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Les délicates équations des projets de loi de finances pour 2023

Economie 27 septembre 2022

Etablir un projet de loi de finances en pleine tourmente est une mission impossible quel que soit le gouvernement en place. Avec la guerre à moins de deux milles kilomètres, avec des matières premières et des ressources énergétiques aux prix erratiques, avec une inflation en hausse, l’art de la prévision est de plus en plus divinatoire. Le Gouvernement a retenu 1 % comme taux de croissance ce qui correspond à la croissance potentielle de l’économie française avant la crise sanitaire. Ce taux est au-dessus de ceux prévus par la Banque de France (0,8 %) et de l’OCDE (0,6 %). Afin d’éviter un déficit public de plus de 5 points de PIB, le gouvernement avait tout avantage à fixer un taux de croissance le plus haut possible. Pour l’inflation, il a retenu le taux de 4,3 % en 2023 quand il devrait se situer légèrement au-dessus de 6 % pour 2022. Un rebond de l’indice des prix est attendu en début d’année quand la ristourne sur les carburants sera allégée, rebond qui devrait être selon le ministère de l’Economie, suivi par un repli assez net. Cela suppose que la progression des salaires soit modérée et que la situation sur le front de l’énergie se normalise. Le ralentissement de la croissance de l’économie mondiale devrait faciliter la décrue des prix de l’énergie et des matières premières. La hausse des prix offre l’intérêt de grossier en volume le PIB et donc de diminuer en valeur relative le déficit et la dette. Elle gonfle les recettes de TVA ; en revanche, l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu en fait perdre.

480 milliards d’euros de dépenses pour l’Etat

L’Etat ne s’engage pas dans la rigueur en 2023 avec des dépenses qui devraient progresser de 21,7 milliards par rapport à 2022 pour atteindre 480 milliards d’euros. Près de 11 000 postes budgétaires sont créés. Le ministre de l’Intérieur et de l’ Outre-mer gagne 3.109 postes, la Justice (+2.300) ou l’Education nationale (+2.000) connaîtront de fortes hausses d’effectifs l’an prochain, dans le cadre d’un budget globalement favorable aux ministères régaliens, davantage qu’à celui de l’Economie (-508 postes) ou des Solidarités (-51).

Au niveau des dépenses, la plupart des ministères bénéficient de dotations majorées. L’Education gagne 3,7 milliards d’euros à 60,2 milliards. Les moyens de la Défense augmentent de 3 milliards tandis que ceux de la mission Travail et emploi, progressent de 3,7 milliards d’euros.

Les boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité devraient coûter 45 milliards d’euros en 2023. Le bouclier tarifaire sera en 2023 moins protecteur qu’en 2022 avec une limitation à 15 % la hausse des prix de l’énergie, contre 5 % actuellement. Compte tenu des rentrées fiscales issues des entreprises du secteur de l’énergie, le coût net du bouclier tarifaire serait ramené à 16 milliards d’euros.

Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ainsi que celui de la transition énergétique sont dotés à hauteur de 49,6 milliards d’euros, soit une augmentation globale de 15 % de leur budget par rapport à 2022. 40,3 milliards sont affectés au ministère de Christophe Béchu (transition écologique et cohésion des territoires) et environ 19 à celui d’Agnès Pannier-Runacher (énergie). L’augmentation est en partie un jeu d’écritures. Le Ministère de la transition écologique reprend la mission « relation avec les collectivités territoriales », autrefois rattaché à l’intérieur.

Sur les 19 milliards d’euros affectés à l’énergie, les trois postes principaux de dépenses sont la rénovation des logements, l’aide à l’achat de véhicules propres, l’accélération de la décarbonation du mix énergétique, et le maintien d’un bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité en 2023 qui dans les faits est une mesure de soutien du pouvoir d’achat. Cette dernière mesure n’est pas en soi de nature à faciliter la transition énergétique.

