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L’épargne retraite, cinq ans après l’adoption de la loi PACTE

Epargne 13 mai 2024

Interview de Christian Borsoni
 Directeur général d’ARIAL CNP ASSURANCES

En tant que directeur général d’ARIAL CNP ASSURANCES, quel est votre regard sur l’épargne retraite, cinq ans après l’adoption de la loi PACTE ?

La loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « Loi PACTE », entrée en vigueur en octobre 2019, est venue rapprocher les univers, jusque-là étanches, de l’assurance et de l’épargne salariale. Assureurs et teneurs de comptes en épargne salariale distribuent désormais le même produit retraite : le Plan d’Épargne Retraite d’entreprise. Ce nouveau produit, dédié à la constitution d’une retraite supplémentaire par la voie collective de l’entreprise, peut être alimenté à la fois par les versements volontaires des salariés-épargnants, par les cotisations obligatoires de l’employeur (auparavant versées dans les régimes dits « article 83 »), et par les flux d’épargne salariale (auparavant versés dans les PERCO).

La création de ce produit de retraite unique a permis d’harmoniser des modes de fonctionnement disparates tout en offrant de nombreux nouveaux avantages :

  • Un produit plus portable : l’épargne est intégralement portable d’un produit à l’autre, d’une entreprise à l’autre, afin de s’adapter à l’évolution des parcours professionnels ;
  • Un produit plus souple : au moment du départ en retraite, l’épargne volontaire et salariale peut être librement retirée en rente ou en capital. Avant le départ en retraite, la sortie pour achat de la résidence principale est possible ;
  • Une offre plus simple : tous les produits individuels et collectifs sont remplacés par un produit unique. Les règles de fonctionnement et de fiscalité des produits sont harmonisées ;
  • Une épargne mieux investie : la gestion pilotée par défaut permet d’offrir de meilleures perspectives de rendement aux épargnants et des financements plus abondants aux entreprises ;
  • Une fiscalité harmonisée et attractive : la possibilité de déduire les versements volontaires de l’assiette de l’impôt sur le revenu est généralisée à tous les produits d’épargne retraite, y compris au PERCO, dans la limite des plafonds existants.

Ce nouveau PER a clairement été adopté par le marché : à fin 2023, les PER d’entreprise regroupent 43 milliards d’euros d’encours, dont 23 milliards d’euros pour les PERECO et 19,5 milliards d’euros pour les PERO assurantiels.

De nombreuses entreprises ont saisi cette opportunité pour « harmoniser » leur dispositif de retraite supplémentaire assurantielle et leur dispositif de retraite en épargne salariale. En unifiant leurs dispositifs d’épargne collective, les employeurs saisissent l’occasion d’apporter à leurs salariés une vision commune de leur épargne d’entreprise (retraite, plan d’épargne entreprise) avec une plateforme digitale unique regroupant tous les comptes de leurs salariés.

Si la loi PACTE a modifié le paysage de l’épargne retraite, elle ne l’a pas pour autant élargi. Les dispositifs de retraite supplémentaire restent essentiellement mis en place par les grandes entreprises.

ARIAL CNP ASSURANCES est devenue au mois d’octobre 2022, un Fonds de Retraite Professionnelle Supplémentaire (FRPS). Pour la gestion des produits d’épargne retraite, quels sont les avantages de cette transformation ?

La loi « Sapin II » du 9 décembre 2016 a lancé la mise en œuvre des Fonds de Retraite Professionnelle Supplémentaire (FRPS), ayant pour objet la couverture d’engagements de retraite professionnelle supplémentaire.

ARIAL CNP ASSURANCES, compagnie d’assurances entièrement dédiée à la gestion de contrats de retraite supplémentaire, a effectivement décidé de se transformer en FRPS dès 2022.

Cette transformation permet non seulement de se conformer à l’obligation de cantonnement des produits PER d’entreprise instaurés par la Loi PACTE tout en bénéficiant d’un traitement réglementaire plus favorable à la gestion à long terme du fonds en euros.

En effet, dans le cadre d’un FRPS, les engagements en euros sont investis dans des supports en euros dédiés aux engagements de retraite, permettant une meilleure adéquation entre la nature des engagements et la rémunération de l’actif en euros [durée, coût en capital…] ainsi qu’un regroupement des engagements de même nature afin de les protéger des effets d’une mutualisation trop forte avec des risques de nature et de durée différentes.

Autre avantage, les FRPS sont placés sous un régime prudentiel proche de Solvabilité 1 en matière d’immobilisation de fonds propres, approche simplifiée suivant la nature de l’engagement (Euro ou UC).

L’épargne retraite collective (PERECO et PERO) demeure encore trop circonscrite aux grandes entreprises. Quels sont, à votre avis, les moyens pour en faciliter sa diffusion au sein d’un plus grand nombre d’entreprises ?

Effectivement, selon la DREES, en 2018, 6 % des entreprises de 10 à 49 salariés ont souscrit à un contrat à cotisations définies, contre 30 % des entreprises de 1 000 salariés ou plus. Ce constat n’a pas été modifié depuis la mise en œuvre des « produits PACTE ».

Du côté de la demande (entreprises), la législation favorise, voire contraint, l’utilisation des dispositifs d’épargne salariale (PEE). Cependant, la mise en place d’un régime de retraite supplémentaire par les entreprises reste toujours facultative.

À noter qu’à partir du 1er janvier 2025, les entreprises de 11 à 49 salariés seront dans l’obligation, sous certaines conditions, de mettre en place un dispositif de partage de la valeur. Lorsque ce dispositif prendra la forme d’une prime, celle-ci pourra, au choix du titulaire, être placée dans un Plan d’Épargne Retraite, au même titre que l’intéressement et la participation.

Ce type de disposition sera vraisemblablement de nature à augmenter l’équipement des PME, mais l’adoption par un grand nombre d’entre elles ne pourra intervenir qu’à la faveur d’une obligation de mise en place ou une plus grande incitation fiscale. À défaut, les entreprises continueront de privilégier le PEE, c’est-à-dire une épargne d’entreprise de moyen terme, aux dépens des dispositifs de retraite.

Du côté de l’offre (assureurs et FRPS), la distribution à des PME, voire des TPE, répond à des schémas très différents de ceux des grandes entreprises, car elle nécessite de disposer d’outils et de processus de vente et d’après-vente 100 % digitalisés et industrialisés, sur un marché où les marges sont plutôt faibles.

La vente à distance de ce type de produit auprès des entreprises soulève par ailleurs encore quelques difficultés :

  • Juridiques tout d’abord pour protéger les entreprises et éviter les ventes abusives ;
  • Également culturelles, les responsables des entreprises privilégiant encore les interactions physiques avec un conseiller.

Ainsi, couvrir les petites et moyennes entreprises nécessite encore de disposer – en direct ou via un partenaire – d’un réseau de distribution de proximité important.

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