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Les Français et leur épargne, les leçons du premier semestre

Epargne 6 août 2023

Questions à Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Epargne

Malgré l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat, les ménages ont maintenu un fort taux d’épargne. Comment expliquez-vous cette apparente contradiction ?

Depuis trois ans, le taux d’épargne des ménages se maintient à un niveau élevé. Il était, au premier trimestre 2023, de 18,3 % du revenu disponible brut, soit trois points au-dessus de son niveau d’avant la crise sanitaire. Les Français préfèrent diminuer leurs dépenses de consommation plutôt que toucher à leur cagnotte covid.

Ce comportement est assez classique. En période d’inflation, les ménages renforcent leur épargne de précaution par crainte des augmentations à venir. Il y a aussi un effet d’encaisse. Ils veulent maintenir constante la valeur de leur patrimoine. Les ménages sont conscients que l’inflation érode la valeur de leur patrimoine mais cela ne les empêche pas d’épargner, bien au contraire. Même si le ressenti est différent, depuis le début de l’année 2022, les pertes de pouvoir d’achat sont limitées permettant le maintien d’un fort volant d’épargne. Il convient néanmoins de souligner que les ménages les plus modestes n’ont pas ou plus les moyens d’épargner.

Le Livret A a été le grand gagnant des six premiers mois 2023. Quels ont été, au-delà de ce succès, les choix de placement des ménages ?

Le phénomène marquant du premier semestre est surtout la baisse de l’encours des dépôts à vue. Après avoir connu une augmentation rapide depuis 2016 et surtout depuis le début de la crise sanitaire, les dépôts à vue, les comptes courants se vident au profit du Livret A, du LDDS et du LEP. Leurs encours sont passés de 543 milliards d’euros fin septembre 2022 à 505 milliards d’euros fin avril 2023. Il reste malgré tout nettement supérieur à son niveau de décembre 2019, 406 milliards d’euros. Chaque ménage avait ainsi fin avril, en moyenne, 17 000 euros sur ses comptes courants. Cette réallocation a profité essentiellement aux Livrets A et aux LDDS. La collecte de ces deux produits a atteint 32,4 milliards d’euros sur les six premiers mois de l’année. Pour le seul Livret A : 26 milliards d’euros. L’encours du Livret A et du LDDS est passé de 510 à 544 milliards d’euros de fin décembre à fin mai. Le Livret d’Épargne Populaire, qui faisait l’objet d’une désaffection depuis des années, a connu une vive croissance. Il est le seul produit à être indexé sur l’inflation.

L’épargne réglementée a bénéficié à plein de l’augmentation de revalorisation de ses taux de rendement. Les trois revalorisations intervenues entre le 1er février 2022 et le 1er février 2023 ont conduit les ménages à privilégier ce type d’épargne. Même si les transferts de l’assurance vie vers le Livret A sont limités, ce placement a néanmoins été pénalisé par l’écart de taux qui s’est établi avec le second. La collecte nette sur les six premiers mois de l’année n’a été que de 4,1 milliards d’euros, contre 9,5 milliards d’euros en 2022. Les cotisations brutes sont en retrait et les sorties restent abondantes. En mai, une décollecte de 1,6 milliard d’euros a été enregistrée. Celle-ci a atteint, pour les seuls fonds euros, 12 milliards d’euros.

Le gouvernement a décidé de ne pas revaloriser le taux du Livret A et a annoncé son gel, le 13 juillet dernier, pour 18 mois. Comment appréciez-vous cette décision ?

Les épargnants attendaient un taux du Livret A à 3,5 ou 4 %, ils ont eu le droit à un taux maintenu à 3 % et cela durant les dix-huit prochains mois. En prenant cette décision, le Ministre de l’Économie fait le pari de la baisse de l’inflation. Il souhaite également une reprise de la consommation qui est, depuis des mois, en berne. Le taux de 3 % sera plus compétitif à mesure de la décrue de cette dernière. Il a souhaité ne pas pénaliser les bénéficiaires des ressources de l’épargne réglementée, en particulier les bailleurs sociaux. Une augmentation du taux du Livret A constitue une charge pour les banques et pour la Caisse des Dépôts et Consignations qui centralise jusqu’à 60 % des ressources collectées. Par sa décision, le Ministre de l’Économie a voulu éviter de nouveaux surcoûts pour les banques au moment où les taux d’intérêt sur les emprunts augmentent.

Une des raisons de la non-application de la formule est également liée à la hiérarchie des taux. Un taux autour de 4 % aurait constitué un pic dans la hiérarchie des taux. Un produit d’épargne de court terme comme le Livret A serait ainsi beaucoup mieux rémunéré que les autres produits de court terme (dépôts à terme, livrets bancaires) mais aussi que certains produits de long terme et en particulier les fonds euros de l’assurance vie qui sont en décollecte depuis le début de l’année.

Le gel de 18 mois du taux du Livret A est le deuxième décrété depuis 2017. Le taux avait été bloqué durant le premier mandat d’Emmanuel Macron, jusqu’en 2021 à 0,5 %. Cette fois-ci, le ministre de L’Économie promet que le taux ne changera pas d’ici 2025 même si l’inflation revient dans sa zone cible des 2 %.

Le marché actions résiste bien. Dans un contexte de remontée des taux, cela constitue-t-il surprise ?

Après une année 2022, en repli, -9,5 %, le CAC 40 a gagné 14 % au cours du premier semestre. Il est notamment porté par le secteur du Luxe. Les autres grands indices boursiers sont également en hausse, en particulier le Nasdaq, avec comme symbole Apple dont la capitalisation a dépassé la semaine dernière 3 000 milliards de dollars.

Les valeurs boursières augmentent en lien avec les bons résultats des entreprises qui ont réussi à répercuter la hausse de leurs coûts sur leurs prix. Les investisseurs croient, par ailleurs, à la fin rapide de la vague inflationniste. Ils pensent que le plus dur est derrière eux en matière de hausse de taux d’intérêt. Ils ne s’inquiètent pas outre mesure des risques de récession.

L’immobilier est-il entré dans une crise de longue durée  ?

Le marché de l’immobilier s’est certes retourné mais de manière modérée. Il subit la hausse de taux d’intérêt ainsi qu’un effet de correction après l’envolée des prix post covid. Après un doublement en vingt ans des prix, la baisse constatée ces derniers mois reste modeste : -0,4 % sur le premier semestre pour l’ensemble de la France. La baisse est plus importante à Paris mais la hausse y avait été aussi plus forte. Aux États-Unis, après un ajustement marqué en 2022, les prix sont de nouveau orientés à la hausse. Il est trop tôt pour évoquer une crise de l’immobilier. La demande en logements reste forte quand l’offre demeure faible. Les Français souhaitent des logements plus grands plus proches de la nature et de la mer et si possible à proximité des grandes agglomérations. Cette propension crée des tensions sur les prix au sein de nombreux territoires.

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