Près de 3 milliards d’euros seront consacrés en 2023 à la rénovation énergétique des logements privés. Le dispositif MaPrimeRénov, qui était crédité de 2 milliards d’euros en 2022, bénéficiera d’une enveloppe de  2,5 milliards d’euros en 2023. L’aide à l’acquisition de véhicules propres sera dotée de 1,3 milliard d’euros de crédits, comprenant le bonus écologique et la prime à la conversion. Le gouvernement prévoit de créer un nouveau dispositif de « leasing social » , qui consiste à louer un véhicule propre aux foyers les plus modestes. En vu de relancer la filière nucléaire, le gouvernement a inscrit au budget 1,2 milliard d’euros. Pour le soutien aux énergies renouvelables, la somme vouée à la réalisation des études sur l’implantation de parcs éoliens en mer sera augmentée de 25 millions d’euros, soit une hausse de 58 % par rapport à 2022. Le poste consacré aux mobilités représente environ 10 milliards d’euros. Outre les 250 millions d’euros annoncés par la première ministre, Elisabeth Borne, dans le cadre du nouveau « plan vélo », 3,8 milliards d’euros seront attribués aux investissements dans les infrastructures de transport, notamment pour « les transports du quotidien ». Dans le budget du ministère de la transition écologique, 3,5 milliards d’euros sont affectés à la biodiversité. Après l’extrême sécheresse de l’été, le ministère annonce que les moyens des agences de l’eau seront sanctuarisés en 2023, à hauteur de 2,2 milliards d’euros. Et 150 millions d’euros sont prévus pour le financement de la stratégie nationale pour la biodiversité.

Des recettes touchées par la crise

Le montant des recettes a été prévu 320 milliards de recettes dont 314 milliards d’euros de recettes fiscales, soit une diminution de 800 millions d’euros par rapport à 2022. Le recul s’explique essentiellement par la diminution de la taxe sur la valeur ajoutée (-4,7 milliards), et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (-1,2 milliard) en raison de la hausse des transferts à des tiers, ainsi que par la baisse de l’impôt sur les sociétés (-3,7 milliards). Le gouvernement confirme également la suppression de la CVAE (Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) se fera sur deux ans, avec une perte de recettes de 8 milliards en 2023 et 2024.

Un déficit public cantonné à 5 % du PIB

En matière de déficit public, le gouvernement a placé le curseur au même niveau qu’en 2022, 5 %, malgré l’affaiblissement de la croissance. Le ministère de l’Economie concède néanmoins que l’équilibre budgétaire ou plutôt le déséquilibre sera sensible aux aléas macroéconomiques et en particulier aux variations des prix de l’énergie. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) n’a pas manqué de souligner l’absence de stratégie d’assainissement des comptes publics.  Le déficit de l’Etat devrait passer de 172,6 en 2022 à 158,5 milliards d’euros en 2023. Le déficit des régimes sociaux sera de son côté contenu en-dessous de 7 milliards d’euros quand les collectivités locales devrait dégager un léger excédent.

L’Etat français émettra pour 270 milliards d’euros d’emprunts en 2023 ce qui constituera un record, après 260 milliards d’euros en 2021 et 2022. Avec des taux d’intérêt en hausse, le service de la dette qui a été longtemps une source d’économie devrait dépasser 60 milliards d’euros. Le gouvernement a certainement minoré le coût de l’endettement en retenant un taux d’emprunt moyen en 2023 de 2,5 % quand déjà au mois de septembre 2022, le taux de l’OAT à 10 ans a dépassé 2,7 %.

Un projet de loi de financement de la Sécurité sociale post covid

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 qui dans sa version initiale ne comporte pas de mesures relatives à une éventuelle réforme des retraites prévoit un déficit de 6,8 milliards d’euros, contre 17,8 milliards d’euros en 2022, 26,1 milliards d’euros en 2021 et 30,5 milliards d’euros en 2020. Pour 2026, le gouvernement parie sur une perte de 2,6 milliards d’euros. Les dépenses inscrites au PLFSS 2023 sont censées augmenter de 2,1 % quand les recettes sont annoncées en hausse de 4,1 %. La bonne tenue de l’emploi et l’inflation dopent les recettes quand la décrue de l’épidémie de covid devrait diminuer les dépenses.

Le PLFSS 2023 s’articule autour de cinq axes :

  • le renforcement de la prévention ;
  • l’amélioration de l’accès à la santé, l
  • la construction d’une « société du bien vieillir chez soi » ;
  • la construction d’un nouveau service public d’accueil du jeune enfant ;
  • la lutte contre la fraude sociale.

Assurance Maladie, la recherche des économies

Pour améliorer la prévention, le gouvernement entend notamment mettre en place trois rendez-vous médicaux à des âges clés de la vie (25 ans, 45 ans, 65 ans), en complément des dispositifs déjà existants de dépistage organisé de certains cancers ou de vaccination.

