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En France, le sujet de l’emploi des seniors est, par nature, conflictuel. Il renvoie à l’âge de départ à la retraite, au comportement des employeurs par rapport aux salariés de plus de 50 ans, à la pénibilité, etc. La France se caractérise par un faible taux d’emploi des seniors par rapport à ses partenaires. Un des enjeux de la réforme des retraites présentée par le Gouvernement d’Élisabeth Borne est d’améliorer ce taux d’emploi dans le prolongement des actions conduites depuis des années. De nombreuses fausses informations circulent sur la question de l’emploi des séniors. En partant des données fournies par l’INSEE et par le service des statistiques du Ministère du Travail (la DARES), essayons d’apprécier la réalité du marché du travail pour les plus de 55 ans en France.
En 2021, selon l’INSEE, 56,5 % des personnes de 55 à 64 ans sont en emploi en France (hors Mayotte), dont une partie cumulant leur activité avec une retraite. En intégrant les seniors au chômage, le taux d’activité atteint 59,7 %.
La présence des seniors sur le marché du travail a diminué de 1975 jusqu’à la fin des années 1990, et particulièrement à partir de 1983. Cette baisse s’explique par le développement des systèmes de préretraites après les deux chocs pétroliers et par le passage, en 1983, de l’âge légal de départ à la retraite de 65 à 60 ans. Entre 1983 et 2000, le taux d’emploi des 60-64 ans a ainsi baissé de 12,9 points, tandis que celui des 55-59 ans était stable. Une remontée s’amorce depuis les années 2000. De 2002 à 2022, le taux d’emploi des 55/64 ans a, en France, progressé de 16 points. Les progrès ont été réalisés dans la tranche 55-59 ans (+15 points) mais aussi chez les plus de 59 ans (+26 points). Le report de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans a fortement contribué à ce relèvement. Par ailleurs, de manière plus lente, l’allongement de la durée de cotisation de 37,5 à 42 ans a également joué un rôle.
Le taux d’emploi diminue avec l’âge. En 2021, il atteint 81,8 % pour les 25-49 ans, puis 75,1 % pour les 55-59 ans et 35,5 % pour les 60-64 ans. De 50 à 56 ans, le taux reste proche de 80 %, puis diminue de 10 points jusqu’à 59 ans. À partir de 52 ans, certaines catégories d’actifs peuvent prétendre à la retraite (catégories d’actives dans la fonction publique). Cette proportion s’accroît au fil des années. Le taux d’emploi passe ainsi à 60 % à 60 ans. Le dispositif de carrières longues et les départs anticipés pour invalidité expliquent la baisse du taux d’emploi autour de 60 ans. Ce taux atteint 20 % à partir de 64 ans. À 60 ans, une personne sur six environ est retraitée et deux sur trois le sont à 63 ans.
Sur l’ensemble des 55-64 ans, la part des personnes en emploi augmente de 7,7 points entre 2014 et 2021. Symétriquement, celle des inactifs, principalement des retraités, perd 7,6 points. Ce repli est pour partie dû à l’augmentation progressive du nombre de trimestres de cotisation ouvrant les droits à la retraite à taux plein en lien avec les réformes mises en œuvre à partir de 1993. Ce phénomène est encore plus marqué pour les 60-64 ans. Le taux d’emploi s’accroît de 8,9 points et la part d’inactifs recule de 9,6 points. La part d’inactifs parmi les 55-59 ans se replie également entre 2014 et 2021, de 5,1 points.
Le relatif faible taux d’emploi des seniors s’explique par les difficultés d’insertion des jeunes au sein du marché du travail et par un départ à la retraite à un âge inférieur à la moyenne européenne.
Le taux de chômage des jeunes, même s’il est en recul depuis plusieurs années, reste élevé et proche de la moyenne européenne. La France se caractérise par un nombre important de jeunes qui ne sont ni en formation, ni en emploi (NEET).
L’âge effectif de départ à la retraite progresse en France, mais il est également inférieur à la moyenne européenne.
L’âge moyen de départ à la retraite, en France, s’élevait, en 2020, à 62 ans et 3 mois. Il est de 62 ans et 6 mois pour les femmes et de 62 ans pour les hommes. Cet âge qui était en baisse constante depuis les années 1980 est en hausse depuis 2010, année du passage de la retraite à 62 ans. Près de la moitié des personnes liquidant leurs droits à la retraite ont un âge inférieur à 62 ans. Sont concernés les fonctionnaires dits de catégorie active, les titulaires des régimes spéciaux, les bénéficiaires du dispositif carrières longues, ainsi que les personnes handicapées ou invalides pouvant anticiper leur départ à la retraite.
Selon la DREES, la durée moyenne de la retraite pour la génération 1980 devrait diminuer de plus de vingt mois.
Fin 2021, le taux de chômage des seniors était de 6,3 %. Ce taux de chômage diminue depuis 2015, comme celui des 15-64 ans. Depuis 2003, il est toujours inférieur à celui de l’ensemble des actifs de 15 à 64 ans, mais l’écart tend à se réduire : compris entre -3,5 et -4,0 points de 2003 à 2006, il est de -1,6 point en 2021. En 2021, le taux de chômage des 55-64 ans est légèrement plus faible chez les femmes seniors, 6,1 % contre 6,5 % chez les hommes. Ces derniers sont plus souvent en retraite (27,7 % contre 24,5 %) et les femmes plus fréquemment inactives sans être pour autant retraitées. Les femmes seniors en emploi sont davantage à temps partiel (32,0 % d’entre elles contre 11,0 % des hommes) et en situation de sous-emploi (7,8 % contre 4,3 %).
Malgré l’augmentation du taux d’emploi des seniors depuis 2001, la France reste en deçà de la moyenne européenne et surtout du niveau de l’Allemagne. L’objectif européen est d’atteindre un taux d’emploi chez les 60/64 ans de 50 %.
Sur ces dix dernières années, tous les pays de l’Union européenne ont enregistré une progression de leur taux d’emploi des plus de 55 ans. Les États qui sont en situation de plein-emploi sont naturellement ceux qui ont les taux d’emploi des seniors les plus élevés. En France, le taux d’emploi des femmes seniors est égal à la moyenne européenne, quand il est inférieur de près de 10 points pour les hommes.
La réduction de la durée des retraites génère des coûts induits importants qu’il convient de prendre en considération. Avec le recul de l’âge minimum légal de la retraite, des personnes peuvent connaître des épisodes de chômage, en règle générale assez longs, et des périodes d’invalidité. Le recul de l’âge minimum légal de 60 à 62 ans aurait ainsi occasionné en 2017, au terme de sa montée en charge, de l’ordre de 3 milliards d’euros de dépenses sociales supplémentaires (dont environ 800 millions pour l’assurance chômage, 700 millions au titre de minima sociaux et de 1,2 à 1,5 milliard d’euros de dépenses d’invalidité), soit environ 20 % du gain réalisé cette année-là sur les dépenses de retraite. Ce montant indiqué par la Cour des Comptes pourrait être plus élevé en intégrant l’ensemble des couvertures de prévoyance complémentaire.
Le passage de 62 à 64 ans devrait générer un coût moindre pour les régimes de prévoyance du fait du basculement en retraite des personnes en situation d’invalidité à compter de 62 ans.
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