux vidéo deviennent des portails multi-services. En plus des forums, des messageries instantanées, elles permettent à leurs membres d’accéder via les NFT à des quasi produits financiers. La société française de jeux de football en ligne, Sorare, dispose de 30 000 clients sur 350 000 qui détiennent au moins une carte NFT. Elle a ainsi récupéré, pour l’émission de ses cartes de joueurs de football, 40 000 ethers, soit plus de 60 millions de dollars fin novembre. La valeur de ces cartes fluctue en fonction de la valeur accordée aux joueurs ainsi représentés. Ces cartes sont échangeables ou cessibles en ligne en ayant recours à la blckchain.

Les limites des NFT

Les NFT ne sont pas sans faille. Ils ne sont que des liens vers des images. Des hackers peuvent modifier à leur profit les liens après la réalisation d’une transaction. L’identité d’un acheteur de NFT et la provenance de ses fonds ne peuvent pas toujours être connues, l’organisation d’opérations frauduleuses en serait facilitée. Les technologies blockchain consomment de manière importante de l’électricité. La vente d’un NFT sur une plateforme correspond à l’émission de gaz à effet de serre d’une personne empruntant un vol long-courrier. Certaines solutions sont à l’étude comme un système de stockage décentralisé et un suivi des liens rompus. Certaines applications essaient de toucher le moins possible à la blockchain afin de réduire l’empreinte carbone.


A lire dans le Mensuel N°92 de décembre 2021

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