Après un taux d’augmentation de 5,4 % (hors dépenses liées à la crise) en 2022 l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) devrait connaitre une progression + 3,7 % (hors dépenses liées à la crise sanitaire) soit une hausse de + 8,6 milliards d’euros à champ constant par rapport à 2022 et de 53 milliards d’euros depuis 2017. Le déficit de l’assurance maladie devrait passer de 2022 à  2023, de 17,8 milliards d’euros à 6,8 milliards d’euros. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement compte réaliser 1,1 milliard d’euros d’économies sur produits de santé et 250 millions d’euros dans le secteur de la biologie et 150 millions dans  l’imagerie médicale.  (les organismes complémentaires devraient supporter un transfert de charges de 150 millions d’euros. le gouvernement appelle de ses vœux un partage des charges plus équitables entre complémentaires et assurance maladie obligatoire. Il a souligné lors de la présentation du PLFSS que  sous l’effet des affectations longue durée, « en quelques années, la part de l’assurance maladie obligatoire dans le financement des dépenses de santé a augmenté de 3,5 points quand sur la même période, la part prise en charge par les complémentaires santé a baissé, passant de 13,6% à 12,9%. Des discussions seront, selon le Ministre des Comptes Publics, rapidement menées entre les pouvoirs publics et les organismes complémentaires pour organiser les transferts de charges.

Assurance vieillesse, un déficit sur fond de vieillissement de la population

Après s’être rapprochée du point d’équilibre en 2021, la branche assurance-vieillesse, edevrait être déficitaire de  – 3,5 milliards en 2023. La dégradation devrait se poursuivre et s’amplifier, avec des besoins de financement estimés à près de 16 milliards d’euros en 2026.

Une revalorisation des pensions de base de 0,8 % au 1er janvier 2023

Après la hausse de 1,1 % le 1er janvier 2022 et celle de 4 %, le 1er juillet 2022, le gouvernement prévoit une nouvelle augmentation des pensions de retraite de base de 0,8 % pour le 1er janvier 2023. Il s’agirait d’apurer l’inflation constatée en 2022 qui devrait atteindre 6 %. Compte tenu de la hausse attendue des prix, en 2023, +4,3 %, la question d’une majoration en cours d’année se posera sans nul doute à l’occasion de l’examen du projet de loi par le Parlement.

Des mesures en faveur du « grand âge »

À défaut d’un grand texte sur la dépendance, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit plusieurs mesures en faveur du « grand âge ».

Le volet « autonomie » du projet de loi comporte une dotation supplémentaire de 1,5 milliard d’euros en faveur des personnes âgées et handicapées, dont 850 millions pour le grand âge. L’enveloppe pour les personnes âgées augmente de 5,1 % contre plus de 4 % en 2021. 246 millions d’euros sont affectés à la revalorisation des professionnels des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) financés par l’État pour tenir compte de la hausse du point d’indice.

3 000 postes supplémentaires seront créés pour les 7 500 Ehpad, l’engagement étant d’atteindre l’objectif de 50 000 postes en cinq ans. Compte tenu des postes vacants, les établissements rencontrent avant tout des problèmes de recrutement.

Avec 120 millions d’euros, les services de soins infirmiers à domicile bénéficient, comme en 2021, d’un soutien financier pour mieux rembourser les interventions des infirmières à domicile.

Les personnes âgées dépendantes pourront bénéficier d’une présence plus importante des auxiliaires de vie à domicile, de l’ordre de deux heures supplémentaires. Le PLFSS prévoit que ces heures de « vie sociale » entreront en vigueur par étapes entre 2024 et 2028 pour un coût estimé à 900 millions d’euros. 780 000 bénéficiaires de l’Allocation personnalisée d’autonomie sont potentiellement concernés. La mise en œuvre de cette mesure dépendra de la disponibilité réelle des aides à domicile.

Un meilleur contrôle des Ehpad

Avec le PLFSS, le gouvernement a décidé d’instituer de nouvelles règles de transparence financière. Les agences régionales de santé et les conseils départementaux auront accès à la comptabilité des sièges des groupes privés lucratifs et non plus seulement aux comptes de chaque établissement. Cette possibilité est étendue à l’Inspection générale des affaires sociales et à celle des finances. Le PLFSS limite dans le temps la possibilité pour les Ehpad de conserver des subventions publiques non consommées.

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